CA Orléans, ch. civ., 11 mars 2025, n° 22/01652
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/03/2025
la SARL AMPELITE AVOCATS
la SELARL DEREC
Me Delphine COUSSEAU
ARRÊT du : 11 MARS 2025
N° : - 25
N° RG 22/01652 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTPS
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 17 Mai 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283406161868
Monsieur [W] [V] [U]
né le 21 Mai 1960 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Fabrice BELGHOUL de la SARL AMPELITE AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265284792258112
S.A.R.L. HAPHIL IMMOBILIER, Société à responsabilité limitée, au capital social de 7.500 euros, immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le numéro 494 671 019, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant Me Pierre-François DEREC de la SELARL DEREC, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Manuel RAISON de la SELARL RAISON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265282931865430
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 3],
pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL HAPHIL IMMOBILIER, dont le siège social est situé [Adresse 4]
ayant pour avocat postulant Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Raphaëlle TARDIF, avocat au barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 juillet 2022.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 novembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 20 Janvier 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre, en charge du rapport, et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCEDURE :
Suivant acte authentique du 19 mai 2000, M. [W] [U] a acquis les lots n°1, n°6 et n°7 de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 5], soumis au statut de la copropriété.
Il a exercé les fonctions de syndic bénévole à compter de l'année 2003. La société Haphil Immobilier a ensuite été désignée syndic de la copropriété lors de l'assemblée générale du 17 novembre 2011.
Par acte authentique du 25 juin 2021, M. [U] a vendu ses lots de copropriété à Mme [E] [F].
Par acte d'huissier en date du 30 juin 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la société Haphil Immobilier, a formé opposition au paiement du prix de vente pour un montant de 7.395,87 euros.
Par jugement en date du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021 ;
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;
- déclaré l'opposition du 30 juin 2021 régulière et justifiée ;
- limité les effets de cette opposition à la somme de 4.891,87 euros ;
- condamné M. [U] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier, la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût de l'opposition du 30 juin 2021.
Par déclaration en date du 6 juillet 2022, M. [U] a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021.
Les parties ont constitué avocat et ont conclu.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 17 mai 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger nulle l'opposition du 30 juin 2021 formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
A titre subsidiaire,
- juger infondée l'opposition du 30 juin 2021 formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une expertise comptable afin de vérifier tous les comptes de la copropriété et les sommes dues potentiellement par M. [U] et/ou le syndicat des copropriétaires,
En tout état de cause,
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à restituer à M. [W] [U] la somme trop perçue de 1.447,33 euros,
- condamner la SARL Haphil Immobilier à verser à M. [W] [U] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil,
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et la SARL Haphil Immobilier à verser à M. [W] [U] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, la société Haphil Immobilier demande à la cour de :
- recevoir la société Haphil Immobilier en ses écritures et la déclarer bien fondée ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 17 mai 2022 en toutes ses dispositions, soit en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021 ;
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;
- déclaré l'opposition du 30 juin 2021 régulière et justifiée ;
- limité les effets de cette opposition à la somme de 4.891,87 euros ;
- condamné M. [U] à verser au Syndicat des copropriétaires la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] aux dépens de l'instance qui comprennent le coût de l'opposition du 30 juin 2021.
En conséquence :
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Haphil Immobilier ;
- débouter M. [U] de sa demande d'organisation d'une expertise comptable ou subsidiairement prendre acte des protestations et réserves formulées par la société Haphil Immobilier ;
- condamner M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de la Selarl Derec, avocat.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 17 mai 2022,
- juger irrecevable, à tout le moins non fondée, la demande de M. [U] de voir ordonner une expertise comptable afin de vérifier tous les comptes de la copropriété et les sommes dues potentiellement par lui au syndicat des copropriétaires,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait juger irrégulière l'opposition délivrée le 30 juin 2021 et l'annuler,
- juger qu'à la date du jugement du 17 mai 2022, M. [W] [U] était redevable au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la société Haphil Immobilier, la somme de 4.891,87 euros au titre du reliquat de ses charges, créance certaine liquide et exigible, et le condamner au paiement de cette somme.
En toute hypothèse,
- débouter M. [U] de toutes ses demandes fins et prétentions,
- condamner M. [W] [U] à payer au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la société Haphil Immobilier, la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cousseau dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2024.
MOTIFS
Sur la demande en nullité de l'opposition du 30 juin 2021
Moyens des parties
M. [U] soutient que l'opposition formée par le syndicat des copropriétaires, qui ne détaille les charges antérieures à l'année 2021 ni dans leur nature ni dans leur répartition ni dans leur montant, et ne précise pas les bâtiments et les lots concernés, est nulle en application de l'article 20-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que l'opposition doit énoncer le montant et les causes de la créance, à peine de nullité. Il souligne que le décompte annexé ne lui permettait pas de connaître les charges lui étant réclamées, puisque seules les charges de l'année 2021 étaient détaillées.
Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré l'opoosition régulière et en a limité les effets à la somme de 4.891,97 euros. Il répond que :
- s'il est exact que le décompte fait figurer les sommes dues avant le 1er janvier 2021 sous forme d'un report à nouveau, cela résulte du principe de l'annualité comptable prévu par l'article 5 du décret du 14 mars 2005 dont il résulte que les comptes sont clôturés chaque année, cette exigence rendant impossible la modification des comptes après clôture ;
- d'autre part, à supposer même que le décompte soit insuffisamment précis, il ne s'agit que d'un manquement à une condition de forme ayant pour seul effet de faire perdre aux créances leur caractère de créance privilégiée (3ème Civ 27 novemrbe 2013 n°12-25.824 et 12-27.385), mais qui n'est pas susceptible à engendrer la nullité de l'opposition ;
- enfin, la nullité est d'autant moins encourue qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte pour vice de forme suppose la preuve d'un grief, non caractérisé en l'espèce puisque M. [U], qui a déjà fait l'objet de plusieurs instances au cours desquelles le syndicat des copropriétaires réclamait le paiement de charges, n'ignorait nullement qu'il devait des charges qu'il lui faudrait payer.
