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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 11 mars 2025, n° 24/02298

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

C & Co (SNC)

Défendeur :

Le Triangle (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marquer

Vice-président :

M. Pascot

Conseiller :

M. Lecler

Avocats :

Me Grelard, Me Dabin

TGI [Localité 8], du 27 juin 2024

27 juin 2024

****

Monsieur [L] [K] et Madame [E] [Z] sont associés de la société en nom collectif C & Co (les associés).

La société civile immobilière Le Triangle (la société Le Triangle ou le bailleur) est une société de location immobilière créée en 2003 entre Messieurs [A] [I], [X] [F] et [D] [B].

Le 6 octobre 2023, la société C & Co a acquis, par acte authentique, un fonds de commerce de bar-tabac sis [Adresse 4] à [Localité 8], auprès de Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [U] épouse [P] (les vendeurs) en présence du bailleur, la société Le Triangle.

Le 6 octobre 2023, avant de régulariser la cession du fonds de commerce, les acquéreurs ont fait établir un procès-verbal de constat par huissier de justice, des locaux qui seraient pris à bail. Ce procès-verbal a fait état de :

- la vétusté des huisseries au premier et deuxième étage, l'absence de volets, d'un gond et la rouille des garde-corps ;

- des fissures en façade ;

- au rez-de-chaussée, diverses traces, de manque d'entretien et dégradations mineures et des traces d'humidité dans les lieux outre l'affaissement du sol ;

- dans la réserve, l'absence d'isolation et l'usure importante des planches ;

- dans la chambre au deuxième étage, des fissures et des traces d'infiltrations ;

- dans les combles, une charpente usée et non étanche, un plancher prêt à céder et présentant des traces d'humidité ;

- les lieux n'avaient pas été entièrement vidés par les vendeurs.

Le même jour, le bailleur et le preneur ont régularisé un contrat de bail par acte sous seing privé.

Les preneurs ont effectué des travaux d'embellissement durant l'année 2023 et informé le bailleur de fuites en provenance de la terrasse.

Le 28 octobre 2023, le bailleur a indiqué son intention d'intervenir sur la toiture.

Le 30 octobre 2023, le preneur a informé le bailleur des fuites en terrasse, toiture et fenêtres ainsi que des désordres de couverture, de chauffage et d'électricité.

Le 22 novembre 2023, le preneur a fait établir un procès-verbal de constat par huissier de justice qui a relevé :

- le mur en pierre de taille situé au fond du jardin s'était tout simplement effondré ;

- des infiltrations particulièrement importantes étaient subies sur la partie commerciale comme sur la partie à usage d'habitation dans des conditions totalement anormales ;

- les planchers du premier étage présentaient d'une flèche particulièrement conséquente ;

- les briques plâtrières d'un plafond de l'une des chambres pouvaient être observées du fait de la chute des peintures, comme l'étendue d'une fissure se dirigeant vers l'autre chambre était susceptible d'être observée ;

- l'absence de système de chauffage ;

- le dispositif relié à l'électricité particulièrement dangereux ;

- la perméabilité du local loué à l'air extérieur.

Le 1er décembre 2023, le preneur a adressé une mise en demeure par exploit d'huissier de justice, visant la réalisation des travaux par le bailleur.

Le 29 décembre 2023, la société C&Co, Monsieur [K] et Madame [Z] ont attrait la société Le Triangle (bailleur), les époux [P] (les vendeurs) et la société civile professionnelle [R] [O], [V] [S], [T] [M] et [N] [G] notaires associés, ayant instrumenté la vente du fonds de commerce (la société notariale) devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Niort.

Dans le dernier état de ses demandes, la société C&Co et ses associés ont demandé de :

- désigner tel expert qu'il plairait en qualité de juge des référés, avec la mission proposée dans les conclusions ;

- à titre principal suspendre le paiement des loyers entre la société C&Co et la société Le Triangle réglé directement ou indirectement auprès de l'agence Sainte-Marthe ;

- subsidiairement, autoriser la consignation d'une somme égale à 75 % du loyer contractuellement convenu entre les mains de Maître [N] [G] désigné en qualité de séquestre dans le cadre de la cession du fonds de commerce à laquelle la société bailleresse était intervenue ;

en toute hypothèse,

- débouter la société Le Triangle, les vendeurs, et la société notariale de l'intégralité de leurs demandes ;

- autoriser le blocage d'une somme correspondant à 25% du prix de cession du fonds de commerce entre les mains de Maître [N] [G] ;

- mettre les dépens à la charge provisoire des demandeurs.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Le Triangle a demandé de :

- à titre principal, débouter la société C&Co, Monsieur [K] et Madame [Z] de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles étaient dirigées à son encontre ;

- débouter la société C&Co et ses associés de l'ensemble de leurs demandes en qu'elles étaient dirigées à son encontre ;

- subsidiairement, juger que l'expertise serait mise à la charge des demandeurs ;

- compléter la mission de l'expert proposée dans les conclusions ;

- condamner in solidum la société C&Co et ses associés à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [R] [P] a demandé de :

- débouter la société C&Co et ses associés de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre ;

- condamner in solidum la société C&Co et ses associés à lui régler la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [Y] [U] a demandé de :

- débouter la société C&CO et ses associés de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- compléter la mission de l'expert désigné ;

en tout état de cause,

- condamner in solidum la société et ses associés à lui régler la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, la société notariale a demandé de :

- statuer ce que de droit sur les demandes présentées par la société C&Co et ses associés vis-à-vis de séquestre d'une partie du prix de la cession de fonds de commerce en date du 6 octobre 2023 entre les vendeurs et la société C & Co ;

- statuer ce que de droit sur la demande de séquestre du loyer au profit de la société Le Triangle ;

- dire et juger qu'elle-même serait déchargée de toute responsabilité dans l'hypothèse où ces fonds seraient consignés entre ses mains en vertu d'une décision postérieure assortie de l'exécution provisoire ou statuant au fond ayant autorité et force de chose jugée ;

- condamner tout succombant à régler la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance en date du 27 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Niort a :

- ordonné une mission d'expertise confiée à :

Mme [H] [C]

[Adresse 3],

[Localité 2]

expert inscrit sur les listes de la cour d'appel de Poitiers ;

- dit que l'expert aurait pour mission celles qui étaient habituelles en la matière

- rejeté toute autre demande ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société C&Co et ses associés aux entiers dépens.

Le 2 octobre 2024, la société C&Co et ses associés ont relevé appel de cette décision en intimant la seule société Le Triangle.

Le 4 octobre 2024, le greffe a avisé les appelant d'un calendrier de procédure en circuit court.

Le 16 octobre 2024, la société C&Co et ses associés ont signifié leur déclaration d'appel et le calendrier de procédure à la société Le Triangle à sa personne.

Le 18 octobre 2024, la société Le Triangle a constitué avocat.

Le 4 décembre 2024, la société C&Co et ses associés ont déposé leurs premières écritures au fond.

Le 13 janvier 2025, la société C&Co et ses associés ont demandé de :

- d'annuler l'ordonnance déférée, en tant que cette décision résultait d'un parti pris du juge des référés qui lui était interdit en considération de son impartialité, impartialité ici atteinte d'autant plus au regard de la jurisprudence applicable en la matière, manifestement méconnue au cas présent au regard de l'astre du sens de la décision rendue ;

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait rejeté toutes leurs autres demandes en ce compris la demande de suspension de loyer et, à titre subsidiaire, la demande de consignation de 75 % du montant du loyer ;

Statuant à nouveau,

- concernant le loyer à titre principal, suspendre le paiement des loyers entre la société C&Co et la société Le Triangle depuis le 29 décembre 2023 ;

Par voie de conséquence,

- condamner la société Le Triangle à rembourser à la société C&Co les loyers réglés depuis le 1er janvier 2024 ;

- subsidiairement concernant le loyer, autoriser la consignation d'une somme égale à 75 % du

loyer contractuellement convenu entre les mains de Monsieur [N] [G], notaire associé membre de la société notariale, d'ores et déjà désignés en qualité de séquestre dans le cadre de la cession du fonds de commerce à laquelle la société bailleresse était intervenue ;

- condamner la société Le Triangle à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 8 janvier 2025, la société Le Triangle a demandé de :

- débouter la société C & Co et ses associés de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles étaient dirigées, en cause d'appel à son encontre ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- condamner in solidum la société C & CO et ses associés à lui verser la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Le 15 janvier 2025, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION

Sur l'annulation de l'ordonnance

L'article 954 alinéa 2 du même code fait obligation aux parties, qui invoquent au soutien de leurs prétentions des moyens nouveaux par rapport à leurs précédentes écritures, de les présenter de manière formellement distincte.

Cependant, il résulte aussi de ce texte que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est formée.

Il en résulte notamment que la cour n'est pas tenue de répondre à une argumentation figurant dans des écritures, dès lors que celle-ci n'était pas expressément formulée à l'appui d'une prétention. (Cass. 2e civ., 6 septembre 2018, n°17-19.657, publiée).

Le défaut d'impartialité du juge est susceptible de conduire à l'annulation du jugement.

L'article 12 du code de procédure civile impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

La société C&Co et ses associés demandent l'annulation du jugement.

Une lecture attentive des motifs de leurs écritures met en évidence qu'ils n'y ont développé aucun moyen à l'appui d'une telle prétention.

Dans le dispositif de leurs écritures, les appelants soutiennent à l'appui de leur demande que la décision déférée 'résulte d'un parti pris du juge des référés qui lui est interdit en considération de son impartialité, impartialité ici atteinte d'autant plus au regard de la jurisprudence applicable en la matière, manifestement méconnue au cas présent au regard de l'astre du sens de la décision rendue'.

Non sans contradiction, les appelants ne viennent faire aucun grief d'impartialité au premier juge qui a fait droit à leur demande d'expertise judiciaire.

Mais de l'examen de la décision susdite, il ne résulte formellement strictement aucune manifestation d'impartialité émanant du premier juge.

De la sorte, le prétendu parti pris reproché à celui-ci ne peut résulter que de l'exercice par le juge de son office ayant consisté à trancher le litige.

En outre, la critique de la motivation du jugement, à laquelle équivaut le grief tenant à la méconnaissance de la jurisprudence en la matière, n'est pas de nature à en fonder l'annulation.

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu de rejeter la demande de la société C&Co et de ses associés tendant à l'annulation du jugement déféré.

Sur l'infirmation

A titre liminaire, au regard des prétentions respectives des parties, il y aura lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise judiciaire, désigné l'expert pour ce faire, défini sa mission, et en a fixé les autres modalités.

* * * * *

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code ajoute que ce juge peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

C'est au demandeur en référé qu'il appartient de démontrer le bien-fondé de sa créance, tandis qu'il revient au défendeur de démontrer l'existence d'une contestation sérieuse.

La qualification d'un acte, d'un contrat, ou d'une clause échappe aux pouvoirs du juge des référés.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel juridique.

Selon l'article 606 du code civil,

Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Au sens de l'article 606 du Code civil, les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

Les juges du fond apprécient souverainement si une réparation correspond à l'une ou à l'autre de ces qualifications. (Cass. 3e civ., 13 juillet 2005, n°04-13.764, Bull., III, n°155).

L'article 1719 du code civil oblige le bailleur de délivrer au preneur la chose louée, sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de l'entretenir en état de servir à l'usage auquel elle était destinée pendant sa location, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Cette obligation perdure tout au long de l'exécution contractuelle.

L'obligation de délivrance s'apprécie au regard de l'usage pour lequel les locaux ont été loués.

Le bailleur doit vérifier que la chose louée peut être affectée à l'usage prévu au bail.

Le bailleur est tenu d'effectuer l'ensemble des travaux nécessaires à l'exercice de l'activité stipulée au contrat.

La clause en vertu de laquelle le preneur prend les lieux en l'état ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance.

Mais le bailleur ne peut, par le biais d'une clause relative à l'exécution de travaux, s'affranchir de son obligation de délivrance (Cass. 3e civ., 1er juin 2005, n°04-12.200, Bull. 2005, III, n°119).

Selon l'article L. 145-40-2 du code de commerce,

Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.

Selon l'article R. 145-35 du code de commerce, dans sa version en vigueur depuis le 6 novembre 2014,

Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique.

Le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 définit les caractéristiques du logement décent au sens de ce premier texte, lequel doit notamment satisfaire à plusieurs conditions au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires, notamment en assurant le clos et le couvert, en protégeant les infiltrations d'air parasites, en présentant des réseaux et branchements d'électricité, et des équipements de chauffage conforme aux normes de sécurité en vigueur.

Il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est tenu à une obligation de délivrance, et plus spécialement à l'obligation de délivrer un logement décent s'il s'agit de l'habitation principale du preneur, ainsi que d'assurer sa jouissance paisible pendant la durée du bail.

L'article 1720 du même code fait obligation au bailleur de délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces et d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Sauf impossibilité totale d'exercer son droit de jouissance, le locataire ne peut opposer au bailleur, n'exécutant pas correctement ses obligations, une exception d'inexécution.

Et cette impossibilité de jouissance s'analyse en une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination.

* * * * *

La société C&Co et ses associés demandent la suspension de l'exigibilité des loyers et charges depuis le 29 décembre 2023, la condamnation de la bailleresse à restituer à la preneuse les loyers réglés depuis le 1er janvier 2024, ou subsidiairement, l'autorisation, pour le preneur de consigner une somme égale à 75 % du loyer contractuellement convenue entre les mains d'un associé de la société notariale ayant instrumenté la cession du fonds de commerce qu'ils ont acquis.

* * * * *

La société C&Co et ses associés soulèvent notamment l'indécence du logement donné au bail, au sens de la loi du 6 juillet 1989 et du décret 30 janvier 2002 définissant les caractéristiques du logement décent.

Ils soutiennent pour ce faire que le bail litigieux revêt un caractère mixte, comme portant à la fois sur des locaux commerciaux et sur des locaux d'habitation.

L'acte de cession de fonds de commerce énonce transmettre à ce titre la partie louée et utilisée par le vendeur comme logement de fonction, comme faisant partie intégrante du bail commercial et comme avoir été laissée libre de toute occupation et en état d'usage.

De même, le bail commercial en date du 3 octobre 2023 porte expressément, dans sa partie désignation sur un immeuble à usage commercial et d'habitation comprenant une cave en sous-sol, un rez-de-chaussée un premier étage un deuxième étage et un troisième étage.

Une lecture littérale de ces actes met ainsi en évidence que le bail revêt un caractère mixte.

* * * * *

Dans un premier temps, les preneurs font grief au bail de ne pas être conforme aux dispositions de l'article L. 145-40-2 du code de commerce.

Ils observent que le bail régularisé entre parties ne précise ni les travaux réalisés par le bailleur dans les 3 années le précédant, ni ne contient d'état prévisionnel des travaux que le bailleur envisagerait de réaliser dans les 3 années suivant la conclusion du bail, assortis d'un budget prévisionnel.

Mais ces circonstances, à les supposer établies, n'entretiennent aucun rapport avec un quelconque trouble manifestement illicite, seul à même à conduire à faire droit aux demandes des intéressés en suspension ou en réduction des loyers avec consignation.

* * * * *

La société C&Co et ses associés soutiennent encore que la société Le Triangle a manqué à son obligation de délivrance.

L'acte de cession de fonds de commerce vient préciser que l'immeuble se trouve dans un état d'usage que l'acquéreur reconnaît avoir constaté.

Le bail du même jour précise que le locataire prend le bien à bail tels que les locaux existent, le locataire déclarant parfaitement les connaître pour les avoir vus et visités préalablement à la signature de l'acte et avoir parfaitement connaissance de leur consistance.

Et dans sa rubrique relative aux charges, le contrat de bail vient préciser que le présent bail est consenti et accepté aux charges et conditions ordinaires, les parties pendant son cours étant soumises aux obligations résultant de la loi et de l'usage aux conditions particulières ci-après que le preneur s'engage à exécuter :

1° prendre les locaux loués dans l'état où ils se trouvent dans lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation ni remise en état ou adjonction d'équipements supplémentaires autres que celles qui seraient nécessaires pour que les lieux soient clos et couverts

2° il tiendra les locaux loués constamment garnis d'objets mobiliers en quantités et valeurs suffisantes pour répondre à tout moment du paiement des loyers accessoires, ainsi que de l'exécution des clauses et charges du présent bail;

3° il entretiendra constamment les lieux loués pendant toute la durée du bail en bon état de réparations d'entretien conformément l'état des lieux dressés contradictoirement. De convention expresse entre les parties, le preneur s'engage à exécuter au lieu et place du bailleur toutes les réparations qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués, notamment vitrine, à l'exception toutefois les grosses réparations telles que défini à l'article 606 du Code civil, qui seule reste à la charge du bailleur. Le preneur s'oblige à prévenir le bailleur sans aucun retard de toute réparation dans le bailleur à la charge qui deviendrait nécessaire pendant le cours du bail. En cas de détérioration, obstruction, etc. Les canalisations communes des wc communs, ainsi que de toutes parties communes, tous les usagers en sont responsables solidairement.

Ce même texte met à la charge exclusive du preneur les travaux de remise aux normes prescrites par l'autorité administrative en vue de l'exploitation dans les locaux loués des activités afférentes à leur destination.

Le constat de commissaire de justice réalisé le 6 octobre 2023, préalablement à la signature de l'acte de cession de fonds de commerce, dont les termes ont été rapportés plus haut, se borne pour l'essentiel à mettre en évidence l'état de vétusté du bien, sans que puisse en être déduit une impossibilité totale de jouissance.

Cependant, ce premier constat objective de manière manifeste des traces d'humidité régnant déjà dans les lieux, tenant notamment à :

- la présence de moisissures dans la salle de bar-tabac, presse et jeux ;

- la présence de traces d'infiltrations dans la chambre du deuxième étage ;

- des traces d'humidité dans la poutraison et le volivage, avec des trous rendant le jour visible depuis les combles, et un plancher présentant des traces d'humidité ;

- la circonstance que les planches sont vermoulues dans la salle de bar tabac, la réserve, les combles.

Le deuxième constat réalisé le 22 novembre 2023 met quant à lui en évidence :

- l'effondrement du mur en pierre de taille situé au fond du jardin ;

- des infiltrations subies tant sur la partie commerciale que sur la partie à usage d'habitation, avec une aggravation de l'infiltration constatée dans la partie habitation depuis le 6 octobre précédent;

- au deuxième étage, l'élargissement de la fissure dans le plafond, les briques plâtrières y étant désormais visibles ;

- l'absence de système de chauffage ;

- les traces d'humidité importantes et des champignons présents sur les poutres dans la réserve.

Le troisième constat de commissaire de justice réalisée le 9 octobre 2024 met en évidence :

- au rez-de-chaussée du local,

au niveau du sas menant à la première réserve, une plinthe en bois humide et vermoulue ;

- au sein de la première réserve,

la présence de moisissures importantes au niveau du placoplâtre du plafond entourant l'ancien conduit de cheminée condamné, la présence de coulures d'eau le long du mur mitoyen, en provenance du plafond ; en partie centrale du plafond la fissuration du placoplâtre, laissant apparaître une bande de placoplâtre, marquée par l'humidité ; le ruissellement de l'eau sur les détecteurs de mouvements du système d'alarme ;

Dans la seconde réserve,

- la consolidation du plancher par les locataires, à l'aide de grandes planches de bois, les requérants lui exposant que leur chien est passé à travers le revêtement vermoulu du plancher leur imposant de prendre, en urgence des mesures afin de sécuriser l'espace ;

- s'agissant du mur de droite en entrant dans le bâtiment, que le mur est humide et poreux et que l'enduit du mur est fissuré ;

- au niveau du plancher, que le plancher de l'étage est complètement vermoulu, imbibé d'eau et partie effondré, que la poutre présente des traces importantes et anciennes d'humidité, tout comme les marches de l'escalier menant à l'étage, que les champignons se sont formés sur les poutres du plancher à l'étage ;

- qu'à travers les trous du plancher effondré, l'auteur du constat peut nettement voir l'état de la couverture du bâtiment, en constatant que les voliges sont noircies et présentent des traces anciennes d'humidité, tout en constatant la présence de trous laissant apparaître le jour extérieur.

Au premier étage du bâtiment principal,

au sein de la première pièce à gauche en montant, aménagée en salon,

- au niveau du plafond intégralement repeint en octobre 2023 lors de l'entrée dans les lieux, le constat de la présence de trace d'humidité, avec une grande fissure depuis le haut de la cheminée, au milieu du plafond,

- à la jonction du mur de façade, une grande traînée humide de couleur marron, avec une peinture boursouflée et des champignons semblant se former;

- en partie droite de la porte-fenêtre de droite du salon, un placoplâtre tâché sur toute la longueur du mur ;

- sur la cheminée, deux trous à la jonction du plafond et des tâches jaunâtres au niveau du plafond, en remarquant que le papier peint a tendance à se décoller,

dans la pièce du premier étage vont sur la façade arrière du bâtiment à usage de chambre, dont son auteur a constaté qu'elle avait été refaite par les locataires,

- au niveau du plafond, deux fissures avec présence d'une auréole d'humidité ;

- en façade arrière du bâtiment que la traverse basse de la fenêtre est humide et que de l'eau ruisselle depuis le montant en bois;

- sous la fenêtre, que le papier peint refait en octobre 2023 est gondolé et se décolle ;

- en pied de mur, que la plinthe est complètement humide tout comme le sol;

Au deuxième étage du bâtiment, au niveau de la première pièce à gauche en montant, donnant sur la façade avant de l'immeuble,

- au devant de la cheminée, que le plafond est toujours fissuré et en partie effondré ;

Au troisième et dernier état du bâtiment, dans les combles,

- le constat de la présence de traces d'humidité importantes ;

- la remarque que les poutres présentent des traces d'humidité ancienne, tout comme les voliges;

- que le jour est également visible à compter de la fenêtre de toit ;

- sur le plan de toiture donnant sur la façade arrière, la présence de traces d'humidité anciennes sur la partie du plancher donnant sur la façade arrière, certaines voliges étant également vermoulues, le jour étant même visible à travers les planches de bois ;

- la présence de traces de coulure d'humidité ancienne le long du mur en pierre ;

Dans la seconde pièce donnant sur la façade arrière du bâtiment, à usage de bureaux, et en accédant au toit terrasse,

- le constat de la présence d'eau stagnante sur ladite terrasse.

Dans sa note intermédiaire en date du 8 janvier 2025, faisant suite à sa première visite des lieux le 13 novembre 2024, l'expert judiciaire relève :

- l'ensemble immobilier est dans un état vétuste quand bien même ces maçonneries sont en état d'usage à l'exception d'une fissure la jonction entre les deux parties d'immeuble, liée probablement à l'ouverture de la baie vitrée sur rue déjà existante avant la prise de possession des occupants actuels ;

désordre numéro 1 : infiltrations en provenance de la couverture en tuiles du bâtiment principal atteignant les parties habitables de l'immeuble est descendant jusque dans le local commercial, en affectant les plafonds et les ouvrages de plancher :

- à la verticale de la partie Ouest de l'immeuble, plus haute que la voisine, que l'état des plafonds de la chambre du deuxième étage et du séjour ainsi que des planchers des états intermédiaires attestent d'infiltrations anciennes et récurrentes sans travaux récents de zinguerie et de couverture, notamment au niveau du solin de cheminée ;

- dans le comble, la possibilité de voir le jour à travers les lattes de support des tuiles, ce qui indique que les tuiles sont déplacées, les structures de la charpente étant marquées d'écoulements d'eau et de moisissures ;

- la déclaration faite par Monsieur [J], gérant de la société Le Triangle, que cette partie de la toiture est à refaire et que la présence importante de mousse empêche d'y accéder ;

- le constat que ce diagnostic est également celui de l'entreprise ayant produit un devis de réfection complète de la toiture en janvier 2022 ;

- à la verticale de la partie Est de l'immeuble, plus basse, que les chevrons et la volige du versant sud de la charpente et la couverture ont été refaits ;

- que la pièce Nord est suffisamment sèche pour servir au stockage des matières premières du bar-tabac ;

- que les infiltrations en provenance étaient connues avant l'entrée dans les lieux de la société C&Co et si les travaux avaient été refaits ponctuellement pour résoudre les infiltrations les plus urgentes, il reste les infiltrations conséquences dans le logement qui endommagent les embellissements faits par le locataire, alors que tant qu'il y a des infiltrations, il n'est pas envisageable d'isoler l'immeuble ;

- que le désordre lié aux infiltrations était donc existant lors de la prise à bail du 6 octobre 2023 et au moins depuis le mois de janvier 2022 ;

- en l'état, la charpente, la couverture, la zinguerie devaient être refaits et que l'on dépasse les simples travaux d'entretien ;

- qu'après remise en ordre de l'immeuble, les parquets profonds et l'embellissement devront être refaits y compris l'isolation de l'immeuble ;

Désordre numéro 2 : infiltrations en provenance de la toiture terrasse surplombant une partie du bar et les toilettes du bas et qui menacent la stabilité des planchers et des plafonds :

- le constat, qu'à l'aplomb de la terrasse où se trouve l'angle du bar, se produisent régulièrement des infiltrations, que l'état de cette étanchéité et des relevés d'étanchéité ne sont pas protégés pour éviter la migration de l'eau sous la protection lourde ;

- que l'état du skydome ne permet pas d'assurer l'étanchéité de cet ouvrage ;

- que l'évacuation des eaux pluviales se fait par une canalisation de dimension très faible et sans trop-plein permettant de compenser les risques de débordement ;

- que cet état était connu dès le constat de commissaire de justice du 6 octobre 2023, avant la prise de bail, et qu'en l'état, l'étanchéité et sa protection lourde, ainsi que la mise aux normes des évacuations d'eau doivent être reprises, et l'on dépasse de simples travaux d'entretien ;

Désordre numéro 3 : infiltrations en provenance de la couverture dans la réserve contiguë au local commercial affectant les ouvrages d'embellissement récemment faits ;

- le constat que cette couverture avait été en partie refaite mais que le solin de cheminée et la zinguerie n'avaient pas été refaits, de sorte que l'eau s'infiltre entre le faîtage de la couverture et la souche de cheminée, endommageant très largement les embellissements mis en 'uvre par la société C&Co ;

- que ces infiltrations étaient déjà visibles sur le constat d'huissier du 6 octobre 2023 ;

- qu'en l'état, la couverture et la zinguerie devaient être reprise et que l'on dépassait de simples travaux d'entretien;

Désordre numéro 4 : infiltrations d'eau dans les réserves de boissons numéro 1 et dans la réserve numéro 2 et stabilité du plancher de la réserve numéro 2,

- le constat que l'on voit le jour à travers la couverture de ces locaux servant de réserve ;

- que la charpente était très endommagée par la récurrence des infiltrations d'eau ;

- que cet état était déjà constaté lors du constat d'huissier du 6 octobre 2023 ;

- qu'en l'état, la charpente et la couverture doivent être refaites et que l'on dépasse de simples travaux d'entretien ;

- que le plancher de la réserve, qui permet d'accéder au jardin, est instable et que les planches recouvrent les panneaux d'aggloméré qui constituaient initialement le parquet, dégradé par les infiltrations d'eau ;

- que ce plancher doit être refait que cette intervention dépasse les simples travaux d'entretien;

Désordre numéro 6 : absence de chauffage dans l'immeuble :

- la partie habitation ne dispose pas d'installation de chauffage et cet état était préexistant lors de la prise en bail ;

- des travaux de doublage avaient été entrepris par les locataires mais avec les infiltrations, une partie de ces travaux ont pu être endommagés;

Désordre numéro 6 : confusion d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales et mises en charge de la cuve en fond de cave :

- ce désordre a donné lieu à 5 débouchages des canalisations à la suite de la rupture d'une cloison, entre novembre 2023 et décembre 2023, avant l'intervention en octobre 2024 permettant la découverte de l'existence d'une fosse septique inconnue de l'exploitant ;

- le fait qu'une canalisation collecte également les eaux pluviales en provenance de la cour, ensuite collectées avec les eaux usées du décès de rez-de-chaussée dans une canalisation sous dallage en amiante qui serait cassé et cette cassure entraîne un affaissement du sol carrelé du commerce, entraînant des cassures de carrelage;

- une partie des eaux usées serait collectée dans une cuve située au sous-sol de la réserve numéro deux, alors que la confusion dans un même écoulement des canalisations d'eaux usées des canalisations d'eaux pluviales n'est pas admis ;

Désordre numéro 7 : état des menuiseries vétustes

- le constat que l'ensemble des menuiseries, en état vétuste, sont pour la plupart des menuiseries de simples vitrages, pour lesquelles il manque des pièces en pied de crémone, voir une crémone complète, de telle sorte que les infiltrations d'eau sont alors possibles, et que le parquet est marqué de traces d'eau ;

- cet état de vétusté rend difficile la fermeture des fenêtres et nuit à l'isolation générale du bâtiment ;

- un complément d'isolation doit être mise en oeuvre.

Il ressort ainsi de cette expertise la nécessité :

- de procéder à la réfection des couvertures du bâtiment principal et des réserves, qui devra être engagée en urgence et devra être faite par une entreprise fiable et assurée ;

- de procéder à la réfection de l'étanchéité de la terrasse, des mesures conservatoires devant être mises rapidement en 'uvre pour évacuer les eaux qui se stockent sur cette terrasse, le temps de consulter les entreprises ;

- de procéder à la réfection des canalisations d'évacuation des eaux usées, la canalisation sous dallage en commerce devant être remplacée très rapidement, le commerce fonctionnement actuellement sans sanitaire.

Une lecture littérale du rapport d'expertise met en évidence l'absence de clos et de couvert, résultant de multiples infiltrations d'eau résultant de l'état de la couverture du bâtiment principal et des terrasses, de l'absence d'étanchéité du toit terrasse, et les difficultés d'évacuation des eaux usées, et la nécessité d'une reprise totale de l'isolation du bâtiment, laquelle ne pourra intervenir qu'après qu'il soit remédié aux désordres d'infiltration.

Il en résulte ainsi l'urgence manifeste de travaux de grosses réparations, incombant au bailleur.

De même, la circonstance que ce bâtiment, dans lequel doit être exploitée une activité de bar tabac, ne comporte aucune installation de chauffage, ne comporte pas de sanitaire utilisable, présente des infiltrations d'eau touchant non seulement les parties habitables mais encore le local commercial, ne puisse pas être isolé tant que persistent les infiltrations, la présence d'infiltrations notamment dans la réserve contiguë au local commercial, la présence d'infiltrations dans les autres réserves, l'instabilité du plancher de la dernière réserve permettant d'accéder au jardin, la vétusté des menuiseries rendant possible des infiltrations d'eau, et la nécessité d'une isolation totale de l'ensemble immobilier après reprise des infiltrations, met en évidence que le preneur à bail ne peut manifestement pas exercer dans les locaux l'activité qui leur est dédiée par le contrat.

Cette absence de clos et couvert, le caractère massif des infiltrations d'eau grevant les pièces d'habitation, mais encore d'absence de tout système de chauffage dans les pièces d'habitation établissent encore, selon toute évidence, l'indécence du logement.

Il en ressort ainsi la démonstration évidente d'une impossibilité totale de jouissance du bien donné à bail.

Or, c'est très précisément le défaut d'exécution des grosses réparations qui emporte impossibilité de jouissance.

Certes, il y a lieu d'observer que les bailleurs entrants, ont, dès avant même la signature du contrat de bail, pris connaissance de l'état de l'immeuble par le biais du constat du 3 octobre 2023, duquel il résultait déjà, pour l'essentiel, l'impossibilité de jouissance et l'absence de clos et de couvert, dont les événements ultérieurs se sont bornés à confirmer ces désordres dans leur ampleur et leur conséquence.

Mais, la connaissance de l'état de l'immeuble par son futur preneur, et sa prise de possession des lieux en l'état ne sont pas de nature à décharger le bailleur de son obligation de délivrance et de réalisation des travaux touchant le clos et le couvert.

Et l'invocation, par le bailleur, d'une absence de vice caché, est inopérante, au regard des moyens soutenus par le preneur, qui de surcroît et par définition, sont étrangers à toute vente immobilière.

Si le bailleur excipe ne pas avoir eu connaissance de l'état des lieux du 6 octobre 2023, en ce qu'il aurait été établi entre le cédant et le cessionnaire du fonds de commerce, cette circonstance, à la supposer établie, est indifférente à l'égard de ses propres obligations de bailleur.

Or, une lecture littérale du contrat de bail, sus rapportée, met en évidence que le preneur peut solliciter du bailleur les travaux nécessaires pour que les lieux soient clos et couverts

Ainsi, la violation particulièrement caractérisée de ses obligations de bailleur par la société Triangle objective un trouble manifestement illicite du chef de la société C&Co et de ses associés.

Si le premier constat de commissaire de justice, produit par la preneuse du 6 octobre 2023 a déjà mis en évidence une potentielle impossibilité de jouissance, par la production des constats ultérieurs, et des constatations de l'expert, il pourra être retenu que celle-ci s'est actualisée et accrue notamment avec les constats de dégâts des eaux successifs subis à compter de l'entrée dans les lieux, et que cette impossibilité de jouissance s'est révélée de manière manifeste, dans son ampleur et ses conséquences, pour devenir totale, à toute le moins à compter du 29 décembre 2023, jour de l'assignation délivrée à la bailleresse.

Il y aura donc lieu de suspendre le paiement des loyers dus par la société C&Co à la société Le Triangle à compter du 29 décembre 2023, et l'ordonnance sera infirmée de ce chef.

La société Le Triangle sera donc condamnée à restituer à la société C&Co les loyers réglés à compter du 1er janvier 2024, conformément à sa demande.

* * * * *

L'ordonnance sera confirmée pour avoir débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour avoir condamné la société C&Co, requérants à la mesure d'expertise, aux dépens de première instance.

Mais l'issue du litige à hauteur d'appel conduira à débouter la bailleresse de sa demande, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Succombante à hauteur d'appel, la bailleresse sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer à la preneuse et ses associés la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de la société en nom collectif C & Co et de Monsieur [L] [K] et Madame [E] [Z] tendant à l'annulation du jugement ;

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté toute autre demande ;

Infirme l'ordonnance déférée de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Ordonne la suspension du paiement des loyers dus par la société en nom collectif C&Co à la société civile immobilière Le Triangle à compter du 29 décembre 2023 ;

Condamne la société civile immobilière Le Triangle à restituer à la société en nom collectif C&Co les loyers perçus depuis le 1er janvier 2024 ;

Déboute à la société civile immobilière Le Triangle de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société civile immobilière Le Triangle aux entiers dépens d'appel et à payer à la société en nom collectif C&Co et à Monsieur [L] [K] et Madame [E] [Z] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

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