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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 mars 2025, n° 23/02703

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Mars (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohee

Avocats :

Me Herman, Me de Mitry, Me Oudinot, Me Regnier

TJ Paris, 3e ch. 1re sect., du 16 juin 2…

16 juin 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [G] a élaboré, dans les années 1970, une méthode utilisée dans le management des entreprises, basée sur la théorie des « préférences cérébrales des personnes ». Cette méthode repose sur un test psychologique dénommé « [G] Brain Dominance Instrument » (HBDI) dont les réponses sont analysées grâce à un algorithme et divers outils d'évaluation, notamment l'outil « Whole Brain ». Elle vise à identifier les modes préférentiels de traitement de l'information des individus, afin d'établir des profils individuels et des profils d'équipes. Cette méthode serait aujourd'hui utilisée par les services de ressources humaines de nombreuses sociétés à travers le monde (GENERAL ELECTRIC, la NASA, PFIZER, COCA-COLA, DELL').

Cette méthode a été exploitée dès le début des années 1980 par la société américaine APPLIED CREATIVE SERVICES, fondée par [F] [G] en 1982. Cette société est devenue titulaire de l'ensemble des intérêts, titres et droits de [F] [G] sur la solution HBDI, en vertu d'un contrat de cession en date du 17 décembre 1992.

En janvier 1994, la société APPLIED CREATIVE SERVICES a été absorbée par la société THE [F] [G] GROUP, créée le 27 juillet 1993, et renommée [G] INTERNATIONAL (ci-après, la société HI) en avril 2011. Elle est aujourd'hui présidée par le petit-fils de [F] [G].

La société française [G] INTERNATIONAL EUROPE (ci-après, la société HIE), dénommée à l'origine INSTITUT [G] FRANCE EUROPE (IHFE), fondée en décembre 1987 à l'initiative notamment de [F] [G], de sa fille [W] [G], de son gendre [R] [N] [L], et de [T] [P] et [J] [Z], a pour activité déclarée le développement en Europe de produits de formation basés sur les recherches de [F] [G] sur le fonctionnement cérébral. Elle exerce son activité sous l'enseigne « Institut [G] ». Elle exploite en Europe le HBDI et la technologie « Whole Brain ».

Selon l'article 24 de ses statuts dans leur version de 1987, une somme de 50 francs par « profil » était affectée par cette société à titre de « recherche et développement » et directement versée à [F] [G] chaque fin d'année. Dans les statuts mis à jour le 15 février 2007, cet article 24 prévoyait qu'« une participation au titre de la recherche et développement sera versée à [G] INTERNATIONAL USA. Son montant fera l'objet d'une convention entre les deux sociétés ». Aucune convention n'a cependant jamais été conclue à ce titre. L'article 25 des statuts, inchangé en 2007, indiquait que le formulaire de participation à l'étude [G] et son système de traitement étaient la propriété de [F] [G], l'IHFE ayant pour tâche d'en assurer l'exploitation en France et en Europe.

M. [T] [P], qui était le directeur général de la société HIE, en est devenu le président en 1996. [F] [G] et les époux [L]-[G] sont devenus actionnaires et administrateurs de cette société lors de sa création ; les époux [L]-[G] sont restés administrateurs jusqu'en 2016.

La société HIE a procédé, le 5 décembre 1989, au dépôt de trois marques françaises qui ont été ensuite régulièrement renouvelées, pour désigner des produits et services des classes 16, 28, 35, 38, 41 et 42 :

la marque verbale « DOMINANCES CEREBRALES [G] » n°1578776 (ci-après, la marque 776) ;

la marque semi-figurative n°1578793 (ci-après, la marque 793) :

la marque verbale française « PROFIL DE PREFERENCES CEREBRALES [G] » n°1578224 (ci-après, la marque 224).

Par courrier du 5 septembre 1995, M. [F] [G], agissant comme président du conseil de la société THE [F] [G] GROUP (aujourd'hui HI), a indiqué à M. [P] (IHFE, aujourd'hui HIE) que les « redevances » précédemment payées à APPLIED CREATIVE SERVICES et [F] [G] devaient désormais être réglées à la société THE [F] [G] GROUP (précédemment APPLIED CREATIVE SERVICES), laquelle déclarait accepter le paiement des redevances des années précédentes avec un décalage de deux années, de sorte que les paiements de 1995 reflèteront le montant dû pour 1992.

M. [F] [G] est décédé en 1999.

La société HIE expose qu'en 2001, elle a mis en ligne un site Internet accessible à l'adresse www.[09].com, avec des versions en anglais, néerlandais, danois, polonais, correspondant aux territoires européens sur lesquels elle était particulièrement implantée (France, Benelux, Suisse, Danemark, Royaume-Uni et Pologne). Ce site proposait des formations et donnait accès aux technologies « Whole Brain » et « HBDI ».

À partir du début des années 2000, la société HIE a déposé de nouvelles marques :

la marque semi-figurative française :

n°3209319 (ci-après, la marque 319), le 12 février 2003, laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9, 35 et 41 ;

la marque semi-figurative française :

n°3209322 (ci-après, la marque 322), le 12 février 2003, laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9, 35 et 41 ;

la marque verbale française « [G] INTERNATIONAL EUROPE » n°3537272 (ci-après, la marque 272), déposée le 12 janvier 2007 laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 28, 35, 38, 41 et 42 ;

la marque verbale de l'Union européenne « WHOLE BRAIN MANAGEMENT » n°9397175 (ci-après, la marque 175), déposée le 23 septembre 2010 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 41 et 42 ;

la marque verbale de l'Union européenne « WHOLE BRAIN MODEL » n°9397159 (ci-après, la marque 159), déposée le 23 septembre 2010 laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 41 et 42 ;

la marque verbale de l'Union européenne « WHOLE BRAIN LEADERSHIP » n°13064647 (ci-après, la marque 647), déposée le 8 juillet 2014 laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 41 et 42 ;

la marque verbale internationale désignant l'Union européenne « HBDI JUNIOR » n°1258309 (ci-après, la marque 309), déposée le 9 juin 2015, et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 41 et 42 ;

la marque verbale de l'Union européenne « HBDI STUDENT » n°14580112 (ci-après, la marque 112), déposée le 22 septembre 2015, laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 16, 35 et 41 ;

la marque verbale de l'Union européenne « HBDI » n°17047606 (ci-après, la marque 606), déposée le 28 juillet 2017, laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9 et 41 ;

la marque verbale de l'Union européenne « WHOLE BRAIN TECHNOLOGY » n°17050386 (ci-après, la marque 386), déposée le 28 juillet 2017, laquelle a été enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9, 35, 41 et 42.

La société de droit américain [G] GLOBAL (ci-après, la société HG), filiale détenue à 100 % par la société HI, a été constituée le 28 décembre 2011, son agent agréé étant Mme [W] [G]-[L].

À partir de 2006, la société THE [F] [G] GROUP puis la société HG ont déposé des marques comportant les termes HBDI, [G], WHOLE BRAIN.

Par décision écrite des actionnaires et du conseil d'administration de la société HI en date du 1er janvier 2012, les actifs de propriété intellectuelle de cette société, en ce compris diverses marques [G] et le contrat de licence portant sur les services et matériels du HBDI au bénéfice de la société HIE « située en France avec un territoire géographique de plusieurs pays européens, à un taux de redevance de 7 % du chiffre d'affaires payé trimestriellement », ont été transférés à la société HG.

Les sociétés HI et HG soutiennent ainsi que la société HIE était contractuellement liée à la société HI par un contrat de licence portant sur le savoir-faire, le logiciel, les droits d'auteur "copyright" et les marques en lien avec l'invention de [F] [G], le contrat de licence ayant ensuite été transféré à la société HG. Elles exposent que la société HIE, qui avait payé des redevances pour leur exploitation depuis plusieurs années, a décidé à compter de 2012 de ne plus procéder qu'au paiement partiel de ces redevances.