La société Haphil Immobilier s'en rapporte sur ce point aux écritures du syndicat des copropriétaires.
Réponse de la cour
En application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version issue de l'ordonnance du 18 septembre 2009, applicable au litige :
'I.-Lors de la mutation à titre onéreux d'un lot, et si le vendeur n'a pas présenté au notaire un certificat du syndic ayant moins d'un mois de date, attestant qu'il est libre de toute obligation à l'égard du syndicat, avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l'immeuble par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date du transfert de propriété. Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire. Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble et, à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance. Le notaire libère les fonds dès l'accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. A défaut d'accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le syndic de l'opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l'opposition devant les tribunaux par une des parties. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé.
Tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions de l'alinéa précédent est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
L'opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre du privilège mentionné à l'article 19-1".
L'opposition au prix de vente d'un lot de copropriété a pour double objet de mettre en oeuvre le privilège immobilier spécial et de bloquer le paiement du prix de vente, en rendant tout paiement opéré à un tiers inopposable au syndicat.
L'article 5-1 du décret du 17 mars 1967 précise le contenu de l'opposition :
'Pour l'application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation.
L'opposition éventuellement formée par le syndic doit énoncer d'une manière précise :
1° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l'année courante et des deux dernières années échues ;
2° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat des deux années antérieures aux deux dernières années échues ;
3° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat garanties par une hypothèque légale et non comprises dans les créances privilégiées, visées aux 1° et 2° ci-dessus ;
4° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat non comprises dans les créances visées aux 1°, 2° et 3° ci-dessus'.
Afin d'assurer l'efficacité de la mise en oeuvre du privilège par l'opposition du syndic, cet article exige donc que le départ soit clairement fait entre ces quatre types de créances.
En l'espèce, l'opposition signifiée le 30 juin 2021 par le syndicat des copropriétaires est ainsi rédigée :
'Cette opposition est faite pour sûreté, conservation et avoir paiement des sommes suivantes, dont le détail est donné en tête des présentes :
Principal : charges de copropriété suivant décompte du 25 juin 2021 : 7181,72 euros
Prestation de recouvrement A444-31 : 17,39 euros
Coût du présent : 196,76 euros
TOTAL restant dû en euros : 7 395,87 euros'.
Est annexé à ce document un décompte faisant figurer au débit :
- 'à nouveaux' : 7817,49 euros
- 1er janvier 2021 fonds travaux 17,61 euros
- 1er janvier 2021 1ère provision 344,30 euros
- 1er avril 2021 : fonds travaux 17,61 euros
- 1er avril 2021 : 2ème provision : 344,30 euros
- 29 mai 2021 ; honoraires état daté : 380 euros'
Apparaît donc, pour les années antérieures à 2021, un solde intitulé 'report à nouveau', sans aucune précision.
Cette opposition ne détaille donc pas 'le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l'année courante et des deux dernières années échues' contrairement à ce qui est exigé par le 1° de l'article 5-1 du décret précité, pas plus que de celles des deux années antérieures comme l'exige le 2° de cet article.
Elle n'est donc pas conforme aux exigences de ce texte.
Toutefois, il est constant que l'absence de distinction, dans l'opposition formée par le syndic en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, entre les quatre types de créances du syndicat prévues par l'article 5-1 du décret, n'affecte pas la validité de l'opposition mais constitue un manquement à une condition de forme de nature à faire perdre au syndicat le bénéfice de l'hypothèque légale spéciale prévue à l'article 2402 du code civil (Cass. 3ème Civ., 12 octobre 2023, n°22-18.723).
L'irrégularité formelle affectant l'opposition signifiée le 30 juin 2021 a donc pour seul effet de faire perdre au syndicat le bénéfice des garanties prévues par ces textes sans que la nullité ne soit encourue de ce chef. La demande en nullité de M. [U] sera donc rejetée.
Sur la demande de M. [U] visant à voir déclarer infondée cette opposition
Moyens des parties
M. [U] fait valoir que l'opposition est en tout état de cause infondée.
Il rappelle qu'en vertu des articles 14-1 à 14-3 et 20,I de la loi du 10 juillet 1965, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation, et le syndiat est tenu de prouver que sa créance est liquide et exigible en produisant les procès-verbaux d'assemblée générale, toutes les charges appelées devant avoir été approuvées par l'assemblée générale des copropriétaires (3ème Civ., 12 octobre 2023, n°22-18-723).
Il soutient que l'opposition porte en l'espèce sur des sommes qui ne sont pas dues :
- le décompte comporte un montant de 380 euros au titre d'honoraires pour l'état daté, alors qu'ils n'étaient pas liquides et exigibles au moment de l'opposition, d'autant qu'il avait déjà payé 120 euros pour le pré-état daté ;
- la charge initialement due depuis 2010 d'un montant de 6125,05 euros est prescrite par application des articles 2224 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, conformément à l'article 1342-10 du code civil, il affectait chacun de ses règlements aux appels de fonds adressés par le syndic. L'appel de fonds d'un montant de 6125,05 euros est donc prescrit. Il en déduit que le syndicat des copropriétaires a au contraire trop-perçu une somme de 1447,33 euros ;
- le seul décompte communiqué ne précise pas clairement la nature des charges ni les lots concernés, le syndicat des copropriétaires ne produit aucun compte de répartition des charges, de sorte qu'il est dans l'incapacité de vérifier que pour chaque charge réclamée, sa quote-part a été correctement calculée.
Il sollicite donc, à titre infiniment subsidiaire, si la cour juge l'opposition régulière,une expertise comptable afin de vérifier les comptes de la copropriété et les sommes qu'il doit éventuellement, demande recevable en cause d'appel comme visant à faire écarter les prétentions adverses en paiement des charges.
