CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 12 mars 2025, n° 23/02460
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (SA), Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Vice-président :
M. Braud
Conseiller :
Mme Sappey-Guesdon
Avocats :
Me Tixier-Vignancour, Me Claude, Me Pasquier
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 6 août 2019, [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] ont accepté l'offre de prêt destiné au financement de l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Adresse 8], que la Caisse d'épargne Île-de-France leur avait faite le 25 juillet 2019, d'un montant de 440 404,04 euros, remboursable en 240 mensualités et affecté d'un taux d'intérêt conventionnel annuel fixe de 1,30 % (taux effectif global de 2,12 % l'an). La société Compagnie européenne de garanties et cautions s'est portée caution solidaire des emprunteurs à hauteur de 100 % du prêt précité.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2020, la Caisse d'épargne Île-de-France a informé [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] qu'en raison de sa découverte de la falsification des relevés du compte ouvert dans les livres de la Banque postale que les emprunteurs avaient fournis au soutien de leur demande de prêt, elle entendait prononcer la déchéance du terme et les mettait en demeure de lui payer sous quinzaine la somme de 449 372,47 euros. Ces mises en demeure sont restées infructueuses. Par lettre en réponse en date du 22 octobre 2020, [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I], par l'intermédiaire de leur conseil, maître Jean-Loïc Tixier-Vignancourt, ont contesté le bien-fondé de cette décision, mais aucune solution amiable n'a été trouvée.
Par exploit en date du 21 décembre 2020, la Caisse d'épargne Île-de-France a assigné [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] en payement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Parallèlement, par courrier du 26 avril 2021, la Caisse d'épargne Île-de-France a demandé à la Compagnie européenne de garanties et cautions, en sa qualité de caution solidaire de [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I], de prendre en charge le dossier de prêt immobilier no P0005778518 précité. Le 6 juillet 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions a écrit à [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] pour les en informer. Le 17 août 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions a payé la somme de 419 600,36 euros à la Caisse d'épargne Île-de-France, qui lui a remis une quittance subrogative de ce montant. Par lettres recommandées avec accusés de réception du 15 septembre 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions, par l'intermédiaire de son conseil, a mis [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] en demeure de lui régler sous huitaine la somme de 419 600,36 euros et en a informé leur conseil, maître Jean-Loïc Tixier-Vignancourt. Ces mises en demeure sont restées infructueuses.
Par conclusions d'intervention volontaire en date du 17 septembre 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions a demandé au tribunal notamment la condamnation solidaire des emprunteurs à lui payer la somme de 419 600,36 euros avec intérêts au taux légal à partir du 17 août 2021.
Par jugement contradictoire en date du 29 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
' Déclaré la Compagnie européenne de garanties et cautions recevable en son intervention volontaire et bien-fondée en son action en paiement ;
' Condamné solidairement [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions :
1o la somme principale de 419 600,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2021, date de son paiement à la banque, jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
2o la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] à payer à la Caisse d'épargne Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de prise d'hypothèque sur le bien ;
' Rappelé que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;
' Débouté [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] de leurs prétentions plus amples ou contraires, et notamment :
- de leur demande en mainlevée sous astreinte de leur inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
- de leur demande de délais de paiement ;
- de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Débouté la Caisse d'épargne Île-de-France et la Compagnie européenne de garanties et cautions du surplus de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 janvier 2023, [W] [I], [J] [D] [I] et [U] [I] ont interjeté appel du jugement contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France et la Compagnie européenne de garanties et cautions.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 18 avril 2023, [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] demandent à la cour de :
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bobigny le 29 novembre 2022, en ce qu'il a :
- Condamné solidairement Monsieur [W] [I], Madame [J] [D] épouse [I] et Monsieur [U] [I] à payer à la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS :
1°) la somme principale de 419.600,36 Euros, avec intérêt au taux légal à compter du 17 août 2021, date de son paiement à la banque, jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an dans les conditions de l'article 1343-2 du Code Civil,
2°) la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné solidairement Monsieur [W] [I], Madame [J] [D] épouse [I] et Monsieur [U] [I] à payer à la CAISSE D'EPARGNE D'ILE DE FRANCE la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné solidairement Monsieur [W] [I], Madame [J] [D] épouse [I] et Monsieur [U] [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de prise d'hypothèque sur le bien,
- Débouté Monsieur [W] [I], Madame [J] [D] épouse [I] et Monsieur [U] [I] de leurs prétentions plus amples ou contraires, et notamment :
* de leur demande en mainlevée sous astreinte de leur inscription au fichier FICP,
* de leur demande de délais de paiement,
Et statuant à nouveau, de :
DEBOUTER la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions ;
DEBOUTER la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions ;
ORDONNER à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-France de supprimer l'inscription au fichier FICP de Monsieur [U] [I], Monsieur [W] [I] et Madame [J] [D] épouse [I], dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir, sous astreintes de 50€ par jour de retard ;
Les CONDAMNER en tous les dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 juin 2023, la société anonyme Compagnie européenne de garanties et cautions demande à la cour de :
' RECEVOIR la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS en ses présentes écritures,
Y faisant droit,
' CONFIRMER le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de Bobigny en toutes ses dispositions ;
' DEBOUTER Monsieur [U] [I], Monsieur [W] [I] et Madame [J] [I] née [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
' CONDAMNER Monsieur [U] [I], Monsieur [W] [I] et Madame [J] [I] née [D] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel en vertu de l'article 696 du CPC dont distraction en vertu de l'article 699 du CPC.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 juillet 2023, la banque coopérative Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu 29 novembre 2022,
Y additant :
- Condamner M. [U] [I], M. [W] [I] et Mme [J] [I] au paiement, chacun, de la somme de 1 000 Euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2024 et l'audience fixée au 14 janvier 2025.
CELA EXPOSÉ,
Les appelants opposent aux demandes de la Compagnie européenne de garanties et cautions les moyens et arguments suivants :
' l'absence de preuve d'un défaut de payement au titre du prêt ;
' l'absence de preuve qu'ils seraient les auteurs de la fraude ;
' le caractère abusif de la clause de déchéance du terme ;
' l'absence de communication d'un décompte de la créance.
Les consorts [I] invoquent également les dispositions de l'ancien article 2308, alinéa 2, du code civil, et soutiennent en ce sens que la Compagnie européenne de garanties et cautions a procédé au payement des sommes demandées entre les mains du créancier sans les en avertir.
Ils font encore valoir que la Compagnie européenne de garanties et cautions a réglé l'établissement de crédit dans un cas qui n'était pas prévu au contrat de prêt et à son engagement de caution.
En premier lieu, l'engagement de caution pris par la Compagnie européenne de garanties et cautions stipule : « Ce cautionnement est donné avec les effets des articles 2288 et suivants du code civil. [...] En cas d'incident de paiement entraînant l'intervention de notre Compagnie, celle-ci exercera son recours contre le(s) emprunteur(s) [...] en vertu des articles 2305 et 2308 et suivants du code civil » (pièce no 2 de la C. E. G. C.). Constitue en l'occurrence un tel incident de payement le défaut de règlement par les emprunteurs des sommes rendues exigibles par l'effet de la déchéance du terme prononcée par le prêteur.
En deuxième lieu, la Compagnie européenne de garanties et cautions déclare qu'elle exerce contre les consorts [I] le recours personnel que lui ouvre l'article 2305 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce. Or, lorsque la caution exerce son recours personnel, le débiteur principal ne peut lui opposer les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer contre la banque, telle l'irrégularité de la déchéance du terme. Les griefs des consorts [I] relatifs au prononcé de la déchéance du terme, en ce compris le fait que la clause sur la base de laquelle cette déchéance a été prononcée serait abusive, ne concernent donc que la banque prêteur de fonds.
Les appelants considèrent comme abusive la clause Exigibilité anticipée ' Déchéance du terme figurant en page 9 des conditions générales du contrat de prêt, selon laquelle « le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l'emprunteur dans l'un ou l'autre des cas suivants : [']
« ' Falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l'octroi du ou des crédits consentis ».
