Livv
Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 11 mars 2025, n° 24/02007

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 24/02007

11 mars 2025

ARRET N°110

L/KP

N° RG 24/02007 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HDOP

S.C.I. S.S.D.V.

C/

S.A.S.U. IP3 VENDEE

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 11 MARS 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02007 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HDOP

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 16 juillet 2024 rendu(e) par le Président du TJ de [Localité 4].

APPELANTE :

S.C.I. S.S.D.V. Société civile immobilière, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe CHALOPIN de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMEE :

S.A.S.U. IP3 VENDEE

[Adresse 6]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Florence LEVILLAIN-ROLLO, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Albert SERFATY, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

La société par actions simplifiée IP3 Vendée (la société Ip3 ou la preneuse) est une société ayant pour activité la conception et la production par injection de pièces de plastiques.

La société civile immobilière S.S.D.V. (La société Ssdv ou la bailleresse) est une société familiale de gestion de parc immobilier.

Le 3 novembre 2012, la société Ssdv a donné à bail commercial, régularisé le 17 février 2014, un bâtiment à usage industriel et commercial sis à [Localité 5] d'une superficie totale de 23.084 m2 à la société IP3.

Ce bail a été stipulé pour 9 années à compter du 3 novembre 2012 et un loyer annuel hors taxes de 191.275 euros, payable d'avance et trimestriellement, augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée pour la première fois au 1er janvier 2013.

Les parties ont convenu de faire évoluer le loyer en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'Insee en vigueur à la date d'effet du dit bail.

Ce bail a stipulé un dépôt de garantie d'un montant de 95.637,50 euros correspondant à deux termes de loyers.

Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société IP3 Vendée, désignant la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [W] prise en la personne de Maître [M] [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 23 octobre 2023, le bailleur a notifié au preneur, par courrier recommandé, la revalorisation du loyer au 1er novembre 2023. Le loyer revalorisé a été fixé à 243.745 euros hors taxes et le dépôt de garantie à 121.872 euros hors taxes.

Le 30 octobre 2023, la société IP3 Vendée a notifié au bailleur son intention de mettre un terme au bail. La date de libération des lieux a été fixée au 30 avril 2024.

Par jugement du 6 décembre 2023, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a arrêté le plan de redressement au profit de la société IP3 Vendée dont la durée a été fixée à 10 ans, désignant la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ajire, prise en la personne de Maître [B] [S], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 13 février 2024, la société Ssdv a fait délivrer un commandement de payer à la société preneuse.

Le 1er mars 2024, la société Ssdv a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société IP3 Vendée de payer la somme de 78.462 euros et ce, au titre des loyers impayés de janvier, février et mars 2024 ainsi que la provision sur la taxe foncière de 2024 impayée.

Le 25 mars 2024, un pré-état des lieux a été effectué en présence de Maître [L], commissaire de justice.

Le 19 avril 2024, la société Ssdv a attrait la société IP3 Vendée devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon .

Dans le dernier état de ses demandes, la société Ssdv a demandé de :

- juger que la société IP3 Vendée ne contestait pas être redevable de la somme de 104.616 euros ;

- débouter la société IP3 Vendée de sa demande de voir imputer les loyers sur le dépôt de garantie ;

- condamner, à titre provisionnel, la société IP3 Vendée, au paiement de la somme de 104.616 euros, outre les intérêts de retard au taux légal majoré de trois points en sus de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10%, directement entre ses mains ;

- y ajoutant, voir désigner tel expert qu'il plairait à la juridiction de désigner ;

- juger que l'expert, outre la mission habituellement impartie, aurait celle de :

- se rendre sur les lieux,

- décrire les lieux,

- visiter les lieux,

- vérifier la toiture, les systèmes d'électricité, de sécurité incendie,

- chiffrer les travaux de remise en état,

- chiffrer les travaux de nettoyage nécessaire,

- en cas de pollution avérée, faire établir un diagnostic pollution.

Dans le dernier état de ses demandes, la société IP3 Vendée a demandé de débouter la société Ssdv de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance en date du 16 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a :

- condamné la société IP3 Vendée à verser à la société Ssdv la somme de 104.616 euros à titre d'indemnité provisionnelle, dont 52.308 euros portant intérêt au taux légal à compter du 13 février 2024 et le surplus portant intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;

- rejeté la demande d'expertise formulée par la société Ssdv ;

- condamné la société IP3 Vendée à payer à la société Ssdv la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 14 août 2024, la société Ssdv a relevé appel de cette décision en intimant la société IP3 Vendée.

Le 4 septembre 2024, le greffe a adressé à la société Ssdv un calendrier de procédure en circuit court.

Le 13 septembre 2024, la société Ssdv a signifié sa déclaration d'appel et le calendrier de procédure à la société Ip3 à sa personne.

Le 3 octobre 2024, la société Ssdv a déposé ses premières conclusions au fond.

Le 31 octobre 2024, la société Ssdv a signifié ses premières conclussions susdites et son bordereau de communication de pièces à la société Ip3 à étude de commissaire de justice.

Le 29 novembre 2024, la société Ip3 a constitué avocat.

Le 3 janvier 2025, la société Ssdv a demandé de :

- réformer partiellement l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait :

rejeté sa demande d'indemnité de majoration de 10 % des sommes dues présentée en raison des retards de paiement ;

rejeté sa demande d'expertise ;

En ce sens,

- condamner, à titre provisionnel, la société IP3 Vendée, au paiement de la somme de 10 461.60 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10 %, directement entre ses mains ;

- désigner tel expert qu'il plairait à la juridiction de désigner ;

- juger que l'expert, outre la mission habituellement impartie, aurait celle de :

se rendre sur les lieux,

décrire les lieux

visiter les locaux,

vérifier la toiture, les systèmes d'électricité, de sécurité incendie, et préciser les travaux à réaliser à ce titre,

chiffrer les travaux de remise sur l'ensemble du local, de ses annexes et du parking,

proposer une ventilation des dits travaux entre la société Ssdv et la société IP 3 Vendée,

chiffrer les travaux de nettoyage nécessaires,

en cas de pollution avéré faire établir un diagnostic pollution,

se faire assister de tout sachant de son choix,

réunir tout élément permettant de chiffrer le préjudice de la société Ssdv ;

Sur l'appel incident formulé par la société IP 3 Vendée,

- débouter purement et simplement la société IP 3 Vendée de son appel incident,

En tout état de cause,

- condamner la société IP3 Vendée au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens en ce compris le coût de l'état des lieux.

Le 2 décembre 2024, la société IP3 Vendée a demandé :

Sur l'appel principal :

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait :

- rejeté le surplus des demandes provisionnelles formées par la société Ssdv ;

- rejeté la demande d'expertise formulée par la société Ssdv ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires formulées par la société Ssdv ;

Sur l'appel incident :

- d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle :

- l'avait condamnée à verser à la société Ssdv la somme de 104.616 euros à titre d'indemnité provisionnelle, dont 52.308 euros portant intérêt au taux légal à compter du 13 février 2024 et le surplus portant intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- rejeté ses demandes plus amples ou contraires ;

Et, statuant de nouveau :

- débouter la société Ssdv de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ;

En toutes hypothèses :

- condamner la société Ssdv à la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2025.

MOTIVATION :

Sur la demande en paiement des loyers et charges :

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code ajoute que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le juge des référés n'est pas tenu de caractériser l'urgence pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail, ni pour allouer des provisions au titre des loyers et charges impayés, ou pour indemnité d'occupation.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail, prévoyant sa résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement, à peine de nullité, doit mentionner ce délai.

S'il appartient au demandeur à une provision d'établir l'existence de la créance qu'il invoque, c'est au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

Lorsque l'existence d'une obligation n'est pas remise en cause, il appartient au juge des référés de fixer le montant de la provision dans la limite qui n'est pas sérieusement contestable.

L'obligation essentielle du locataire consiste à payer les loyers et charges à bonne date.

Le loyer est la contrepartie contractuelle de l'occupation des lieux donnés à bail.

Le dépôt de garantie a pour objet de garantie le bailleur des éventuelles dégradations imputables au locataire, et doit être restitué à ce dernier à l'issue du bail, éventuellement déduction faite des retenues correspondant aux dégradations locatives.

Le contrat de bail comporte une clause résolutoire, aux termes de laquelle à défaut de paiement de tout ou partie des loyers dans un délai d'un mois après délivrance d'un commandement de payer visant la clause, celle-ci serait acquise de plein droit.

En dernier lieu, le montant mensuel des loyers et charges revalorisé s'établit à 26 154 euros.

Le 13 février 2024, la société Ssdv a signifié à la société Ip3 un commandement de payer visant la clause résolutoire à hauteur de 52 308 euros en principal, représentant les loyers et charges des mois de janvier et février 2024 (outre coût du commandement de 316,41 euros ttc), en visant la clause résolutoire, et la mettant en demeure de régulariser les loyers dans un délai d'un mois.

La société Ip3 n'a pas justifié de cette régularisation dans le délai imparti.

En outre, la société Ssdv se prévaut de la poursuite du défaut de paiement des loyers et charges aux mois de mars et avril 2024.

Or, la société Ip 3 n'a pas justifié d'un paiement quelconque.

Dès lors, la demande de la bailleresse, tendant à la condamnation provisionnelle de la preneuse au montant des loyers et charges impayés susdits, présente assurément une apparence de bien fondé pour un total de 104 616 euros.

Pour s'y opposer, la preneuse entend objecter que la bailleresse est incapable de justifier qu'elle détient encore aujourd'hui le dépôt de garantie de la preneuse, d'un montant total de 121 872 euros hors taxes.

Elle rappelle que la bailleresse lui a signifié, avant même la restitution des locaux, que ce dépôt de garantie ne lui serait pas retourné.

Elle excipe que la mesure conservatoire réalisée sur son compte bancaire le 12 avril 2024, met en évidence que celui-ci est créditeur de 2 105 616 euros, tandis que sa dette ne risque pas de s'accroître dans la mesure où elle-même a donné congé pour le 30 avril 2024.

Elle précise que son plan de redressement a été arrêté depuis le 6 décembre 2023.

Elle souligne ainsi qu'il n'existe aucune menace sur le recouvrement de la créance invoquée par la bailleresse.

Mais d'un part, en invoquant l'absence de menace sur le recouvrement de la créance revendiquée par la bailleresse, relevant du contentieux de l'exécution, la preneuse ne vient présenter aucune contestation, même sérieuse, sur le principe et le montant de cette créance revendiquée.

Et d'autre part, en faisant grief à la bailleresse de ne pas justifier toujours détenir le dépôt de garantie qu'elle n'aurait pas l'intention de lui restituer, la preneuse présente une contestation étrangère à l'obligation dont la bailleresse recherche le paiement.

Car la bailleresse s'est bornée à solliciter la condamnation de la preneuse au titre des loyers et charges impayés pour les mois de janvier, février, mars et avril 2024, sans avoir présenté aucune demande au titre du dépôt de garantie, notamment par voie de compensation.

Et la preneuse n'a pas elle-même présenté de quelconque demande tendant à solliciter compensation des sommes qui lui sont réclamées au titre des loyers avec le dépôt de garantie.

Ainsi, la preneuse n'a présenté aucune contestation, même sérieuse, portant sur le principe et le montant de la créance de loyer dont la bailleresse recherche le paiement,

Il y aura donc lieu de condamner la société Ip3 à payer à la société Ssdv la somme de 104.616 euros à titre d'indemnité provisionnelle, dont 52.308 euros portant intérêt au taux légal à compter du 13 février 2024 et le surplus portant intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance déférée, qui sera confirmée de ce chef.

Sur la majoration contractuelle de 10 % :

Selon l'article 1231-5 du Code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, applicable au litige,

Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Une Cour d'appel, statuant en référé, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle en refusant d'accorder une provision sur le montant d'une clause pénale, sans préciser quels sont les éléments qui rendent la contestation soulevée sérieuse. (Cass. com., 1er mars 1983, n°82-10.843, Bull, IV, n°91).

La juridiction des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour fixer le montant d'une provision allouée à des copropriétaires pour retard dans la livraison de leurs appartements, prend en considération divers éléments sans se limiter au montant de l'indemnité

de retard contractuellement prévue. (Cass. 3e civ., 29 juin 1983, n°82-12.085, Bull. III, n°153).

Si le juge des référés peut accorder une provision sur le montant non contestable d'une clause pénale, il n'entre pas dans ses pouvoirs de diminuer ce montant à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle de l'obligation a procuré au créancier (Cass. 3e civ., 19 février 2003, n°01-16.991, Bull., III, n°44).

Selon l'article 3 des conditions particulières du bail commercial,

A défaut de paiement à son échéance d'un terme de loyer, celui-ci sera majoré de plein droit de 10 % à titre de provision sur les frais exposés par le bailleur en cas où le commandement de payer prévu à la clause résolutoire serait resté sans effet et ce sans préjudice pour le bailleur du bénéfice de l'action résolutoire.

Tout loyer impayé à son échéance entraînera en outre sans lettre de mise en demeure préalable à la comptabilisation d'intérêts au taux légal majoré de trois points jusqu'à complet paiement.

Les parties s'accordent elles-mêmes pour qualifier la clause susdite de clause pénale, de sorte que la qualification de cette clause ne procède pas de l'office du juge des référés.

La bailleresse demande la condamnation, à titre provisionnel, de la preneuse à lui payer une somme de 10 461,60 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10 % directement entre ses mains.

La preneuse s'y oppose en avançant que la demande adverse appellerait un contrôle de proportionnalité et la justification de la sanction pécuniaire, et qu'il s'agirait là d'un contrôle qui ne peut être exercé que par le juge du fond.

Or, c'est très précisément si le juge des référés procédait à la réduction de la clause pénale qu'il se livrerait au contrôle critiqué par la locataire.

A l'inverse, en ne procédant pas à une telle réduction, qui d'ailleurs, ne lui est pas demandée, le juge des référés ne se livre à cet égard à aucun contrôle.

En tout état de cause, en objectant que demande adverse appellerait un contrôle de proportionnalité et la justification de la sanction pécuniaire, et qu'il s'agirait là d'un contrôle qui ne peut être exercé que par le juge du fond, de manière abstraite, sans préciser en quoi les faits l'espèce seraient de nature à justifier la réduction ou la suppression de cette clause, la preneuse n'a présenté aucune contestation sérieuse à son égard.

Et alors que la cour vient de retenir que le montant non sérieusement contestable du principal de la créance de la société IP3 à l'égard de la société Ssdv s'élève à 104 616 euros, il y aura donc lieu de condamner la preneuse à payer à la bailleresse, à titre provisionnel, la somme de 10 461 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10 %, et l'ordonnance sera infirmée de ce chef.

Sur la demande d'expertise judiciaire :

L'article 145 du code de procédure civile n'impose pas au juge de caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction au regard du ou des différents fondements juridiques de l'action que la partie demanderesse se propose d'engager.

Le juge n'a pas à se prononcer sur le bien fondé ni même sur l'opportunité d'un éventuel procès.

L'intérêt légitime attaché à une demande de mesure d'instruction in futurum suppose seulement que soit établie l'existence d'éléments rendant plausibles le bien-fondé de l'action envisagée.

Le requérant doit donc faire la preuve de son intérêt légitime à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un éventuel litige.

Cependant, il appartient au juge de déterminer si la mesure d'instruction sollicitée est de nature à apporter des éléments utiles à la solution d'un procès éventuel.

La procédure édictée par ce texte n'est pas limitée à la conservation des preuves, mais peut aussi tendre à leur établissement.

Le juge ne peut donc pas exiger que le requérant à la mesure d'instruction démontre un fait que la mesure d'instruction qu'il sollicite a précisément pour objet d'établir.

Le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de ce texte, dès lors que la mesure d'instruction sollicitée procède d'un motif légitime et lorsqu'elle est nécessaire à la protection des droits du requérant.

L'accueil d'une mesure d'instruction trouve sa limite dans la circonstance qu'elle n'est pas de nature à améliorer la situation probatoire de la partie qui la sollicite.

La société Ssdv a demandé que les lieux objets du bail, qui ont fait l'objet d'une reprise, fassent l'objet d'une expertise judiciaire.

Elle avance que les devis de remise en état qu'elle a fait établir vont être contestés dans leur chiffrage par son ancienne preneuse, de sorte qu'elle-même a intérêt à purger cette difficulté.

Elle précise ne pas avoir procédé à la ventilation des frais de remise en état selon les obligations du bailleur et du preneur, de telle sorte que l'avis d'un tiers serait déterminant dans le cadre du futur débat contradictoire y afférent.

Elle se prétend dans l'incapacité de relouer les lieux, compte tenu de leur état, de sorte qu'elle a tout intérêt, au regard de l'urgence et afin de limiter son préjudice, de les faire examiner par un technicien.

Au rebours du premier juge, elle énonce que cette mission, dont le détail a été exposé plus haut, ne se limite pas à un pur constat, puisqu'elle demande qu'il soit imparti à l'expert mission notamment de donner un avis sur la nature des travaux, leur importance, leur chiffrage et leur répartition, allant ainsi bien au-delà du constat d'état des lieux de sortie réalisé par commissaire de justice.

Dans le même sens, elle rappelle qu'elle a aussi demandé à l'expert de vérifier la toiture, les systèmes d'électricité et de sécurité incendie, de chiffrer les travaux de nettoyage nécessaires, et en cas de pollution avérée, d'établir un diagnostic pollution.

Contrairement aux affirmations de la preneuse, elle déclare ne pas avoir procédé à une nouvelle location des lieux, en rappelant que c'est précisément leur état déplorable qui en empêcherait toute relocation ou remise en vente.

De manière liminaire, il sera rappelé que la mesure d'instruction sollicitée ne peut pas impartir à l'expert de trancher un point de droit.

Il en découlera qu'il ne pourra pas être demandé au technicien de se prononcer sur la répartition des éventuels désordres entre bailleur et preneur.

Il ressort des écritures de la société Ssdv qu'elle-même précise avoir procédé à un constat d'état des lieux de sortie par commissaire de justice, réalisé au contradictoire de la preneuse sortante.

Cette bailleresse va même jusqu'à préciser que l'état des lieux de sortie démontre l'état catastrophique dans lequel les lieux lui ont été restitués, et avance de surcroît que la preneuse n'a jamais contesté la réalité des désordres ainsi objectivés.

Alors qu'elle rappelle elle-même avoir fait chiffrer les travaux de nettoyage, remise en état, et vérification des dispositifs de sécurité, avoir adressé leur évaluation à la preneuse sortante, et que l'état du bien à sa reprise a ainsi suffisamment été établi par l'état des lieux de sortie contradictoire, elle dispose ainsi déjà de suffisamment d'éléments pour chiffrer par elle-même son propre préjudice.

Du tout, il se déduira que la mesure d'instruction sollicitée n'est pas de nature à améliorer la situation probatoire de sa requérante.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande d'expertise judiciaire présentée par la société Ssdv, et l'ordonnance sera confirmée de ce chef.

* * * * *

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la preneuse aux dépens de première instance et à payer à la bailleresse la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, tout en déboutant cette dernière de sa demande au même titre.

Succombante à hauteur d'appel, la preneuse sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la bailleresse la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Eu égard à l'objet de la demande, bornée à la condamnation provisionnelle au titre des loyers et charges impayés, il n'apparaît que le coût de l'état des lieux de sortie soit un préalable nécessaire et inséparable de la présente instance contentieuse.

Il n'y aura donc pas lieu d'inclure le coût de l'état des lieux de sortie dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes provisionnelles ;

Infirme l'ordonnance déférée de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne la société par actions simplifiée IP3 Vendée à payer à la société civile immobilière S.S.D.V., à titre provisionnel, la somme de 10 461 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10 % ;

Déboute la société par actions simplifiée IP3 Vendée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société par actions simplifiée IP3 Vendée à payer à la société civile immobilière S.S.D.V. la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société par actions simplifiée IP3 Vendée aux dépens d'appel ;

Dit qu'il n'y pas lieu d'inclure le coût de l'état des lieux de sortie dans les dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site