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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 11 mars 2025, n° 23/03067

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fillieux

Conseiller :

M. Garcia

Conseiller :

Mme Strunk

Avoués :

Me Garrigue, Me Tourné

Avocats :

Me Blaise, Me Lasry

TJ Rodez, du 3 févr. 2023, n° 18/00232

3 février 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SCI [I] est propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] (12), donné à bail commercial à la société SAS [N], laquelle y exploite une grande surface sous enseigne « Bricomarché » depuis le 1er mars 1995.

Le bail a été renouvelé régulièrement, le dernier renouvellement ayant eu lieu suivant acte sous seing privé en date du 21 février 2009 avec effet au 1er juillet 2008, pour une durée de neuf années.

Le 14 avril 2016, la société [N], ayant pris connaissance d'un revirement de jurisprudence invalidant la clause d'indexation du loyer insérée à son bail, a sollicité de son bailleur une restitution d'un trop versé de loyers.

Par acte extrajudiciaire délivré le 21 février 2017, la société [N] a demandé le renouvellement de son bail.

Le 10 avril 2017, la SCI [I] a fait délivrer à la société [N] un commandement visant la clause résolutoire enjoignant à sa locataire de « cesser toute exploitation commerciale dans les surfaces non comprises dans l'assiette des 1 162 m2 de surface de vente » évoqués dans le bail.

Le 19 mai 2017, la SCI [I] a fait signifier à la société [N] un refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, en faisant valoir des motifs graves et légitimes.

Suivant exploit d'huissier en date du 12 mai 2017, dûment autorisé par ordonnance sur requête du tribunal de commerce de Rodez en date du 2 mai 2017, il a été constaté que la société [N] ne s'était pas conformée au commandement dans le délai d'un mois requis.

Le 17 juin 2017, la SCI [I] a saisi le juge des référés pour lui demander de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance du 15 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rodez l'a débouté de ses demandes.

Suivant acte d'huissier en date du 21 février 2018, la société [N] a assigné la SCI [I] devant le tribunal de grande instance de Rodez aux fins d'obtenir le versement d'une indemnité d'éviction sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce, à la suite du refus de renouvellement qui lui avait été signifié en date du 19 mai 2017.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2018, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et a commis pour y procéder M. [F] [U] qui a déposé son rapport le 6 janvier 2020.

Par acte d'huissier en date du 1er avril 2019, la SCI [I] a fait délivrer un nouveau commandement visant la clause résolutoire à la société [N].

Par jugement en date du 11 juin 2021, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à l'expert judiciaire de compléter son rapport sur la majoration de 10.000 euros du loyer au titre « du droit à construire que constitue la clause d'agrandissement ».

Par jugement rendu le 3 février 2023, le tribunal judiciaire de Rodez :

Juge irrecevable la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire comme prescrite et déboute la SCI [I] de sa demande de résiliation de bail ;

Dit que par application de l'article L. 145-14 du code de commerce, et eu égard au refus de renouvellement notifié par la SCI [I] le 19 mai 2017, la société [N] a droit au paiement d'une indemnité d'éviction pour défaut de renouvellement de son bail ;

Condamne la SCI [I] au règlement d'une indemnité d'éviction ;

Avant dire droit, tous droits et moyens des parties demeurant réservés ;

Ordonne une mesure d'expertise aux fins d'évaluation de l'indemnité d'éviction ;

Commet, pour y procéder, M. [U] [F], demeurant [Adresse 2], près la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission :

Entendre les parties en leurs explications, visiter les locaux litigieux, les décrire, prendre connaissance des documents contractuels et de tous autres, et notamment des documents comptables et fiscaux relatifs à l'exploitation du fonds de commerce exploité par la société [N] dans les lieux, plus généralement réunir tous éléments d'appréciation utiles permettant de fixer le montant d'indemnité d'éviction due à la société [N] du fait de son éviction ;

Dit que l'expert se conformera, pour l'exécution de son mandat, aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile et qu'il pourra recueillir l'avis d'un technicien dans une spécialité distincte de la sienne après en avoir avisé les parties,

Dit que l'expert se conformera, pour l'exécution de son mandat, aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile et qu'il pourra recueillir l'avis d'un technicien dans une spécialité distincte de la sienne après en avoir avisé les parties ;

Dit que l'expert devra établir un pré-rapport qu'il adressera aux parties en leur donnant un délai qui ne soit pas inférieur à quinze jours pour faire valoir leurs observations ;

Dit qu'à la fin de ses opérations, l'expert organisera une réunion de clôture au cours de laquelle il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport ;

Dit que de ses opérations l'expert commis adressera un rapport qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Rodez et ce, dans un délai de six mois au plus tard à compter de l'avis qui lui sera donné par le greffe du versement de la consignation ;

Dit que si les parties viennent à se concilier l'expert constatera que sa mission est devenue sans objet et qu'il nous en fera rapport ;

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;

Fixe à 2.000 euros la provision de l'expert qui sera consignée au greffe de ce tribunal par la société [N] dans le délai d'un mois à compter de la présente décision ;

Dit que dès son premier accédit et au plus tard lors du second, s'il estime la provision insuffisante, l'expert dressera le programme de ses investigations et évaluera d'une manière la plus précise possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir le recouvrement de ses honoraires et débours, recueillera leurs observations et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une provision complémentaire en annexant les éventuelles observations ;

Dit que, faute d'effectuer les consignations ainsi fixées dans le délai imparti, la mesure d'expertise sera frappée de caducité, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

Dit que dès que le rapport sera déposé, l'affaire sera rappelée à l'une des audiences du juge de la mise en état ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par la société [N] à la somme de 100.800 euros HT annuel à compter du 19 mai 2017 ;

Condamne la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 62.583,78 euros HT (soit 75.099,34 euros TTC) au titre des sommes indûment versées à la suite des indexations opérées du Ier avril 2013 au 10 mai 2017, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation en justice soit le 21 février 2018 ;

Ordonne la capitalisation des dits intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Condamne la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision ;

Réserve les dépens.

Sur la demande de résiliation du bail par application de la clause résolutoire, le premier juge a retenu l'acquisition de la prescription quinquennale dès lors que la SCI [I] n'avait pas agi dans le délai légal puisqu'elle avait connaissance de l'existence des violations alléguées depuis la fin des travaux en juin 2004, date à laquelle le délai pour agir avait commencé à courir.

A titre surabondant, il a écarté le bénéfice de la clause résolutoire tenant au fait que l'article IX alinéa 2 du bail ne prévoit ni le respect de la désignation des lieux ni la désignation des locaux comme condition de ladite clause.

Le premier juge a retenu que la SCI [I] ne justifie d'aucun motif grave et légitime à l'encontre de la SAS [N], qui doit pouvoir bénéficier d'une indemnité d'éviction. Il a précisé que la SCI [I], informée depuis 2004 de l'extension de la surface de vente, a renoncé à s'en prévaloir en signant le bail le 21 février 2009. En outre, la SAS [N] a cessé l'exploitation du sas d'entrée suite à la mise en demeure.

Il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 100.800 euros HT annuelle à compter du 19 mai 2017 en tenant compte du rapport d'expertise contradictoire qui fixait cette valeur locative à la somme de 112.000 euros HT par an à laquelle un abattement de 10% a été appliqué selon l'usage, compte tenu de la précarité dans laquelle se trouve le preneur du fait du congé avec refus de renouvellement. Le premier juge a écarté les travaux réalisés par la SAS [N] du calcul dès lors que la clause d'accession du contrat de bail reporte expressément la date d'accession des travaux, améliorations et transformations effectués par le preneur à la sortie des lieux du preneur.

Sur la demande en paiement fondée sur l'illicéité de la clause d'indexation, le premier juge a retenu que la SCI [I] devait être condamnée à rembourser la somme de 62.583,78 euros HT (75.099,34 euros TTC) à la SAS [N] correspondant à la période du 1er avril 2013 au 199 mai 2017. Il a réputé non écrite la clause incluse dans l'article 7 du bail qui prévoit l'exclusion de l'indice à la baisse, interdisant donc une diminution du montant du loyer sans réciprocité. La SCI doit donc rembourser les sommes indûment perçues.

La SCI [I], prise en la personne de son représentant légal en exercice, a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 15 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions du 14 février 2024, la SCI [I] demande à la cour de :

Recevoir la société [I] en ses conclusions, moyens et fins ;

L'y dire bien fondée ;

Infirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez en date du 3 février 2023 en toutes ses dispositions ;

Débouter la société [N] de l'ensemble de ses conclusions, moyens, fins et appels incidents.

La débouter de ses demandes aux fins de confirmation partielle du jugement ;

La débouter de son appel incident et sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a « Fixe l'indemnité d'occupation due par la société [N] à la somme de 100.800 euros HT annuel à compter du 19 mai 2017 » et «Condamne la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 62.583,78 euros HT (soit 75.099,34 euros TTC) au titre des sommes indûment versées à la suite des indexations opérées du 1er avril 2013 au 10 mai 2017, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation en justice soit le 21 février 2018 » ;

A titre principal, sur la résolution du bail commercial :

Dire et juger que les effets de la clause résolutoire stipulée à l'article IX du Bail commercial en date du 21 février 2009 sont acquis depuis le 10 mai 2017 ;

Dire et juger que Bail commercial en date du 21 février 2009 est en conséquence résilié à compter du 10 mai 2017.

Débouter la société [N] de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Dire n'y avoir lieu à expertise ;

Dire et juger que la société [N] occupe sans droit ni titre les lieux auparavant donnés à Bail commercial et qui sont la propriété d'[I] depuis le 10 mai 2017 ;

Ordonner l'expulsion de la société [N] et de tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe et qui sont la propriété de la société [I], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Ordonner le transport aux frais de la société [N] des meubles garnissant les lieux loués dans un garde-meuble ;

Condamner la société [N] au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun d'un montant de 158.733,12 euros/an, soit 434,89 euros/jour à compter du 10 mai 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés, représentant deux fois le loyer quotidien par jour de retard, conformément à l'article IX du Bail commercial ;

Subsidiairement, si le tribunal devait juger y avoir lieu à modération de la clause pénale

La condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun d'un montant de 154.000 euros HT/an, soit 421,91 euros/jour à compter du 10 mai 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés ;

A titre subsidiaire, sur le refus de renouvellement sans indemnité du bail commercial

Dire et juger que le refus de renouvellement du bail commercial en date du 21 février 2009 est fondé sur des motifs graves et légitimes ;

Dire et juger que le Bail commercial en date du 21 février 2009 est dès lors terminé, résilié, échu et sans effets depuis le 30 juin 2017 à minuit ;

Débouter en conséquence la société [N] de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Dire n'y avoir lieu à expertise ;

Ordonner l'expulsion de la société [N] et de tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe et qui sont la propriété de la société [I], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Ordonner le transport aux frais de la société [N] des meubles garnissant les lieux loués dans un garde-meuble ;

Condamner la société [N] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 158.733,12 euros/an, soit 434,89 euros/jour à compter du 1er juillet 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés, représentant deux fois le loyer quotidien par jour de retard, conformément à l'article IX du bail commercial ;

Subsidiairement, si le tribunal devait juger y avoir lieu à modération de la clause pénale,

La condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun d'un montant de 154.000 euros HT/an, soit 421,91 euros/jour à compter du 1er juillet 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés ;

A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait considérer que le non-renouvellement du bail commercial ne repose pas sur des motifs légitimes, sur l'indemnité d'occupation statutaire due à [I] :

Condamner la société [N] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 154.000 euros HT/an, soit 421,91 euros/jour à compter du 1er juillet 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés ;

Si par extraordinaire le tribunal devait considérer que la société [N] justifie d'un préjudice en raison de sa situation précaire,

La condamner au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 138.600 euros HT/an, soit 379,72 euros HT/jour à compter du 1er juillet 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux et restitution des clés ;

Sur la demande fondée sur l'inopposabilité de la clause d'indexation :

Dire et juger n'y avoir lieu à paiement de quelque somme que soit et Débouter [N] de l'ensemble de ses prétentions, moyens et fins quant à ce ;

Très subsidiairement

Déclarer irrecevable comme prescrite toute demande de la société [N] aux fins de répétition du montant de l'indexation des loyers versés pour la période antérieure au 28 février 2013 ;

Déclarer irrecevable comme toute demande de la société [N] aux fins de répétition du montant de l'indexation des loyers versés pour la période postérieure au 30 juin 2017, aucun loyer n'étant plus exigible, l'indemnité d'occupation s'y substituant ;

Dire et juger que toute demande de la société [N] aux fins de répétition du montant de l'indexation des loyers versés entre le 1er mars 2013 et le 30 juin 2017 ne saurait excéder la somme de 13.667,86 euros TTC ;

Ordonner le cas échéant la compensation de la somme de 13.667,86 euros TTC pouvant être due sur la période du 1er mars 2013 au 30 juin 2017 avec l'indemnité d'occupation due à la société [I] à compter du 10 mai ou alternativement au 1er juillet 2017 ;

En tout état de cause

Condamner la société [N] à verser à la société [I] la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société [N] aux entiers dépens et frais d'huissier exposés par la société [I].

La SCI [I] soutient que le bail commercial a été valablement résilié en application de la clause résolutoire du bail acquise le 10 mai 2017, les manquements ayant perduré plus d'un mois après la délivrance du commandement.

La SCI conclut à l'absence de prescription de l'action dès lors qu'elle n'aurait eu connaissance de la violation qu'en juillet 2016 lorsqu'elle a été amenée à devoir répondre à la demande de la SAS [N] en restitution d'une quote-part de loyer, affirmant n'avoir pas reçu les plans ni avoir été convoquée à la réception des travaux. De surplus, elle soutient que c'est bien à compter de chaque violation, c'est à dire à chaque ouverture du magasin ne respectant pas le bail, au public, que se réalise le dommage y afférent de sorte que l'action en résolution est tout à fait recevable.

Elle fait également valoir que la clause résolutoire a été dénaturée par le premier juge alors qu'elle vise le « défaut d'exécution d'une seule des conditions du bail et de ses annexes » et couvre une violation à la destination des lieux. Elle précise que seule une autorisation de travaux, et non une autorisation de modifier la destination des lieux, a été accordée à la SAS.

Subsidiairement, elle affirme, sur le fondement de l'article L. 145-17 I 1° du code de commerce, que le bail est résilié depuis le 30 mai 2017 tenant au refus de renouvellement qui repose sur des motifs graves et légitimes, justifiant n'y avoir lieu à la moindre indemnité d'éviction. Elle se fonde sur les mêmes violations que celles ayant fondé le commandement du 10 avril 2017, à savoir l'extension illicite de la surface de vente, l'affectation illicite du sas d'entrée en surface de vente et la modification illicite de l'affectation matérielle et de la distribution interne au premier bâtiment perdurant plus d'un mois après le commandement et constatés par huissier. La SCI ajoute que la SAS [N] ne peut ignorer la clause limitant la désignation et fixant le périmètre de la surface de vente autorisée à 1162 m2, lorsqu'elle a ratifié le bail commercial en date du 21 février 2009.

L'appelante sollicite qu'une indemnité d'occupation de droit commun soit fixée à 158.733,12 euros par an en tenant compte de l'état des lieux, de tous travaux, construction et aménagement du preneur, dès lors que le maintien de ce dernier dans les lieux s'avère illicite. Elle affirme que les travaux effectués ne sont pas des constructions au sens de l'article 555 du code civil susceptibles d'accession différée en fin de relations locatives. Selon la SCI, l'extension de la surface de vente de 1162 m2 à 2600 m2, c'est à dire une augmentation de 438 m2 en interne, et de 1000 m2 en externe, ne saurait ainsi résulter des travaux de constructions du preneur. La SCI [I] argue qu'elle ne peut plus jouir de son bien en le remettant en location du fait du maintien du preneur dans les lieux.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que les effets de la clause résolutoire ne sont pas acquis ni que les motifs de l'éviction ne sont pas suffisamment graves et légitime, elle sollicite que le jugement soit réformé en ce qu'il n'aurait pas fixé l'indemnité d'occupation statutaire conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

La SCI [I] demande à ce que sa condamnation au titre de l'illicéité de la clause d'indexation soit infirmée tenant la fraude dont elle aurait elle-même souffert en minorant les loyers. Selon l'appelante, seule la stipulation illicite d'une clause d'indexation d'un bail commercial est réputée non écrite, à moins que cette stipulation ne soit indivisible du reste de la clause. Seul le dernier alinéa de l'article 7 doit donc être réputé non écrit, la clause de révision du loyer restant valable. Elle souligne que c'est la SAS [N] qui a elle-même rempli et signé la déclaration fiscale relative à la taxe foncière des lieux en avril 2006 et que cette dernière a minoré l'extension de la surface de vente réellement exploitée et a empêché la SCI [I] de se rendre compte de l'extension illicite.

L'appelante soutient qu'il est inopérant de la part de la SAS [N], de s'arc-bouter à demander le rejet de la majoration de 10% de la « clause d'agrandissement », alors que seule la valeur locative des lieux dans leur état au jour du jugement et exempte de tout plafonnement, doit être prise en considération dès lors que le bail est définitivement résilié et/ou échu (non-renouvelé). Elle affirme que la valorisation à hauteur de la somme de 10.000 euros HT par an correspond à la surface extérieure nue donnée à bail commercial et sur laquelle la société [N] a pu faire construire son auvent, sa « réserve bois » et sur laquelle elle offre à la vente au public ses produits en extérieur. Elle ajoute que, l'intimée ne démontrant aucune perte ni aucun gain manqué depuis le 1er juillet 2017, l'abattement de 10% devrait être exclu dès lors que la SAS [N] ne se trouve pas en situation de précarité. Elle précise que la réduction demandée au titre de la période de confinement ne repose sur aucun fondement.

Dans ses dernières conclusions du 27 novembre 2023, la SAS [N], prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez en ce qu'il a :

Jugé irrecevable la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire comme prescrite et débouté la SCI [I] de sa demande de résiliation de bail,

Dit que par application de l'article L145-14 du code de commerce, et eu égard au refus de renouvellement notifié par la SCI [I] le 19 mai 2017, la société [N] a droit au paiement d'une indemnité d'éviction pour défaut de renouvellement de son bail et en conséquence a :

* Condamné la SCI [I] au règlement d'une indemnité d'éviction,

* Avant dire droit, tous droits et moyen des parties demeurant réservés,

* Ordonné une mesure d'expertise aux fins d'évaluation de l'indemnité d'éviction,

* Commis pour y procéder M. [U] [F] demeurant [Adresse 2], expert près la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission :

Entendre les parties en leurs explications,

Visiter les locaux litigieux, les décrire,

Prendre connaissance des documents contractuels et de tous autres, et notamment des documents comptables et fiscaux relatifs à l'exploitation du fonds de commerce exploité par la société [N] dans les lieux.

Plus généralement réunir tous éléments d'appréciation utiles permettant de fixer le montant d'indemnité d'éviction due à la société [N] du fait de son éviction ;

Dit que l'expert se conformera, pour l'exécution de son mandat, aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile et qu'il pourra recueillir l'avis d'un technicien dans une spécialité distincte de la sienne après en avoir avisé les parties,

Dit que l'expert devra établir un pré-rapport qu'il adressera aux parties en leur donnant un délai qui ne soit pas inférieur à quinze jours pour faire valoir leurs observations,

Dit qu'à la fin de ses opérations, l'expert organisera une réunion de clôture au cours de laquelle il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport,

Dit que de ses opérations, l'expert commis adressera un rapport qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Rodez et ce, dans un délai de six mois au plus tard à compter de l'avis qui lui sera donné par le greffe du versement de la consignation,

Dit que si les parties viennent à se concilier l'expert constatera que sa mission est devenue sans objet et qu'il en fera rapport au tribunal,

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

Fixé à deux mille euros (2.000 euros) la provision de l'expert et constate que la provision a été versée par [N] au greffe du tribunal judiciaire de Rodez ;

Dit que dès son premier accedit et au plus tard lors du second, s'il estime la provision insuffisante, l'expert dressera le programme de ses investigations et évaluera d'une manière la plus précise possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir le recouvrement de ses honoraires et débours, recueillera leurs observations et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une provision complémentaire en annexant les éventuelles observations ;

Dit que faute d'effectuer les consignations ainsi fixées dans le délai imparti, la mesure d'expertise sera frappée de caducité, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

Dit que dès que le rapport sera déposé, l'affaire sera rappelée à l'une des audiences du juge de la mise en état ;

Jugé non écrite la clause d'indexation du bail du 21 février 2009 par application des dispositions de l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier ;

Ordonné la capitalisation des intérêts dus par la SCI [I] à [N] sur les sommes à restituer au titre de l'illicéité de la clause d'indexation

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez en ce qu'il a :

Fixé l'indemnité d'occupation due par la société [N] à la somme de 100.800 euros HT annuel à compter du 19 mai 2017 ;

Condamné la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 62.583,78 euros HT (soit 75.099,34 euros TTC) au titre des sommes indûment versées à la suite des indexations opérées du 1er avril 2013 au 10 mai 2017, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation en justice soit le 21 février 2018 ;

Statuant à nouveau

Condamner la SCI [I] à payer à la société [N] la somme de 113.207 euros TTC au titre des sommes indûment versées à la suite des indexations opérées du 1er avril 2011 au 31 décembre 2019, à parfaire jusqu'à ce qu'une décision définitive ait tranché la question et subsidiairement la somme de 101.406 euros TTC à parfaire si la prescription quinquennale était retenue ;

Dire et juger que la somme de 113.207 euros (et subsidiairement celle de 101.406 euros), portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2016 et ordonner la capitalisation des dits intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Sur l'indemnité d'occupation

Dire et juger que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative selon la consistance des locaux avant travaux et après application d'une indemnité de précarité soit à la somme de 41.741 euros HT/HC/an ;

Subsidiairement, si la Cour estimait que l'impôt foncier ne pouvait être déduit de la valeur locative, l'indemnité d'occupation devrait être fixée à la somme de 76.500 euros HT/HC/an ;

Plus subsidiairement encore, dans l'hypothèse où la Cour estimerait que la valeur locative devait être calculée sur la consistance des locaux en intégrant les travaux du preneur, la valeur locative s'établirait comme suit après application de l'abattement de précarité :

- En déduisant l'impôt foncier à la charge du preneur : 80.751 euros HT/HC/an (154.000 € - 46.345 x 25 %),

- En excluant l'impôt foncier : 115.000 euros HT/HC/an (154.000 x 25 %) ;

Ordonner dans cette hypothèse, la compensation des indemnités d'occupation avec l'indemnité d'éviction ;

Encore plus subsidiairement, si par extraordinaire la cour prononçait la résiliation du bail, l'indemnité d'occupation devrait être fixée sur la base du loyer courant hors indexation illicite soit 79.366,56 euros HT/HC/an ;

Sur la demande de restitution d'indemnité d'occupation

Condamner la SCI [I] à restituer à la société [N] le trop-perçu d'indemnité d'occupation sur les mois de mars et avril 2020, soit 5.243,39 euros HT (3.856 € + 1.387,39 €) ;

En tout état de cause

Condamner la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI [I] aux entiers dépens.

La SAS [N] soutient que les motifs invoqués par la SCI [I] pour s'opposer au refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ne sont pas fondés. Selon elle, la mise en demeure du 28 octobre 2016 serait nulle en ce qu'elle ne reproduit pas les mentions prévues à l'article L 145-17 I 1 du code de commerce. Elle estime que le congé délivré le 19 mai 2017 visant la mise en demeure du 28 octobre 2016 laisse subsister le refus de renouvellement mais ouvre droit au paiement d'une indemnité d'éviction.

Surabondamment, elle fait valoir qu'aucun des manquements invoqués dans la mise en demeure et le congé ne sont caractérisés dès lors qu'elle aurait obtenu l'accord de son bailleur concernant l'augmentation de la surface de vente en 2004, ratifiée par la signature du nouveau bail en 2009, et qu'elle n'exerce aucune activité de vente dans le sas d'entrée du bâtiment 1. La SAS affirme que son bailleur, qui s'est rendu plusieurs fois dans le magasin à partir de 2005, ne pouvait ignorer l'ampleur des travaux qui étaient visibles de l'extérieur et dont la taxe foncière faisait apparaitre, selon la SAS, une majoration de 50%.

L'intimée soutient que la SCI [I] doit lui verser une indemnité d'éviction qui lui est due dès lors que, selon elle, il n'existe pas de motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement.

La SAS [N] sollicite le rejet de la demande de résiliation du bail formulée par la SCI [I] sur le fondement de l'acquisition de la clause résolutoire par suite des commandements délivrés les 17 avril 2017 et 1er avril 2019. Elle affirme que l'action en résiliation du bail est prescrite dès lors que la SCI [I] avait, selon elle, été largement informée des travaux réalisés en 2004 grâce à l'accord du bailleur, la transmission des plans et le fait que les travaux étaient largement visibles. Elle ajoute que la SCI [I] ne peut se prévaloir de la clause de tolérance du bail qui n'aurait aucune incidence sur la prescription extinctive. Elle affirme également que l'imprécision de la clause résolutoire ne lui confère aucun effet.

La SAS fait valoir que la clause d'indexation du bail du 21 février 2009 doit être réputée non écrite et que, par conséquent, la SCI [I] devrait être condamnée à restituer les loyers indûment perçus. Elle précise que cette clause est illicite, ne faisant varier le loyer qu'à la hausse et excluant une possible variation à la baisse. Elle sollicite donc le remboursement de la somme de 113.207 euros TTC.

L'intimée soutient que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative des biens loués et donc sans tenir compte des travaux et aménagements dont le bailleur n'a, selon elle, pas l'accession qui serait reportée à la fin du bail. Elle sollicite également un abattement pour précarité, ne bénéficiant pas des mêmes prérogatives que le locataire en se maintenant dans les lieux puisque l'impôt foncier est à la charge de la SAS. Elle estime donc cette valeur locative à la somme de 41.741 euros HT par an, prenant en compte la charge de l'impôt foncier, l'abattement pour précarité et excluant les travaux et la « clause d'agrandissement » qui serait une clause d'accession ne pouvant donner lieu à une majoration de l'indemnité d'occupation.

La SAS [N] sollicite le rejet de l'indemnité d'occupation égale au double du loyer. Elle estime que cette indemnité ne pourrait intervenir qu'en cas de résiliation du bail ce qui n'est, selon elle, pas le cas. La SAS estime également que cette indemnité présente le caractère d'une clause pénale que le juge peut modérer et devra fixer à 79.366,56 euros HT par an.

La SAS [N] sollicite une réduction durant la période de confinement sur le fondement des dispositions des articles 1195, 1217 et 1219 du code civil en arguant du fait que la valeur locative du bien aurait été affectée due à la fermeture administrative des commerces.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 22 avril 2024.

MOTIFS :

Sur la résiliation :

En application des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Par acte du 10 avril 2017, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail, lui enjoignant de cesser, dans le délai d'un mois à compter de l'acte :

'- toute exploitation commerciale dans les surfaces non comprises dans l'assiette des 1 162m² de surface de vente comprise dans l'enceinte du premier bâtiment principal de 1 580m²

- toute exploitation commerciale dans les espaces, locaux et surface non dédiés à la vente ni à une activité commerciale suivants :

le sas d'entrée du premier bâtiment principal,

le bâtiment n°2,

la cour au droit du bâtiment principal et toute la surface extérieure contiguë au bâtiment 2,

l'extension du premier bâtiment principal édifié au droit de ce premier bâtiment principal,

l'auvent construit au droit du premier bâtiment.'

* Sur la prescription :

Il convient d'examiner la recevabilité de l'action soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil qui énonce que le délai quinquennal pour agir commence à courir à compter de la date ou le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son action.

Le juge de première instance a déclaré prescrite la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire en retenant que la bailleresse qui a délivré un commandement le 10 avril 2017 n'a pas agi dans le délai de la prescription quinquennale à partir du moment où elle a ou aurait dû connaître les faits dénoncés.

La SCI [I] soutient que si effectivement, elle a autorisé en 2002 et 2003, sa locataire a déposer une demande d'extension de surface de vente auprès du CDEC, ainsi que des demandes en vue d'obtenir un permis de démolir et de construire, elle n'a pas été informée de la teneur des dossiers ainsi déposés et des autorisations ainsi obtenues.

Elle fait valoir également que si elle a pu constater la démolition de l'auvent transformé en sas d'entrée, ainsi que la construction d'un local au droit du premier bâtiment, elle ne pouvait en revanche connaître la réalité des travaux entrepris intra muros permettant d'augmenter la surface de vente de 400m².

Elle précise que le bail renouvelé en 2009 stipule une surface de vente de 1162m² au sein des 1 580m² de surfaces couvertes dans le premier bâtiment démontrant sa méconnaissance des travaux entrepris en 2004.

Toutefois, dans ses propres conclusions en page 7, la SCI [I] affirme qu'elle a pu constater depuis l'extérieur, la démolition de l'auvent sur le devant du magasin ainsi que la construction d'un nouvel auvent et d'un local au droit du premier bâtiment. En effet, eu égard au caractère éminemment visible par tous de ces constructions et au fait que le représentant de la SCI [I] exploite une station service située à proximité du local litigieux, force est de constater que ces infractions ont été portées à la connaissance du bailleur dès 2004 et que la prescription est acquise.

De sorte que reste à examiner par la cour, l'infraction afférente à 'exploitation commerciale dans les surfaces non comprises dans l'assiette des 1 162m² de surface de vente comprise dans l'enceinte du premier bâtiment principal de 1 580m'.

La bailleresse dénonce la démolition à l'intérieur du premier bâtiment d'un mur afin d'ouvrir au public des surfaces jusqu'alors dédiées aux réserves.

Toutefois, dès 22 juillet 2002, M. [W], en sa qualité de gérant de la SCI [I] a signé un courrier remis à sa locataire aux termes duquel il l''autorise à déposer une demande d'extension de surface de vente' et le 14 octobre 2003, un courrier également remis à sa locataire aux termes duquel il l' 'autorise à déposer une demande de permis de construire concernant l'extension de la surface de vente', courrier réitéré le 24 octobre 2003. Il résulte du constat d'huissier établi le 16 décembre 2003, que le permis de construire régulièrement affiché par la SA [N] au su et à la vu de tous, décrivait la nature des travaux comme étant 'une extension de la superficie de vente'. Ainsi il est établi que la bailleresse était dûment avisée dès 2003 de la réalité et l'ampleur des travaux.

La bailleresse soutient ne pas avoir eu connaissance de la réalité des travaux entrepris dans les locaux loués. Toutefois l'article 2224 du code civil fixe le point de départ de la prescription à la date où le titulaire du droit aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. De sorte que la bailleresse qui avait connaissance de travaux d'importance entrepris dans les lieux loués nécessitant l'octroi d'un permis de démolir et de construire, ne peut se prévaloir de sa propre inertie pour justifier un report du point de départ du délai de prescription, sauf à justifier d'une fraude qui n'est ni invoquée ni établie en l'espèce.

De surcroît, la taxe foncière dont la SCI [I] supporte le coût d'un montant de 24 730eurs en 2003 et de 24 189euros en 2004, s'est élevée en 2005 à la somme de 35 804euros. Une telle augmentation permettait d'alerter utilement la bailleresse qui a payé sans émettre ni protestation ni réserve, sur la réalisation des travaux et ce d'autant que le 10 octobre 2006, les services fiscaux ont adressé à la SCI [I], un courrier de réponse à une réclamation sur le calcul de la taxe foncière, qui reprend les surfaces du local loué et leur pondération et retient une surface de vente de 1 600m² pondérée avec un coefficient de 1, des réserves pondérées à 0,33 et des réserves extérieures de 715m² pondérées à 0,55, démontrant qu'à cette date, la bailleresse reconnaît qu'une surface intérieure de 1 600m² était dédiée uniquement à la vente et non pas pour partie à des réserves ce qui aurait entraîné une diminution de sa valeur fiscale.

Si la demande de rectification adressée aux services fiscaux le 7 avril 2006 a été rédigée par la locataire, ainsi que le soutient la bailleresse, le courrier de réponse du 10 octobre 2006 a bien été adressé à la SCI [I] qui n'a à sa réception, ni contesté et ni remis en cause le chiffrage proposé.

La SCI [I] soutient enfin que le bail souscrit en 2009 stipule un périmètre de vente de 1 162m² au sein d'un bâtiment de 1 580m² démontrant son ignorance de la réalité et la finalité des travaux alors que si les parties avaient entendu étendre conventionnellement la surface de vente au-delà du périmètre convenu, elles l'auraient acté.

Toutefois, le bail souscrit le 21 février 2009 contient également une clause d'accession en fin de jouissance du preneur, modification qui ne peut s'expliquer que par la volonté des parties de permettre aux travaux d'échapper au calcul de la valeur locative.

Il convient de confirmer le jugement de première instance et de dire que l'action en résiliation du bail commercial en vertu de l'application de la clause résolutoire est prescrite pour ne pas avoir été entreprise dans le délai de 5 ans à compter de la connaissances des faits qui la fondent.

2) Sur le refus de renouvellement du bail :

Par acte du 19 mai 2017, la bailleresse a donné congé à sa locataire sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction en invoquant des motifs graves et légitimes au sens de l'article L 145-17 du code de commerce. La bailleresse reproche à sa locataire d'exploiter commercialement une surface de vente qui dépasse le périmètre stipulé dans le bail qui prévoit une surface de 1 162m² uniquement et d'affecter le SAS d'entrée du premier bâtiment à la vente en violation selon elle des règles de sécurité en vigueur.

* Sur l'utilisation du SAS d'entrée :

La bailleresse produit un constat d'huissier établi le 19 décembre 2016 aux termes duquel Maître [L] a constaté la présence de sapins de Noël offerts à la vente entreposés dans le sas d'entrée du magasin sur lesquels sont apposés des étiquettes affichant leur prix, constatations réitérées le 27 janvier 2017, l'huissier constatant la présence de portes en bois et de cartons dans le sas d'entrée sur lesquels sont apposés des affichant indiquant ' Soldes' et ' remise en caisse'.

Toutefois, le propriétaire, qui envisage de refuser le renouvellement du bail pour motif grave et légitime doit, en principe, faire précéder son congé d'une mise en demeure. Si cette infraction s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après la mise en demeure, le motif peut alors être invoqué à l'appui d'un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

En l'espèce, il ressort du constat d'huissier établi le 10 mai 2017 par Maître [M] que le sas est vide et libre de toute marchandise, objet ou matériel offerts à la vente et que le 12 mai 2017, Maître [Z] constate que si des articles sont exposés à la vue de la clientèle, ils sont dépourvus de prix et que des prospectus sont présents sur une table.

Outre que la preuve de la réitération de l'infraction dénoncée n'est pas établie, il convient de noter que la bailleresse ne justifie nullement d'infractions aux règles de sécurité invoquées, l'interdiction de l'utilisation de l'espace d'un sas comme espace de vente ne résultant d'aucun texte légal ou réglementaire.

Enfin, l'interdiction de l'utilisation de l'espace dévolu au sas pour y entreposer des objets offerts à la vente ne résulte nullement du contrat de bail.

* Sur l'exploitation de l'espace de vente :

La bailleresse reproche à sa locataire d'avoir étendu les surfaces de vente violant ainsi la clause de désignation des surfaces selon elle.

Force est de préciser qu'il n'est nullement établi par les éléments du dossier que la locataire ait entrepris dans les lieux loués une activité autre que celle prévu au bail à savoir ' l'achat, la vente de tous produits commerciaux ayant trait à la maçonnerie, l'électricité, et appareils electroménagers, à la plomberie, à l'installation de sanitaire, à la menuiserie, à la peinture, à la vitrerie et objets de cadeaux, à la verrerie, à la vaisselle, à la mercerie, aux produits ménagers et d'entretien, au jardinage, à la quincaillerie, et d'une manière générale à toutes activités manuelles de bricolages, et d'une manière générale, réalisation de toutes affaires concernant les produits pouvant être vendus dans les grandes surfaces de bricolage'. Ainsi l'ensemble des textes et de la jurisprudence produits au débat, afférent à la modification de la destination des locaux commerciaux par ajout d'une activité connexe ou complémentaire à celle prévue au bail, est sans effet sur le présent litige puisque la bailleresse reproche une violation de la clause de désignation des surfaces et non de destination qui concerne l'activité exercée.

La bailleresse soutient que la surface dédiée à la vente prévue au bail soit 1 162m² à l'intérieur du premier bâtiment a été indûment étendue par l'utilisation de surfaces extérieures (dans la cour au droit du premier bâtiment et sous l'avent) qui ont été ouvertes au public, ainsi que l'huissier l'a constaté selon procès-verbal du 12 mai 2017.

Toutefois, il convient de retenir selon le raisonnement sus visé que les travaux entrepris dans les locaux loués étaient connus du bailleur dès 2003 pour ceux réalisés dans le local au vu des documents d'approbation fournis au débat et que les travaux réalisés à l'extérieur l'ont été au su et vu de tous, y compris du bailleur qui exploite une station service à proximité immédiate des lieux loués.

De sorte que le bailleur ne peut prétendre découvrit subrepticement en 2017 des aménagements ou des constructions édifiées sans son accord dans les lieux donnés à bail.

Enfin et surtout, le fait pour une grande surface de bricolage exploitée dans un bâtiment offrant une superficie de 1580m² dont 1 160m² de surface de vente, de proposer à la vente des objets placés sous un auvent situé au droit du dit bâtiment et dans une cour toujours au droit du bâtiment principal, ainsi que le constate Maître [E] [B] le 12 mai 2017 ne revêt pas de caractère suffisant de gravité pour justifier le refus de renouvellement du bail sans offre d'indemnité d'éviction et ce d'autant que la cour ignore la superficie exacte des surfaces extérieure ainsi offertes à la vente. Il est de même pour la modification de l'affectation des surfaces à l'intérieur des locaux ayant conduit le locataire a affecter des locaux donnés à bail en tant que réserves, à l'activité de vente.

Il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que la bailleresse ne justifiait d'aucun motif grave et sérieux pouvant justifier son refus de renouvellement et ordonné une expertise pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction.

3) Sur l'indemnité d'occupation statutaire déterminée selon les dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce.

Selon les dispositions du code de commerce : 'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation...'

La juridiction de premier instance a retenu une valeur locative hors travaux de 112 000euros HT, somme à laquelle a été appliquée une minoration de 10% pour tenir compte de la précarité de la situation du locataire, soit une somme de 100 800euros HT , la valeur des travaux d'améliorations réalisés dans les lieux loués n'étant pas prise en considération en raison de la clause d'accession en fin de jouissance .

* sur la clause d'accession en fin de jouissance :

Le bail souscrit par les parties le 21 février 2009 contient la clause suivante : ' toutes modifications qui pourront être apportées ainsi au gros oeuvre, ainsi que toutes constructions, améliorations et embellissement, travaux d'aménagement de quelque nature que ce soit , réalisés dans les lieux loués qu'ils deviennent ou non immeuble par destination, demeureront acquis au bailleur sans indemnité lors de la résiliation définitive du bail renouvelé une ou plusieurs fois. La règle de l'accession ne jouera que lors de la rupture définitive des relations contractuelles'.

Il est acquis et non contesté que la locataire a réalisé dans les lieux loués des travaux et des aménagements. La société [N] s'oppose à la prise en compte de la valeur de ces travaux dans le calcul de l'indemnité d'occupation au motifs que le conge avec refus de renouvellement ne peut être analysé comme une rupture des relations contractuelles, eu égard au droit de repentir que la bailleresse peut exercer en cas de maintien dans les lieux de la locataire.

Néanmoins, l'exercice du droit de repentir ne fait pas revivre le contrat initial mais au contraire fait naître un nouveau contrat entre les parties. Dès lors il ne peut être retenu que l'existence d'un droit de repentir allonge la durée de vie du premier bail, l'exercice de ce droit étant sans influence sur la durée du premier bail venu à expiration par le simple effet du congé.

Ainsi, la clause d'accession, qui reporte la date d'accession au jour de la rupture des relations contractuelles, doit recevoir application. En l'espèce, le congé délivré le 10 avril 2017 avec effet au 1er juillet 2017 et comportant un refus de renouvellement a définitivement mis fin aux relations contractuelles afférentes au bail souscrit le 21 février 2009. Il doit être tenu compte des améliorations réalisées dans les lieux loués pour fixer la valeur locative. La valeur locative est selon les estimations de l'expert de 154 000euros .

* Sur la clause d'agrandissement :

L'expert dans son rapport indique que faute de pouvoir affecter les espaces extérieurs non couverts sur lesquels la locataire exerce son commerce, à un usage précis, il les qualifie de zones d'aisance et dépendances en leur attribuant un coefficient de 0,1 lors de la pondération, ces surfaces devant faire l'objet d'une valorisation au titre de l'avantage qu'elles procurent au locataire.

L'absence d'une clause contractuelle octroyant au locataire, un droit à construire, ce qui n'est pas contesté par l'expert dans son rapport déposé le 12 novembre 2021 ne peut qu'être que confirmée par la cour.

Toutefois, ainsi que l'a retenu l'expert avec raison, le sol des extensions extérieures autorisées par le CDEC doit faire l'objet d'un coefficient de pondération prenant en compte la possibilité de faire bâtir sur cette emprise après l'obtention éventuelle d'un permis.

* Sur l'impôt foncier :

En application des clauses contractuelles, le locataire doit rembourser au bailleur, l'impôt foncier au prorata des surfaces louées.

La prise en charge par le locataire de l'impôt foncier constitue une charge exorbitante de droit commun qui ouvre droit à une minoration de la valeur locative et on doit déduire de la valeur locative l'impact du coût complet de l'impôt foncier. Cassation 15 février 2018 16-19818.

La locataire sollicite à ce titre une déduction de 46 345euros soit environ 30% de la valeur locative de 154 000euros soit un total de 108 000euros

* Sur la précarité :

Il convient de tenir compte de la précarité de la situation locative de l'occupant postérieurement à la date d'effet du congé, cette précarité résulte du caractère incertain de son titre qui peut, notamment, lui interdire de réaliser des investissements du fait de l'ignorance dans laquelle il est tenu sur la date de son éviction des lieux.

En l'espèce, la bailleresse établit par la production des bilans comptables de la locataire que son chiffre d'affaire et ses résultats ont été en constante progression postérieurement à la délivrance du congé, puisque le résultat comptable de 160 790euros en 2017 est passé à 359 510 euros en 2021.

Dès lors, seul un coefficient de 10 % sera appliqué à la valeur locative pour tenir compte du préjudice tenant à l'instabilité de la situation locative. La valeur locative doit être fixée à la somme annuelle de 97 200euros .

Il convient d'infirmer le jugement et de fixer la valeur de l'indemnité d'occupation à la somme de 97 200euros .

La société [N] sollicite en se fondant sur les dispositions de l'article 1722 du code civil une réduction de l'indemnité d'occupation pendant la période de Covid, en arguant du fait qu'elle n'a pu exploiter les lieux loués.

Toutefois, le preneur n'est dégagé de ses obligations vis-à- vis du bailleur qu'un cas fortuit ou de force majeure empêchant d'une manière absolue la jouissance de la chose louée. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la réglementation relative à la période de confinement a seulement restreint les conditions d'accès au magasin de bricolage au public, sans jamais lui en interdire l'accès.

4) Sur la clause d'indexation du loyer contenue dans le bail du 21 février 2009 :

Il est prévu à l'article 7 du bail une clause stipulée de façon suivante :

' Le loyer de base sera ajusté automatiquement pour chaque période à la date annuelle, au 1er avril de chaque année, en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE et pour la première fois le 1er avril 2009.

Pour application de la présente clause d'échelle mobile, il est précisé que l'indice de base sera l'indice du 3ième trimestre 2007 égal à 1443 et les indices de comparaison seront relevés selon une périodicité elle-même annuelle, conformément à l'article 10 de la loi du 29 décembre 1977. En conséquence, le premier indice de comparaison sera le premier indice anniversaire de l'indice de base et les indices de comparaison successifs seront séparés les uns et les autres d'une période de variation d'un an.

La présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base étant précisé que le loyer de base est le dernier loyer indexé'

Il est constant ainsi que l'a relevé à raison le juge de première instance qu'une clause d'indexation, qui exclut, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu en fonction de la variation de l'indice, stipulant ainsi que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse, doit être jugée non écrite puisque le propre d'une échelle mobile doit être de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause écartant tous réciprocité de variation fausse le jeu normal de l'indexation.

La locataire estime que les stipulations de cette partie de la clause revêtant un caractère essentiel, conduisent à l'indivisibilité de celle-ci avec les autres parties de la clause empêchant d'opérer un choix entre elles pour n'en conserver que certaines et qu'il convenait de déduire du caractère essentiel de l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer que la clause d'indexation devait être, en son entier, réputée non écrite.

Toutefois, la société [N] échoue à caractériser l'indivisibilité de la clause, le dernier alinéa de la clause étant parfaitement divisible du reste du paragraphe et seule la stipulation prohibée, qui crée l'absence de réciprocité, doit être réputée non écrite.

Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre et dire et juger que la clause d'indexation est valable à l'exception de l'alinéa litigieux.

S'il est incontestable que les sommes indûment versées en vertu d'une clause censée n'avoir jamais existée doivent être restituées, la demande à ce titre est une action en répétition de l'indu, soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil, de sorte que la créance de restitution ne peut être calculée sur la base du loyer initial mais doit l'être sur celle du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription.

De surcroît, ainsi que l'a retenu le juge de première instance avec raison, la demande de restitution ne peut prospérer postérieurement à la fin du bail fixée au 30 juin 2017, l'indemnité d'occupation due à compter de cette date au lieu et place du loyer, n'étant pas soumise à la clause d'indexation contractuelle.

Tel qu'il résulte des quittances de loyers entre le 1er mars 2013 et le 30 juin 2017, que la locataire a versé durant cette période la somme de 462 001,71euros TTC alors qu'elle était redevable de la somme de 448 333,85euros TTC. La bailleresse est donc redevable de la somme de 13 667,86euros TTC au titre du trop perçu. Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre.

En l'état de la procédure, la demande de compensation, entre les sommes dues par la locataire au titre de l'indemnité d'occupation et celles du par le bailleur au titre de l'indemnité d'éviction qu'il reste à déterminer, est prématurée.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 3 février 2023 par le tribunal de Rodez en ce qu'il a jugé irrecevable car prescrite la demande de constatation de la résiliation du bail, dit que le refus de renouvellement n'est pas fondé sur des motifs légitimes et sérieux, dit que la société [N] est fondée à obtenir le versement d'une indemnité d'éviction et condamné la SCI [I] à payer une indemnité d'éviction et ordonné une expertise afin d'en déterminer le montant,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe l'indemnité d'occupation due par la société [N] à la somme annuelle de 97 200euros HT ,

Condamne la SCI [I] à verser à la société [N] la somme de 13 667,86euros TTC au titre de la répétition des sommes indûment versées du 1er avril 2013 au 30 juin 2017, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation annuelle des intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SCI [I] à payer à la société [N] la somme de 2 500euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI [I] au paiement des dépens de la présente instance.

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