CA Paris, Pôle 1 - ch. 5, 12 mars 2025, n° 24/15775
PARIS
Ordonnance
Autre
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 12 MARS 2025
(n° /2025)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15775 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKA5K
Les affaires N° RG 24/15775 et N° RG 24/15789 sont jointes sous le seul N° RG 24/15775
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021012958
Nature de la décision : Rendue par défaut
NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu les assignations en référé délivrées à la requête d'une part de :
S.A.R.L. BUSINESS CARE CONSULTING - B2C
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Et assistée de Me Olivier MAUDRET, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : E2020
et d'autre part de :
Monsieur [V] [L]
[Adresse 6]
[Localité 14]
S.A.R.L. [L] DEV HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 14]
S.C. RSV
[Adresse 9]
[Localité 14]
Représentés par Me Arnaud ALBOU de la SELARL COHEN AMIR-ASLANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0038
DEMANDEURS
à
S.A.S. LE GOUT DU NATUREL
[Adresse 7]
[Localité 13]
Représentée par la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Et assistée de Me Camille GRANGIER substituant Me Bérangère RIVALS de l'AARPI LAMOURE RIVALS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : E1170
S.A.S. MEANINGS CAPITAL PARTNERS (anciennement dénommée MEESCHAERT CAPITAL PARTNERS)
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Et assistée de Me Jessica DEDIOS substituant Me Jean-Luc BLEIN de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : K0061
S.A.S. MONCEAU ADVISORS
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Julie ATTARD substituant Me Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS, toque : J086
S.A.S. M CAPITAL PARTNERS
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Non comparante ni représentée à l'audience
SOCIÉTÉ PRIVO 29 LLC, société de droit américain
[Adresse 15]
[Localité 2]
DE 19899 - ETATS-UNIS
Non comparante ni représentée à l'audience
DEFENDEURS
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 04 Février 2025 :
Au cours de l'année 2018, la société Le Goût du Naturel (ci-après LGN), qui exerce une activité de restauration rapide en franchise, a manifesté son intention d'acquérir les titres de la société groupe Rush, dirigée par M. [L], société mère du groupe Rush, qui exerce également une activité similaire au travers de ses filiales. Le développement du groupe a été financé principalement par des "fonds ISF" représentés par des sociétés de gestion, M. Capital Partners et Meeschaert Capital Partners, devenue Meanings Capital.
C'est ainsi que par acte du 20 décembre 2018, réitéré le 30 janvier 2019, la société LGN d'une part, et M. [L] et les sociétés Privo 29 Llc, Monceau Advisors, Business Care Consulting- B2C-, [L] Dev Holding, et RSV, d'autre part, ont régularisé la cession moyennant une valorisation forfaitaire, globale, ferme et définitive pour la totalité des actions cédées, des ADP2017 et des actions apportées d'un montant de 9.500.000 euros selon les modalités précisées au contrat, sans garantie d'actif et de passif.
Il était précisé en préambule de l'acte de cession, que l'acquéreur, ses représentants et conseils avaient eu accès à des documents et informations concernant chacune des sociétés du groupe, notamment de nature juridique, fiscale, sociale, comptable, financière et industrielle.
Soutenant qu'un audit approfondi des comptes du groupe Rush, mené par le cabinet Alvarez & Marsal, a révélé une situation financière et juridique dégradée, la société LGN a, par actes des 26, 28, 29 janvier, 4 et 16 février 2021, assigné, devant le tribunal de commerce de Paris, M. [L], les sociétés [L] Dev Holding, Privo Llc, RSV, M Capital Partners, Monceau Advisors, Business Care Consulting et Meeschaert Capital Partners afin d'obtenir réparation du préjudice subi du fait des manoeuvres et réticences dolosives subies.
Par jugement du 2 décembre 2022, le tribunal de commerce a, notamment :
- condamné in solidum M. [L], la société [L] Dev Holding, la société Privo Llc, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting et la société RSV à payer à la société LGN la somme de 700.000 euros ;
- condamné M. [L], "eu égard au fait de dol", à payer à la société LGN la somme de 500.000 euros ;
- débouté la société LGN de ses demandes formées tant à l'encontre de la société Meanings Capital Partners que de ses mandants, les porteurs d'"ADP2017" ;
- débouté la société LGN de ses demandes formées tant à l'encontre de la société M Capital Partners que de ses mandants, les porteurs d'actions de préférence Pradier ;
- condamné in solidum M. [L], la société [L] Dev Holding, la société Privo Llc, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting et la société RSV à payer à la société LGN la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclarations des 28 décembre 2022 et 26 janvier 2023, les sociétés Monceau Advisors et Business Care Consulting ont relevé appel de ce jugement.
Par déclaration du 24 janvier 2023, M. [L], la société RSV et la société [L] Dev Holding ont également relevé appel de ce jugement.
Ces instances ont été jointes le 9 mai 2023.
Par ordonnance du 19 décembre 2023, la radiation du rôle de l'affaire a été ordonnée par le conseiller de la mise en état.