L'existence de la licence est contestée par la société HIE qui oppose qu'elle a été fondée par [F] [G] qui lui a consenti une exclusivité pour l'exploitation de sa méthode en Europe, sans qu'aucune contrepartie financière, autre que la somme de 50 francs due au titre de la R&D, soit prévue.

Le 31 décembre 2014, la société HI a proposé à M. [P] de racheter ses parts dans la société HIE. Il n'a pas été donné suite à cette offre.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 octobre 2015, le conseil de la société HG a mis en demeure la société HIE de payer des arriérés de redevances impayées au titre des exercices 2009, 2010 et 2011. La société HIE a répondu le 19 octobre 2015 en contestant devoir des redevances à la société HG.

Par ordonnance du 20 janvier 2016, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 23 février 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles, saisi par M. [R] [L] et Mme [W] [G]-[L], qui se prévalaient de fautes de gestion de M. [T] [P] commises en sa qualité de président de la société HIE, a notamment dit n'y avoir lieu à la désignation d'un administrateur provisoire de cette société.

Le 3 juillet 2017, les sociétés HI et HG ont porté plainte, devant le tribunal de district occidental de la Caroline du Nord (Etats-Unis), contre la société HIE, afin notamment qu'il lui soit fait interdiction de faire usage des marques [G], de leurs copyrights et secrets d'affaires et d'obtenir le transfert de toutes marques et de tous noms de domaine de nature à créer la confusion avec les marques [G]. Les sociétés HI et HG exposent que, par jugement du 6 mars 2021, cette juridiction a reconnu que les marques et l'ensemble des droits de propriété intellectuelle en lien avec la solution HBDI étaient la propriété de la société HG.

Par arrêt du 17 décembre 2019, la cour d'appel de Versailles, infirmant un jugement rendu le 4 avril 2018 par le tribunal de commerce de Versailles, a notamment, sur une demande en paiement des redevances formée contre la société HIE :

dit que le transfert au profit de la société HG à compter du 1er janvier 2012 du contrat de licence portant sur le système HBDI était opposable à la société HIE,

rejeté la demande de nullité du contrat de licence pour défaut d'autorisation préalable du conseil d'administration de la société HIE,

condamné la société HIE à payer à la société HI 162 164,05 US dollars et à la société HG 401 403,65 US dollars au titre des redevances impayées, pour la première, de 2008 à 2011, et, pour la seconde, de 2012 à 2016.

Par un arrêt du 18 janvier 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision par la société HIE.

Antérieurement, le 22 février 2019, la société HIE a formé devant l'EUIPO des actions en nullité de l'enregistrement de plusieurs marques désignant l'Union européenne de la société HG déposées en mai 2006, août 2009, septembre 2011, septembre 2017 et janvier 2018.

L'EUIPO a suspendu les actions en nullité en raison des demandes reconventionnelles formées dans le cadre de la présente instance par la société HG en revendication des marques de la société HIE opposées à titre d'antériorités. Par décision du 19 octobre 2020, l'EUIPO a cependant annulé l'enregistrement d'une marque internationale visant l'UE « [G] » n° 887264 déposée par la société HG le 26 mai 2006.

Faisant valoir que les sociétés HI et HG s'étaient mises à démarcher, dès 2017, ses clients européens et qu'à travers son site Internet accessible à l'adresse www.[010].com, la société HI disposait de structures proposant ses produits et services en France et dans des pays de l'Union européenne (Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Autriche et Danemark), la société HIE, estimant que de tels comportements étaient constitutifs de contrefaçon de ses marques et de concurrence déloyale, a fait assigner ces deux sociétés, par exploits d'huissier du 1er mars 2019, devant le tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire) de Paris.

Par assignation du 8 novembre 2019, la société HG a fait citer la société HIE devant le même tribunal, en revendication, pour dépôt frauduleux, de la marque française semi-figurative 793.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société HIE, désignant la SELARL MARS, prise en la personne de Me [Y] [A], en qualité de mandataire judiciaire, et la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [Y] [D], en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde.

M. [P] est décédé en 2021.

Par jugement rendu le 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris :

a débouté la société HG de sa demande en revendication des marques françaises 776, 793, 224, 319 et 322,

a ordonné au profit de la société HG le transfert de la propriété de la marque française 272 et des marques de l'Union européenne « WHOLE BRAIN MANAGEMENT » 175, « WHOLE BRAIN MODEL » 159, « WHOLE BRAIN LEADERSHIP » 647, « HBDI STUDENT » 112, « HBDI » 606, « WHOLE BRAIN TECHNOLOGY » 386 et de la marque verbale internationale désignant l'Union européenne « HBDI JUNIOR » 309,

a ordonné l'inscription de ces transferts aux registre français et européen des marques à la demande de la partie la plus diligente,

a dit que la société HI a commis des actes de contrefaçon des marques françaises 776, 224 et 319,

a dit que la société HG a commis des actes de contrefaçon des marques françaises 776, 224, 319 et 322,

a fait interdiction aux sociétés HI et HG d'utiliser, reproduire et faire la promotion, en France, sur quelque support que ce soit, des signes « [G] », « WHOLE BRAIN » et « HBDI »,

a condamné la société HI à payer à la société HIE 12.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon des marques françaises 776, 224 et 319,

a condamné la société HG à payer à la société HIE 16.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon des marques françaises 776, 224, 319 et 322,

a rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale,

a dit n'y avoir lieu à publication du jugement,

a condamné in solidum les sociétés HI et HG aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me REGNIER, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

a condamné in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, sauf en ce qui concerne l'inscription du transfert de propriété des marques 272, 175, 159, 647, 309, 112 et 386.

Les sociétés HG et HI ont interjeté appel de ce jugement le 31 janvier 2023.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 4, transmises le 4 novembre 2024, les sociétés HG et HI, appelantes et intimées incidentes, demandent à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

ordonné au profit de la société HG le transfert de la marque française n° 3537272, des marques de l'Union européenne n°9397175, n°9397159, n°13064647, n°14590112, n°17047606, n°17050386, et de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1258309 ;

rejeté les demandes formées par la société HIE au titre de la concurrence déloyale ;

infirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté la société HG de sa demande en revendication des marques françaises n° 1578776, n° 1578793, n° 1578224, n° 3209319 et n° 3209322;

dit que la société HI a commis des actes de contrefaçon des marques françaises n° 1578776, n° 1578224 et n° 3209319 ;

dit que la société HG a commis des actes de contrefaçon des marques n° 1578776, n° 1578224, n° 3209319 et n° 3209322 ;

fait interdiction aux sociétés HI et HG d'utiliser, de reproduire, de faire la promotion, en France, sur quelque support que ce soit, des signes "[G]", "WHOLE BRAIN" et "HBDI" ;

condamné la société HI à payer à la société HIE 12.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques françaises n° 1578776, n° 1578224 et n° 3209319 ;

condamné la société HG à payer à la société HIE 16.000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon des marques françaises n°1578776, n°1578224, n° 3209319 et n° 3209322 ;

condamné in solidum les sociétés HI et HG aux dépens de première instance;

condamné in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

faire droit à la demande de la société HG en revendication des marques françaises n° 1578776, n° 1578793, n° 1578224, n° 3209319 et n° 3209322 ;

ordonner au profit de la société HG le transfert de ces marques ;

ordonner l'inscription de ces transferts au registre français des marques à la demande de la partie la plus diligente ;

débouter la société HIE de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société HIE à payer à chacune des sociétés HI et HG la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société HIE aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 4, transmises le 28 novembre 2024, la société HIE, la SELARL AJRS et la SELARL MARS, en qualité respectivement d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et de mandataire judiciaire, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté la société HG de sa demande en revendication des marques françaises n°1578776, n°1578793, 1578224, 3209319 et 3209322,

dit que la société HI a commis des actes de contrefaçon des marques françaises n° 1578776, 1578224 et 3209319,

dit que la société HG a commis des actes de contrefaçon des marques françaises n° 1578776, 1578224, 3209319 et 3209322,

fait interdiction aux sociétés HI et HG d'utiliser, reproduire et faire la promotion, en France, sur quelque support que ce soit, des signes "[G]", "WHOLE BRAIN" et "HBDI",

condamné in solidum les sociétés HI et HG aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Damien REGNIER, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

condamné in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'infirmer pour le surplus.

