CA Versailles, ch. civ. 1-2, 11 mars 2025, n° 23/03596
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Franfinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Vice-président :
Mme Paccioni
Conseiller :
Mme Thivellier
Avocats :
Me Baudin, Me Cartier, Me Boulaire, SELARL Boulaire
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er août 2016, Mme [L] [F] née [H] a passé commande pour un montant total de 18 900 euros, auprès de la SARL DBT pour la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque, prévoyant un mode de paiement à crédit.
Le même jour, Mme [F] et M. [I] [F] ont souscrit un prêt affecté aux fins de financement de cet achat auprès de la SA Franfinance pour un montant total de 18 900 euros remboursable en 168 mensualités de 168,01 euros incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 5,75 %.
Par jugement du 10 octobre 2019, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société DBT et a désigné la SCP [E] [C] & A. [K] en qualité de mandataire.
Par actes de commissaire de justice des 27 novembre et 2 décembre 2019, M. et Mme [F] ont fait citer la société DBT, prise en la personne de son mandataire judiciaire la société [E] [C] & A. [K] et la société Franfinance aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- prononcer la nullité du contrat de vente,
- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté,
- condamner la société DBT à leur restituer l'intégralité du prix de vente à savoir la somme de 18 900 euros,
- condamner la société Franfinance à leur payer les sommes suivantes :
* 18 900 euros correspondant au prix de vente de l'installation photovoltaïque,
* une somme à parfaire correspondant aux frais et intérêts conventionnels du prêt affecté,
* 10 000 euros au titre de l'enlèvement desdits panneaux et de la réfaction du toit, évaluation qui sera faite de manière plus précise et sur devis en cours de procédure,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que la société Franfinance sera privée de sa créance de restitution du capital emprunté,
- condamner in solidum la société DBT et la société Franfinance aux dépens.
Par jugement du 8 octobre 2020, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif.
Par ordonnance du 1er mars 2022, le tribunal de commerce de Marseille a désigné Me [E] [C] de la société [E] [C] & A. [K], en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter la société DBT dans le cadre de la présente instance.
Par acte du 5 mai 2022, M. et Mme [F] ont assigné en intervention forcée Me [E] [C] en qualité de mandataire ad hoc de la société DBT dans laquelle ils reprenaient les demandes figurant dans leur assignation initiale, si ce n'est qu'ils abandonnent toutes les demandes faites à l'encontre de la société DBT.
Par jugement réputé contradictoire du 15 décembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
- ordonné la jonction entre les procédures enregistrées sous le n° RG20-183 et 22-405,
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 1er août 2016 entre Mme [F] et la société DBT,
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 1er août 2016 entre M. et Mme [F] et la société Franfinance,
- condamné in solidum M. et Mme [F] à payer à la société Franfinance la somme de 18900 euros au titre du capital prêté,
- condamné la société Franfinance à rembourser à M. et Mme [F] l'ensemble des échéances versées au titre du contrat de crédit,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Franfinance aux dépens,
- condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 2 juin 2023, M. [F] et Mme [H] épouse [F] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 1er mars 2023, M. et Mme [F], appelants, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 1er août 2016 entre Mme [F] et la société DBT,
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 1er août 2016 avec et la société Franfinance,
- condamné la société Franfinance à leur rembourser l'ensemble des échéances versées au titre du contrat de crédit,
- condamné la société Franfinance aux dépens,
- condamné la société Franfinance à leur payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus en ce qu'il':
* les a condamnés in solidum à payer à la société Franfinance la somme de 18 900 euros au titre du capital prêté,
* a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- déclarer la société Franfinance irrecevable en son appel incident tendant à l'infirmation du jugement rendu le 15 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Puteaux (RG': 11-20-000183) en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et du prêt,
- si la nullité du contrat de vente sur le fondement de la violation des dispositions du code de la consommation devait être infirmée par la cour, prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société DBT, pour cause de dol,
- constater que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds à leur préjudice, et doit alors être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'intégralité des sommes versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- condamner la société Franfinance à leur régler l'intégralité des sommes suivantes :
* 18'900 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
* 3'443,32 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais à la société Franfinance en exécution du prêt souscrit,
* 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société Franfinance de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions contraires,
- condamner la société Franfinance à supporter les dépens de l'instance.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 décembre 2023, la société Franfinance, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel incident et bien fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
Y faisant droit, à titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux (RG : 11-20-000183) en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et du prêt,
Statuant à nouveau,
- débouter de l'ensemble de leurs demandes,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et du prêt,
- confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux (RG : 11-20-000183) en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [F] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter M. et Mme [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou la réduire à de plus justes proportions leur demande,
- condamner in solidum M. et Mme [F] à leur payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. et Mme [F] aux dépens d'appel au profit de Me Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté
Moyens des parties
La société Franfinance fait grief au premier juge d'avoir annulé les contrats de vente et de crédit affecté motifs pris de ce que le bon de commande ne répond pas aux exigences du code de la consommation en ce qu'il est imprécis concernant la description des matériels vendus puisqu'il ne précise ni la marque des panneaux ni celle de l'ondulateur.
Formant appel incident de ce chef du jugement, la société Franfinance fait valoir à hauteur de cour que :
- les appelants n'expliquent pas en quoi les caractéristiques omises auraient pu déterminer leur consentement non plus que le préjudice causé par ces omissions,
- les prétendues causes de nullité ont été couvertes par les appelants qui ont exécuté le contrat en connaissance de cause des nullités : ils l'ont autorisée à prélever les mensualités du prêt qu'ils ont remboursé intégralement par anticipation au mois de juin 2019, et n'ont jamais émis la moindre récrimination auprès du vendeur.
Les époux [F], poursuivant la confirmation de l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, font valoir à hauteur de cour au soutien de leurs prétentions :
- le bon de commande ne répond pas aux exigences du code de la consommation en ce qu'il ne précise pas la marque, le nombre, la dimension, le poids, la surface occupée par les panneaux, non plus que la marque de l'onduleur, les caractéristiques d'intégration au bâti, le prix unitaire des biens commandés, la ventilation du coût des biens et du coût de la main-d'oeuvre, la prise en charge ou non des frais de raccordement, le délai précis et les modalités de livraison des biens et des prestations de service, le nom de l'organisme emprunteur, le coût total de l'assurance emprunteur, les informations prescrites par le code de la consommation concernant le médiateur de la consommation,
- le contrat de vente encourt, en outre, l'annulation sur le fondement du dol, les manoeuvres dolosives consistant en une promesse de rentabilité et d'autofinancement de l'installation qui n'a pas été tenue,
- les nullités n'ont pas été couvertes, dès lors qu'ils n'ont pas eu connaissance de ces irrégularités, étant précisé que la reproduction des dispositions du code de la consommation sur le bon de commande ne permet pas aux acquéreurs d'avoir connaissance des vices affectant le bon de commande,
- la nullité du contrat de vente entraîne ipso facto celle du contrat de crédit affecté.
Réponse de la cour
Il n'est pas discuté que le contrat principal est soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
Le contrat de vente souscrit le 1er août 2016 est donc soumis aux dispositions du code de la consommation, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile est soumis aux dispositions en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016,
Le contrat de crédit affecté conclu le même jour est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
L'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose:
'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5".
L'article L. 242-1 du même code précise que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
L'article L. 221-5 du même code dispose :
' Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire'.
L'article L.111-1 du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2. Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3. En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4. Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5. S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6. La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés à l'article R111-1 du même code.
En l'espèce, le bon de commande en litige signé le 1er août 2016 porte sur 'un kit injection au réseau avec onduleur intégré toiture, 3KW, pour un prix de 18 900 euros toutes taxes comprises'.
Le bon de commande est donc particulièrement lacunaire et imprécis, puisqu'il ne précise même pas la marque des panneaux photovoltaïques.
Or la marque est, en effet, une caractéristique essentielle pour le consommateur qui lui permet d'être renseigné sur les performances du produit offert à la vente et de faire des comparaisons avec des produits d'autres marques.
Pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par les époux [F] concernant les irrégularités affectant le bon de commande, le contrat de vente encourt la nullité, étant relevé que ces irrégularités, dès lors qu'elles portent sur les caractéristiques essentielles des biens vendus, ont été déterminantes du consentement des acquéreurs et leur ont causé un préjudice en les privant de la faculté de faire des comparaisons avec des matériels d'autres marques.
C'est en vain que la société Franfinance prétend que les nullités entachant le bon de commande ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat par les époux [F].
En effet, il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
En l'espèce, la preuve de la connaissance des irrégularités n'est pas établie, la reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur avait déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation étant insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (Cass, 1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n°21-20.691).
Le seul fait que les époux [F] aient laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'ils ont eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande de nullité à raison du prétendu dol commis par la société venderesse.
L'annulation du contrat de vente entraîne, ipso facto, celle du contrat de crédit affecté.
En effet, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
II) Sur la demande de remboursement du capital emprunté et les demandes indemnitaires des époux [F]
Moyens des parties
Les époux [F] font grief à la banque de les avoir déboutés de leur demande visant à voir priver la société Franfinance de sa demande de restitution du capital emprunté au motif qu'ils ne démontraient pas avoir subi un préjudice en lien avec la faute de la banque.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, ils sollicitent la condamnation de la société Franfinance à leur payer :
* 18 900 euros correspondant au prix de vente de l'installation photovoltaïque,
* une somme à parfaire correspondant aux frais et intérêts conventionnels du prêt affecté,
* 10 000 euros au titre de l'enlèvement desdits panneaux et de la réfaction du toit, évaluation qui sera faite de manière plus précise et sur devis en cours de procédure,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral.
Au soutien de ces prétentions, ils font valoir que :
- la banque a commis une faute en libérant hâtivement les fonds sans avoir au préalable vérifié la régularité du bon de commande et s'être assurée de la bonne et entière exécution de la prestation,
- ces fautes leur ont causé un préjudice consécutif au fait qu'ils n'ont pas été correctement informés sur les biens et prestations vendus, qu'ils ont été induits en erreur par le vendeur sur la rentabilité de l'installation, et ont dû de ce fait rembourser un crédit inutile, et qu'ils ne pourront jamais récupérer le prix de vente de l'installation en raison de la déconfiture de la société venderesse.
La société Franfinance de répliquer que les époux [F] doivent être condamnés à lui restituer le capital emprunté dès lors que :
- elle n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande, dès lors que ce bon de commande répond aux exigences du code de la consommation et qu'elle n'a aucune obligation de vérifier le formalisme de la vente,
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de la vente, dans la mesure où il ne lui incombait pas de s'assurer de la mise en service de l'installation, et les fonds ont été débloqués au vu d'une attestation de travaux signée par l'emprunteur, attestant de leur bon achèvement, et l'installation a bien été mise en service et permet aux époux [F] de vendre leur production électrique,
- les époux [F] ne justifient d'aucun préjudice en lien causal avec les fautes qu'ils lui reprochent, dans la mesure où l'installation a été mise en service et fonctionne régulièrement, dans la mesure où elle n'est nullement responsable de la liquidation judiciaire du vendeur, et où les époux [F] sont responsables de leur propre préjudice ayant attendu trois ans avant d'assigner leur vendeur et la banque, faisant ainsi preuve d'une négligence fautive,
- la réparation doit, en tout état de cause, être proportionnée au préjudice subi, et ne peut donc être équivalente à la totalité des sommes prêtées,
- les demandes de dommages et intérêts des époux [F] ne sont pas fondées : les époux [F] ne peuvent demander à la fois le remboursement du capital emprunté et sa privation de la restitution de ce capital, une telle solution se soldant par un enrichissement sans cause des acquéreurs et par un double paiement de la banque de la somme de 18 900 euros à la venderesse puis aux acquéreurs, le préjudice moral n'est point démontré, non plus que la nécessité de démonter l'installation litigieuse qui est en parfait état de fonctionnement.
Réponse de la cour
Suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
Dans la logique de l'opération commerciale unique prévue par l'article L. 311-1 11° du code de la consommation et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité comme le réaffirme de manière constante la Cour de cassation (notamment Civ. 1ère, 26 septembre 2018, n°17-14.951, Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°18-26-189, Civ. 1ère, 22 septembre 2021 n°19-21.968), y compris lorsque le contrat de prêt a été annulé.