Le syndicat des copropriétaires soutient que la prescription quinquennale invoquée par M.[U] n'est pas acquise car :
- la prescription quinquennale a remplacé, depuis la loi ELAN entrée en vigueur le 25 novembre 2018, la prescription décennale antérieurement applicable, et l'article 2222 al 2 du code civil prévoit qu'en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans pouvoir excéder la durée prévue pa rl aloi antérieure ; or l'addition de liquidations comptables annuelles entre 2011 et 2018 représente un crédit supérieur à 6125,05 euros ;
- en application de l'article 1342-10 du code civil, et antérieurement de l'article 1256 du même code, à défaut pour le débiteur d'imputer spécifiquement ses paiements, ils sont imputés sur les dettes les plus anciennes. M. [U] ne prouve qu'il aurait affecté chacun de ses règlements aux appels de fonds adressés par le syndic, le courrier du 9 octobre 2012 ne faisant état d'aucune imputation de règlement ;
S'agissant de la somme de 380 euros, elle fait valoir qu'au terme de l'article 10-1 b de la loi du 10 juillet 1965, cet état constitue une charge qui ne peut être imputée qu'au copropriétaire concené, et son montant est conforme au décret du 21 février 2020.
Réponse de la cour
* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
En application de l'article 42, al. 1 de la loi du 10 juillet 1965 :
'Les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat'.
Toutefois, ce délai de prescription quinquennal a été instauré par la loi du 23 novembre 2018, dite loi ELAN.
Auparavant, le délai de prescription de l'action en recouvrement du syndicat des copropriétaires était décennal, l'article 42 précité disposant alors, en son premier alinéa :
'Sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans'.
Le délai de prescription ayant été réduit, il convient de faire application de l'article 2222, al. 2 du code civil, selon lequel :
"En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure".
Il en résulte que s'agissant d'une créance antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, le délai de prescription applicable est de 10 ans, l'action en recouvrement devant être introduite dans le délai de 5 ans suivant l'entrée en vigueur de la loi ELAN, soit avant le 23 novembre 2023.
L'action en recouvrement des charges appelées entre le 1er juillet 2011 et le 23 novembre 2018, est donc soumise à un délai de prescription décennal.
Or il convient de relever :
- que le syndicat des copropriétaires a signifié à M. [U] une opposition le 30 juin 2021 et sollicité le paiement de sa créance au plus tard le 17 mars 2022, date de l'audience de première instance ;
- que les paiements opérés par M. [U], qui se sont imputés sur les dettes les plus anciennes conformément aux règles d'imputation prévues par l'articl 1256, devenu 1342-10 du code civil - M. [U] ne justifiant pas
avoir précisé lors de ses règlements quelle dette il entendait régler - ont éteint avant l'expiration du délai de prescription décennal les créances les plus anciennes et notamment celle d'un montant de 6125,05 euros en date du 1er juillet 2011.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc écartée et la demande de M. [U] en paiement de la somme de 1447,33 euros, qu'il soutient avoir indûment versée en raison de la prescription de cette créance de 6125,05 euros et du solde de 4891,87 euros dont le paiement lui est réclamée, sera rejetée.
* sur le caractère liquide et exigible de la créance du syndicat des copropriétaires
L'opposition formée par le syndic sur le prix de vente d'un lot doit porter sur des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation (3ème Civ 12 octobre 2023, n°22-18.723).
Il appartient au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve du caractère liquide et exigible de sa créance, en produisant, notamment, les procès-verbaux d'assemblée générale approuvant les comptes des exercices considérés et les décomptes individuels de charges du copropriétaire concerné.
En effet, en application de l'article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965, les comptes de la copropriété doivent faire l'objet d'une approbation chaque année par l'assemblée générale des copropriétaires. L'approbation rend ces comptes opposables à tous les copropriétaires, si elles ne sont pas contestées et annulées. Les copropriétaires sont tenus de régler leur part de charges, telle qu'elle résulte des comptes approuvés (3ème Civ.,14 octobre 2014, n°13-19.634), l'approbation des comptes rendant exigibles les quote-parts de charges.
Il est constant qu'il ne peut dès lors être considéré que l'opposition porte sur une créance liquide et exigible lorssque la preuve n'est pas rapportée de ce que les charges appelées au titre des exercices en cause, ou de certains d'entre eux, ont été régulièrement approuvées par l'assemblée générale des copropriétaires (Cass. 3ème Civ 12 octobre 2023, n°22-18.723 ; 3ème Civ., 20 mai 2014 n°13-11.602).
Or en l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats un décompte (pièce 6), dont le solde s'établit à la somme de 4 891,87 euros en date du 29 juillet 2021, comportant au débit de M. [U] :
- un appel de fonds d'un montant de 6125,05 euros en date du 1er juillet 2011 ;
- les appels de provisions et les régularisations annuelles de charges du 1er juillet 2011 au 1er avril 2021 ;
- les appels de fonds travaux ;
- les honoraires d'état daté à hauteur de 380 euros ;
- les frais d'opposition à hauteur de 214,15 euros ;
Au crédit sont portés les versements effectués par M. [U] depuis le 16 août 2011 et le règlement par le notaire d'une somme de 2504 euros au titre de l'avance de trésorerie lors de la vente du bien.
Pour justifier sa créance, le syndicat des copropriétaires verse aux débats :
- le procès-verbal d'assemblée générale du 19 janvier 2021 ayant approuvé les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2019 ;
- le procès-verbal d'assemblée générale du 21 mai 2021 ayant approuvé les comptes :
- de l'exercice clos au 31 décembre 2014
- de l'exercice clos au 31 décembre 2015
- de l'exercice clos au 31 décembre 2020.
Il résulte en effet des deux arrêts versés aux débats par M. [U] que la cour d'appel d'Orléans a annulé en tout ou partie certaines assemblées générales :
- arrêt du 18 juin 2018 ayant prononcé la nullité des résolutions n°2 et 3 de l'assemblée générale du 8 octobre 2012 relatives aux travaux de ravalement de façade et pans de bois ;
- arrêt du 15 février 2021, ayant :
- confirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée générale du 22 juin 2015 ;
- annulé l'assemblée générale du 25 juillet 2016 ;
Il n'est donc pas justifié de l'approbation, par l'assemblée générale, des comptes des exercices des années 2011, 2012, 2013, 2016, 2017, 2018 et 2021 alors que le décompte produit par le syndicat des copropriétaires comporte, au débit du compte de M. [U], des charges appelées au titre de ces exercices. Elles ne sont donc pas justifiées.
Ne sont au demeurant pas davantage produits les décomptes individuels de répartition des charges de M. [U], lesquels ont vocation à permettre de déterminer les modalités de calcul des sommes dues par celui-ci année par année, après approbation des comptes par l'assemblée générale et régularisation annuelle.
Le syndicat des copropriétaires ne justifie donc pas que l'opposition porte sur des créances liquides et exigibles à la date de la mutation, de sorte qu'il convient de déclarer l'opposition non fondée ainsi que le sollicite M. [U].
Sur la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 4 891,87 euros
Le syndicat des copropriétaires fait valoir qu'à supposer que la cour juge l'opposition irrégulière, il sollicite à titre subsidiaire la condamnation de M. [U] à lui payer une somme de 4 891,87 euros.
Toutefois, le syndicat des copropriétaires ne justifiant pas de sa créance pour les motifs ci-avant exposés, il ne peut davantage être fait droit à sa demande en paiement d'une somme de 4 891,87 euros faute pour lui de justifier de sa créance.
La demande d'expertise formée à titre subsidiaire par M. [U] est dès lors sans objet.
Sur l'action en responsabilité contre le syndic
Moyens des parties
M. [U] fait valoir que la responsabilité du syndic, la société Haphil Immobilier, est engagée en ce qu'elle a formé une opposition irrégulière et injustifiée, cette opposition n'ayant été faite que dans l'intention de lui nuire, le syndic n'ayant selon lui pas supporté les procédures qu'il a engagées et gagnées. Il ajoute que le syndic a décidé d'inclure dans l'opposition la somme de 2504 euros de quote-part d'avance de trésorerie, alors qu'à la demande de M. [U] le notaire lui avait déjà adressé cette somme dès la réalisation de la vente.
Il explique qu'il a été injustement privé d'une part du prix de vente, à savoir la somme de 7 395,87 euros, ce qui est dommageable car il comptait acquérir un autre bien immobilier en réinvestissant le prix de vente, et il a donc dû rester locataire plus longtemps qu'il ne l'avait imaginé. Il soutient qu'il subit un préjudice moral puisqu'il attend de recouvrer les fonds pour acheter son logement.
La société Haphil Immobilier répond qu'elle n'a pas commis de faute, que l'opposition était justifiée, qu'elle n'a pas été formée dans l'intention de nuire à M. [U], que M.[U] n'a pas contesté le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 mai 2021, portant approbation des comptes de la copropriété.
Elle ajoute que M. [U] ne justifie pas du préjudice dont il se prévaut, le blocage d'une somme de 7395,87 euros n'ayant pu empêcher la réalisation d'un projet d'acquisition, projet d'acquitision dont la réalité n'est en outre pas établie.
Réponse de la cour
En l'espèce, il ne peut être considéré que la société Haphil Immobilier a commis une faute en usant une voie de droit qui lui est offerte par la loi du 10 juillet 1965, plus précisément par l'article 20-I de cette loi, pour obtenir paiement d'un solde de charges appparaissant dans les comptes de la copropriété, ce qui entre dans le cadre de sa mission, le copropriétaire concerné disposant du droit de contester cette opposition en cas de désaccord avec le principe ou le montant de sa créance, ce qu'a fait en l'espèce M. [U].
Il n'est nullement justifié que la société Haphil Immobilier, qui n'a agi qu'en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, était mue, en usant de cette voie de droit, par une intention de nuire à M. [U], intention de nuire dont la réalité n'est pas démontrée, les procédures judiciaires ayant opposé M. [U] au syndicat des copropriétaires ne suffisant pas à démontrer que le syndic aurait cherché, en formant opposition, à lui porter préjudice.
Il ne peut davantage être reproché au syndic de n'avoir pas fait figurer, dans son opposition signifiée le 30 juin 2021, le versement par l'acquéreur de la somme de 2540 euros au titre de l'avancee de trésorerie alors qu'il n'est pas démontré que cette somme avait été perçue par le syndicat des copropriétaires à la date de l'opposition, l'acte authentique de vente ayant été signé quelques jours avant seulement, le 25 juin 2021, et le décompte produit en pièce 6 par le syndicat des copropriétaires faisant apparaître la perception de cette somme à la date du 29 juillet 2021 donc postérieurement au 30 juin 2021.
La preuve d'une faute commise par le syndic n'est donc pas rapportée.
M. [U] ne justifie en tout état de cause nullement du préjudice moral dont il sollicite réparation, celui-ci démontrant seulement qu'il est locataire mais ne fournissant aucun élément de nature à corroborer la réalité d'un projet d'investissement immobilier et le fait que la réalisation de ce projet aurait été empêchée ou retardée par le défaut de perception de la somme de 7181,72 euros, restée entre les mains du notaire.
La demande en dommages et intérêts de M. [U] sera donc rejetée.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Le syndicat des copropriétaires sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'ensemble des demandes à ce titre étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris :
Statuant à nouveau et y ajoutant :
REJETTE la demande d'annulation de l'opposition signifiée le 20 juin 2021 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] pour défaut de respect des prescriptions des articles 20-I de la loi du 10 juillet 1965 et 5-1 du décret du 17 mars 1967 ;
DECLARE cette opposition non fondée et dit qu'elle ne produira aucun effet ;
REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 4891,87 euros ;
REJETTE la demande de M. [U] en paiement d'une somme de 1447,33 euros ;
REJETTE la demande de M. [U] en dommages et intérêts contre la société Haphil Immobilier ;
REJJETTE les demandes plus amples ou contraires ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/03/2025
la SARL AMPELITE AVOCATS
la SELARL DEREC
Me Delphine COUSSEAU
ARRÊT du : 11 MARS 2025
N° : - 25
N° RG 22/01652 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTPS
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 17 Mai 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283406161868
Monsieur [W] [V] [U]
né le 21 Mai 1960 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Fabrice BELGHOUL de la SARL AMPELITE AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265284792258112
S.A.R.L. HAPHIL IMMOBILIER, Société à responsabilité limitée, au capital social de 7.500 euros, immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le numéro 494 671 019, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant Me Pierre-François DEREC de la SELARL DEREC, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Manuel RAISON de la SELARL RAISON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265282931865430
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 3],
pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL HAPHIL IMMOBILIER, dont le siège social est situé [Adresse 4]
ayant pour avocat postulant Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Raphaëlle TARDIF, avocat au barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 juillet 2022.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 novembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 20 Janvier 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre, en charge du rapport, et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCEDURE :
Suivant acte authentique du 19 mai 2000, M. [W] [U] a acquis les lots n°1, n°6 et n°7 de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 5], soumis au statut de la copropriété.
Il a exercé les fonctions de syndic bénévole à compter de l'année 2003. La société Haphil Immobilier a ensuite été désignée syndic de la copropriété lors de l'assemblée générale du 17 novembre 2011.
Par acte authentique du 25 juin 2021, M. [U] a vendu ses lots de copropriété à Mme [E] [F].
Par acte d'huissier en date du 30 juin 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la société Haphil Immobilier, a formé opposition au paiement du prix de vente pour un montant de 7.395,87 euros.
Par jugement en date du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021 ;
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;
- déclaré l'opposition du 30 juin 2021 régulière et justifiée ;
- limité les effets de cette opposition à la somme de 4.891,87 euros ;
- condamné M. [U] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier, la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût de l'opposition du 30 juin 2021.
Par déclaration en date du 6 juillet 2022, M. [U] a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021.
Les parties ont constitué avocat et ont conclu.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 17 mai 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger nulle l'opposition du 30 juin 2021 formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
A titre subsidiaire,
- juger infondée l'opposition du 30 juin 2021 formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une expertise comptable afin de vérifier tous les comptes de la copropriété et les sommes dues potentiellement par M. [U] et/ou le syndicat des copropriétaires,
En tout état de cause,
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à restituer à M. [W] [U] la somme trop perçue de 1.447,33 euros,
- condamner la SARL Haphil Immobilier à verser à M. [W] [U] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil,
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et la SARL Haphil Immobilier à verser à M. [W] [U] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, la société Haphil Immobilier demande à la cour de :
- recevoir la société Haphil Immobilier en ses écritures et la déclarer bien fondée ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 17 mai 2022 en toutes ses dispositions, soit en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 3 septembre 2021 ;
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;
- déclaré l'opposition du 30 juin 2021 régulière et justifiée ;
- limité les effets de cette opposition à la somme de 4.891,87 euros ;
- condamné M. [U] à verser au Syndicat des copropriétaires la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] aux dépens de l'instance qui comprennent le coût de l'opposition du 30 juin 2021.
En conséquence :
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Haphil Immobilier ;
- débouter M. [U] de sa demande d'organisation d'une expertise comptable ou subsidiairement prendre acte des protestations et réserves formulées par la société Haphil Immobilier ;
- condamner M. [U] à verser à la société Haphil Immobilier la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de la Selarl Derec, avocat.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 17 mai 2022,
- juger irrecevable, à tout le moins non fondée, la demande de M. [U] de voir ordonner une expertise comptable afin de vérifier tous les comptes de la copropriété et les sommes dues potentiellement par lui au syndicat des copropriétaires,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait juger irrégulière l'opposition délivrée le 30 juin 2021 et l'annuler,
- juger qu'à la date du jugement du 17 mai 2022, M. [W] [U] était redevable au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la société Haphil Immobilier, la somme de 4.891,87 euros au titre du reliquat de ses charges, créance certaine liquide et exigible, et le condamner au paiement de cette somme.
En toute hypothèse,
- débouter M. [U] de toutes ses demandes fins et prétentions,
- condamner M. [W] [U] à payer au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la société Haphil Immobilier, la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cousseau dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2024.
MOTIFS
Sur la demande en nullité de l'opposition du 30 juin 2021
Moyens des parties
M. [U] soutient que l'opposition formée par le syndicat des copropriétaires, qui ne détaille les charges antérieures à l'année 2021 ni dans leur nature ni dans leur répartition ni dans leur montant, et ne précise pas les bâtiments et les lots concernés, est nulle en application de l'article 20-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que l'opposition doit énoncer le montant et les causes de la créance, à peine de nullité. Il souligne que le décompte annexé ne lui permettait pas de connaître les charges lui étant réclamées, puisque seules les charges de l'année 2021 étaient détaillées.
Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré l'opoosition régulière et en a limité les effets à la somme de 4.891,97 euros. Il répond que :
- s'il est exact que le décompte fait figurer les sommes dues avant le 1er janvier 2021 sous forme d'un report à nouveau, cela résulte du principe de l'annualité comptable prévu par l'article 5 du décret du 14 mars 2005 dont il résulte que les comptes sont clôturés chaque année, cette exigence rendant impossible la modification des comptes après clôture ;
- d'autre part, à supposer même que le décompte soit insuffisamment précis, il ne s'agit que d'un manquement à une condition de forme ayant pour seul effet de faire perdre aux créances leur caractère de créance privilégiée (3ème Civ 27 novemrbe 2013 n°12-25.824 et 12-27.385), mais qui n'est pas susceptible à engendrer la nullité de l'opposition ;
- enfin, la nullité est d'autant moins encourue qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte pour vice de forme suppose la preuve d'un grief, non caractérisé en l'espèce puisque M. [U], qui a déjà fait l'objet de plusieurs instances au cours desquelles le syndicat des copropriétaires réclamait le paiement de charges, n'ignorait nullement qu'il devait des charges qu'il lui faudrait payer.