Par actes des 12, 13, 17, 18, 23 et 30 septembre 2024, la société Business Care Consulting - B2C - a assigné en référé, devant le premier président de cette cour, la société LGN, M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV, la société Privo 29 Llc, la société Monceau Advisors, la société Meanings Capital Partners et la société M Capital Partners afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire dont le jugement susvisé est assorti de droit (instance enregistrée sous le n° RG 24/15775).
Par actes des 20, 23 septembre, 11 octobre 2024 et 30 janvier 2025, M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV ont assigné en référé, devant le premier président de cette cour, la société LGN, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting, la société Meanings Capital Partners et la société M Capital Partners afin d'obtenir également l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement précité et, subsidiairement, l'autorisation donnée à M. [L] d'offrir en garantie des condamnations prononcées une inscription hypothécaire (instance enregistrée sous le n° RG 24/15789).
Aux termes de conclusions déposées et développées à l'audience, la société Business Care Consulting demande de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- arrêter l'exécution provisoire attachée au jugement du 2 décembre 2022 à son profit ;
- débouter la société LGN de toutes ses demandes ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions également déposées et développées à l'audience, elle indique se désister partiellement de l'instance à l'égard des seules sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV demandent de :
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ;
- arrêter l'exécution provisoire du jugement entrepris en raison des moyens sérieux de réformation de celui-ci et des conséquences manifestement excessives que causera son exécution ;
à titre subsidiaire,
- donner acte à M. [L] de son offre de garantie hypothécaire et autoriser l'inscription d'une hypothèque au profit de la société LGN, dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir sur le bien immobilier situé à [Adresse 16], figurant au cadastre Section G, n°[Cadastre 12], pour une surface de 00 h a, 02 a et 34 ca, à concurrence de 1.250.000 euros ;
- arrêter en conséquence l'exécution provisoire en contrepartie de la fourniture de cette garantie hypothécaire ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société LGN demande de :
- déclarer irrecevables M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting en leurs demandes d'arrêt de l'exécution provisoire ;
- les déclarer mal fondés en leurs demandes et les débouter ;
- condamner solidairement M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société Meanings Capital Partners demande de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
La société Monceau Advisors, représentée à l'audience, a indiqué s'en rapporter sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, précisant avoir exécuté la décision à hauteur de 1,96 % correspondant à la proportion des titres qu'elle a cédés.
SUR CE
Sur la jonction des instances
Il existe entre les instances enregistrées sous les n° RG 24/15775 et 24/15789 un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner leur jonction.
Sur le désistement partiel
La société Business Care Consulting - B2C- indique se désister partiellement de son instance à l'égard des sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc. Ces dernières n'ayant formé aucune demande préalable au désistement, il y a lieu de le constater.
Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire
La société LGN soulève l'irrecevabilité des demandes formées par M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting aux motifs :
- d'une part, qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la radiation de l'affaire ;
- d'autre part, qu'en application de ladite ordonnance, l'affaire a été retirée du rôle de la cour de sorte qu'il ne peut plus être statué sur l'arrêt de l'exécution provisoire, lequel suppose que l'affaire soit encore inscrite au rôle ;
- enfin, qu'aucune observation n'a été faite en première instance pour que soit écartée par les premiers juges l'exécution provisoire.
Mais, l'ordonnance de radiation prononcée sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile par un conseiller de la mise en état est une mesure d'administration judiciaire, qui ne fait pas obstacle à l'application de l'article 514-3 du même code dès lors que seul le premier président, statuant en référé, peut arrêter, en cas d'appel, l'exécution provisoire.
En outre, le fait que l'affaire ait été retirée du rôle de la cour par l'effet de la radiation prononcée, n'empêche pas d'examiner une demande d'arrêt de l'exécution provisoire dès lors que l'instance pendante devant la cour n'est pas atteinte de péremption, la radiation n'étant qu'une cause de suspension et non d'extinction de l'instance.
L'article 514-3, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il résulte des dispositions du jugement déféré que M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting ont demandé aux premiers juges d'écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Ces parties ont ainsi formé des observations au sens du texte susvisé qui suffisent à rendre leurs demandes recevables sans qu'elles ne soient tenues de démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives survenues depuis le jugement entrepris.
Les fins de non-recevoir soulevées par la société LGN seront donc rejetées.
Sur l'arrêt de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Ainsi, c'est seulement si ces deux conditions sont cumulativement réunies que l'exécution provisoire peut être arrêtée.
La société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV soutiennent que l'exécution provisoire du jugement entrepris leur occasionnera des conséquences manifestement excessives dès lors qu'ils sont dans l'incapacité de procéder au paiement des condamnations mises à leur charge.
Ainsi, la société Business Care Consulting indique qu'elle n'a qu'une activité de prise de participation dans des sociétés européennes de développement ou de start-up, que les valeurs mobilières qu'elle possède relèvent de sa seule activité depuis 2016, que son dernier bilan au titre de l'exercice clos au 30 avril 2023 démontre qu'elle ne dispose que d'un revenu provenant de produits financiers pour un montant de 40.706 euros et qu'elle a réalisé un résultat annuel bénéficiaire de 42.374 euros de sorte qu'elle est dans l'incapacité de régler les condamnations mises à sa charge de l'ordre de 750.000 euros.
Pour justifier des difficultés alléguées et du fait qu'elle n'a plus d'activité de conseil, la société Business Care Consulting verse aux débats, d'une part, un rapport de gestion de son gérant pour l'exercice clos au 30 avril 2017 duquel il ressort que, pour cet exercice, elle "n'a pas eu d'activité en matière de recherche et développement", et qu'au titre de ses perspectives d'avenir, il a été prévu de "maintenir la réorientation de la stratégie de la société vers la recherche de prise de participation dans des sociétés en fort développement afin de générer des nouveaux revenus à terme", d'autre part, son bilan relatif à l'exercice clos au 30 avril 2023.
Or, ces pièces sont insuffisantes pour établir les conséquences manifestement excessives invoquées.
En effet, outre que cette société ne démontre pas avoir renoncé à toute activité de conseil alors que son activité déclarée est "conseil pour les affaires et autres conseils de gestion" ainsi qu'il résulte de son site internet dont un extrait a été reproduit dans les conclusions de la société LGN, le bilan produit démontre qu'elle disposait au 30 avril 2023 d'un actif circulant net de 432.134 euros comprenant des valeurs mobilières valorisées à hauteur d'un montant net de 394.647 euros dont il n'est pas démontré qu'elles ne pourraient être liquidées et de disponibilités à hauteur de 16.645 euros. Ce bilan révèle encore un résultat net de 43.374 euros.
Au surplus, la société Business Care Consulting n'a pas produit son dernier bilan établi pour l'exercice clos au 30 avril 2024, alors que l'affaire a été plaidée à l'audience du 4 février 2025, et ne justifie donc pas sa situation financière et comptable actuelle.
Dans ces conditions, elle ne démontre pas que l'exécution provisoire du jugement critiqué la placera dans une situation irréversible ou lui occasionnera un préjudice irréparable.
La société RSV indique être dans l'impossibilité matérielle de régler le montant des condamnations mises à sa charge en indiquant qu'à la date de son dernier bilan établi au 31 décembre 2022, le montant de ses fonds propres s'élevait à la somme de -288.314 euros et que le solde de sa trésorerie était de 132 euros au 31 août 2023. Elle ajoute qu'elle n'a pas été en mesure de régler les crédits qu'elle avait contractés auprès de la Caixa Geral de Depositos, laquelle a été autorisée à procéder à la vente forcée de ses biens immobiliers lors de l'audience des criées du 26 octobre 2023.
Mais, s'il est démontré par les décisions produites que la banque créancière de la société RSV au titre de prêts immobiliers consentis a engagé des procédures de saisies et que la vente amiable des biens de cette société a été autorisée, il n'est justifié ni des suites de cette vente ni du prix qui en a été retiré.
Au surplus, la société RSV n'a produit que son bilan établi pour l'exercice clos au 31 décembre 2022 ainsi qu'une attestation de son expert-comptable en date du 29 septembre 2023 affirmant, au vu du montant des fonds propres au 31 décembre 2022 et du solde de sa trésorerie disponible au 31 août 2023, que la société n'est pas en capacité de faire face au paiement de la somme de 750.000 euros.
Le bilan clos au 31 décembre 2023 n'a pas été versé aux débats pas plus qu'un prévisionnel ou situation comptable pour l'exercice 2024 de sorte que les capacités financières actuelles de la société RSV ne sont pas démontrées et, par suite, que les conséquences manifestement excessives alléguées ne sont pas caractérisées.
La société [L] Dev Holding invoque le montant de ses fonds propres au 31 décembre 2022 (-189.571 euros) et le solde de sa trésorerie au 29 septembre 2023 (6.116 euros) pour faire état de conséquences manifestement excessives entraînées par l'exécution provisoire du jugement et soutenir être dans l'impossibilité matérielle de régler les condamnations prononcées à son encontre.
Or, le bilan établi pour l'exercice clos au 31 décembre 2022, seul produit, et l'attestation de son expert-comptable en date du 29 septembre 2023, se fondant sur les éléments chiffrés susvisés et rédigée en des termes identiques à celle produite dans l'intérêt de la société RSV, ne suffisent pas à caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives. Aucun élément comptable n'a été produit pour l'exercice 2023 et aucun prévisionnel n'a été communiqué pour l'exercice 2024 de sorte que la situation actuelle de cette société ne peut être appréhendée.
M. [L] indique, pour sa part, ne pas disposer de liquidités lui permettant de régler les condamnations mises à sa charge, précisant que son patrimoine n'est ni liquide ni disponible.
Il explique que les revenus perçus en 2021 et 2022 ont un caractère exceptionnel, ces derniers résultant de la perception de dividendes à hauteur de 800.000 euros, en 2022, répartis à parts égales avec son épouse, ayant permis, après déduction du montant de la flat tax, de désintéresser une banque à hauteur de 524.097,94 euros et, de 1.400.000 euros en 2021 dont 700.000 euros lui revenant, ayant permis, après déduction de la flat tax, de régler des dettes.
Il indique qu'en 2023, son revenu fiscal s'est élevé à la somme de 56.341 euros, qu'il a quatre enfants à charge, que la vente de sa maison, qui sert au logement de la famille, pour régler les condamnations serait de nature à caractériser des conséquences manifestement excessives, qu'il a tenté d'obtenir un prêt pour payer les sommes allouées à la société LGN, lequel lui a été refusé par sa banque, qu'il ne peut céder les participations qu'il détient dans plusieurs sociétés dès lors que celles-ci ont été récemment constituées, que ces participations ne sont pas liquides sur le marché et que cette cession, à la supposer possible, conduirait à une cessation complète de son activité d'entrepreneur et lui causerait des pertes importantes.
M. [L] justifie, par les bulletins de paie produits, percevoir un salaire en qualité de président d'une société dont le nom n'apparaît sur aucun des 49 bulletins communiqués, de l'ordre de 4.052 euros ainsi qu'il résulte du cumul imposable figurant sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2024. Son avis d'imposition sur les revenus 2023 démontre qu'il a perçu un revenu quasiment identique au cours de l'année précédente, le revenu imposable du foyer s'étant élevé à la somme de 56.308 euros.
S'il est constant qu'il n'a pas perçu de dividendes en 2023, il n'établit toutefois pas les raisons pour lesquelles il n'aurait pu en percevoir dès qu'il continue à détenir directement ou indirectement des participations dans des sociétés. A cet égard, la note explicative sur l'impossibilité pour la société Emethel de distribuer à M. [L] des dividendes, rédigée par l'expert-comptable de cette société le 3 février 2025, est peu convaincante.
En effet, si l'expert-comptable indique qu'il serait nécessaire, pour régler la somme de 1.250.000 euros, montant des condamnations prononcées, de distribuer à M. [L] la somme brute de 3.571.000 euros, que la société Emethel ne peut régler, il ne précise pas objectivement le montant réel des dividendes auxquels pourrait prétendre M. [L]. Ce dernier ne permet donc pas d'apprécier la réalité de sa situation financière, étant à cet égard observé que l'expert comptable fait état d'une trésorerie disponible de cette société de 2.712.604 euros au 31 décembre 2024.
En outre, il apparaît peu crédible qu'avec le seul montant de ses revenus salariés déclarés en 2023, M. [L] ait pu, avec son épouse, acquérir, le 25 mai 2023, un bien immobilier à [Localité 14] pour le prix de 2.650.000 euros payable partiellement à l'aide d'un prêt d'un montant en principal de 1.044.000 euros ainsi qu'il résulte du relevé hypothécaire produit par la société LGN.
Enfin, le refus du prêt de 1.200.000 euros sollicité par M. [L] afin de financer le paiement des condamnations, opposé par la société LCL, ne suffit pas à établir son impossibilité d'exécuter la décision entreprise dès lors que les conditions de ce prêt, remboursable in fine et d'une durée de 24 mois, apparaissent dépourvues de caractère sérieux.
Ainsi, les pièces produites ne démontrent pas que l'exécution provisoire du jugement mettra gravement en péril la situation de M. [L].
Les conséquences manifestement excessives invoquées n'étant pas établies, il n'y a pas lieu d'arrêter l'exécution provisoire du jugement déféré et ce sans qu'il soit utile d'examiner les moyens sérieux de réformation allégués.
Sur la constitution d'une garantie
Selon l'article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
M. [L] demande, afin de garantir le paiement des sommes allouées à la société LGN, à être autorisé à prendre une inscription d'hypothèque au profit de cette dernière sur le bien immobilier de [Localité 14].
Cependant, il ne démontre pas que la constitution d'une garantie soit de nature à préserver utilement les droits des parties et, notamment, de la société LGN, dans l'attente de la décision au fond, d'autant qu'il existe déjà sur ce bien une inscription hypothécaire. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant en leurs prétentions, la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV supporteront in solidum les dépens de l'instance.