Ainsi, en ne vérifiant pas la régularité formelle du bon de commande au regard des dispositions impératives du code de la consommation dont les irrégularités relevées ci-dessus étaient manifestes et aisément identifiables par un professionnel comme la société Franfinance, et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul, la banque intimée a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.
M. et Mme [F] doivent, après avoir démontré l'existence de fautes commises par la banque, également rapporter la preuve qu'il en est résulté pour eux un préjudice en lien causal avec les fautes commises.
Il n'est pas justifié, ni même allégué, que l'installation ne fonctionne pas, de même que M. et Mme [F] ne justifient pas des rendements de leur installation et du manque d'efficacité de la centrale photovoltaïque, ni qu'ils seraient sans rapport avec la rentabilité attendue.
En revanche, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire. A fortiori lorsque, comme en l'espèce, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.
En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.
D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il s'ensuit que les emprunteurs ont subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [F] à rembourser à la société Franfinance la somme de 19 800 euros correspondant au capital prêté, étant relevé que la demande subsidiaire en réduction du montant du préjudice, non reprise dans le dispositif, ne peut prospérer, dans la mesure où le matériel que les emprunteurs pourraient conserver malgré l'annulation des contrats, n'est plus leur propriété, de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de sa valeur ni de subordonner la privation de la banque de la restitution du capital à la non-restitution du matériel et qu'en outre, et comme il a été dit ci-avant, les emprunteurs justifient d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque.
Le fait de dispenser l'emprunteur du remboursement du capital emprunté n'emporte aucun enrichissement injustifié au profit de ce dernier dès lors que les fonds ont directement été versés entre les mains du vendeur, que celui-ci n'a pas vocation à les récupérer suite à l'annulation des contrats, et que l'installation litigieuse doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation, comme il a été dit ci-avant.
Le préjudice en lien causal avec la faute étant caractérisé, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de l'emprunteur ne peut prospérer.
L'historique du dossier - pièce n°6- produit par la société Franfinance permet de constater que les époux [F] ont remboursé à la société Franfinance, la somme totale de 22 349,91 euros, au titre du prêt qui leur a été consenti, si bien qu'ils sont fondés à solliciter que cette dernière soit condamnée à leur restituer la somme de 18 900 euros, correspondant au capital emprunté, outre la somme de 3 449, 91 euros, ramenée à 3 443, 32 euros compte tenu de la demande des époux [F], au titre des intérêts et des frais.
Les époux [F] sollicitent, en outre, une indemnité de 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de leur toiture.
Cette demande, qui n'est étayée par aucun devis, n'est pas justifiée, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [F] de cette prétention indemnitaire.
Enfin, M. et Mme [F] ne justifient pas, non plus, d'un préjudice moral en lien avec la faute commise par la banque. Leur demande en paiement de dommages et intérêts formée de ce chef - 5 000 euros - doit être rejetée, le jugement entrepris, qui les a déboutés de cette demande, étant également confirmé de ce chef.
III) Sur les dépens
La société Franfinance, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement, dans les limites de l'appel :
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à Mme [L] [F], née [H], et M. [I] [F] les échéances réglées au titre du contrat de crédit, débouté Mme [L] [F], née [H], et M. [I] [F] de leur demande visant à voir priver la société Franfinance de sa demande de restitution, et condamné in solidum Mme [L] [F], née [H], et M. [I] [F] à payer à la société Franfinance la somme de 18 900 euros au titre du capital prêté ;
Statuant à nouveau sur ces chefs,
Rejette la demande en restitution du capital prêté formée par la société Franfinance ;
Condamne la société Franfinance à payer à Mme [L] [F], née [H], et M. [I] [F] la somme de 18 900 euros, outre celle de 3 443, 32 euros, à titre de dommages et intérêts ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Déboute la société Franfinance de ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Franfinance à payer à Mme [L] [F], née [H], et à M. [I] [F], une indemnité de 3 000 euros;
Condamne la société Franfinance aux dépens de la procédure d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.