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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 11 mars 2025, n° 22/00953

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Encarna Formation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

Me Baudot, Me Falcoz

TJ Albertville, du 28 avr. 2022

28 avril 2022

Faits et procédure

Par acte du 24 juillet 2012, M. [T] [H] a donné à bail commercial à la société Encarna Formation des locaux comprenant un bâtiment à usage d'entrepôt et d'atelier en vue de l'exercice par cette dernière d'une activité de formation.

Suite à l'évolution des normes réglementant l'exercice de son activité, la société Encarna Formation a par courrier recommandé informé M. [H] de son départ des locaux au 31 octobre 2019.

M. [H] ayant refusé de se voir remettre les clés, la société Encarna Formation a délivré une sommation interpellative le 25 mai 2020 à la suite de laquelle un rendez-vous pour l'état des lieux de sortie a été convenu pour le 18 juin 2020.

M. [H] ayant continué à solliciter le paiement du loyer et le remboursement de la taxe foncière jusqu'à l'échéance du bail.

Par acte d'huissier du 17 décembre 2020, la société Encarna Formation a assigné M. [H] devant le tribunal judiciaire d'Albertville, notamment aux fins qu'il soit donné acte de la résiliation anticipée du bail commercial au 31 octobre 2019.

Par jugement du 28 avril 2022, le tribunal judiciaire d'Albertville a :

- Débouté la société Encarna Formation de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné la société Encarna Formation à payer à M. [H] :

- la somme de 36 168,74 euros TTC au titre des loyers et de la taxe foncière pour la période du 1er novembre 2019 au 31 juillet 2021 ;

- la somme de 14 410,96 euros au titre des travaux de réparation et remise en état ;

- Condamné la société Encarna Formation à payer à M. [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Encarna Formation aux entiers dépens ;

- Autorisé Me Falcoz, avocate, à recouvrer directement contre la partie condamné ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Au visa principalement des motifs suivants :

Faute pour la société Encarna Formation de rapporter la preuve de l'impossibilité matérielle de continuer à exercer son activité dans les locaux loués à M. [H], si besoin en réalisant ou faisant réaliser des travaux les rendant conformes aux normes en vigueur, le manquement de M. [H] à son obligation de délivrance n'est donc pas établi ;

En l'absence de preuve d'un manquement de M. [H] à son obligation principale, la résiliation unilatérale anticipée par la société Encarna Formation du bail commercial à la date du 31 octobre 2019 doit être considérée comme injustifiée ;

La résiliation anticipée n'étant pas considérée comme justifié, la société Encarna Formation est donc redevable des loyers jusqu'à l'expiration du bail, soit le 31 juillet 2021 ;

La société Encarna Formation, qui est présumée avoir reçu les locaux en bon état de réparations locatives et ne peut se prévaloir de la vétusté des locaux, doit donc répondre des fissures et dégradations ;

M. [H] ne produit aucun autre élément venant attester du mauvais entretien de l'enrobé ou des dégradations engendrées par l'activité de la société Encarna Formation ;

L'arbuste ayant poussé à travers une grille ainsi qu'une végétation dense recouvrant une haie de thuyas traduisent un défaut d'entretien ;

Le constat d'huissier ne fait apparaitre aucun défaut d'entretien ou dégradation du bardage extérieur.

Par déclaration au greffe du 2 juin 2022, la société Encarna Formation a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 2 octobre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Encarna Formation sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :

Statuant à nouveau,

- Constater le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur, et en conséquence, prononcer la résiliation du bail conclu entre les parties au 31 octobre 2019 ;

- Condamner M. [H] à lui restituer la somme de 36 168,74 euros en exécution du jugement de première instance ;

- Condamner M. [H] à lui restituer la somme de 14 410,96 euros réglée en exécution du jugement de première instance ;

- Condamner M. [H] à lui restituer la somme de 1 300 euros au titre du dépôt de garantie versé lors de la signature du bail commercial ;

- Débouter purement et simplement M. [H] de sa demande de confirmation du jugement déféré, et de son appel incident au titre des travaux de réparation et de remise en état d'une part, et de la végétation extérieure d'autre part ;

- Condamner M. [H] à lui restituer la somme de 2 500 euros réglée en exécution du jugement de première instance ;

- Condamner M. [H] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [H] aux entiers dépens, qui comprendront ceux de première instance, dont recouvrement au profit de Maître Stéphanie Baudot, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Encarna Formation fait notamment valoir que :

Elle démontre l'inadaptation et de l'inadaptabilité des locaux donnés à bail par M. [H] dans le cadre de l'évolution des normes applicables à son activité ;

L'impossibilité pour le preneur d'exercer son activité au sein des locaux correspond au non-respect de l'obligation de délivrance du bailleur ;

Son activité économique est particulièrement dépendante de la certification CACES ;

La taille du bâtiment ne permet pas de dédier une surface d'évolution de 200 m² par chariot, puisqu'elle n'est que de 170 m² ;

A l'entrée dans les lieux, il n'a pas été fait de procès-verbal de constat ou même d'état des lieux d'entrée sous seing privé ;

Le bailleur est dans l'incapacité de démontrer l'existence d'un préjudice lié à une prétendue remise en état des locaux, qui vont, en tout état de cause, faire l'objet d'une réhabilitation complète.

Par dernières écritures du 17 octobre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [H] demande à la cour de :

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Encarna Formation à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Albertville en date du 28 avril 2022 ;

- Déclarer recevable son appel incident sur la question de l'indemnisation des dégradations de l'enrobé extérieur ;

- Infirmer le premier jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'indemnisation des préjudices causés au titre des dégradations de l'enrobé extérieur ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- Condamner la société Encarna Formation à lui régler les sommes de 12 984 euros au titre de ces préjudices ;

Y ajoutant,

- Constatant qu'il n'a commis aucune faute contractuelle ;

- Débouter la société Encarna Formation de l'intégralité de ses demandes comme non fondées ;

- Condamner la société Encarna Formation à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la même aux entiers dépens d'appel avec application au profit de Me Falcoz, avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [H] fait notamment valoir que :

La destination des lieux prévue au bail du 24 juillet 2012 concernait l'exercice des activités d'enseignement, de formation continue pour la prévision des risques professionnels, il n'est aucunement fait mention du « CACES » ;

La société Encarna Formation n'a jamais sollicité clairement les travaux qu'elle estimait nécessaires, ni même n'a informé en temps utile son bailleur de tous les critères que devaient remplir, selon elle, les locaux pour être conformes à leur destination ;

La résiliation unilatérale anticipée par la société Encarna Formation du bail commercial à la date du 31 octobre 2019 était injustifiée ;

L'indemnisation du bailleur à raison des dégradations affectant l'immeuble loué qui sont la conséquence de l'inexécution par le preneur de ses obligations, n'est pas subordonnée à l'exécution des réparations par le bailleur ni à l'engagement effectif de dépenses, conformément à l'article 1732 du code civil et à l'article 1147 (ancien) du code civil ;

Les lieux n'ont pas été restitués en bon état de réparations locatives, ni dans l'état dans lequel ils avaient été loués ;

La société Encarna Formation, qui est présumée avoir reçu ces locaux en bon état de réparations locatives, ne peut se prévaloir, aux termes du bail commercial, de la vétusté des locaux et doit donc répondre de ces fissures et dégradations du sol et de la même façon, la cour extérieure (enrobé) a aussi été endommagée par les lourds chariots.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 21 octobre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 26 novembre 2024.

MOTIFS ET DECISION

I- Sur la résiliation judiciaire du bail

L'article 1224 du code civil dispose 'La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.'

La résiliation unilatérale du contrat de bail commercial suppose l'existence d'un manquement grave imputable à l'une des parties.

L'article 1719 du code civil prévoit 'Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations., par exemple l'obligation de délivrance du bailleur.'

Le bailleur, y compris le bailleur commercial, ne peut s'exonérer de son obligation de délivrance par une clause de style prévoyant que le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent, dans la mesure où cette obligation est l'essence même du bail et ne peut se négocier entre les parties (3e Civ. 10 décembre 2008, pourvoi 07-20.277, 3e Civ. 20 janvier 2009, pourvoi 07-20.854).

1°) En début de bail

La société Encarna Formation a pris à bail les locaux commerciaux de M. [H] pour 'servir exclusivement pour l'exercice des activités d'enseignement, de formation continue pour la prévention des risques professionnels', et a en outre pris 'les lieux loués dans l'état où ils se trouveront au moment de l'entrée en jouissance et sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d'équipements supplémentaires ou travaux quelconques, même s'ils étaient rendus nécessaires par l'inadaptation des locaux à l'activité envisagée, par la vétusté ou par vices cachés.

Le preneur déclare connaître l'état actuel des locaux, accepter de faire son affaire personnelle de cette situation, de prendre à sa charge, et à en supporter le coût de l'ensemble des travaux, aménagements et équipements divers nécessaires pour répondre aux exigences de la règlementation en vigueur et notamment tous travaux qui pourraient être nécessaires pour mettre l'immeuble loué en conformité avec la réglementation existante (notamment les 'travaux de sécurité'), sans que le bailleur puisse être inquiété à ce sujet.

Il en sera de même si cette réglementation vient à se modifier et que, de ce fait l'immeuble n'est plus conforme aux normes règlementaires.'

Il résulte de la note technique de M. [Y] du 13 mars 2023 que l'appelante a obtenu le 13 avril 2013 du Bureau Véritas Certification le certificat de qualification testeur Caces pour les R372 m (engins de chantier) et R389 (chariots automoteurs de manutention à conducteur porté). Elle a en outre obtenu le 10 avril 2019 de la CNAMTS la certification sur les deux Caces précités, et celle pour le R386 (plate-formes élévatrices mobiles de personnes), et R390 (grues auxiliaires de chargement des véhicules).

Il est à noter que le Caces R389 est devenu le Caces R489 à compter du 1er janvier 2020.

M. [T] [H] a donc respecté son obligation de délivrance lors de l'entrée dans les lieux du locataire, lequel a pu obtenir les agréments nécessaires à son activité, et même les développer.

2°) En cours de bail

Aux termes du contrat de bail commercial, les parties ont convenu que le locataire supporte des charges dérogatoires au droit commun en ce qui concerne l'entretien et les mises aux normes en cours d'exécution 'le preneur (...) Devra exécuter tous les travaux qui, pendant le cours du bail, pourraient être nécessaires ou qui seraient imposés par quelque autorité que ce soit pour mettre les locaux loués en conformité avec les règlementations, notamment en matière de sécurité, d'hygiène, d'environnement et autres.' et 'Il lui (le locataire) appartiendra de se conformer strictement aux prescriptions de tous règlements, arrêtés de police, règlements sanitaires, etc... et veiller au respect des règles d'hygiène, de salubrité, etc...

(...) Le preneur preneur aura à sa charge toutes les transformations, et réparations quelconques nécessitées par l'exercice de son activité, tout en restant garant vis-à-vis du bailleur de toute action en dommages-intérêts de la part des autres locataires ou voisins que pourrait provoquer l'exercice de son activité dans les lieux.

Il devra en outre faire son affaire personnelle, sans pouvoir exercer de ce fait aucun recours contre le bailleur, de toute réclamation ou injonction qui pourrait émaner des autorités compétentes concernant les modalités de l'occupation par lui desdits locaux, de toutes les autorisations administratives éventuelles, afférentes à son aménagement et/ou son utilisation des locaux loués ou à l'exercice de son activité dans lesdits locaux.'

Il n'est pas contesté que l'obtention de la certification des organismes testeurs de Caces ou OTC, dont fait partie la société Encarna Formations, était soumise, à compter du 1er janvier 2020, à la disposition d'un moins un site certifié permettant le passage des épreuves théoriques du Caces R489 catégorie 1, lequel imposait des sanitaires différenciés pour hommes et femmes, un vestiaire chauffé pour changer de vêtements, une salle de réunion pour 7 personnes et une zone d'évolution de 200 m² minimum sol bétonné ou enrobé avec rampe ou quai. En outre, le passage des épreuves des autres Caces nécessitait les locaux aménagés précités (sanitaires différenciés, vestiaire, salle de réunion).

La société Encarna Formation démontre par la production des données de son activité que les formations Caces procuraient 77% de son chiffre d'affaires en 2018, 81% en 2019 et 69% en 2020.

Le bail commercial désigne les lieux loués comme étant 'un bâtiment d'une surface couverte d'environ 225 m² élevé d'un seul niveau, à usage d'entrepôt et d'atelier avec un coin sanitaire, parking et voies d'accès existant dans ledit tènement.' Il résulte des plans du dossier qu'après aménagement par la société Encarna Formation d'un WC, d'un vestiaire et d'une salle de formation, la superficie disponible pour l'évolution des chariots pour les épreuves théoriques ne pouvait atteindre les 200 m², et se limitait à 170 m².

Dans un courriel du 21 avril 2021, M. [E], salarié de la société Dekra qui délivre les certifications Caces, indique 'le nouveau référentiel et les nouvelles recommandations R400 applicables au 01/01/2020 ont apportées (sic) de gros changements sur l'organisation des organismes voulant se positionner pour maintenir leur certification d'organisme testeurs Caces. Votre ancienne adresse située au [Adresse 3] à [Localité 4] ne pouvait répondre que partiellement aux critères de ces nouvelles recommandations :

1 la surface n'était pas suffisante car en R4xx il faut additionner les surfaces de toutes les familles représentées avec pour chaque catégorie un minimum de 200 à 300 m² (aucune mutualisation n'étant possible), cela aurait eu pour conséquence de ne pouvoir réaliser qu'un seul test à la fois (...) 12 etc

je n'ai énuméré que les principaux obstacles imposés par le référentiel et les recommandations. Compte tenu de tous ces éléments, il aurait été impossible dans vos anciens locaux de pouvoir obtenir votre certification et de pouvoir continuer à délivrer des certificats Caces.'

La note technique de M. [Y], architecte, missionné par la société Encarna Formations, conclut que 'au regard des surfaces minimales prises en compte pour respecter les nouvelles exigences règlementaires, le bâtiment situé au [Adresse 3] à [Localité 4], dont la surface actuelle est de 216 m² ne permet pas à la société Encarna Formations de conserver sa certication 'organisme testeur certifié Caces R489" (... au regard des hauteurs minimales prises en compte pour respecter les nouvelles exigences règlementaires, le bâtiment situé au [Adresse 3] à [Localité 4] dont les hauteurs extérireures actuelles sont de 6.63m au faitage et 4.48m à l'égout de toiture ne permet pas à la société Encarna Formations de conserver sa certication 'organisme testeur certifié Caces R489" et (...) Le respect des prescriptions du PLU -zone Ub- en vigueur ne permet pas de réaliser un bâtiment de 700 m² de surface au sol sur la parcelle cadastrée n°[Cadastre 1], [Adresse 3] à [Localité 4] nécessaire pour que la société Encarna Formations conserve sa certification 'organisme testeur certifié Caces 489" pour 3 élévateurs.' Il est à relever sur ce point, que, s'il est allégué que M. [Y] ne s'est pas déplacé sur les lieux pour réaliser son analyse, il a manifestement pu disposer des données techniques du bâtiment et des parcelles sur lesquelles il est construit, et que les données concernant le nombre de tests possibles en simultané (3) résulte des copies des contrats, factures, relevés de formations réalisées sur la session d'avril 2019 pour le Caces R489.

Il est donc démontré :

- que la poursuite de l'activité Caces au sens large supposait la construction de locaux annexes disposant d'un vestiaire chauffé, de sanitaires différenciés hommes/femmes, d'une salle de réunion ;

- que la poursuite de l'activité Caces R489 pour 1 élévateur supposait, outre les travaux précités, la destruction des aménagements internes du local de M. [H], ainsi que le réhaussement du bâtiment, pour pouvoir disposer des surfaces nécessaires au passage d'épreuves, en superficie au sol et en hauteur, ainsi que des aménagement intérieurs (rampe, quai), et ne pouvait qu'être réduite, puisque 200 m² permettaient la certification pour un seul élévateur, alors que la certification détenue par Encarna Formation était pour 3 élévateurs ;

- que la poursuite de l'activité à l'identique n'était pas matériellement pas possible dans les lieux loués, au regard des contraintes urbanistiques ;

- que l'utilisation de sites déportés ou adaptation de l'offre de formation qu'invoque le bailleur se heurte à l'antériorité de la certification pour le Caces R489 (anciennement R389) détenue depuis 2013, ne peut être retenue comme matériellement possible pour le locataire.

Il est certain que les travaux à effectuer, pour conserver au moins une partie de l'activité Caces, étaient importants, et que le preneur se devait préalablement, conformément aux stipulations du bail, obligatoirement 'obtenir l'autorisation écrite et préalable du bailleur et de son architecte', s'agissant de travaux 'concernant les éléments porteurs et fondation et d'ossature participant à la stabilité et à la solidité de l'édifice (gros oeuvre, ou au clos, au couvert et à l'étanchéité.'

Pour autant, la société Encarna Formations ne justifie à aucun moment avoir sollicité l'autorisation du bailleur pour réaliser les travaux nécessaires, ni avoir mis en demeure le bailleur de réaliser des modifications, si elle estimait que les travaux relevaient des obligations du bailleur.

En effet, le mail du 18 janvier 2018 de Mme [U] de la société Encarna Formation évoque seulement 'les futures recommandations Caces applicables au 01 janvier 2020 ne me permettront plus de continuer mon activité dans votre bâtiment, c'est pourquoi je suis sur le point d'acquérir un terrain en vue de construire des locaux', la demande portant sur une résiliation amiable du bail commercial à son échéance triennale du 31 juillet 2018 pour poursuivre un maintien dans les lieux au bénéfice d'un bail précaire afin de permettre la fin des travaux du nouveau local pouvant accueillir l'activité de la société locataire.

Ce n'est que par courrier du 11 juin 2019 de son conseil que la société Encarna Formation a précisé qu'elle 'ne pourra plus exercer légalement son activité dans votre local commercial au regard de la non-conformité du bâtiment en termes de surface et de hauteur', sans que les détails des difficultés posées aient été préalablement discutées.

Il n'est donc pas démontré que M. [H], qui n'a jamais été informé par écrit des contraintes qui allaient s'imposer pour la majeure partie de l'activité de sa locataire et n'a jamais été mis en demeure d'exécuter ou de laisser s'exécuter les travaux nécessaires, ait manqué à son obligation de délivrance en cours d'exécution du bail.

Le jugement sera confirmé en retenant que la société Encarna Formation reste débitrice des mois de loyer et taxes jusqu'à la fin du bail.

II- Sur les demandes de travaux de remise en état

L'article 1731 du code civil dispose 'S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire' et trouve à s'appliquer en l'espèce, l'entrée en vigueur de l'article L145-40-1 du code de commerce tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014 imposant la rédaction d'un état des lieux lors de la conclusion du bail commercial n'étant pas applicable au regard de la date de la conclusion du bail.

Au terme du bail commercial du 24 juillet 2012, le bailleur était tenu de réaliser les réparations relevant de l'article 606 du code civil, et le preneur de toutes les autres réparations, sauf à prouver que les dégradations ne résultent pas de son fait.

Enfin, s'il est de jurisprudence constante que le bailleur n'est pas tenu de justifier de la réalisation des travaux de remise en état du bien loué pour obtenir la prise en charge par son locataire des dégradations locatives qui lui incombent, il lui appartient cependant de démontrer qu'il subit réellement un préjudice en lien avec ces dégradations. Des dommages-intérêts ne peuvent en effet être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle (3ème Civ, 3 décembre 2003, pourvoi n° 02-18.033, Bulletin civil 2003, III, n° 221).

C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que :

- il résulte du procès-verbal de constat du 18 juin 2018 réalisé par Me [B], huissier de justice que 'au niveau de la fosse, de part et d'autre, il y a des tiges filetées qui dépassent de la dalle en béton, je note, également, que le béton est cassé en divers endroits autour de ladite fosse, le seuil est fissuré ainsi que la petite pente en béton' ;

- le permis de construire accordé pour le locataire ayant pris la suite de la société Encarna Formation fait état de travaux d'aménagement et de redistribution intérieurs, de sorte que le bailleur a bien subi un préjudice lié à la nécessité de reprendre la dalle de béton du bâtiment ;

- il y a lieu de mettre à la charge du locataire la somme de 12 223,36 euros TTC de travaux de réparation selon les devis fournis ;

- les constatations de Me [B] ne faisant pas apparaître de dégradations sur l'enrobé du parking ou des abords du bâtiment, cette demande devait rejetée, les allégations de M. [H], même associées à une comparaison sur la charge à l'essieu d'un camion de 3,5 t et d'un chariot type 70 D9, des relevés météo et des photographies des revêtements de sol des nouveaux locaux de la société Encarna Formation ne permettent pas d'en déduire la nécessité de refaire les sols extérieurs ;

- le procès-verbal précité établissant que 'une plante pousse dans la grille' et que 'une haie de thuyas est largement cachée par de la végétation diverse', l'indemnisation à hauteur de 2 187,60 euros TTC est justifiée, dans la mesure où la société Encarna Formation ne peut se fonder sur les plans d'un permis de construire pour soutenir que la haie a été supprimée.

Il convient enfin d'accueillir la demande du locataire de déduction du dépôt de garantie de 1 300 euros des frais de remise en état devant être mis à sa charge. En effet, la condition stipulée au 4ème alinéa de la clause correspondante n'est pas réalisée 'en cas de résiliation du bail, par suite d'inexécution de ses conditions, pour une cause imputable au preneur, le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre de premiers dommages et intérêts.' Le bail n'ayant pas été résilié, la société Encarna Formation peut imputer la somme de 1 300 euros des réparations auxquelles elle a été condamnée.

III- Sur les demandes accessoires

La société Encarna Formation succombant en son appel prendra en charge les dépens de l'instance, ainsi qu'une indemnité procédurale de 1 500 euros au bénéfice de M. [T] [H].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la somme de 1 300 euros de dépôt de garantie sera déduite du montant des travaux de réparation et de remise en état mis à la charge de la société Encarna Formation,

Condamne la société Encarna Formation aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la société Encarna Formation à payer à M. [T] [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande présentée à ce titre par la société Encarna Formation.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Myriam REAIDY, Conseillère, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente régulièrement empêchée et Sylvie LAVAL, Greffier.

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