La représentation par avocat n'étant pas obligatoire dans cette procédure, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV seront condamnés in solidum à payer à la société LGN, contrainte d'exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 24/15775 et 24/15789 ;
Constatons le désistement partiel d'instance de la société Business Care Consulting à l'égard des sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc ;
Déclarons recevables les demandes de la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 2 décembre 2022 ;
Rejetons les demandes tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de ce jugement ;
Rejetons la demande de M. [L] tendant à la constitution d'une garantie réelle sur le bien immobilier situé à [Adresse 16] ;
Condamnons in solidum la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV aux dépens ;
Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 699 du code de procédure civile :
Condamnons in solidum la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV à payer à la société Le Goût du Naturel la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 12 MARS 2025
(n° /2025)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15775 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKA5K
Les affaires N° RG 24/15775 et N° RG 24/15789 sont jointes sous le seul N° RG 24/15775
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021012958
Nature de la décision : Rendue par défaut
NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu les assignations en référé délivrées à la requête d'une part de :
S.A.R.L. BUSINESS CARE CONSULTING - B2C
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Et assistée de Me Olivier MAUDRET, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : E2020
et d'autre part de :
Monsieur [V] [L]
[Adresse 6]
[Localité 14]
S.A.R.L. [L] DEV HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 14]
S.C. RSV
[Adresse 9]
[Localité 14]
Représentés par Me Arnaud ALBOU de la SELARL COHEN AMIR-ASLANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0038
DEMANDEURS
à
S.A.S. LE GOUT DU NATUREL
[Adresse 7]
[Localité 13]
Représentée par la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Et assistée de Me Camille GRANGIER substituant Me Bérangère RIVALS de l'AARPI LAMOURE RIVALS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : E1170
S.A.S. MEANINGS CAPITAL PARTNERS (anciennement dénommée MEESCHAERT CAPITAL PARTNERS)
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Et assistée de Me Jessica DEDIOS substituant Me Jean-Luc BLEIN de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : K0061
S.A.S. MONCEAU ADVISORS
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Julie ATTARD substituant Me Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS, toque : J086
S.A.S. M CAPITAL PARTNERS
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Non comparante ni représentée à l'audience
SOCIÉTÉ PRIVO 29 LLC, société de droit américain
[Adresse 15]
[Localité 2]
DE 19899 - ETATS-UNIS
Non comparante ni représentée à l'audience
DEFENDEURS
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 04 Février 2025 :
Au cours de l'année 2018, la société Le Goût du Naturel (ci-après LGN), qui exerce une activité de restauration rapide en franchise, a manifesté son intention d'acquérir les titres de la société groupe Rush, dirigée par M. [L], société mère du groupe Rush, qui exerce également une activité similaire au travers de ses filiales. Le développement du groupe a été financé principalement par des "fonds ISF" représentés par des sociétés de gestion, M. Capital Partners et Meeschaert Capital Partners, devenue Meanings Capital.
C'est ainsi que par acte du 20 décembre 2018, réitéré le 30 janvier 2019, la société LGN d'une part, et M. [L] et les sociétés Privo 29 Llc, Monceau Advisors, Business Care Consulting- B2C-, [L] Dev Holding, et RSV, d'autre part, ont régularisé la cession moyennant une valorisation forfaitaire, globale, ferme et définitive pour la totalité des actions cédées, des ADP2017 et des actions apportées d'un montant de 9.500.000 euros selon les modalités précisées au contrat, sans garantie d'actif et de passif.
Il était précisé en préambule de l'acte de cession, que l'acquéreur, ses représentants et conseils avaient eu accès à des documents et informations concernant chacune des sociétés du groupe, notamment de nature juridique, fiscale, sociale, comptable, financière et industrielle.
Soutenant qu'un audit approfondi des comptes du groupe Rush, mené par le cabinet Alvarez & Marsal, a révélé une situation financière et juridique dégradée, la société LGN a, par actes des 26, 28, 29 janvier, 4 et 16 février 2021, assigné, devant le tribunal de commerce de Paris, M. [L], les sociétés [L] Dev Holding, Privo Llc, RSV, M Capital Partners, Monceau Advisors, Business Care Consulting et Meeschaert Capital Partners afin d'obtenir réparation du préjudice subi du fait des manoeuvres et réticences dolosives subies.
Par jugement du 2 décembre 2022, le tribunal de commerce a, notamment :
- condamné in solidum M. [L], la société [L] Dev Holding, la société Privo Llc, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting et la société RSV à payer à la société LGN la somme de 700.000 euros ;
- condamné M. [L], "eu égard au fait de dol", à payer à la société LGN la somme de 500.000 euros ;
- débouté la société LGN de ses demandes formées tant à l'encontre de la société Meanings Capital Partners que de ses mandants, les porteurs d'"ADP2017" ;
- débouté la société LGN de ses demandes formées tant à l'encontre de la société M Capital Partners que de ses mandants, les porteurs d'actions de préférence Pradier ;
- condamné in solidum M. [L], la société [L] Dev Holding, la société Privo Llc, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting et la société RSV à payer à la société LGN la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclarations des 28 décembre 2022 et 26 janvier 2023, les sociétés Monceau Advisors et Business Care Consulting ont relevé appel de ce jugement.
Par déclaration du 24 janvier 2023, M. [L], la société RSV et la société [L] Dev Holding ont également relevé appel de ce jugement.
Ces instances ont été jointes le 9 mai 2023.
Par ordonnance du 19 décembre 2023, la radiation du rôle de l'affaire a été ordonnée par le conseiller de la mise en état.
Par actes des 12, 13, 17, 18, 23 et 30 septembre 2024, la société Business Care Consulting - B2C - a assigné en référé, devant le premier président de cette cour, la société LGN, M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV, la société Privo 29 Llc, la société Monceau Advisors, la société Meanings Capital Partners et la société M Capital Partners afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire dont le jugement susvisé est assorti de droit (instance enregistrée sous le n° RG 24/15775).
Par actes des 20, 23 septembre, 11 octobre 2024 et 30 janvier 2025, M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV ont assigné en référé, devant le premier président de cette cour, la société LGN, la société Monceau Advisors, la société Business Care Consulting, la société Meanings Capital Partners et la société M Capital Partners afin d'obtenir également l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement précité et, subsidiairement, l'autorisation donnée à M. [L] d'offrir en garantie des condamnations prononcées une inscription hypothécaire (instance enregistrée sous le n° RG 24/15789).
Aux termes de conclusions déposées et développées à l'audience, la société Business Care Consulting demande de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- arrêter l'exécution provisoire attachée au jugement du 2 décembre 2022 à son profit ;
- débouter la société LGN de toutes ses demandes ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions également déposées et développées à l'audience, elle indique se désister partiellement de l'instance à l'égard des seules sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV demandent de :
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ;
- arrêter l'exécution provisoire du jugement entrepris en raison des moyens sérieux de réformation de celui-ci et des conséquences manifestement excessives que causera son exécution ;
à titre subsidiaire,
- donner acte à M. [L] de son offre de garantie hypothécaire et autoriser l'inscription d'une hypothèque au profit de la société LGN, dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir sur le bien immobilier situé à [Adresse 16], figurant au cadastre Section G, n°[Cadastre 12], pour une surface de 00 h a, 02 a et 34 ca, à concurrence de 1.250.000 euros ;
- arrêter en conséquence l'exécution provisoire en contrepartie de la fourniture de cette garantie hypothécaire ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société LGN demande de :
- déclarer irrecevables M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting en leurs demandes d'arrêt de l'exécution provisoire ;
- les déclarer mal fondés en leurs demandes et les débouter ;
- condamner solidairement M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société Meanings Capital Partners demande de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
La société Monceau Advisors, représentée à l'audience, a indiqué s'en rapporter sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, précisant avoir exécuté la décision à hauteur de 1,96 % correspondant à la proportion des titres qu'elle a cédés.
SUR CE
Sur la jonction des instances
Il existe entre les instances enregistrées sous les n° RG 24/15775 et 24/15789 un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner leur jonction.
Sur le désistement partiel
La société Business Care Consulting - B2C- indique se désister partiellement de son instance à l'égard des sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc. Ces dernières n'ayant formé aucune demande préalable au désistement, il y a lieu de le constater.
Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire
La société LGN soulève l'irrecevabilité des demandes formées par M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting aux motifs :
- d'une part, qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la radiation de l'affaire ;
- d'autre part, qu'en application de ladite ordonnance, l'affaire a été retirée du rôle de la cour de sorte qu'il ne peut plus être statué sur l'arrêt de l'exécution provisoire, lequel suppose que l'affaire soit encore inscrite au rôle ;
- enfin, qu'aucune observation n'a été faite en première instance pour que soit écartée par les premiers juges l'exécution provisoire.
Mais, l'ordonnance de radiation prononcée sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile par un conseiller de la mise en état est une mesure d'administration judiciaire, qui ne fait pas obstacle à l'application de l'article 514-3 du même code dès lors que seul le premier président, statuant en référé, peut arrêter, en cas d'appel, l'exécution provisoire.
En outre, le fait que l'affaire ait été retirée du rôle de la cour par l'effet de la radiation prononcée, n'empêche pas d'examiner une demande d'arrêt de l'exécution provisoire dès lors que l'instance pendante devant la cour n'est pas atteinte de péremption, la radiation n'étant qu'une cause de suspension et non d'extinction de l'instance.
L'article 514-3, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il résulte des dispositions du jugement déféré que M. [L], la société [L] Dev Holding, la société RSV et la société Business Care Consulting ont demandé aux premiers juges d'écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Ces parties ont ainsi formé des observations au sens du texte susvisé qui suffisent à rendre leurs demandes recevables sans qu'elles ne soient tenues de démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives survenues depuis le jugement entrepris.
Les fins de non-recevoir soulevées par la société LGN seront donc rejetées.
Sur l'arrêt de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Ainsi, c'est seulement si ces deux conditions sont cumulativement réunies que l'exécution provisoire peut être arrêtée.
La société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV soutiennent que l'exécution provisoire du jugement entrepris leur occasionnera des conséquences manifestement excessives dès lors qu'ils sont dans l'incapacité de procéder au paiement des condamnations mises à leur charge.
Ainsi, la société Business Care Consulting indique qu'elle n'a qu'une activité de prise de participation dans des sociétés européennes de développement ou de start-up, que les valeurs mobilières qu'elle possède relèvent de sa seule activité depuis 2016, que son dernier bilan au titre de l'exercice clos au 30 avril 2023 démontre qu'elle ne dispose que d'un revenu provenant de produits financiers pour un montant de 40.706 euros et qu'elle a réalisé un résultat annuel bénéficiaire de 42.374 euros de sorte qu'elle est dans l'incapacité de régler les condamnations mises à sa charge de l'ordre de 750.000 euros.