et statuant à nouveau,

juger prescrites ou mal fondées les demandes de transfert de la propriété de la marque française nº3 537 272 et des marques de l'Union européenne WHOLE BRAIN MANAGEMENT n°9 397 175, WHOLE BRAIN MODEL n°9 397 159. WHOLE BRAIN LEADERSHIP n°13 064 647, de la marque verbale internationale désignant l'Union européenne HBDI JUNIOR n°1 258 309, de la marque de l'Union européenne HBDI STUDENT n°1 4580 112, de la marque de l'Union européenne HBDI n°17 047 606 et de la marque de l'Union européenne WHOLE BRAIN TECHNOLOGY n°17050386,

juger qu'en ayant fait usage sur site internet à l'adresse www.[010].com du signe [G], tout en mentionnant sur ce même site internet qu'elle dispose d'implantations en France, la société HI a commis des actes de contrefaçon de marques à l'encontre de la société HIE, titulaire et propriétaire de la marque française [G] INTERNATIONAL EUROPE n° 3 537 272,

juger qu'en ayant fait usage sur son site internet à l'adresse www.[010].com des signes WHOLE BRAIN et HBDI, tout en mentionnant sur ce même site internet qu'elle dispose d'implantations en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche et au Danemark, la société HI a commis des actes de contrefaçon de marques à l'encontre de la société HIE, titulaire et propriétaire des marques de l'Union européenne ou internationale visant l'Union européenne WHOLE BRAIN MANAGEMENT n° 9397175, WHOLE BRAIN MODEL n° 9397159, HBDI JUNIOR n° 1258309, HBDI STUDENT n° 14580112 et HBDI n° 14580112,

juger qu'en ayant adressé à des ressortissants français ou de l'Union européenne des courriels de prospection comportant les signes [G] et HBDI, les sociétés HI et HG ont commis des actes de contrefaçon de marques à l'encontre de la société HIE, titulaire et propriétaire des marques françaises ou de l'Union européenne [G] INTERNATIONAL EUROPE n° 3537272, HBDI JUNIOR n° 1258309, HBDT STUDENT n° 14580112 et HBDI n° 14580112,

juger que l'envoi de tels courriels est constitutif, de la part des sociétés HI et HG de concurrence déloyale par détournement de clientèle au préjudice de la société HIE,

juger qu'en ayant fait usage du signe [G] tant au travers du site internet www.[010].com en ce qu'il vise le public français qu'au travers des courriels de prospection adressés à des clients français de la société HIE, les sociétés HI et HG ont usurpé la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine ([G]-europe) de la société HIE, et ont ainsi commis des actes de concurrence déloyale à son encontre,

en conséquence,

ordonner aux sociétés HI et HG de cesser tout usage en France des signes [G], HBDI et WHOLE BRAIN, et dans les autres territoires de l'Union européenne des signes HBDI et [G], à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sous une astreinte de 1.000 € par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

condamner in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts forfaitaires en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de contrefaçon de marques commis à son encontre,

condamner in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts forfaitaires en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre,

ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, par extraits, dans trois journaux ou périodiques, au choix de la société HIE, et aux frais avancés in solidum, sur présentation des devis, des sociétés HI et HG, pour un montant total pouvant atteindre la somme de 12.000 € HT,

en tout état de cause,

débouter les sociétés HI et HG de toutes leurs demandes,

condamner in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE, en cause d'appel, une somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les sociétés HI et HG en tous les dépens de l'instance, et dire que Me Damien REGNIER, avocat, sera autorisé à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les demandes de la société HG en revendication des marques françaises 776, 793, 224, 319, 322 et 272, des marques de l'UE 175, 159, 647, 112, 606 et 386 et de la marque internationale désignant l'UE 309 de la société HIE

Les sociétés HG et HI demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné le transfert des marques 272, 175, 159, 647, 112, 606, 386 et 309, pour les motifs qu'il contient. Elles font valoir en outre que HIE se contredit en soutenant tout à la fois que les dépôts auxquels elle a procédé sont intervenus de bonne foi car effectués avec l'autorisation des ayants-droits de [F] [G] et qu'aucune autorisation n'a été donnée ; que l'activité de HIE, en ce qu'elle porte sur l'exploitation de la solution HBDI et la défense des droits de [F] [G], impliquait pour HIE de procéder à un certain nombre de dépôts, pour le compte de HI puis de HG, ses concédantes ; que HIE n'a pas procédé à ces dépôts dans le respect des obligations mises à sa charge ; que pour les dépôts des marques de l'UE, HIE a agi en qualité d'agent / de représentant / de distributeur de HI et HG, dès lors qu'il existait une licence opposable et qu'une contrepartie financière avait été consentie en échange, portant sur l'exploitation de la solution HDI en Europe, l'autonomie des sociétés étant inopérante.

Elles soutiennent que les marques qui n'ont pas été transférées par le tribunal (marques françaises 776, 793, 224, 319 et 322), au motif que la demande en revendication les concernant était prescrite, n'ont pas été déposées de bonne foi par HIE contrairement à ce que les premiers juges ont retenu. Elles font valoir que si les dépôts de ces marques ont été autorisés par HI, c'est uniquement dans le cadre des relations contractuelles entre les parties et de la relation de confiance et de loyauté en découlant ; que HI, société familiale de Caroline du Nord dirigée par des personnes non au fait du droit français des marques, a fait le choix de faire confiance à son licencié français pour procéder aux dépôts ; que cette autorisation n'aurait pas été accordée en l'absence de licence et a fortiori si HI et HG avaient su que ces marques leur seraient finalement opposées par HIE ; que rompant la confiance instaurée, HIE n'a pas hésité en 2019, à opposer ces marques à son propre concédant, après avoir cessé de lui régler les redevances dues et même contesté l'existence de la licence conclue, en l'assignant en contrefaçon et en demandant la nullité des marques de l'UE déposées par HG ; que ce comportement témoigne de la malhonnêteté d'HIE ; que HIE avait l'obligation de défendre les droits de [F] [G] (à commencer par le nom de la solution HBDI et son nom patronymique), et donc ceux de ses ayants-droits, ce qui exclut toute possibilité d'opposer lesdits droits à son concédant ; que les actions en contrefaçon et en nullité devant l'EUIPO, circonstances postérieures aux dépôts, caractérisent par conséquent la mauvaise foi d'HIE au moment des dépôts ; que cette même autorisation avait également été donnée à HIE pour qu'elle procède aux dépôts des marques dont le tribunal a ordonné le transfert ; que le tribunal ne pouvait dès lors juger différemment pour des marques se trouvant dans une situation analogue ; que l'autorisation donnée n'exclut pas la mauvaise foi ; que HIE a été autorisée à déposer les marques et à en faire un usage déterminé, c'est-à-dire un usage dans le cadre de la licence qui lui avait été concédée, et non pas pour se les approprier et les opposer à HG en fraude de ses droits ; que HIE argue vainement qu'il n'y a jamais eu de licence sur les droits de [F] [G] sur la solution HBDI mais, en application de l'article 24 des statuts de HIE, une simple participation de HIE aux frais de R&D des appelantes, équivalente à 50 francs par profil HBDI vendu par HIE ; que la cour d'appel de Versailles, par une décision définitive, a en effet dit que la participation de HIE aux frais de R&D de HI et HG est totalement indépendante du paiement des redevances en contrepartie de la licence concédée par ces dernières sur la solution HBDI.

La société HIE sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a « débouté » la société HG de sa demande en revendication des marques 776, 793, 224, 319 et 322 au motif que l'action quant à ces marques était prescrite, faisant valoir que ces marques ont été déposées entre 1989 et 2007, soit bien au-delà du délai de prescription et qu'elle n'est pas de mauvaise foi ; que ces marques ont en effet toutes été déposées à ses frais par HIE, les représentants d'HI ou HG, qui sont ou ont été administrateurs et actionnaires importants d'HIE, connaissant parfaitement leur existence ; que HIE n'est et n'a jamais été l'agent, le représentant ou une filiale d'HI ou HG, ou de leurs prédécesseurs en droit, mais une entreprise indépendante co-fondée par [F] [G] et sa fille, future dirigeante d'HI et HG ; que HI ou HG n'étaient titulaires d'aucune marque, sur quelque territoire que ce soit, au moment du dépôt des marques en cause ; que ces marques ont été exploitées conformément à leur fonction, pour défendre l'activité d'HIE sur le territoire européen ; qu'au moment de leur dépôt, HIE n'a à aucun moment pensé les opposer un jour à [F] [G] ou à ses ayants-droits et ne les leur a opposées qu'à cause de l'attitude agressive des appelantes qui, après l'échec de leur tentative de prendre le contrôle de HIE, sont venues démarcher directement les clients d'HIE en Europe.

Poursuivant l'infirmation du jugement, elle sollicite que les demandes en revendication portant sur les autres marques soient jugées également prescrites ou mal fondées, faisant valoir que ce n'est pas parce que le dépôt de la marque française 272 n'a pas été expressément autorisé par les ayants-droits de [F] [G] que sa revendication pourrait échapper à la prescription, les précédents dépôts n'ont pas non plus été expressément autorisés ; que le dépôt de cette marque était, comme les autres, parfaitement connu des représentants d'HI ou HG, et en phase avec l'objet social d'HIE, le dépôt de la marque 272 « [G] INTERNATIONAL EUROPE » en janvier 2007 correspondant exactement à sa dénomination sociale telle que modifiée peu de temps auparavant ; que le dépôt antérieur, en mai 2006, par HG d'une marque internationale désignant l'UE « HBDI » ne révèle pas la mauvaise foi de HIE mais bien au contraire celle de HG dès lors que l'exploitation de la méthode HBDI avait été réservée à HIE pour l'Europe ; qu'en outre, il n'est pas démontré que HIE aurait connu ce dépôt au moment du dépôt de la marque 272 ; que s'agissant des marques de l'UE et de la marque internationale visant l'UE, le tribunal a considéré à tort que HIE avait été l'agent ou le représentant de HI et HG ; qu'il ne peut en être ainsi dès lors que HI et HG et même THE [F] [G] GROUP ont été constituées après elle ; qu'il ne pouvait dès lors y avoir de rapports contractuels entre elles au moment du dépôt des marques, ou même d'accord tacite de coopération ; que le fait que les parties aient ensuite établi des relations à différents niveaux est donc inopérant pour influer sur la question de la propriété des marques ; que HIE puis HI ont toutes deux été fondées ou cofondées par [F] [G], la première pour exploiter la méthode en Europe, et la seconde pour l'exploiter dans le reste du monde, sans qu'il y ait de lien capitalistiques entre ces deux sociétés qui sont indépendantes bien qu'ayant des actionnaires communs ; qu'aucune licence n'a jamais été concédée à HIE, laquelle, depuis sa création, avait seulement l'autorisation de [F] [G] d'exploiter son nom et sa méthode en Europe ; qu'aucune contrepartie n'a été prévue à cette autorisation, autre que la somme due au titre de « Recherche et Développement » prévue par l'article 24 de ses statuts (50 francs par profil puis calculée en fonction du chiffre d'affaires à compter du début des années 2000) ; qu'en tout état de cause, à supposer que ces versements aient été réalisés en contrepartie d'une licence verbale, comme l'a jugé à tort la cour d'appel de Versailles, cela ne peut remettre en cause le droit de propriété de la société HIE sur les marques revendiquées par la société HG.

Sur les demandes concernant les marques françaises 776, 793, 224, 319, 322 et 272

L'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ».

Le tribunal a rappelé à juste raison qu'un dépôt de marque est entaché de fraude au sens de l'article L. 712-6 lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité (Cass.com., 25 avril 2006, n° 04-15.641), que l'annulation d'un dépôt de marque pour fraude ne suppose pas nécessairement la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe en cause, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant (Cass.com., 19 décembre 2006, n° 05-14.431), que l'intention du déposant doit être déterminée par rapport à l'ensemble des facteurs pertinents, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt (Cass.com., 3 février 2015, n° 13-18.025) et que constitue une fraude le fait de procéder en connaissance de cause à un dépôt à l'insu de celui qui fait déjà usage du signe (Cass.com., 12 juillet 1976, n° 75-12.734).

Il n'est pas contesté par les sociétés appelantes que les marques françaises 776, 793, 224, 319 et 322 ont été déposées, en décembre 1989 pour les trois premières et en février 2003 pour les deux dernières, avec l'autorisation de [F] [G] ou des sociétés APPLIED CREATIVE SERVICES ou THE [F] [G] GROUP (aujourd'hui HI). Au demeurant, l'existence de cette autorisation, au moins implicite, résulte à suffisance, comme l'a jugé le tribunal, à la fois (i) des statuts de la société INSTITUT [G] FRANCE EUROPE du 25 décembre 1987 prévoyant que la société, fondée notamment par [F] [G], sa fille et son gendre, a pour objet le développement des produits de formation basés sur les recherches de [F] [G] sur le territoire de l'Europe, (ii) d'un courrier, enregistrée par un notaire américain, de [F] [G] du 1er janvier 1988 qui, en sa qualité notamment de président directeur général de la société APPLIED CREATIVE SERVICES et de co-fondateur de l'INSTITUT [G] FRANCE EUROPE (IHFE), a attesté que l'utilisation et/ou l'exploitation de « l'Instrument ou Questionnaire Profil des Dominances Cérébrales » dont il était l'inventeur et seul propriétaire étaient strictement interdites sous toute forme et à toutes personnes autres que les représentants de l'INSTITUT [G] FRANCE EUROPE, cette interdiction s'appliquant également à « toutes autres formes s'appuyant sur ou autour du modèle de l'Instrument ou Questionnaire Profil des Dominances Cérébrales sans l'accord exprès des membres de l'Institut » (pièce 38 HIE), (iii) d'un courrier de [F] [G] du 16 septembre 1990 à l'Institut confirmant avoir accordé à celui-ci représenté par son directeur général, M. [P], l'exclusivité de ses droits de reproduction et de représentation sur le territoire français, cette exclusivité étant assortie de l'obligation pour l'Institut de défendre ses droits, son 'uvre littéraire et de faire cesser tout acte de contrefaçon, de plagiat et de non-respect des copyrights (pièce 54 appelantes) et enfin (iv) de l'attestation de M. [P] en date du 2 avril 2008 qui certifie avoir déposé, en sa qualité de président directeur général de la société HIE, les marques litigieuses auprès de l'INPI et que « chaque dépôt a fait l'objet d'une demande et autorisation écrite de Mr [G] ou de Mme [W] [G] », ce qui, en l'absence desdites autorisations écrites au débat, accrédite au moins la légitimité de ces dépôts approuvés par le créateur de la méthode [G] (pièce 10 appelantes). Il sera ajouté que ces cinq marques ont été déposées (en décembre 1989 et février 2003) alors que Mme [W] [G] et M. [R] [N] [L], respectivement fille et gendre de [F] [G], étaient administrateurs et actionnaires de la société déposante IHFE devenue HIE et qu'il n'est pas soutenu que ces dépôts soient intervenus à leur insu. Du reste, dans un courriel du 10 avril 2003, M. [P], président de la société HIE, a indiqué à Mme [W] [G] qu'il avait déposé les marques semi-figuratives 319 (« HBDI [G] BRAIN DOMINANCE INSTRUMENT ») et 322 (« WHOLE BRAIN TECHNOLOGY ») (pièce 12 appelantes). Ces dépôts n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part des sociétés américaines APPLIED CREATIVE SERVICES puis THE [F] [G] GROUP (renommée HI en avril 2011).

Il n'est pas davantage contesté que la société HIE a effectivement exploité les cinq marques précitées et protégé la méthode qu'elle commercialisait en Europe par l'introduction de plusieurs demandes en justice contre des sociétés concurrentes, conformément à ses statuts et à la volonté de son co-fondateur, [F] [G].

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré que les dépôts de ces marques ont été effectués dans des conditions frauduleuses ou avec mauvaise foi par la société HIE.

Comme l'ont par ailleurs pertinemment retenu les premiers juges, la mauvaise foi de la société HIE au jour des dépôts ne saurait résulter de la dégradation ultérieure de ses relations avec les sociétés HI et HG, à partir de la fin de l'année 2014, ni de sa volonté, quel qu'en soit le bien-fondé, de protéger son activité sur le territoire de l'Union européenne, qui lui avait été réservé par [F] [G], par le biais de l'introduction, en 2019 ' soit 30 ans après le dépôt des trois premières marques précitées et 16 ans après celui des deux dernières ' de la présente procédure et d'actions en nullité de l'enregistrement de plusieurs marques de l'Union européenne déposées par les sociétés THE [F] [G] GROUP et HG. Les sociétés appelantes ne peuvent être suivies dans leur thèse selon laquelle la société HIE a déposé les marques, certes avec l'assentiment des dirigeants des sociétés HI et HG « mais avec l'intention d'en devenir seule propriétaire et de [les] opposer, le jour venu, au concédant ou à son ayant droit ». Les dires et pièces des parties montrent en effet que les relations entre les sociétés HIE et HI et HG ne se sont détériorées que bien après les dépôts concernés, en 2012 (les versements de HIE à HI deviennent partiels ' page 10 conclusions HIE) et plus sûrement en 2014 (après le refus par M. [P] de la proposition des consorts [G]-[L] de lui racheter ses parts dans la société HIE ' page 8 conclusions HI et HG) et aucun élément ne laisse penser que la société HIE ait pu préméditer ou seulement envisager une telle mésentente.

Il sera ajouté que les arrêts de la cour d'appel de Versailles et de la Cour de cassation précités ont reconnu l'existence d'une licence de droits d'auteur portant sur la méthode créée par [F] [G] et d'une dette de redevances à ce titre de la société HIE à l'égard des sociétés HI et HG et ne concernent pas les droits de marques objets de la présente procédure.

Il n'est pas contesté que les demandes d'enregistrement des marques françaises 776, 793, 224, 319 et 322 ont été publiées plus de cinq ans avant leur revendication par la société HG.

En l'absence de mauvaise foi démontrée de la société HIE, c'est à juste raison que le tribunal a considéré que la prescription quinquennale prévue par l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle était donc acquise au jour de l'introduction des demandes en revendication de la société HG portant sur lesdites marques.

La société HG doit en conséquence être déclarée irrecevable en son action en revendication de ces cinq marques et non pas déboutée, le jugement étant rectifié en ce sens.

La marque française 272 a été déposée par la société HIE le 12 janvier 2007, à une date à laquelle les époux [L]-[G] étaient administrateurs de cette société, et porte sur le signe verbal « [G] INTERNATIONAL EUROPE », lequel correspond précisément à la nouvelle dénomination sociale de la société INSTITUT [G] FRANCE EUROPE devenue société [G] INTERNATIONAL EUROPE après un vote de son assemblée générale extraordinaire du 13 février 2007 (pièce 53 HIE). Ce dépôt, qui ne pouvait être ignoré de la société américaine THE [F] [G] GROUP (aujourd'hui HI), n'a fait l'objet d'aucune contestation de sa part.

Dès lors, les circonstances exposées supra à propos des autres marques françaises conduisent à retenir que le dépôt de la marque 272 a été également implicitement autorisé, le fait que la société HG avait antérieurement, le 25 mai 2006, déposé une marque internationale n° 887239 désignant l'Union européenne « HBDI » ne suffisant pas à établir la mauvaise foi de la société HIE lors du dépôt de la marque française 272 qui s'inscrit dans son objet social.

En l'absence de mauvaise foi démontrée de la société HIE, et la demande d'enregistrement de la marque 272 ayant été publiée le 21 décembre 2007, la prescription quinquennale prévue par l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle était donc acquise au jour de l'introduction de la demande en revendication de la société HG portant sur ladite marque.

La demande en revendication de la marque 272 est donc également irrecevable comme prescrite.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné le transfert au profit de la société [G] GLOBAL (HG) de la marque française 272 et ordonné l'inscription de ce transfert au registre tenu par l'INPI.

Sur les demandes portant sur les marques de l'UE et sur la marque internationale désignant l'UE

L'article 21 « Transfert d'une marque enregistrée au nom d'un agent » du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne prévoit que « 1. Si une marque de l'Union européenne a été enregistrée au nom de l'agent ou du représentant d'une personne qui est titulaire de cette marque, sans l'autorisation du titulaire, ce dernier a le droit de réclamer la cession à son profit de la marque de l'Union européenne, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie sa démarche.

2. Le titulaire peut soumettre une demande de cession au titre du paragraphe 1 du présent article (') b) à un tribunal des marques de l'Union européenne au sens de l'article 123, au lieu d'une demande reconventionnelle en nullité fondée sur l'article 128, paragraphe 1 ».

Ces mêmes notions d'agent ou de représentant se retrouvent également dans l'article 8-3 « Motifs relatifs de refus » du règlement 2017/1001 (« Sur opposition du titulaire de la marque, une marque est refusée à l'enregistrement lorsqu'elle est demandée par l'agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie ses agissements »).

Dans un arrêt du 11 novembre 2020 (EUIPO c/ JOHN MILLS LTD, aff. C-809/18 P), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (à propos de l'article 8-3) que « ces notions doivent être interprétées de façon à couvrir toutes les formes de relations fondées sur un accord contractuel aux termes duquel l'une des parties représente les intérêts de l'autre, de sorte qu'il suffit, aux fins de l'application de cette disposition, qu'il existe entre les parties un accord de coopération commerciale de nature à créer une relation de confiance en imposant au demandeur, expressément ou implicitement, une obligation générale de confiance et de loyauté eu égard aux intérêts du titulaire de la marque antérieure » (point 85) et encore que « la condition spécifique de la protection garantie par [l'article 8-3] consiste en ce que la demande d'enregistrement a été effectuée par l'agent ou le représentant du titulaire de la marque antérieure, en son nom propre et sans le consentement de ce dernier, et sans que cet agent ou ce représentant justifie de ses agissements » (point 92).

C'est à juste raison, pour des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré qu'en l'espèce, il existait un accord de coopération commerciale entre les sociétés HI et HG et la société HIE, chargée de l'exploitation de la méthode de [F] [G] en France et en Europe, qui imposait au déposant des marques de l'UE, expressément ou implicitement, une obligation générale de confiance et de loyauté eu égard aux intérêts du titulaire de la marque antérieure. Le tribunal a justement relevé à cet égard (i) que [F] [G], fondateur aux Etats-Unis en 1982 de la société APPLIED CREATIVE SERVICES, a été le co-fondateur en 1987 de l'INSTITUT [G] FRANCE EUROPE (devenu HIE) qui avait pour objet l'exploitation de sa méthode en France et en Europe, les statuts de cette Institut (article 25) rappelant expressément que le formulaire de participation à l'étude [G] et son système de traitement étaient la propriété de [F] [G], (ii) que cet Institut était bien redevable de redevances (« royalties ») au profit de la société THE [F] [G] GROUP, précédemment APPLIED CREATIVE SERVICES, ainsi qu'il ressort du courrier précité de [F] [G] à M. [P] du 5 septembre 1995 qui précise les modalités de versement de ces redevances (avec un décalage de deux années).

Il sera ajouté qu'il n'est pas contesté que des redevances assises sur le chiffre d'affaires de la société HIE se sont substituées, au début des années 2000 selon la société HIE (page 10 de ses conclusions), à la somme forfaitaire de 50 francs prévue dans les premiers statuts de la société. Les pourcentages de chiffres d'affaires apparaissent clairement sur les relevés fournis par la société HIE à la société HI (pièce 60 appelantes). Par ailleurs, plusieurs pièces au dossier confirment la réalité d'un accord de coopération commerciale entre les sociétés américaines et la société française - quand bien même ces entités seraient parfaitement indépendantes entre elles -, qui ne s'explique pas seulement par la circonstance que toutes ces sociétés ont des administrateurs et des actionnaires communs, notamment des membres de la famille [G]-[L] : ainsi, dans le courrier du 5 septembre 1995 à M. [P], [F] [G] conclut « Nous sommes ravis de travailler avec vous et vous souhaitons la poursuite de votre succès avec HBDI » ; dans un courriel du 31 janvier 2003, M. [P] (HIE) informe Mme [W] [G]-[L] qu'il a fait des « recherches de marque », que pour les pays européens, les marques HBDI et WHOLE BRAIN sont « libres » et qu'il est en train de les déposer pour l'ensemble de l'Europe, qu'il peut aussi demander une extension pour l'Australie, la Chine, le Japon, Singapour et le Vietnam, et il précise que pour les autres pays asiatiques, « je ne peux rien faire. Pour l'Afrique du Sud je peux éventuellement faire quelque chose mais il serait plus simple que notre contact là-bas le fasse en ton nom (') Ma recommandation serait qu'ils déposent en ton nom les marques suivantes : HBDI, Whole Brain, [G] Brain dominance, [G] Brain Preferences, [G] Brain profile. Si tu souhaites que je le fasse, dis-le-moi. » ; dans un courriel du 10 avril 2003, M. [P] (HIE) écrit à Mme [W] [G]-[L] : « (') je t'informe que j'ai déposé les marques suivantes. Logo 1 : Ce logo est important car il nous permet de protéger la cible, les mots cortical and limbic, mode gauche et mode droit et l'ordre des 4 couleurs avec les lettres A, B, C, D. Logo 2 : c'est le logo de [G] International. Whole Brain Technology : cela nous protège pour Brain Technology et Whole Brain. Ces marques sont traduites dans les langues des pays concernés. J'espère que cela puisse t'aider contre Neethling ».

Par un arrêt désormais définitif du 17 décembre 2019, la cour d'appel de Versailles a jugé que le transfert par la société HI à la société HG, à effet du 1er janvier 2012, de ses actifs de propriété intellectuelle, en ce compris le contrat d'exploitation avec la société HIE portant sur le système HBDI, est opposable à la société HIE.

Comme l'a retenu le tribunal, l'obligation générale de confiance et de loyauté du déposant doit s'apprécier en l'espèce par rapport à la marque internationale désignant l'Union européenne « HBDI » n° 887239 de la société HG déposée le 25 mai 2006, soit antérieurement aux dépôts des marques de l'Union européenne et de la marque internationale désignant l'Union européenne de la société HIE. L'EUIPO ayant sursis à statuer sur le bien-fondé de la demande de nullité de la société HIE, cette marque doit être réputée valable. L'obligation de confiance et de loyauté doit s'apprécier également au regard du fait qu'une partie des marques de l'UE a été déposée après que les relations entre la société française et les sociétés américaines se soient dégradées (marques 112, 606, 386 et 309).

Le dépôt des marques de l'Union européenne et de la marque internationale désignant l'Union européenne portant atteinte aux intérêts de la société HG, dès lors qu'elles lui sont opposées, alors que la société HIE a déposé ces marques en qualité de représentante de cette société, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de la société HG en revendication de la propriété des marques de l'Union européenne « WHOLE BRAIN MANAGEMENT » 175, « WHOLE BRAIN MODEL » 159, « WHOLE BRAIN LEADERSHIP » 647, « HBDI STUDENT » 112, « HBDI » 606, « WHOLE BRAIN TECHNOLOGY » 386 et de la marque internationale désignant l'Union européenne « HBDI JUNIOR » 309.

Sur la demande subsidiaire de la société HG fondée sur l'enrichissement sans cause

A titre subsidiaire, les sociétés HI et HG sollicitent que leur demande en revendication des marques non transférées soit examinée sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la société HIE, dans les conditions prévues par l'article 1303 du code civil. Elles soutiennent que cette demande subsidiaire est recevable car elle tend aux mêmes fins que leur demande présentée en première instance sur le fondement de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et que la doctrine considère que la théorie de l'enrichissement injustifié peut être invoquée pour solliciter la restitution d'un bien.

C'est cependant à juste raison que la société HIE oppose que la demande est irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile (« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ») et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande en revendication de marques au sens de l'article 565 du même code (« Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent »), dès lors que la demande en revendication de marques tend à se voir reconnaître la propriété d'un actif incorporel tandis que la demande fondée sur l'enrichissement sans cause vise l'obtention d'une indemnité selon l'article 1303 du code civil qui dispose qu'« En dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement ». Il sera ajouté que la demande formée sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande en revendication de marque au sens de l'article 566 du code de procédure civile.

Elle sera donc déclarée irrecevable.

Sur les demandes en contrefaçon de la société HIE portant sur les marques françaises (marques non transférées à la société HG)

Les sociétés HI et HG prétendent n'avoir commis aucun acte de contrefaçon de marques. Elles font valoir notamment que des actes commis sur Internet ne peuvent être qualifiés d'actes de contrefaçon de marque que si le public français est effectivement visé par le site en question ; que le constat d'huissier versé aux débats par HIE, sur lequel le tribunal s'est appuyé pour justifier sa décision, montre que le site Internet www.[010].com, qui n'existe plus aujourd'hui, a pour objet de présenter la méthode élaborée par [F] [G], et de donner notamment des précisions permettant de joindre l'équipe WHOLE BRAIN, tout en précisant que si la personne intéressée n'est pas aux Etats-Unis, elle doit trouver le bureau correspondant à sa nationalité à l'aide d'un menu déroulant ou sur une carte du monde figurant les différents pays, dont la France, à l'aide de points en couleur ; que concernant le bureau français, il est précisé qu'il peut être contacté via un numéro téléphonique ; que ces éléments ne suffisent pas à établir que ce site Internet est à destination du public français dès lors qu'il est rédigé exclusivement en anglais, qu'il bénéficie de l'extension générique ".com" et appartient à une société immatriculée en Caroline du Nord, que la France n'est mentionnée que parmi de nombreux pays et seulement à travers un menu déroulant et sur une carte du monde, qu'aucune page du site Internet ne propose une offre de service en France et que le numéro de téléphone indiqué pour contacter le bureau français est un numéro étranger, qui est en réalité celui de l'établissement des appelantes au Royaume-Uni ; que comme l'a relevé le tribunal sans en tirer les conséquences qui s'imposaient, faute de préciser l'indicatif du Royaume-Uni (44), l'utilisateur français qui tentera d'appeler ce bureau, ne pourra voir son appel aboutir ; que si les appelantes avaient voulu faire de ce site internet un outil de communication et de prospection en France, elle s'y seraient prises autrement ; que par ailleurs, le courriel adressé en mars 2017 par [W] [G] aux membres du réseau [G] avait pour unique but de célébrer les 35 ans du réseau [G] et de présenter la prochaine phase d'évolution de la solution HBDI, sans aucune volonté de perturber les clients de HIE ni de les démarcher ; que l'article L. 713-6-I-3° du code de la propriété intellectuelle légitime la référence nécessaire faite pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service ; que l'invitation faite aux destinataires de partager leurs astuces et pratiques sur le groupe LinkedIn ne saurait être considérée comme un acte de démarchage dans la mesure où HI et HG détenaient d'ores-et-déjà, par hypothèse, les informations et contacts des clients de HIE à compter de l'envoi du courriel litigieux.

Selon le dispositif de ses conclusions, la société HIE demande la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la contrefaçon des marques 776, 224, 319 et 322 et son infirmation en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la marque 272. Elle fait valoir que le courriel-circulaire de Mme [G] a été expédié à partir d'une boîte mail [Courriel 8] et que son contenu comporte les signes [G] et HBDI ; que le site internet exploité par la société HI à l'adresse www.[010].com comporte quant à lui les signes [G], WHOLE BRAIN et HBDI ; que l'usage du signe [G] par les sociétés HI et HG à destination du public français constitue un acte de contrefaçon, au moins par imitation, des marques françaises DOMINANCES CEREBRALES [G] 776 et PROFIL DE PREFERENCES CEREBRALES [G] 224, dans la mesure où il reproduit leur élément essentiel, distinctif et dominant [G] ; que l'usage du signe HBDI par les sociétés HI et HG à destination du public français constitue un acte de contrefaçon, au moins par imitation, de la marque française HBDI - [G] BRAIN DOMINANCE INSTRUMENT 319, dans la mesure où il reproduit son élément essentiel, distinctif et dominant, HBDI ; que l'usage du signe WHOLE BRAIN par la société HI à destination du public français constitue un acte de contrefaçon, au moins par imitation, de la marque française WHOLE BRAIN TECHNOLOGY 322, dans la mesure où il reproduit leur élément essentiel, distinctif et dominant, à savoir WHOLE BRAIN ; que les signes [G], HBDI ou WHOLE BRAIN dont font ou ont fait usage les sociétés HI et HG servent à désigner des produits ou services identiques ou similaires de ceux désignés dans les enregistrements des marques opposées ; que le public sera donc amené à penser qu'il existe un lien entre les produits ou services proposés par la société HIE sous ses marques, et ceux proposés par les sociétés HI et HG, de sorte qu'il existe un risque de confusion sur leur origine ; que le site internet litigieux est bien destiné au public français ; que les courriels de [W] [G] ont pour but de tenter d'établir un contact entre les sociétés HI et HG et leurs destinataires, ce dont ces derniers ont témoigné ; que ces messages se sont renouvelés jusqu'en janvier 2020.

Sur la matérialité de la contrefaçon

Aux termes de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne version applicable à l'espèce, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ». Et aux termes de l'article L. 713-3 du même code, dans son ancienne version applicable à l'espèce, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Il résulte du procès-verbal de constat sur internet que la société HIE a fait établir le 4 janvier 2019 que le site accessible à l'adresse www.[010].com, édité par la société HG et rédigé en langue anglaise, présente et promeut la méthode élaborée par [F] [G], donne des indications permettant de joindre l'équipe « Whole Brain » en précisant que si la personne intéressée se trouve en dehors des Etats-Unis, elle peut trouver le bureau local [G] lui correspondant grâce à une carte du monde avec des points de couleur positionnés sur divers pays, dont la France, et que lorsque l'on clique sur le point correspondant à la France un numéro de téléphone [XXXXXXXX01] apparaît. S'il est acquis que ce numéro de téléphone est en réalité celui de l'établissement situé au Royaume-Uni et que faute de mention de l'indicatif du Royaume-Uni, l'internaute ne pourra joindre aucun interlocuteur au numéro indiqué, il reste que le site est accessible depuis le territoire français et que la France est mentionnée parmi d'autres pays européens par le biais d'un menu déroulant et d'une localisation sur une carte du monde, outre que les internautes français, concernés par les produits et services offerts, qui font preuve d'une attention élevée comme l'a jugé le tribunal, pourront aisément comprendre les informations qu'il divulgue en anglais et, le cas échéant, joindre l'établissement français en adressant un courriel à la société HG (page 18 du constat) ou en contactant l'établissement britannique, après avoir recherché quel est l'indicatif applicable au Royaume-Uni, ce qui constitue une information aisément accessible.

Le site reproduit les signes verbaux « [G] », « WHOLE BRAIN » et « HBDI ».

Par ailleurs, Mme [W] [G], en qualité de PDG de la société [G] INTERNATIONAL, a adressé en mars 2017 un courriel-circulaire à plusieurs clients de la société HIE, notamment pour annoncer une évolution « [G] 2025 : L'ERE DES PENSEURS », transmettre des « conseils, histoires et meilleures pratiques en matière de réflexion » et solliciter un retour des destinataires sur leurs « astuces préférées et meilleures pratiques » à partager dans le groupe « HBDI®Praticiens Certifiés sur LinkedIn ». Ce message, qui s'adresse à des sociétés clientes de la société HIE en indiquant notamment « nous sommes ravis de vous avoir avec nous dans ce voyage » et qui est utilisé dans la vie des affaires, reproduit les signes verbaux « [G] » et « HBDI ».

C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a jugé qu'en raison des similitudes entre les signes ainsi utilisés par les sociétés HI et HG ([G], WHOLE BRAIN, HBDI) et les 4 marques françaises de la société HIE (marques verbales « DOMINANCES CEREBRALES [G] » n° 776 et « PROFIL DE PREFERENCES CEREBRALES [G] » n° 224 qui ont pour élément dominant et distinctif le terme [G] ; marques semi-figuratives « HBDI [G] BRAIN DOMINANCE INSTRUMENT » n° 319 et « WHOLE BRAIN TECHNOLOGY » n° 322 dont les éléments dominants sont respectivement HBDI et WHOLE BRAIN) et de l'identité des produits et services en cause, les signes litigieux constituent des contrefaçons par imitation des marques opposées et qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui associera ces signes aux marques de la société HIE et considérera que les services offerts par les sociétés HI et HG ont la même origine commerciale que ceux proposés sous les marques opposées.

Il sera ajouté que la circonstance que la société HI a modifié son site internet, celui-ci étant désormais accessible depuis l'adresse www.[012].com et présentant un contenu différent de celui décrit dans le procès-verbal de constat versé au débat, est sans emport quant à la caractérisation de la contrefaçon.

Il sera encore ajouté que les sociétés appelantes se prévalent des dispositions de l'article L. 713-6-I-3° du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que « Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (') 3° De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée ». Toutefois, en tant qu'exception, la référence nécessaire doit être interprétée strictement et ne peut être prise en considération que si celui qui fait usage de la marque d'un tiers veille à ce qu'il n'y ait pas de confusion dans l'esprit du public entre son activité et le titulaire de la marque utilisée. Tel n'est pas le cas en l'espèce, Mme [G], qui s'adresse directement aux clients de la société HIE, ne prenant nullement soin de distinguer l'activité, les produits et services de la société HG qu'elle représente de ceux de la société HIE, et cette dernière justifie de ce que plusieurs clients lui ont fait part de leur étonnement ou de leurs interrogations quant à la démarche de l'entité américaine.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société HI a commis des actes de contrefaçon des marques 776, 224 et 319 de la société HIE et que la société HG a commis des actes de contrefaçon des mêmes marques, outre de la marque 322.

En outre, l'usage du signe [G] par la société HG sur le site internet www.[010].com à destination du public français notamment et par la société HI au travers des courriels-circulaires envoyés par Mme [G] en qualité de présidente de cette société est constitutif également d'actes de contrefaçon par imitation de la marque verbale française « [G] INTERNATIONAL EUROPE » n° 272 (marque pour laquelle la demande en revendication de la société HG n'a pas prospéré), dont il reproduit l'élément dominant et distinctif, à savoir la dénomination [G], les produits et services proposés étant identiques.

Sur les réparations

La société HIE sollicite une somme forfaitaire de 100 000 € en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de ses marques sans consacrer de développement particulier au préjudice allégué. Elle fournit cependant quatre courriels de clients qui lui ont fait part de leur étonnement et de leurs interrogations après réception du courriel-circulaire de [W] [G], outre trois nouveaux courriels adressés à des clients européens en juillet et octobre 2017 et en janvier 2020.

Les sociétés HI et HG soutiennent que les prétentions financières de la société HIE ne peuvent qu'être rejetées ou ramenées à une somme symbolique ; qu'en tant que cheffe de file du réseau [G], Mme [G] était autorisée à diffuser ce type de message aux clients de HIE, son seul objectif étant de fédérer les clients [G] en s'abstenant de toute démarche commerciale ; qu'aucune conséquence ne peut être tirée du courriel de janvier 2020 envoyé à une cliente de la société danoise [G] INTERNATIONAL DENMARK et non de HIE.

Ceci étant exposé, la société HIE ne justifie d'aucun préjudice économique, mais les actes de contrefaçon ont nécessairement banalisé et avili ses cinq marques lui permettant de bénéficier d'un monopole d'exploitation sur le territoire français. Elle a subi ainsi au moins un préjudice moral qui a été justement réparé par les premiers juges par l'allocation de la somme globale de 28 000 € (12 000 € à la charge de HI + 16 000 € à la charge de HG). Cette somme sera augmentée pour tenir compte des actes de contrefaçon de la marque 272 reconnus en appel ; les sociétés HI et HG paieront ainsi, en sus, chacune la somme de 3 500 € à la société HIE en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque 272.

Le jugement sera complété en ce sens.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux mesures d'interdiction et de publication. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte pour l'exécution de la mesure d'interdiction.

Sur la demande en concurrence déloyale de la société HIE

La société HIE soutient que les agissements des sociétés HI et HG ont été constitutifs de concurrence déloyale, d'une part, du fait de l'usage des dénominations sociales [G] INTERNATIONAL INC. et [G] GLOBAL LLC., du nom commercial [G] et du nom de domaine [010].com, à destination du public français, qui entraine une confusion totale avec la dénomination sociale [G] INTERNATIONAL EUROPE et le nom de domaine [09].com, qui leur sont antérieurs, d'autre part, en raison du démarchage et du détournement de la clientèle qui lui a été réservée en Europe. Elle fait valoir que, contrairement à ce que le tribunal a retenu, ces faits sont distincts de ceux de contrefaçon ; qu'il n'a jamais été d'usage que les sociétés américaines en charge de l'exploitation de la méthode [G] prennent directement contact avec des clients certifiés basés sur le territoire européen ; que HG a ainsi réussi à détourner un client très important de la société [G] INTERNATIONAL DENMARK, partenaire commercial de HIE, à savoir la société IMPLEMENT CONSULTING GROUP, qui avait commandé 1225 HBDI et 52 profils d'équipes en 2019.

Les sociétés HI et HG répondent que les faits invoqués ne constituent pas des faits distincts de ceux de contrefaçon ; que la prétendue atteinte aux dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine de HIE porte essentiellement sur la reproduction du signe "[G]", dont la reproduction est déjà contestée dans le cadre de l'action en contrefaçon de marques et que le risque de confusion invoqué dans l'action en contrefaçon de marques, inclut également les prétendues tentatives de rapprochement opérées par HI et HG auprès des clients de HIE ; qu'en tout état de cause, elles n'ont commis aucun acte fautif de concurrence déloyale ; qu'il n'y a eu aucun démarchage de clients de la société HIE ; que le client danois prétendument détourné n'était pas un client de HIE.

Ceci étant exposé, la concurrence déloyale, fondée sur l'article 1240 du code civil, concerne des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits ou services proposés, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

La cour rappelle que fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, l'action en responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments, soit une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, un dommage et un lien de causalité entre le dommage et le comportement reproché.

En l'espèce, les faits dénoncés par la société HIE, relatifs aux dénominations sociales des intimées, à leurs nom commercial et nom de domaine et à des faits de démarchage ou de détournement de clientèle, sont distincts de ceux de contrefaçon de marques.

Cependant, il n'est pas démontré que l'usage par les deux sociétés américaines des dénominations sociales [G] INTERNATIONAL INC. et [G] GLOBAL LLC., du nom commercial [G], qui correspond au patronyme de l'inventeur de la méthode basée sur « la théorie des préférences cérébrales des personnes », et du nom de domaine [010].com, lequel a du reste été modifié pour devenir www.[012].com, entraine une confusion avec la dénomination sociale [G] INTERNATIONAL EUROPE et le nom de domaine [09].com de la société française, qui leur sont antérieurs, ces dénominations sociales, noms commerciaux et noms de domaine correspondant aux zones d'intervention respectives des parties, à savoir l'Europe pour la société française et le reste du monde pour les sociétés américaines.

Par ailleurs, si le courriel adressé par Mme [G] à plusieurs clients européens de la société HIE tend manifestement à établir un contact avec ces derniers, aucun détournement de clientèle n'est démontré au préjudice de l'intimée, les sociétés appelantes observant à juste titre qu'il ressort de la pièce 52 de la société HIE que le client prétendument détourné, la société IMPLEMENT CONSULTING GROUP, était un client de la société danoise [G] INTERNATIONAL DENMARK, entité indépendante de la société française.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société HIE de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés appelantes HI et HG, parties perdantes au principal, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me REGNIER, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge des sociétés HI et HG in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société HIE peut être équitablement fixée à 8 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

« débouté » la société [G] GLOBAL (HG) de sa demande en revendication des marques françaises 776, 793, 224, 319 et 322,

ordonné au profit de la société HG le transfert de la propriété de la marque française 272,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit la société HG irrecevable en sa demande en revendication des marques françaises 776, 793, 224, 319, 322 et 272,

Ordonne l'inscription des transferts des marques européennes et internationale désignant l'Europe au registre européen des marques à la demande de la partie la plus diligente,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit la société HG irrecevable en sa demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause,

Dit que la société [G] INTERNATIONAL (HI) a commis des actes de contrefaçon de la marque française n°3537272 (la marque 272) de la société [G] INTERNATIONAL EUROPE (HIE),

Dit que la société HG a commis des actes de contrefaçon de la marque française 272 de la société HIE,

Condamne la société HI et la société HG à payer chacune à la société HIE la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon de la marque française 272,

Condamne in solidum les sociétés HI et HG aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Damien REGNIER, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés HI et HG à payer à la société HIE la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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