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et l'article 1104 du même code précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
La clause litigieuse n'est que l'application du principe susrappelé selon lequel les conventions doivent se former de bonne foi. C'est d'ailleurs également pour cette raison qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive, pas même au regard des dispositions spécifiques et par principe, protectrices, du droit de la consommation.
Ainsi que le rappelle le premier juge, l'article L. 212-1 du code de la consommation dispose qu'est abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Aussi, la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation no 04-03 relative aux crédits immobiliers « Recommande que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet : 9 ' De laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d'inobservation d'une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels à la conclusion du contrat, et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance ». Par ailleurs la Commission des clauses abusives considère dans son avis no 05-03 du 24 février 2005, repris en jurisprudence, que les clauses de résiliation anticipée présentent un caractère abusif, soit lorsqu'elles prévoient des causes de résiliation étrangères aux manquements aux obligations essentielles de l'emprunteur, soit lorsqu'elles se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'emprunteur.
En l'espèce, comme l'a jugé le tribunal, la clause querellée portant exigibilité anticipée du prêt en cas de falsification des documents fournis ayant concouru à l'octroi du crédit consenti, ne peut être considérée comme laissée à la discrétion du prêteur, contrairement à ce que soutiennent les consorts [I], puisqu'elle se trouve déterminée par un événement précis dont il n'a pas la maîtrise, à savoir la remise volontaire de ces documents par l'emprunteur. Ce mécanisme, qui permet au contraire à l'emprunteur d'obtenir le financement nécessaire à l'acquisition d'un bien immobilier sur la base de ses propres déclarations sans que la fiabilité de celles-ci soit systématiquement remise en cause par le prêteur en l'absence d'anomalie apparente, n'a pas pour effet de créer à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
Il est indiscutable que les documents communiqués à la banque lors de la demande de prêt du 25 juillet 2019 (pièce no 2 bis de la banque : demande de crédit ; pièce no 4 : justificatifs remis à l'appui de la demande) concernent des éléments essentiels qui ont été déterminants du consentement de l'établissement prêteur dès lors que les informations recueillies dans ce document lors de la souscription du prêt ont pour unique but de renseigner le prêteur sur les revenus et la consistance du patrimoine des emprunteurs afin de déterminer leur capacité de remboursement et d'évaluer le risque potentiel d'endettement né de l'octroi du prêt, ce que ne pouvaient d'ailleurs pas ignorer les consorts [I] en signant l'offre de prêt, dont ils ont certifié le contenu « sincère et véritable », en reconnaissant « avoir été informés par le prêteur de la nécessité de fournir des éléments exacts et complets pour pouvoir procéder à une évaluation appropriée de [leur] solvabilité ».
En définitive, la stipulation critiquée limite la faculté de prononcer l'exigibilité immédiate et de plein droit du prêt aux seuls cas de fourniture de faux documents ou de documents falsifiés ayant concouru à l'octroi du crédit consenti. Cette faculté ne prive en rien l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application qui serait faite de la clause à son égard. Ainsi, la clause litigieuse, qui sanctionne l'obligation de contracter de bonne foi, existante au moment de la souscription du prêt, ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et ne revêt pas un caractère abusif, de sorte que le prêteur était fondé à se prévaloir de la déchéance du terme sur laquelle une discussion au fond se trouve engagée quant à la matérialité des manquements contractuels allégués.
Dès lors que la clause critiquée ne revêt pas de caractère abusif justifiant qu'elle soit réputée non écrite, ou nulle comme l'écrivent les appelants dans leurs conclusions, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a écarté ce moyen.
Les consorts [I] soutiennent que la banque, pour mettre en jeu cette clause, s'est appuyée sur une falsification de documents qui ne leur serait pas imputable.
Toutefois, la demande de crédit signée des emprunteurs et certifiée par eux « sincère et véritable » fait état à la page 6 d'une surface financière de 195 000 euros résultant de l'indication d'une épargne détenue sur deux comptes ING Direct et La Banque postale, respectivement d'un montant de 45 000 euros et de 150 000 euros. Or, il est établi que les relevés de ces comptes remis à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France (sa pièce no 4 : relevés ING Direct de mars 2019 à juin 2019 et relevés La Banque postale d'avril 2019 à juin 2019), qui corroborent ces déclarations, sont des faux (pièce no 7 de la banque : courriels de la société ING Direct du 29 janvier 2020 et de La Banque postale du 23 avril 2020).
La cour observe en outre que si les consorts [I] ont communiqué le 11 décembre 2020 à l'établissement de crédit de nouvelles pièces au soutien de leur demande de réexamen de leur situation (bulletins de paye, avis d'impôt sur les revenus, relevés de leur compte à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France), ils ne produisent pas les relevés correspondant à leurs déclarations du 25 juillet 2019. Ainsi les emprunteurs ne démontrent-ils ni l'exactitude de leurs déclarations, ni leur ignorance de la teneur des documents reçus par l'établissement de crédit.
Les appelants prétendent que les documents argués de faux ont été incorporés au dossier de demande de prêt par les préposés de la Caisse d'épargne en son agence de [Localité 7] comme cela ressort de la plainte pénale déposée contre eux par la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France le 27 juillet 2020.
Il convient de souligner que la clause Exigibilité anticipée ' Déchéance du terme n'exige aucunement que pour la voir appliquer, devrait être établie une communication personnelle et directe des faux documents.
Étant établie la fausseté des pièces produites à l'appui de la demande de prêt, peu importe la détermination de l'auteur exact desdites falsifications, dès lors que les emprunteur en avaient connaissance, ainsi qu'il apparaît au cas présent.
Le premier juge ne peut qu'être approuvé en ce qu'il a considéré que la production de faux documents ayant concouru à l'octroi du crédit remettait en cause la loyauté des emprunteurs dans leur demande d'obtention du prêt, ce qui justifiait de prononcer la déchéance du terme, la banque ayant été trompée sur les capacités financières des consorts [I].
L'argument selon lequel les emprunteurs ont réglé les échéances échues du prêt est inopérant dès lors que, par leur comportement, ils ont trompé la banque quant à l'exécution normale de l'opération de prêt, faussant ainsi l'appréciation de son risque par le prêteur. La clause critiquée visant à protéger la loyauté dans les relations contractuelles au moment de la formation du contrat et de son exécution, il n'y a pas lieu de considérer que la banque ne subit aucun préjudice du seul fait que le prêt accordé, sur des déclarations fausses ou inexactes des emprunteurs, est régulièrement remboursé.
Les moyens soulevés par les appelants ont ainsi été rejetés à raison par le tribunal.
En dernier lieu, la cour constate que la Compagnie européenne de garanties et cautions a payé sur les poursuites de la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France, comme il ressort de la lettre de la banque à la caution du 26 avril 2021, demandant le règlement du prêt no P0005778518 souscrit par [U] [I] (pièce no 4 de la C. E. G. C.). En outre, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations (1re Civ., 1er mars 2023, no 21-25.278). Aussi les consorts [I] ne sont-ils pas fondés à invoquer les dispositions de l'article 2308 ancien, alinéa 2, du code civil, dont les conditions d'application sont cumulatives comme le rappelle le premier juge.
Le jugement entrepris, qui n'est pas autrement critiqué en ce qu'il liquide la créance de la caution, sera confirmé de ce chef.
Au regard de l'incident de payement précédemment constaté, les conditions de son inscription prévues à l'article L. 752-1 du code de la consommation, ainsi qu'à l'article 4 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, sont réunies, si bien que le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il déboute les consorts [I] de leur demande de mainlevée sous astreinte de leur inscription audit fichier.
Les appelants demandent à la cour un délai de payement de 24 mois, rappelant qu'ils ont constamment offert de régler les échéances échues du prêt.
L'article 1343-5 du code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
« Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
« Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
« La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
« Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »
Au regard de l'absence de justificatif de la situation actuelle des débiteurs, à hauteur d'appel comme en première instance, de l'absence de perspective de payement, et du délai de trois ans et demi dont les consorts [I] ont bénéficié de facto depuis la mise en demeure, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande.
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les appelants en supporteront donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, les appelants seront condamnés à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, et à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 1 500 euros.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [W] [I], [J] [D] épouse [I] et [U] [I] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société d'exercice libéral par actions simplifiée Realyze représentée par maître Christofer Claude, avocat au barreau de Paris.
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