Pour justifier des difficultés alléguées et du fait qu'elle n'a plus d'activité de conseil, la société Business Care Consulting verse aux débats, d'une part, un rapport de gestion de son gérant pour l'exercice clos au 30 avril 2017 duquel il ressort que, pour cet exercice, elle "n'a pas eu d'activité en matière de recherche et développement", et qu'au titre de ses perspectives d'avenir, il a été prévu de "maintenir la réorientation de la stratégie de la société vers la recherche de prise de participation dans des sociétés en fort développement afin de générer des nouveaux revenus à terme", d'autre part, son bilan relatif à l'exercice clos au 30 avril 2023.
Or, ces pièces sont insuffisantes pour établir les conséquences manifestement excessives invoquées.
En effet, outre que cette société ne démontre pas avoir renoncé à toute activité de conseil alors que son activité déclarée est "conseil pour les affaires et autres conseils de gestion" ainsi qu'il résulte de son site internet dont un extrait a été reproduit dans les conclusions de la société LGN, le bilan produit démontre qu'elle disposait au 30 avril 2023 d'un actif circulant net de 432.134 euros comprenant des valeurs mobilières valorisées à hauteur d'un montant net de 394.647 euros dont il n'est pas démontré qu'elles ne pourraient être liquidées et de disponibilités à hauteur de 16.645 euros. Ce bilan révèle encore un résultat net de 43.374 euros.
Au surplus, la société Business Care Consulting n'a pas produit son dernier bilan établi pour l'exercice clos au 30 avril 2024, alors que l'affaire a été plaidée à l'audience du 4 février 2025, et ne justifie donc pas sa situation financière et comptable actuelle.
Dans ces conditions, elle ne démontre pas que l'exécution provisoire du jugement critiqué la placera dans une situation irréversible ou lui occasionnera un préjudice irréparable.
La société RSV indique être dans l'impossibilité matérielle de régler le montant des condamnations mises à sa charge en indiquant qu'à la date de son dernier bilan établi au 31 décembre 2022, le montant de ses fonds propres s'élevait à la somme de -288.314 euros et que le solde de sa trésorerie était de 132 euros au 31 août 2023. Elle ajoute qu'elle n'a pas été en mesure de régler les crédits qu'elle avait contractés auprès de la Caixa Geral de Depositos, laquelle a été autorisée à procéder à la vente forcée de ses biens immobiliers lors de l'audience des criées du 26 octobre 2023.
Mais, s'il est démontré par les décisions produites que la banque créancière de la société RSV au titre de prêts immobiliers consentis a engagé des procédures de saisies et que la vente amiable des biens de cette société a été autorisée, il n'est justifié ni des suites de cette vente ni du prix qui en a été retiré.
Au surplus, la société RSV n'a produit que son bilan établi pour l'exercice clos au 31 décembre 2022 ainsi qu'une attestation de son expert-comptable en date du 29 septembre 2023 affirmant, au vu du montant des fonds propres au 31 décembre 2022 et du solde de sa trésorerie disponible au 31 août 2023, que la société n'est pas en capacité de faire face au paiement de la somme de 750.000 euros.
Le bilan clos au 31 décembre 2023 n'a pas été versé aux débats pas plus qu'un prévisionnel ou situation comptable pour l'exercice 2024 de sorte que les capacités financières actuelles de la société RSV ne sont pas démontrées et, par suite, que les conséquences manifestement excessives alléguées ne sont pas caractérisées.
La société [L] Dev Holding invoque le montant de ses fonds propres au 31 décembre 2022 (-189.571 euros) et le solde de sa trésorerie au 29 septembre 2023 (6.116 euros) pour faire état de conséquences manifestement excessives entraînées par l'exécution provisoire du jugement et soutenir être dans l'impossibilité matérielle de régler les condamnations prononcées à son encontre.
Or, le bilan établi pour l'exercice clos au 31 décembre 2022, seul produit, et l'attestation de son expert-comptable en date du 29 septembre 2023, se fondant sur les éléments chiffrés susvisés et rédigée en des termes identiques à celle produite dans l'intérêt de la société RSV, ne suffisent pas à caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives. Aucun élément comptable n'a été produit pour l'exercice 2023 et aucun prévisionnel n'a été communiqué pour l'exercice 2024 de sorte que la situation actuelle de cette société ne peut être appréhendée.
M. [L] indique, pour sa part, ne pas disposer de liquidités lui permettant de régler les condamnations mises à sa charge, précisant que son patrimoine n'est ni liquide ni disponible.
Il explique que les revenus perçus en 2021 et 2022 ont un caractère exceptionnel, ces derniers résultant de la perception de dividendes à hauteur de 800.000 euros, en 2022, répartis à parts égales avec son épouse, ayant permis, après déduction du montant de la flat tax, de désintéresser une banque à hauteur de 524.097,94 euros et, de 1.400.000 euros en 2021 dont 700.000 euros lui revenant, ayant permis, après déduction de la flat tax, de régler des dettes.
Il indique qu'en 2023, son revenu fiscal s'est élevé à la somme de 56.341 euros, qu'il a quatre enfants à charge, que la vente de sa maison, qui sert au logement de la famille, pour régler les condamnations serait de nature à caractériser des conséquences manifestement excessives, qu'il a tenté d'obtenir un prêt pour payer les sommes allouées à la société LGN, lequel lui a été refusé par sa banque, qu'il ne peut céder les participations qu'il détient dans plusieurs sociétés dès lors que celles-ci ont été récemment constituées, que ces participations ne sont pas liquides sur le marché et que cette cession, à la supposer possible, conduirait à une cessation complète de son activité d'entrepreneur et lui causerait des pertes importantes.
M. [L] justifie, par les bulletins de paie produits, percevoir un salaire en qualité de président d'une société dont le nom n'apparaît sur aucun des 49 bulletins communiqués, de l'ordre de 4.052 euros ainsi qu'il résulte du cumul imposable figurant sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2024. Son avis d'imposition sur les revenus 2023 démontre qu'il a perçu un revenu quasiment identique au cours de l'année précédente, le revenu imposable du foyer s'étant élevé à la somme de 56.308 euros.
S'il est constant qu'il n'a pas perçu de dividendes en 2023, il n'établit toutefois pas les raisons pour lesquelles il n'aurait pu en percevoir dès qu'il continue à détenir directement ou indirectement des participations dans des sociétés. A cet égard, la note explicative sur l'impossibilité pour la société Emethel de distribuer à M. [L] des dividendes, rédigée par l'expert-comptable de cette société le 3 février 2025, est peu convaincante.
En effet, si l'expert-comptable indique qu'il serait nécessaire, pour régler la somme de 1.250.000 euros, montant des condamnations prononcées, de distribuer à M. [L] la somme brute de 3.571.000 euros, que la société Emethel ne peut régler, il ne précise pas objectivement le montant réel des dividendes auxquels pourrait prétendre M. [L]. Ce dernier ne permet donc pas d'apprécier la réalité de sa situation financière, étant à cet égard observé que l'expert comptable fait état d'une trésorerie disponible de cette société de 2.712.604 euros au 31 décembre 2024.
En outre, il apparaît peu crédible qu'avec le seul montant de ses revenus salariés déclarés en 2023, M. [L] ait pu, avec son épouse, acquérir, le 25 mai 2023, un bien immobilier à [Localité 14] pour le prix de 2.650.000 euros payable partiellement à l'aide d'un prêt d'un montant en principal de 1.044.000 euros ainsi qu'il résulte du relevé hypothécaire produit par la société LGN.
Enfin, le refus du prêt de 1.200.000 euros sollicité par M. [L] afin de financer le paiement des condamnations, opposé par la société LCL, ne suffit pas à établir son impossibilité d'exécuter la décision entreprise dès lors que les conditions de ce prêt, remboursable in fine et d'une durée de 24 mois, apparaissent dépourvues de caractère sérieux.
Ainsi, les pièces produites ne démontrent pas que l'exécution provisoire du jugement mettra gravement en péril la situation de M. [L].
Les conséquences manifestement excessives invoquées n'étant pas établies, il n'y a pas lieu d'arrêter l'exécution provisoire du jugement déféré et ce sans qu'il soit utile d'examiner les moyens sérieux de réformation allégués.
Sur la constitution d'une garantie
Selon l'article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
M. [L] demande, afin de garantir le paiement des sommes allouées à la société LGN, à être autorisé à prendre une inscription d'hypothèque au profit de cette dernière sur le bien immobilier de [Localité 14].
Cependant, il ne démontre pas que la constitution d'une garantie soit de nature à préserver utilement les droits des parties et, notamment, de la société LGN, dans l'attente de la décision au fond, d'autant qu'il existe déjà sur ce bien une inscription hypothécaire. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant en leurs prétentions, la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV supporteront in solidum les dépens de l'instance.
La représentation par avocat n'étant pas obligatoire dans cette procédure, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV seront condamnés in solidum à payer à la société LGN, contrainte d'exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 24/15775 et 24/15789 ;
Constatons le désistement partiel d'instance de la société Business Care Consulting à l'égard des sociétés M Capital Partners et Privo 29 Llc ;
Déclarons recevables les demandes de la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 2 décembre 2022 ;
Rejetons les demandes tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de ce jugement ;
Rejetons la demande de M. [L] tendant à la constitution d'une garantie réelle sur le bien immobilier situé à [Adresse 16] ;
Condamnons in solidum la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV aux dépens ;
Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 699 du code de procédure civile :
Condamnons in solidum la société Business Care Consulting, M. [L], la société [L] Dev Holding et la société RSV à payer à la société Le Goût du Naturel la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente