CA Besançon, 1re ch., 11 mars 2025, n° 23/01635
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Domaine de Syam (SARL)
Défendeur :
Alesia (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, M. Maurel
Avocats :
Me Le Goff, Me Marraud des Grottes
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique en date du 23 septembre 2011, la SCI Alésia a cédé à bail commercial à la SARL 'Domaine de Syam', un ensemble immobilier composé d'une maison de maître, d'un vieux lavoir, d'un bâtiment, de cabanes édifiées dans les arbres et de plusieurs parcelles composant un complexe de loisirs et activités annexes, moyennant un prix annuel de 68 000,00 euros.
Suivant acte authentique en date du 16 septembre 2013, un avenant a été souscrit ramenant le prix annuel du bail à la somme de 51 000,00 euros.
Par acte d'huissier en date du 11 septembre 2020, la société preneuse a fait délivrer à sa co-contractante une demande de renouvellement du bail avec réduction du prix annuel à la somme de 20 000,00 euros. La société bailleresse s'est abstenue de notifier un refus de renouvellement à son partenaire mais s'est opposée à la baisse du prix du loyer.
Par acte d'huissier en date du 16 février 2021, la SARL 'Domaine de Syam' a fait assigner la SCI Alesia devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier aux fins de fixation, à la baisse, du prix du bail renouvelé.
Suivant jugement avant dire-droit en date du 26 mai 2021, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [K] [I], ultérieurement substitué par M. [E] [S], avec mission de procéder à l'évaluation de la valeur locative du domaine.
L'expert a déposé rapport de ses opérations au greffe le 16 novembre 2022.
Suivant jugement en date du 6 septembre 2023, le juge des loyers commerciaux a rendu son jugement dont le dispositif est libéllé dans les termes suivants :
- Constate le caractère monovalent des locaux donnés à bail à la SCI Domaine de Syam selon bail commercial du 23 septembre 2011,
- Fixe à la somme de trente sept mille quatre cent vingt neuf euros (37 429 euros) HT par an le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 14 septembre 2020,avec intérêts au taux légal sur chaque échéance d'arriéré, conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil et capitalisés selon les modalités de l'article 1154 du code civil,
- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des deux parties en ce compris les frais d'expertise,
- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a essentiellement retenu que :
- Les immeubles composant le domaine participent de la catégorie des locaux monovalents en ce que l'activité développée en ces lieux attire la même clientèle et que le changement d'usage occasionnerait d'importants travau,
- Le calcul du prix du bail renouvelé doit être effectué selon la méthode de l'évaluation hôtelière et le déplafonnement éventuel doit demeurer indépendant de la variation des facteurs locaux de commercialité,
Suivant déclaration au greffe en date du 8 novembre 2023, formalisée par voie électronique, la société preneuse à bail a interjeté appel du jugement mais uniquement en ce qu'il a limité le loyer du bail renouvelé à la somme de 37 429, 00 euros par an.
Dans le dernier état de ses écritures, en date du 9 janvier 2024, la société appelante a invité la cour à statuer dans le sens suivant :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté le caractèremonovalent des locaux donnés à bail à la SARL Domaine de Syam selon bail commercial du 23 septembre 2011 ;
Infirmer le jugement pour le reste ;
Statuant à nouveau
A titre principal :
Dire que les cabanes ne sont pas des immeubles par destination ;
Dire que la « salle des fêtes » est inexploitable en raison de l'absence de mise aux normes pour l'exploitation retenue par l'expert ;
Dire que les locaux de fonctions sont nécessaires à l'exploitation et que leur consistance n'est plus vaste ou plus confortable qu'il n'est d'usage dans la catégorie considérée ;
Dire qu'il y a lieu de rectifier l'erreur matérielle de l'expert en ce qu'il a retenu des chiffres d'affaires TTC et une durée d'exploitation de 240 jours aulieu de 220 jours ;
En conséquence
Fixer le loyer du bail renouvelé au 14 septembre 2020 par référence à la méthode hôtelière, à un montant annuel de 8 834 euros (huit mille huit cent trente quatre euros) en principal, à cette date pour un renouvellement de bail de 3, 6 ou 9 années à compter de la même date pour les locaux situés à [Adresse 2], les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées ;
Subsidiairement
Dire que la clause d'accession à la propriété des constructions réalisées par le preneur ne peuvent entraîner le transfert de propriété des six cabanes construites en 2009 avant la fin de la location ;
Dire que les locaux de fonctions ne doivent être retenus que pour la durée d'exploitation retenue par l'expert pour l'application de la méthode hôtelière, soit 220 jours ;
En conséquence
Fixer le loyer du bail renouvelé au 14 septembre 2020 par référence à la méthode hôtelière, à un montant annuel de 12 450 euros (douze mille quatre cent cinquante euros) en principal, à cette date pour un renouvellement de bail de 3, 6 ou 9 années à compter de la même date pour les locaux situés à [Adresse 2], les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées ;
A titre infiniment subsidiaire
Entendre l'expert sur les points relatifs aux calculs des chiffres d'affaires et des jours d'exploitations, sur les valeurs locatives des pièces de fonctions et de la « salle des fêtes » ainsi que sur le calcul des loyers sans l'accession à la propriété des cabanes ;
Dans tous les cas
Condamner la SCI Alesia à payer à la société Domaine de Syam, les sommes trop-perçues au titre des loyers à compter du 14 septembre 2020, augmentées des intérêts au taux légal à compter de chacune
des échéances contractuelles, avec capitalisation des intérêts à compter de ces échéances dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil ;
Condamner la SCI Alesia à verser à la SARL Domaine de Syam une somme de 2 000 (sic) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SCI Alesia aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, en substance, les moyens et arguments suivants :
- C'est à juste titre que, compte tenu de la configuration des lieux et de l'activité exercée, le premier juge s'est prononcé en faveur du caractère monovalent des locaux litigieux, induisant, par là-même, l'application de la méthode hôtelière pour déterminer le prix du loyer du bail renouvelé ;
- En ce qui concerne les cabanes construites en hauteur dans les arbres du domaine, c'est à tort que le juge des loyers, suivant en cela l'expert judiciaire, a intégré les 6 cabanes édifiées sur le domaine dans l'assiette de calcul de la redevance locative alors qu'une clause d'accession ne permettait le transfert de leur propriété au bailleur qu'en fin de jouissance des lieux ;
- L'une des cabanes a été détruite au cours d'une tempête si bien que c'est à tort que le juge l'a néanmoins intégrée dans la base liquidative d'une recette purement fictive ;
- Le chiffre d'affaires sur lequel l'expert s'est fondé pour son évaluation a été libéllé TTC alors que doit être déduit du montant retenu les taxes grevant le chiffre d'affaires brut ;
- La salle des fêtes, actuellement à usage d'entrepôt, a été comptabilisée dans la base de calcul du loyer renouvelé alors qu'elle n'est pas un outil de production entrant dans l'établissement du chiffre d'affaires ;
- Les pièces de fonction affectées au logement de l'exploitant n'ont pas vocation à être prises en compte dans la base taxable du loyer en application de la méthode hôtelière, étant de surcroît souligné que l'expert n'a pas estimé utile de soumettre à la contradiction cette disposition de son rapport final.
* * *
A titre incident, la SCI Alésia a également sollicité l'infirmation du jugement rendu. Dans ses ultimes écritures, à portée récapitulative, notifiées le 29 janvier 2024, elle invite la cour à statuer dans le sens suivant :
Vu l'article L. 145-33 du code de commerce,
Recevoir l'appel incident ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- Constate le caractère monovalent des locaux donnés à bail à la SCI Domaine de Syam selon bail commercial du 23 septembre 2011 ;
- Fixe à la somme de trente-sept mille quatre cent vingt neufs euros (37.429 €) HT et HC par an le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 14 septembre 2020, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance d'arriéré » ;
- Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des deux parties en ce compris les frais d'expertise ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
Juger que les locaux donnés à bail à la SARL Domaine de Syam selon bail commercial du 23 septembre 2011 présentent un caractère polyvalent, tant et si bien que le prix du bail doit être fixé selon l'évolution des facteurs de commercialité comme il est dit à l'article L. 145-33 du code de commerce ;
Juger que l'exploitant ne justifie pas d'une évolution des facteurs de commercialité ;
Débouter l'exploitant de sa demande de révision du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 14 septembre 2020 ;
Laisser les dépens de première instance, et ce compris les frais d'expertise, à la charge de la SARL Domaine de Syam ;
A titre subsidiaire,
Si la monovalence des lieux est retenue :
Débouter la SARL Domaine de Syam de sa demande de révision du montant du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 14 septembre 2020 ;
Écarter l'application de la méthode hôtelièr ;
Laisser les dépens de première instance, et ce compris les frais d'expertise, à la charge de la SARL Domaine de Syam ;
A titre infiniment subsidiaire,
Si le premier jugement est confirmé en ce que la monovalence des lieux et l'application de la méthode hôtelière sont confirmés :
Ajouter 17 000 euros de loyer au loyer de 37 429 euros HT retenu par le premier juge pour valoriser la salle des fêtes de 150 m2 et les locaux de fonction de 210 m2 ;
Ajouter 18 840 euros de loyer au loyer de 37 429 euros HT retenu par le premier juge pour valoriser la «Grande dépendance», table d'hôte et grand salon, que l'expert qualifie «d'ensemble en excellent état» (pages 32 et 69) ;
Tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,
Condamner la SARL Domaine de Syam à verser à la SCI Alesia la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SARL Domaine de Syam aux dépens d'appel et de première instance.
Elle soutient, en ce sens, que :
- Le site permet l'exercice de 7 activités parfaitement hétérogènes, ne drainant pas la même clientèle, avec usage spécifique de chacun des locaux d'affectation, et dont la transformation pour l'exercice d'une autre activité que celle consacrée aux loisirs ne nécessiterait aucun investissement important. Il s'en déduit que la qualification de locaux monovalents n'est aucunement de mise ;
- Au cas où la monovalence des locaux serait retenue, la méthode hôtelière ne peut constituer le référentiel adéquat pour la fixation du prix du loyer du bail renouvelé puisque le centre ne dispense pas, à proprement parler, de prestations d'hébergement hôtelier et ne dispose pas du personnel pour ce faire ;
- La valeur du domaine et les particularités irréductibles qu'il présente n'ont pas été suffisamment prises en compte par l'expert judiciaire ;
- Les six cabanes perchées étaient la propriété exclusive du bailleur avant la souscription du contrat de location et la question de leur accession différée est, dès lors, sans objet
- La salle des fêtes, à usage d'entrepôt, a une valeur locative de 20 000,00 euros, soit bien supérieure à celle retenue par l'expert (3000,00 euros).
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour constate que le dispositif du jugement déféré est affecté d'une erreur matérielle en ce qu'il désigne la société Domaine de Syam comme étant une SCI, alors qu'elle est une SARL. Il y a donc lieu de rectifier cette erreur matérielle en restituant à cette société sa véritable forme juridique.
Dans le cadre de l'action en renouvellement du bail commercial, les parties s'opposent sur la qualification des locaux d'exploitation. L'enjeu d'une telle controverse réside dans la détermination des règles applicables à l'état liquidatif de la valeur locative du bien immobilier cédé en jouissance. La société preneuse s'est déclarée favorable à l'option prise par l'expert judiciaire de considérer le site en son entier comme relevant du régime de la monovalence tandis que la société bailleresse, en l'état d'une multiplicité d'activités exercées sur les lieux, en déduit la détermination du prix du loyer déplafonné en référence à la seule variation des facteurs locaux de commercialité.
Sous le vocable de 'locaux monovalents' sont désignés ceux dans lesquels est exercée une activité unique en direction d'une clientèle ciblée, faisant l'objet d'aménagements spécifiques et ne pouvant être affectés à un autre usage sans réalisation de travaux importants et coûteux. A cet égard, l'article R. 145-10 du code de commerce énonce que :
'Le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.'
La monovalence de locaux commerciaux a, tout d'abord, partie liée avec l'unité physique et géographique du site d'exploitation. Cette unité laisse ainsi présumer une complémentarité dans les activités exercées dont la concentration dans un lieu unique favorise l'interdépendance. En l'espèce, le centre de loisirs est situé en dehors de toute zone de chalandise, à l'écart de la communauté urbaine la plus proche. Il s'en déduit que la clientèle inhérente à l'exploitation commerciale ne se retrouve pas incidemment attirée par une prestation d'hébergement dans la mesure où la nature même de celle-ci induit une démarche volontaire et préalable pour bénéficier, à titre onéreux, des agréments du site.
Pour voir écarter toute qualification de monovalence des locaux exploités, la société bailleresse fait essentiellement valoir que le service rendu est diversifié, en rapport avec l'originalité propre à chacune des prestations offertes. Mais, s'il se conçoit aisément que l'activité de chambres d'hôtes diffère de celle d'accueil en gîte, ou de celle des cabanes forestières, il n'en reste pas moins que leur point commun est d'offrir une prestation d'hébergement, couplée le plus souvent avec des activités de loisir. Dès lors, ce qui cristallise l'unité fonctionnelle des composants multiples de l'activité commerciale prend, dans ce contexte, l'ascendant sur les facteurs de diversité. Il ne s'évince pas des pièces de la procédure qu'un personnel spécifique soit affecté aux taches inhérentes à la satisfaction de la clientèle prise en charge dans chacune des structures d'accueil. L'ensemble des locaux, concentré en un seul lieu, tout entier affecté à un usage touristique qui, même ramifié en une pluralité d'offres distinctes n'en conserve pas moins sa cohérence et son unité satisfait au premier critère de la monovalence.
Les services commerciaux gérés par la même société (pêche à la ligne, massage, cession à bail de terrains agricoles) sont marginales, ainsi que l'a relevé l'expert, et insusceptibles de modifier la physionomie de l'entreprise et affecter notablement son chiffre d'affaires. Ainsi, le technicien a-t-il comptabilisé 20 séances de massage sur l'année, soit approximativement une toutes les trois semaines, ce qui n'a qu'une incidence trés relative sur la rentabilité économique du centre de loisirs. Il y a donc lieu de considérer, à la suite du premier juge, que l'attractivité de ces activités accessoires n'a qu'une incidence neutre ou faible sur la clientèle du centre et que ces offres de service ne visent que celle-ci.
Pour échapper à la qualification de locaux monovalents, la société intimée signale que le changement d'affectation des immeubles n'entrainerait pas l'accomplissement de travaux coûteux dans la mesure où il avait été initialement prévu un allotissement des différents immeubles et leur commercialisation subséquente. Cependant, l'ampleur des travaux immobiliers n'est un critère de monovalence qu'à la condition que les ouvrages réalisés ou rénovés soient toujours affectés à un usage commercial. Or la vente 'à la découpe' ne confère à chaque lot prévu à l'état descriptif de division qu'un usage d'habitation individuelle à l'exclusion de toute destination commerciale. Dès lors,
une fois l'a vente des lots achevés, l'entité commerciale qui l'a réalisée a épuisé son objet et a donc vocation à disparaître. Il s'ensuit que la comparaison entre deux types de locaux ayant chacun une destination exclusive, commerciale et non-commerciale, ne permet pas de vérifier si le critère relatif à l'ampleur des travaux d'aménagement est bien satisfait.
Il ressort des clichés photographiques illustrant le compte-rendu expertal et des documents publicitaires mettant en valeur les agréments de l'endroit, que toute transformation de l'objet de l'exploitation, par un abandon de la vocation touristique initiale, nécessiterait d'importants travaux puisqu'on voit mal à quel autre usage que l'hebergement et l'accueil de loisirs il pourrait être dédié.
Il résulte des motifs qui précèdent que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a qualifié les locaux litigieux de monovalents et estimé, par voie de conséquence, que l'état liquidatif de la valeur locative des immeubles, pour le calcul du loyer du bail renouvelé, échappait aux règles habituelles du déplafonnement.
* * *
Le caractère monovalent de locaux commerciaux affectés à l'hébergement de la clientèle conduit, le plus souvent, à appliquer la méthode dite 'hôtelière'pour en déterminer la valeur locative. Celle-ci s'attache prioritairement à calculer la redevance locative à partir du chiffre d'affaires de l'entreprise preneuse, abstraction faite de l'évolution des facteurs locaux de commercialité. L'expert a préconisé l'application de cette méthode qu'il a ensuite utilisée pour proposer un prix du bail renouvelé. Les modalités techniques d'évaluation ont été explicitées en page 63 du rapport en reprenant pour l'essentiel les critères de la méthode renouvelée telle que proposée en 2016 par la compagnie des experts immobiliers commerciaux et d'entreprise tendant à valoriser davantage que dans la méthode traditionnelle les activités accessoires à l'hébergement comme les services de restauration ou d'agrément. Les éléments de calcul retenus sont les suivants :
- Recette théorique annuelle.
- Taux d'occupation.
- Déduction des dépenses de travaux sous déduction des charges de travaux susceptibles de relever des prescriptions de l'article L. 311-1 et suivants du code de tourisme.
- Prise en compte au bénéfice du preneur des remises accordées à la clientèle de groupe ou aux OTA (Online Travel Agency).
- Segmentation de la clientèle.
- Impôt foncier.
La juridiction, ainsi qu'il l'a été dit, est libre du choix de la méthode d'évaluation de la valeur locative afférente aux locaux monovalents dont le bail est renouvelé. Force est, cependant, de constater qu'aucune des parties n'a proposé de technique alternative à celle envisagée par l'expert. La méthode comparative, qui vise à prendre en compte une redevance locative résultant de la moyenne des loyers pratiqués sur la place pour des locaux affectés à une exploitation analogue, s'avére, en l'espèce, d'une objectivité incertaine en raison de la singularité du site dans le secteur géographique d'implantation.
A partir de cette prémice, à savoir l'application de la méthode hôtelière rénovée au litige, il y a lieu d'examiner les critiques qui, dans ce cadre, ont été formulées par les parties.
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La société preneuse fait grief à l'expert d'avoir intégré dans l'assiette de calcul du chiffre d'affaires les recettes perçues par la location des cabanes construites dans les arbres. Il convient, tout d'abord, de rappeler que les travaux réalisés par le locataire ne sont pas pris en compte dans l'état liquidatif du loyer du bail renouvelé dans la mesure où les prescriptions de l'article R. 145-8 du code de commerce, qui dispose du contraire, ne sont pas applicables aux locaux monovalents. Ainsi, si le
bailleur n'a pas participé aux travaux d'amélioration, ceux-ci ne peuvent être valorisés dans le loyer, non pas lors du premier renouvellement mais du deuxième suivant leur accomplissement (Cass. 3° Civ. 27 novembre 2006 Bull. III) Pour se voir déclarer éligible à ce corpus de règles, la société appelante estime que même si 6 des cabanes, dont le parc en comporte 8, ont été construites avant la souscription du bail, l'accession qui transfère la propriété de ces augments au bailleur ne peut intervenir, non pas en fin de bail mais à la date de cessation de la jouissance du bien loué. L'objection ainsi émise ne saurait, toutefois, être avalisée par la cour.
En effet, la société preneuse a conclu un contrat de location comportant 6 cabanes qui appartenaient au bailleur. Il s'en déduit logiquement que la clause d'accession différée stipulée à l'acte n'a pas à jouer puisque l'exploitant n'en a pas financé l'investissement correspondant.
La question de la titularité du droit de propriété sur ces immeubles par destination ne concerne donc que les deux ouvrages édifiés en cours d'exécution du bail mais l'expert les a exclus de l'assiette liquidative du loyer du bail renouvelé.
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S'agissant de la prise en compte de la salle des fêtes dans la base de calcul du taux de recette, il est, tout d'abord, reproché à l'expert une entorse au principe du contradictoire puisqu'il a omis, dans son pré-rapport, d'aborder la question de la salle des fêtes privant les parties de la faculté de critiquer les analyses et conclusions expertales. Mais la méconnaissance par le technicien du principe du contradictoire induit, en vertu de l'article 175 du code de procédure civile, la nullité de l'expertise. Or, en l'occurrence, la société locataire s'est abstenue de réclamer le prononcé d'une telle sanction. En outre, et surabondamment, la prise en compte de cet immeuble dans le périmètre de ceux servant d'assise au calcul du chiffre d'affaires, pose avant tout une question de droit dont la société appelante a pu débattre dans le cadre de la discussion judiciaire.
La salle des fêtes du centre de loisirs est affectée à un usage d'entrepôt ce dont la société Alesia déduit qu'elle ne peut entrer en ligne de compte dans l'établissement du chiffre d'affaires. Mais la méthode hôtelière tend à l'évaluation fictive d'un chiffre d'affaires prenant en compte tous les biens corporels et incorporels du fonds de commerce affectés à l'exploitation de l'activité. L'expert a évalué la part théorique des recettes que le bâtiment a contribué à produire à la somme de 3000,00 euros par an sur la base d'un examen comparé de locaux affectés au même usage. En cet état, l'évaluation de l'homme de l'art n'encourt pas la critique du moyen.
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Les pièces de fonction, affectées au logement du personnel, ont été prises en compte par l'expert dans le calcul du chiffre d'affaires en retenant une valeur locative de 6000,00 euros par an, ce que conteste la société preneuse à bail. Elle suggère un rabais sur la quotité ainsi fixé d'un peu moins de la moitié. Toutefois, elle ne démontre pas que celui-ci se soit fondé sur des données erronées alors qu'il a pris comme référentiel les éléments fournis par l'analyse du marché local. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé la proposition expertale.
Enfin, c'est à bon escient que la société Alesia fait grief à l'expert de n'avoir pas libellé un montant du loyer hors taxes alors que la méthode hôtelière le prévoit. Il convient donc d'affecter d'un abattement de 10 %, correspondant au taux de TVA applicable, le montant représentatif du loyer du bail renouvelé.
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L'évaluation théorique du chiffre d'affaires, au coeur de la méthode hôtelière, est donc fondée sur les recettes enregistrées au regard des tarifs affichés, déduction faite des remises accordées à la clientèle de groupe (comités d'entreprise ou 'tour operator') mais également sur une potentialité de
rendement par la valorisation de l'outil de production. A ce titre, la société bailleresse insiste sur le fait que le site dans lequel le centre de loisirs est aménagé constitue une composante notable du patrimoine historique départemental. Il ne peut qu'être abondé dans ce sens dans la mesure où les bâtiments sont compris dans un espace qui jouxte la villa Palladienne, fleuron du patrimoine architectural du Haut Jura, au sein d'un environnement préservé qui ne peut qu'ajouter, du point de vue économique, une plus-value à la prestation délivrée par l'opérateur. Or l'expert a fondé ses estimations sur des références présentant une certaine analogie avec les caractéristiques présentées par l'ensemble immobilier exploité, mais qui n'épuisent en rien les particularités du site. Il y a donc lieu de procéder à une réévalutaion du prix du loyer en fonction de ce paramètre.
Enfin, l'expert, suivi en cela par le premier juge, a affecté le titre de recettes afférent à l'exploitation des cabanes d'un abattement de 5%. Mais, au regard des motifs précédemment développés, cette réfaction ne se justifie pas puisque les ouvrages en question, compris dans l'assiette du bail, ont été reconnus comme étant la propriété du bailleur. Il n'y a donc pas lieu de reprendre le rabais ainsi opéré dans le calcul du prix du loyer.
Compte tenu des ajustements liés aux variations, en plus ou en moins, des divers postes entrant dans la base de calcul du loyer du bail renouvelé, il y a lieu de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a fixé le prix à la somme de 37 429,00 euros par an, à compter du 14 septembre 2020, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chaque échéance demeurée impayée, avec capitalisation annuelle des intérêts échus.
L'appelante sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer les sommes trop-perçues au titre des loyers à compter du 14 septembre 2020, étant observé qu'une demande similaire avait été soumise au premier juge, qui n'a cependant pas statué sur ce point. Force est néanmoins de constater qu'il n'est fourni aucun décompte des sommes effectivement versées depuis cette date, et que cette demande, qui n'est pas chiffrée, ne fait l'objet d'aucun développement dans le corps des écritures de l'intéressée, pas plus d'ailleurs que dans celles de la SCI Alesia. La cour n'étant ainsi pas en mesure de déterminer de manière certaine la réalité et le montant d'un éventuel trop-versé, il convient de rejeter la demande aux fins de condamnation à paiement, mais de dire que la SCI Alesia sera tenue de restituer à la société Domaine de Syam la différence entre les sommes qu'elle a perçues au titre des loyers commerciaux depuis le 14 septembre 2020 et celles à laquelle elle peut prétendre, depuis cette date, au titre du loyer du bail renouvelé, tel qu'il a été fixé par le jugement déféré.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI Alesia les frais qu'elle a exposés en marge des dépens, à hauteur de la somme de 1500,00 euros. La SARL ' Domaine de Syam' sera tenue d'en acquitter le paiement à son profit.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a, statuant sur les dépens de première instance, partagé par moitié les frais d'expertise entre les deux parties colitigantes.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :
- Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement rendu le 6 septembre 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lons le Saunier ;
- En conséquence, dit que, dans la phrase 'Constate le caractère monovalent des locaux donnés à bail à la SCI Domaine de Syam selon bail commercial du 23 septembre 2011", l'abréviation 'SCI' sera remplacée par l'abréviation 'SARL' ;
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement ainsi rectifié ;
Y ajoutant :
- Rejette la demande de condamnation à paiement d'un trop-perçu de loyers formée par la SARL Domaine de Syam ;
- Dit que la SCI Alesia sera tenue de restituer à la SARL Domaine de Syam la différence entre les sommes qu'elle a perçues au titre des loyers commerciaux depuis le 14 septembre 2020 et celles à laquelle elle peut prétendre, depuis cette date, au titre du loyer du bail renouvelé ;
- Condamne la SARL 'Le Domaine de Syam' à payer à la SCI Alésia la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamne aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.