La société Haphil Immobilier s'en rapporte sur ce point aux écritures du syndicat des copropriétaires.
Réponse de la cour
En application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version issue de l'ordonnance du 18 septembre 2009, applicable au litige :
'I.-Lors de la mutation à titre onéreux d'un lot, et si le vendeur n'a pas présenté au notaire un certificat du syndic ayant moins d'un mois de date, attestant qu'il est libre de toute obligation à l'égard du syndicat, avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l'immeuble par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date du transfert de propriété. Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire. Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble et, à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance. Le notaire libère les fonds dès l'accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. A défaut d'accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le syndic de l'opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l'opposition devant les tribunaux par une des parties. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé.
Tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions de l'alinéa précédent est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
L'opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre du privilège mentionné à l'article 19-1".
L'opposition au prix de vente d'un lot de copropriété a pour double objet de mettre en oeuvre le privilège immobilier spécial et de bloquer le paiement du prix de vente, en rendant tout paiement opéré à un tiers inopposable au syndicat.
L'article 5-1 du décret du 17 mars 1967 précise le contenu de l'opposition :
'Pour l'application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation.
L'opposition éventuellement formée par le syndic doit énoncer d'une manière précise :
1° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l'année courante et des deux dernières années échues ;
2° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat des deux années antérieures aux deux dernières années échues ;
3° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat garanties par une hypothèque légale et non comprises dans les créances privilégiées, visées aux 1° et 2° ci-dessus ;
4° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat non comprises dans les créances visées aux 1°, 2° et 3° ci-dessus'.
Afin d'assurer l'efficacité de la mise en oeuvre du privilège par l'opposition du syndic, cet article exige donc que le départ soit clairement fait entre ces quatre types de créances.
En l'espèce, l'opposition signifiée le 30 juin 2021 par le syndicat des copropriétaires est ainsi rédigée :
'Cette opposition est faite pour sûreté, conservation et avoir paiement des sommes suivantes, dont le détail est donné en tête des présentes :
Principal : charges de copropriété suivant décompte du 25 juin 2021 : 7181,72 euros
Prestation de recouvrement A444-31 : 17,39 euros
Coût du présent : 196,76 euros
TOTAL restant dû en euros : 7 395,87 euros'.
Est annexé à ce document un décompte faisant figurer au débit :
- 'à nouveaux' : 7817,49 euros
- 1er janvier 2021 fonds travaux 17,61 euros
- 1er janvier 2021 1ère provision 344,30 euros
- 1er avril 2021 : fonds travaux 17,61 euros
- 1er avril 2021 : 2ème provision : 344,30 euros
- 29 mai 2021 ; honoraires état daté : 380 euros'
Apparaît donc, pour les années antérieures à 2021, un solde intitulé 'report à nouveau', sans aucune précision.
Cette opposition ne détaille donc pas 'le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l'année courante et des deux dernières années échues' contrairement à ce qui est exigé par le 1° de l'article 5-1 du décret précité, pas plus que de celles des deux années antérieures comme l'exige le 2° de cet article.
Elle n'est donc pas conforme aux exigences de ce texte.
Toutefois, il est constant que l'absence de distinction, dans l'opposition formée par le syndic en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, entre les quatre types de créances du syndicat prévues par l'article 5-1 du décret, n'affecte pas la validité de l'opposition mais constitue un manquement à une condition de forme de nature à faire perdre au syndicat le bénéfice de l'hypothèque légale spéciale prévue à l'article 2402 du code civil (Cass. 3ème Civ., 12 octobre 2023, n°22-18.723).
L'irrégularité formelle affectant l'opposition signifiée le 30 juin 2021 a donc pour seul effet de faire perdre au syndicat le bénéfice des garanties prévues par ces textes sans que la nullité ne soit encourue de ce chef. La demande en nullité de M. [U] sera donc rejetée.
Sur la demande de M. [U] visant à voir déclarer infondée cette opposition
Moyens des parties
M. [U] fait valoir que l'opposition est en tout état de cause infondée.
Il rappelle qu'en vertu des articles 14-1 à 14-3 et 20,I de la loi du 10 juillet 1965, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation, et le syndiat est tenu de prouver que sa créance est liquide et exigible en produisant les procès-verbaux d'assemblée générale, toutes les charges appelées devant avoir été approuvées par l'assemblée générale des copropriétaires (3ème Civ., 12 octobre 2023, n°22-18-723).
Il soutient que l'opposition porte en l'espèce sur des sommes qui ne sont pas dues :
- le décompte comporte un montant de 380 euros au titre d'honoraires pour l'état daté, alors qu'ils n'étaient pas liquides et exigibles au moment de l'opposition, d'autant qu'il avait déjà payé 120 euros pour le pré-état daté ;
- la charge initialement due depuis 2010 d'un montant de 6125,05 euros est prescrite par application des articles 2224 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, conformément à l'article 1342-10 du code civil, il affectait chacun de ses règlements aux appels de fonds adressés par le syndic. L'appel de fonds d'un montant de 6125,05 euros est donc prescrit. Il en déduit que le syndicat des copropriétaires a au contraire trop-perçu une somme de 1447,33 euros ;
- le seul décompte communiqué ne précise pas clairement la nature des charges ni les lots concernés, le syndicat des copropriétaires ne produit aucun compte de répartition des charges, de sorte qu'il est dans l'incapacité de vérifier que pour chaque charge réclamée, sa quote-part a été correctement calculée.
Il sollicite donc, à titre infiniment subsidiaire, si la cour juge l'opposition régulière,une expertise comptable afin de vérifier les comptes de la copropriété et les sommes qu'il doit éventuellement, demande recevable en cause d'appel comme visant à faire écarter les prétentions adverses en paiement des charges.
Le syndicat des copropriétaires soutient que la prescription quinquennale invoquée par M.[U] n'est pas acquise car :
- la prescription quinquennale a remplacé, depuis la loi ELAN entrée en vigueur le 25 novembre 2018, la prescription décennale antérieurement applicable, et l'article 2222 al 2 du code civil prévoit qu'en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans pouvoir excéder la durée prévue pa rl aloi antérieure ; or l'addition de liquidations comptables annuelles entre 2011 et 2018 représente un crédit supérieur à 6125,05 euros ;
- en application de l'article 1342-10 du code civil, et antérieurement de l'article 1256 du même code, à défaut pour le débiteur d'imputer spécifiquement ses paiements, ils sont imputés sur les dettes les plus anciennes. M. [U] ne prouve qu'il aurait affecté chacun de ses règlements aux appels de fonds adressés par le syndic, le courrier du 9 octobre 2012 ne faisant état d'aucune imputation de règlement ;
S'agissant de la somme de 380 euros, elle fait valoir qu'au terme de l'article 10-1 b de la loi du 10 juillet 1965, cet état constitue une charge qui ne peut être imputée qu'au copropriétaire concené, et son montant est conforme au décret du 21 février 2020.
Réponse de la cour
* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
En application de l'article 42, al. 1 de la loi du 10 juillet 1965 :
'Les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat'.
Toutefois, ce délai de prescription quinquennal a été instauré par la loi du 23 novembre 2018, dite loi ELAN.
Auparavant, le délai de prescription de l'action en recouvrement du syndicat des copropriétaires était décennal, l'article 42 précité disposant alors, en son premier alinéa :
'Sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans'.
Le délai de prescription ayant été réduit, il convient de faire application de l'article 2222, al. 2 du code civil, selon lequel :
"En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure".
Il en résulte que s'agissant d'une créance antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, le délai de prescription applicable est de 10 ans, l'action en recouvrement devant être introduite dans le délai de 5 ans suivant l'entrée en vigueur de la loi ELAN, soit avant le 23 novembre 2023.
L'action en recouvrement des charges appelées entre le 1er juillet 2011 et le 23 novembre 2018, est donc soumise à un délai de prescription décennal.
Or il convient de relever :
- que le syndicat des copropriétaires a signifié à M. [U] une opposition le 30 juin 2021 et sollicité le paiement de sa créance au plus tard le 17 mars 2022, date de l'audience de première instance ;
- que les paiements opérés par M. [U], qui se sont imputés sur les dettes les plus anciennes conformément aux règles d'imputation prévues par l'articl 1256, devenu 1342-10 du code civil - M. [U] ne justifiant pas
avoir précisé lors de ses règlements quelle dette il entendait régler - ont éteint avant l'expiration du délai de prescription décennal les créances les plus anciennes et notamment celle d'un montant de 6125,05 euros en date du 1er juillet 2011.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc écartée et la demande de M. [U] en paiement de la somme de 1447,33 euros, qu'il soutient avoir indûment versée en raison de la prescription de cette créance de 6125,05 euros et du solde de 4891,87 euros dont le paiement lui est réclamée, sera rejetée.
* sur le caractère liquide et exigible de la créance du syndicat des copropriétaires
L'opposition formée par le syndic sur le prix de vente d'un lot doit porter sur des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation (3ème Civ 12 octobre 2023, n°22-18.723).
Il appartient au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve du caractère liquide et exigible de sa créance, en produisant, notamment, les procès-verbaux d'assemblée générale approuvant les comptes des exercices considérés et les décomptes individuels de charges du copropriétaire concerné.
En effet, en application de l'article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965, les comptes de la copropriété doivent faire l'objet d'une approbation chaque année par l'assemblée générale des copropriétaires. L'approbation rend ces comptes opposables à tous les copropriétaires, si elles ne sont pas contestées et annulées. Les copropriétaires sont tenus de régler leur part de charges, telle qu'elle résulte des comptes approuvés (3ème Civ.,14 octobre 2014, n°13-19.634), l'approbation des comptes rendant exigibles les quote-parts de charges.
Il est constant qu'il ne peut dès lors être considéré que l'opposition porte sur une créance liquide et exigible lorssque la preuve n'est pas rapportée de ce que les charges appelées au titre des exercices en cause, ou de certains d'entre eux, ont été régulièrement approuvées par l'assemblée générale des copropriétaires (Cass. 3ème Civ 12 octobre 2023, n°22-18.723 ; 3ème Civ., 20 mai 2014 n°13-11.602).
Or en l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats un décompte (pièce 6), dont le solde s'établit à la somme de 4 891,87 euros en date du 29 juillet 2021, comportant au débit de M. [U] :
- un appel de fonds d'un montant de 6125,05 euros en date du 1er juillet 2011 ;
- les appels de provisions et les régularisations annuelles de charges du 1er juillet 2011 au 1er avril 2021 ;
- les appels de fonds travaux ;
- les honoraires d'état daté à hauteur de 380 euros ;
- les frais d'opposition à hauteur de 214,15 euros ;
Au crédit sont portés les versements effectués par M. [U] depuis le 16 août 2011 et le règlement par le notaire d'une somme de 2504 euros au titre de l'avance de trésorerie lors de la vente du bien.
Pour justifier sa créance, le syndicat des copropriétaires verse aux débats :
- le procès-verbal d'assemblée générale du 19 janvier 2021 ayant approuvé les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2019 ;
- le procès-verbal d'assemblée générale du 21 mai 2021 ayant approuvé les comptes :
- de l'exercice clos au 31 décembre 2014
- de l'exercice clos au 31 décembre 2015
- de l'exercice clos au 31 décembre 2020.
Il résulte en effet des deux arrêts versés aux débats par M. [U] que la cour d'appel d'Orléans a annulé en tout ou partie certaines assemblées générales :
- arrêt du 18 juin 2018 ayant prononcé la nullité des résolutions n°2 et 3 de l'assemblée générale du 8 octobre 2012 relatives aux travaux de ravalement de façade et pans de bois ;
- arrêt du 15 février 2021, ayant :
- confirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée générale du 22 juin 2015 ;
- annulé l'assemblée générale du 25 juillet 2016 ;
Il n'est donc pas justifié de l'approbation, par l'assemblée générale, des comptes des exercices des années 2011, 2012, 2013, 2016, 2017, 2018 et 2021 alors que le décompte produit par le syndicat des copropriétaires comporte, au débit du compte de M. [U], des charges appelées au titre de ces exercices. Elles ne sont donc pas justifiées.
Ne sont au demeurant pas davantage produits les décomptes individuels de répartition des charges de M. [U], lesquels ont vocation à permettre de déterminer les modalités de calcul des sommes dues par celui-ci année par année, après approbation des comptes par l'assemblée générale et régularisation annuelle.
Le syndicat des copropriétaires ne justifie donc pas que l'opposition porte sur des créances liquides et exigibles à la date de la mutation, de sorte qu'il convient de déclarer l'opposition non fondée ainsi que le sollicite M. [U].
Sur la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 4 891,87 euros
Le syndicat des copropriétaires fait valoir qu'à supposer que la cour juge l'opposition irrégulière, il sollicite à titre subsidiaire la condamnation de M. [U] à lui payer une somme de 4 891,87 euros.
Toutefois, le syndicat des copropriétaires ne justifiant pas de sa créance pour les motifs ci-avant exposés, il ne peut davantage être fait droit à sa demande en paiement d'une somme de 4 891,87 euros faute pour lui de justifier de sa créance.
La demande d'expertise formée à titre subsidiaire par M. [U] est dès lors sans objet.
Sur l'action en responsabilité contre le syndic
Moyens des parties
M. [U] fait valoir que la responsabilité du syndic, la société Haphil Immobilier, est engagée en ce qu'elle a formé une opposition irrégulière et injustifiée, cette opposition n'ayant été faite que dans l'intention de lui nuire, le syndic n'ayant selon lui pas supporté les procédures qu'il a engagées et gagnées. Il ajoute que le syndic a décidé d'inclure dans l'opposition la somme de 2504 euros de quote-part d'avance de trésorerie, alors qu'à la demande de M. [U] le notaire lui avait déjà adressé cette somme dès la réalisation de la vente.
Il explique qu'il a été injustement privé d'une part du prix de vente, à savoir la somme de 7 395,87 euros, ce qui est dommageable car il comptait acquérir un autre bien immobilier en réinvestissant le prix de vente, et il a donc dû rester locataire plus longtemps qu'il ne l'avait imaginé. Il soutient qu'il subit un préjudice moral puisqu'il attend de recouvrer les fonds pour acheter son logement.
La société Haphil Immobilier répond qu'elle n'a pas commis de faute, que l'opposition était justifiée, qu'elle n'a pas été formée dans l'intention de nuire à M. [U], que M.[U] n'a pas contesté le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 mai 2021, portant approbation des comptes de la copropriété.
Elle ajoute que M. [U] ne justifie pas du préjudice dont il se prévaut, le blocage d'une somme de 7395,87 euros n'ayant pu empêcher la réalisation d'un projet d'acquisition, projet d'acquitision dont la réalité n'est en outre pas établie.
Réponse de la cour
En l'espèce, il ne peut être considéré que la société Haphil Immobilier a commis une faute en usant une voie de droit qui lui est offerte par la loi du 10 juillet 1965, plus précisément par l'article 20-I de cette loi, pour obtenir paiement d'un solde de charges appparaissant dans les comptes de la copropriété, ce qui entre dans le cadre de sa mission, le copropriétaire concerné disposant du droit de contester cette opposition en cas de désaccord avec le principe ou le montant de sa créance, ce qu'a fait en l'espèce M. [U].
Il n'est nullement justifié que la société Haphil Immobilier, qui n'a agi qu'en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, était mue, en usant de cette voie de droit, par une intention de nuire à M. [U], intention de nuire dont la réalité n'est pas démontrée, les procédures judiciaires ayant opposé M. [U] au syndicat des copropriétaires ne suffisant pas à démontrer que le syndic aurait cherché, en formant opposition, à lui porter préjudice.
Il ne peut davantage être reproché au syndic de n'avoir pas fait figurer, dans son opposition signifiée le 30 juin 2021, le versement par l'acquéreur de la somme de 2540 euros au titre de l'avancee de trésorerie alors qu'il n'est pas démontré que cette somme avait été perçue par le syndicat des copropriétaires à la date de l'opposition, l'acte authentique de vente ayant été signé quelques jours avant seulement, le 25 juin 2021, et le décompte produit en pièce 6 par le syndicat des copropriétaires faisant apparaître la perception de cette somme à la date du 29 juillet 2021 donc postérieurement au 30 juin 2021.
La preuve d'une faute commise par le syndic n'est donc pas rapportée.
M. [U] ne justifie en tout état de cause nullement du préjudice moral dont il sollicite réparation, celui-ci démontrant seulement qu'il est locataire mais ne fournissant aucun élément de nature à corroborer la réalité d'un projet d'investissement immobilier et le fait que la réalisation de ce projet aurait été empêchée ou retardée par le défaut de perception de la somme de 7181,72 euros, restée entre les mains du notaire.
La demande en dommages et intérêts de M. [U] sera donc rejetée.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Le syndicat des copropriétaires sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'ensemble des demandes à ce titre étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris :
Statuant à nouveau et y ajoutant :
REJETTE la demande d'annulation de l'opposition signifiée le 20 juin 2021 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] pour défaut de respect des prescriptions des articles 20-I de la loi du 10 juillet 1965 et 5-1 du décret du 17 mars 1967 ;
DECLARE cette opposition non fondée et dit qu'elle ne produira aucun effet ;
REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 4891,87 euros ;
REJETTE la demande de M. [U] en paiement d'une somme de 1447,33 euros ;
REJETTE la demande de M. [U] en dommages et intérêts contre la société Haphil Immobilier ;
REJJETTE les demandes plus amples ou contraires ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT