CA Colmar, ch. 2 a, 12 mars 2025, n° 22/02754
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 97/2025
Copie exécutoire
aux avocats
Le 12 mars 2025
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02754 -
N° Portalis DBVW-V-B7G-H4HA
Décision déférée à la cour : 23 Juin 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg
APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [U] [X]
demeurant [Adresse 2] à [Localité 6]
représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la cour
INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :
La S.A.R.L. J-B TRANSACTIONS prise en la personne de son représentant légal
ayant siège [Adresse 5] à [Localité 4]
représenté par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie HERY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère
Madame Nathalie HERY, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement, après prorogation le 29 janvier 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholtz et Trens, la SARL J-B Transactions a cédé, pour la somme de 51 000 euros, les lots 9,10, 11 et 12 de l'immeuble en copropriété situé au [Adresse 2] à [Localité 6] (67) à M. [U] [P] [X].
Le 8 mars 2021, la société J-B Transactions a fait assigner, au [Adresse 3] à [Localité 7] (67), M. [X] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins, notamment, de voir prononcer la résolution de la vente immobilière pour défaut de paiement du prix et d'ordonner son expulsion des lieux.
Par jugement réputé contradictoire du 23 juin 2021, le tribunal a :
prononcé la résolution de la vente des lots 9,10, 11 et 12 d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2], figurant au cadastre section 4 n°[Cadastre 1], selon acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholz et Trens entre le vendeur la SARL J-B Transactions et l'acquéreur M. [U] [P] [X] ;
ordonné la transcription du jugement en section 4 du feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de M. [U] [P] [X] ;
ordonné la radiation de la vente résolue des biens dont s'agit et leur réinscription au nom de la SARL J-B Transactions sur le feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de celle-ci ;
rejeté les demandes relatives à l'expulsion des lieux et à la condamnation au titre d'une indemnité d'occupation ;
condamné M. [U] [P] [X] à verser à la SARL J-B Transactions la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [U] [P] [X] aux dépens.
Le tribunal a retenu que la société J-B Transactions justifiait de ce que l'acquéreur avait manqué à son obligation de paiement par l'inscription de son privilège de vendeur et du droit à résolution prévu dans l'acte.
Faisant alors application des dispositions des articles 1650 et 1651 du code civil, il a prononcé la résolution de la vente et a ordonné les transcriptions consécutives au Livre foncier de Strasbourg.
Il a rejeté les demandes d'expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation, faisant état de ce que ces demandes n'étaient pas exposées dans le corps de l'assignation ni exposées factuellement et de ce que l'assignation avait été délivrée à M. [X] à une autre adresse que celle du bien vendu, la société J-B Transactions laissant entendre que M. [X] ne se trouvait pas dans le lieu vendu.
Le 16 juin 2022, la société J-B Transactions a fait assigner en expulsion, au [Adresse 2] à Hindisheim, M. [X] devant le tribunal de proximité d'Illkirch Graffenstaden (67).
M. [X] a formé appel par voie électronique le 15 juillet 2022 à l'encontre du jugement rendu le 23 juin 2021 (n° RG 22/03821).
Il a de nouveau formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 14 octobre 2022 (n° RG 22/2754).
Par ordonnance du 4 avril 2023, le magistrat chargé de la mise en état a joint ces deux affaires.
L'instruction a été clôturée le 5 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 6 février 2023, M. [X] demande à la cour de :
in limine litis
prononcer la nullité de l'assignation délivrée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en date du 8 mars 2021 ;
dire et juger que le tribunal ne pouvait pas être saisi par une assignation nulle ;
annuler le jugement du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
à titre subsidiaire
prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement du 23 juin 2021 ;
en conséquence,
prononcer la caducité de ce jugement ;
en tout état de cause
infirmer le jugement du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions, du fait de la prescription ;
déclarer la société J-B Transactions irrecevable en ses demandes ;
débouter la société J-B Transactions de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions, y compris de son appel incident ;
réserver ses droits à conclure au fond ;
sur demande reconventionnelle
déclarer l'appel incident formé par la société J-B Transactions irrecevable comme prescrit sur la base de l'article L.218-2 du code de la consommation et, en tous les cas, mal fondé ;
débouter la société J-B Transactions de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
en tout état de cause
condamner la société J-B Transactions :
aux entiers frais et dépens,
à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] développe ses conclusions comme suit :
Sur la nullité de l'assignation
M. [X] fait valoir que :
l'assignation n'a pas été délivrée à la bonne adresse puisqu'elle l'a été au [Adresse 3] à [Localité 7] qui correspond à l'adresse indiquée dans l'acte de vente rédigé en 2016 soit plus de cinq ans plus tôt ; la société J-B Transactions avait nécessairement connaissance de son adresse puisqu'elle lui a vendu le bien dans lequel il habitait au [Adresse 2] à [Localité 6] et a sollicité son expulsion du bien situé à cette adresse ; le fait de délivrer une assignation à une adresse que l'on sait ne pas être celle du débiteur rend nulle et de nul effet cette assignation,
l'article 659 du code de procédure civile ne peut être utilisé que lorsque la personne à qui l'acte devait être notifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, ce qui n'était pas son cas,
une assignation nulle n'ayant pas pu saisir le tribunal, le jugement rendu le 23 juin 2021 doit également être annulé,
il appartient à la partie adverse de produire le procès-verbal dressé par l'huissier de justice, en vertu des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile ainsi que l'assignation et le courrier recommandé « AR » qui lui a nécessairement été adressé.
Sur la nullité de la signification et la caducité du jugement
M. [X] expose que :
sa demande de nullité a été formée in limine litis, les mêmes conclusions pouvant contenir les exceptions soulevées,
par application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, si le demandeur ne respecte pas le délai prévu par cet article, le défendeur peut demander au juge de constater que le jugement est non avenu, de sorte que ce dernier ne pourra alors produire aucun effet et ne pourra pas faire l'objet d'une exécution forcée,
rien ne permet de dire que le jugement a été signifié dans le délai de six mois,
le jugement ayant été signifié à la même adresse et selon la même procédure que l'assignation, la nullité de cette signification doit être prononcée ainsi que la caducité du jugement qui est donc réputé non avenu,
le conseiller de la mise en état, s'il est compétent pour connaître des différentes exceptions de procédure en matière d'appel ne l'est pas pour les exceptions de la procédure de première instance telles que la nullité de l'assignation devant le tribunal judiciaire ou la signification du jugement rendu par ce tribunal.
Sur la preuve de son domicile
M. [X] indique qu'il appartient à la société J-B Transactions qui l'a fait assigner à une adresse qu'elle savait fausse et qui se prévaut de la validité de son assignation de démontrer que cette adresse était bien la seule adresse connue et que, selon les règles imposées par « l'article 659 », qu'il n'avait ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus et les diligences effectuées par l'huissier de justice pour essayer de le trouver.
Il ajoute qu'il produit des documents justifiant de ce que l'appartement d'[Localité 6] correspondait à son adresse.
Il souligne que n'est pas produit le justificatif du courrier avec recommandé « AR » que l'huissier aurait nécessairement dû lui adresser, à peine de nullité, prévu par l'article 659 du code de procédure civile.
Sur la prescription
M. [X] fait valoir que :
cette fin de non-recevoir ne peut être évoquée que devant la cour d'appel et pas devant le conseiller de la mise en état ;
il est constant que l'acte de vente en cause a été conclu entre un professionnel de l'immobilier et un consommateur, cet acte prévoyant que le prix de vente devra être payé dans les quinze jours de la signature de l'acte, soit au plus tard le 15 octobre 2016 ; considération prise des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation et de ce que l'assignation n'a été délivrée qu'à la date du 8 mars 2021, la prescription biennale a nécessairement couru à l'encontre de la société J-B Transactions,
du fait de la vente passée devant notaire, il est propriétaire de l'immeuble en cause, que le prix en ait été payé ou pas ; l'action en revendication d'un bien immobilier pour non-paiement du prix de vente n'est pas une action réelle mais une action personnelle.
Sur l'appel incident
M. [X] argue de ce qu'il n'est pas possible de demander son expulsion puisqu'il est seul propriétaire du bien immobilier en cause.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2023, la société J-B Transactions demande à la cour de :
sur l'appel principal
le déclarer mal fondé ;
dire irrecevable le moyen tiré de la nullité de l'assignation, à tout le moins mal fondé ;
débouter M. [X] de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions ;
en conséquence,
confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident ;
y ajoutant,
condamner M. [X] aux entiers frais et dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
sur appel incident
le dire bien fondé,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'expulsion de M. [X] ;
et statuant à nouveau :
ordonner l'expulsion de M. [U] [X] des lieux, corps et biens de tous occupants de son chef sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ;
condamner M. [U] [X] à lui payer une indemnité d'occupation de 1 000 euros par mois à compter du 30 septembre 2016 jusqu'à entière libération du bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6] ;
le condamner aux frais de l'appel incident,
le débouter de toutes conclusions contraires.
La société J-B Transactions développe ses conclusions comme suit :
Sur l'appel principal
La société J-B Transactions argue de ce que M. [X] doit fonder sa contestation dont il lui appartient de démontrer qu'elle ne s'analyse pas comme une exception dont il aurait dû saisir au préalable le conseiller de la mise en état, et ce, avant tout dépôt de conclusions au fond.
Elle fait valoir que :
M. [X] doit démontrer que l'adresse d'[Localité 6] était la sienne et qu'elle aurait pu en avoir connaissance ; or, il ne verse aucune pièce aux débats,
elle l'a fait assigner à la seule adresse que M. [X] avait fait connaitre, à savoir celle qui figurait dans l'acte authentique de vente, sans pouvoir imaginer que ce dernier prendrait, sans le payer, possession du bien dont il est permis de douter qu'il soit habitable et qu'il constitue le véritable domicile de l'intéressé et, plus encore, qu'il l'ait été officiellement à l'époque de la première procédure,
M. [X] ayant conclu au fond et demandé à la cour d'infirmer le jugement, il n'est pas recevable à soutenir son moyen de nullité.
La société J-B Transactions soutient que M. [X] ne démontre pas que la caducité du jugement entrepris est encourue alors qu'il avait la possibilité d'obtenir les pièces de procédure qui se trouvent dans le dossier judiciaire.
Elle expose encore que :
la demande de réserve de droits formulée par M. [X] est inopérante,
la cour n'a pas le pouvoir d'ordonner la production de pièces,
sur la prescription, M. [X] se fonde sur l'article L.218-2 du code de la consommation, ce qui est dénué de sérieux, l'article 2227 du code civil devant être appliqué lequel prévoit que l'action doit être exercée dans les trente ans du jour où le créancier a connu les faits lui permettant d'agir, c'est-à-dire du jour où le prix aurait dû être payé soit le 15 octobre 2016, de sorte que le délai de prescription courrait jusqu'au 15 octobre 2046 et que l'action n'est pas prescrite puisque l'assignation a été délivrée le 8 mars 2021,
c'est à juste titre que le jugement entrepris a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les parties pour défaut de paiement du prix.
Sur l'appel incident
La société J-B Transactions fait valoir que l'expulsion de M. [X] et de tout occupant de son chef, lesquels sont dans les lieux sis à [Localité 6] sans droit ni titre, doit être ordonnée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la recevabilité de l'appel incident
M. [X] demande à ce que l'appel incident de la société J-B Transactions soit déclaré irrecevable comme prescrit sur le fondement des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation.
Toutefois, cette fin de non-recevoir qui se rapporte à l'action, pour autant qu'elle soit établie, n'a pas pour effet de rendre l'appel irrecevable, de sorte que l'appel incident de la société J-B Transactions est déclaré recevable.
II) Sur les exceptions de nullité de l'assignation et de nullité du jugement entrepris
M. [X] n'a pas comparu devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ; ce n'est donc qu'à hauteur d'appel qu'il soulève l'exception de nullité de l'assignation devant ce tribunal laquelle a été soulevée avant toute défense au fond.
Il revient à la cour de statuer sur cette exception dès lors qu'aux termes des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer dessus.
La demande est donc recevable.
Aux termes des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
L'article 694 du même code dispose que la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
M. [X] argue de ce que l'huissier de justice qui a signifié l'assignation en cause l'a fait en appliquant l'article 659 du code de procédure civile alors que cet article ne pouvait pas être appliqué, dès lors que la société J-B Transactions connaissait son adresse sise au [Adresse 2] à [Localité 6].
L'article 693 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que, ce qui est prescrit par l'article 659 doit être observé à peine de nullité.
Selon ce dernier article, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Il est de principe que la signification d'un acte doit être faite à personne et que l'acte ne peut être signifié selon une autre modalité que si une signification à personne s'avère impossible.
Aux termes du procès-verbal de signification de l'assignation du 8 mars 2021, l'huissier de justice a précisé qu'au [Adresse 3] à [Localité 7] :
il n'avait pas trouvé trace de M. [X] ni sur les sonnettes ni sur les boîtes aux lettres, ni même de M. [B] susceptible d'héberger M. [X] à cette adresse,
ce dernier était inconnu dans l'immeuble,
les recherches faites sur les pages blanches de l'annuaire électronique pour toute la région Alsace n'avaient donné aucun résultat,
l'Etude n'avait pas connaissance d'un éventuel employeur de M. [X].
A la date de l'établissement de l'acte authentique de vente litigieux, soit le 30 septembre 2016, M. [X] habitait au [Adresse 3] à [Localité 7].
Afin de justifier de ce que cette adresse n'était plus la sienne à la date de l'assignation en cause du 8 mars 2021, M. [X] se prévaut, d'une part, de ce que l'assignation que lui a signifiée la société J-B Transactions sollicitait son expulsion de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] et, d'autre part, d'attestations de témoins qui indiquent que M. [X] occupait l'immeuble dès le mois de janvier 2021. S'il est vrai qu'aux termes de l'assignation délivrée le 8 mars 2021, la société J-B Transactions sollicitait l'expulsion de M. [X] de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6], cet élément ne démontre pas qu'à cette date M. [X] était domicilié ou résidait effectivement dans le bien objet de l'acte de vente du 30 septembre 2016, étant souligné qu'à la date de l'assignation du 8 mars 2021, il n'en avait pas payé le prix de vente.
De surcroît, les attestations produites par M. [X] ne démontrent pas que la société J-B Transactions avait connaissance, au 8 mars 2021, de l'emménagement de M. [X] au [Adresse 2] à [Localité 6], le courriel joint à une des attestations dont M. [X] est un des destinataires évoquant la tenue de l'assemblée générale en septembre 2020 à cette adresse sans que, pour autant, il soit permis d'en déduire avec certitude que M. [X] occupait les lieux, au demeurant, décrits comme étant vétustes et nécessitant des travaux et désigné dans l'acte de vente comme étant des remises.
Enfin, doit être écarté le moyen tiré de l'existence d'un aveu judiciaire de la société J-B Transactions résultant de ce qu'en page 5 de l'assignation qu'elle a délivrée le 16 juin 2022 à M. [X], elle dit , en parlant de ce dernier : « qui s'y est installé de son propre et unique gré peu après la signature de l'acte notarié en 2016 » puisqu'en effet, cette indication a été formulée dans une assignation qui est postérieure à celle délivrée le 8 mars 2021 et ne démontre donc pas qu'à cette dernière date la société J-B Transactions savait que M. [X] avait investi les lieux pour y fixer son domicile ou y résider, étant souligné que la lecture de l'assignation délivrée le 16 juin 2022 permet de relever que la société J-B Transactions fait état de ce que lorsqu'elle a voulu reprendre son bien après la résolution de la vente, elle a appris que M. [X] y avait élu domicile, ce qui l'a contrainte à le faire constater par un commissaire de justice.
Dès lors, au regard des diverses investigations de l'huissier de justice qui a signifié l'assignation du 8 mars 2021 et de ce qu'il n'est pas établi que la société J-B Transactions avait connaissance de ce que M. [X] était domicilié dans l'immeuble sur lequel porte l'acte authentique du 30 septembre 2016 à compter du mois de janvier 2021, il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de l'assignation laquelle a valablement saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg et, consécutivement, l'exception du nullité du jugement entrepris.
III) Sur l'exception de nullité de la signification du jugement et la caducité de celui-ci
Aux termes des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.
La société J-B Transactions justifie de ce que le jugement entrepris du 23 juin 2021 a été signifié à M. [X] le 21 juillet 2021et ce, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
Considérant d'une part, qu'il n'est pas démontré qu'à la date du 21 juillet 2021, la société J-B Transactions avait connaissance de ce que M. [X] était domicilié dans l'immeuble sur lequel porte l'acte authentique du 30 septembre 2016, tel que développé ci-avant, et, d'autre part, que le jugement entrepris a été signifié dans le délai de six mois il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de la signification du jugement ainsi que la demande de caducité du jugement entrepris.
IV) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L'action en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix ne constitue pas une action réelle immobilière mais tend à sanctionner une obligation de nature personnelle.
Aux termes de l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, le professionnel se définissant comme une personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom et pour le compte d'un autre professionnel.
La qualité de professionnel de la société J-B Transactions résulte de l'acte de vente lequel mentionne que cette dernière est réalisée par la société dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui n'est, au demeurant, pas contesté.
Aux termes de l'acte authentique de vente du 30 septembre 2016, M. [X] bénéficiait d'un délai de quinze jours à compter de l'acte pour s'acquitter du prix de vente soit jusqu'au 14 octobre 2016 inclus. La société J-B Transactions l'ayant assigné le 8 mars 2021, soit au-delà du délai de deux ans prévu par l'article L.218-2 susvisé, la prescription est acquise, de sorte que la société J-B Transactions est irrecevable en ses demandes.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a :
prononcé la résolution de la vente des lots 9,10, 11 et 12 d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2], figurant au cadastre section 4 n°[Cadastre 1], selon acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholz et Trens entre le vendeur la SARL J-B Transactions et l'acquéreur M. [U] [P] [X] ;
ordonné la transcription du jugement en section 4 du feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de M. [U] [P] [X] ;
ordonné la radiation de la vente résolue des biens dont s'agit et leur réinscription au nom de la SARL J-B Transactions sur le feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de celle-ci ;
rejeté les demandes relatives à l'expulsion des lieux et à la condamnation au titre d'une indemnité d'occupation.
V) Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
La société J-B Transactions est condamnée aux dépens de la procédure de premier ressort et de celle d'appel. Ses demandes d'indemnités formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées. Elle est condamnée à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement du même article pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
DÉCLARE recevable l'appel incident de la SARL J-B Transactions ;
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau et y ajoutant :
REJETTE :
l'exception de nullité de l'assignation du 8 mars 2021 signifiée à M. [U] [P] [X],
l'exception de nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021,
l'exception de nullité de la signification du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021,
la demande tendant au prononcé de la caducité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021 ;
DÉCLARE la SARL J-B Transactions irrecevable en ses demandes ;
CONDAMNE la SARL J-B Transactions aux dépens de la procédure de premier ressort et de ceux d'appel ;
CONDAMNE la SARL J-B Transactions à payer à M. [U] [X] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel ;
REJETTE les demandes de la SARL J-B Transactions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés en premier ressort et à hauteur d'appel.
La greffière, La présidente,
Copie exécutoire
aux avocats
Le 12 mars 2025
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02754 -
N° Portalis DBVW-V-B7G-H4HA
Décision déférée à la cour : 23 Juin 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg
APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [U] [X]
demeurant [Adresse 2] à [Localité 6]
représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la cour
INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :
La S.A.R.L. J-B TRANSACTIONS prise en la personne de son représentant légal
ayant siège [Adresse 5] à [Localité 4]
représenté par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie HERY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère
Madame Nathalie HERY, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement, après prorogation le 29 janvier 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholtz et Trens, la SARL J-B Transactions a cédé, pour la somme de 51 000 euros, les lots 9,10, 11 et 12 de l'immeuble en copropriété situé au [Adresse 2] à [Localité 6] (67) à M. [U] [P] [X].
Le 8 mars 2021, la société J-B Transactions a fait assigner, au [Adresse 3] à [Localité 7] (67), M. [X] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins, notamment, de voir prononcer la résolution de la vente immobilière pour défaut de paiement du prix et d'ordonner son expulsion des lieux.
Par jugement réputé contradictoire du 23 juin 2021, le tribunal a :
prononcé la résolution de la vente des lots 9,10, 11 et 12 d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2], figurant au cadastre section 4 n°[Cadastre 1], selon acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholz et Trens entre le vendeur la SARL J-B Transactions et l'acquéreur M. [U] [P] [X] ;
ordonné la transcription du jugement en section 4 du feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de M. [U] [P] [X] ;
ordonné la radiation de la vente résolue des biens dont s'agit et leur réinscription au nom de la SARL J-B Transactions sur le feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de celle-ci ;
rejeté les demandes relatives à l'expulsion des lieux et à la condamnation au titre d'une indemnité d'occupation ;
condamné M. [U] [P] [X] à verser à la SARL J-B Transactions la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [U] [P] [X] aux dépens.
Le tribunal a retenu que la société J-B Transactions justifiait de ce que l'acquéreur avait manqué à son obligation de paiement par l'inscription de son privilège de vendeur et du droit à résolution prévu dans l'acte.
Faisant alors application des dispositions des articles 1650 et 1651 du code civil, il a prononcé la résolution de la vente et a ordonné les transcriptions consécutives au Livre foncier de Strasbourg.
Il a rejeté les demandes d'expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation, faisant état de ce que ces demandes n'étaient pas exposées dans le corps de l'assignation ni exposées factuellement et de ce que l'assignation avait été délivrée à M. [X] à une autre adresse que celle du bien vendu, la société J-B Transactions laissant entendre que M. [X] ne se trouvait pas dans le lieu vendu.
Le 16 juin 2022, la société J-B Transactions a fait assigner en expulsion, au [Adresse 2] à Hindisheim, M. [X] devant le tribunal de proximité d'Illkirch Graffenstaden (67).
M. [X] a formé appel par voie électronique le 15 juillet 2022 à l'encontre du jugement rendu le 23 juin 2021 (n° RG 22/03821).
Il a de nouveau formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 14 octobre 2022 (n° RG 22/2754).
Par ordonnance du 4 avril 2023, le magistrat chargé de la mise en état a joint ces deux affaires.
L'instruction a été clôturée le 5 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 6 février 2023, M. [X] demande à la cour de :
in limine litis
prononcer la nullité de l'assignation délivrée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en date du 8 mars 2021 ;
dire et juger que le tribunal ne pouvait pas être saisi par une assignation nulle ;
annuler le jugement du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
à titre subsidiaire
prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement du 23 juin 2021 ;
en conséquence,
prononcer la caducité de ce jugement ;
en tout état de cause
infirmer le jugement du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions, du fait de la prescription ;
déclarer la société J-B Transactions irrecevable en ses demandes ;
débouter la société J-B Transactions de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions, y compris de son appel incident ;
réserver ses droits à conclure au fond ;
sur demande reconventionnelle
déclarer l'appel incident formé par la société J-B Transactions irrecevable comme prescrit sur la base de l'article L.218-2 du code de la consommation et, en tous les cas, mal fondé ;
débouter la société J-B Transactions de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
en tout état de cause
condamner la société J-B Transactions :
aux entiers frais et dépens,
à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] développe ses conclusions comme suit :
Sur la nullité de l'assignation
M. [X] fait valoir que :
l'assignation n'a pas été délivrée à la bonne adresse puisqu'elle l'a été au [Adresse 3] à [Localité 7] qui correspond à l'adresse indiquée dans l'acte de vente rédigé en 2016 soit plus de cinq ans plus tôt ; la société J-B Transactions avait nécessairement connaissance de son adresse puisqu'elle lui a vendu le bien dans lequel il habitait au [Adresse 2] à [Localité 6] et a sollicité son expulsion du bien situé à cette adresse ; le fait de délivrer une assignation à une adresse que l'on sait ne pas être celle du débiteur rend nulle et de nul effet cette assignation,
l'article 659 du code de procédure civile ne peut être utilisé que lorsque la personne à qui l'acte devait être notifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, ce qui n'était pas son cas,
une assignation nulle n'ayant pas pu saisir le tribunal, le jugement rendu le 23 juin 2021 doit également être annulé,
il appartient à la partie adverse de produire le procès-verbal dressé par l'huissier de justice, en vertu des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile ainsi que l'assignation et le courrier recommandé « AR » qui lui a nécessairement été adressé.
Sur la nullité de la signification et la caducité du jugement
M. [X] expose que :
sa demande de nullité a été formée in limine litis, les mêmes conclusions pouvant contenir les exceptions soulevées,
par application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, si le demandeur ne respecte pas le délai prévu par cet article, le défendeur peut demander au juge de constater que le jugement est non avenu, de sorte que ce dernier ne pourra alors produire aucun effet et ne pourra pas faire l'objet d'une exécution forcée,
rien ne permet de dire que le jugement a été signifié dans le délai de six mois,
le jugement ayant été signifié à la même adresse et selon la même procédure que l'assignation, la nullité de cette signification doit être prononcée ainsi que la caducité du jugement qui est donc réputé non avenu,
le conseiller de la mise en état, s'il est compétent pour connaître des différentes exceptions de procédure en matière d'appel ne l'est pas pour les exceptions de la procédure de première instance telles que la nullité de l'assignation devant le tribunal judiciaire ou la signification du jugement rendu par ce tribunal.
Sur la preuve de son domicile
M. [X] indique qu'il appartient à la société J-B Transactions qui l'a fait assigner à une adresse qu'elle savait fausse et qui se prévaut de la validité de son assignation de démontrer que cette adresse était bien la seule adresse connue et que, selon les règles imposées par « l'article 659 », qu'il n'avait ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus et les diligences effectuées par l'huissier de justice pour essayer de le trouver.
Il ajoute qu'il produit des documents justifiant de ce que l'appartement d'[Localité 6] correspondait à son adresse.
Il souligne que n'est pas produit le justificatif du courrier avec recommandé « AR » que l'huissier aurait nécessairement dû lui adresser, à peine de nullité, prévu par l'article 659 du code de procédure civile.
Sur la prescription
M. [X] fait valoir que :
cette fin de non-recevoir ne peut être évoquée que devant la cour d'appel et pas devant le conseiller de la mise en état ;
il est constant que l'acte de vente en cause a été conclu entre un professionnel de l'immobilier et un consommateur, cet acte prévoyant que le prix de vente devra être payé dans les quinze jours de la signature de l'acte, soit au plus tard le 15 octobre 2016 ; considération prise des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation et de ce que l'assignation n'a été délivrée qu'à la date du 8 mars 2021, la prescription biennale a nécessairement couru à l'encontre de la société J-B Transactions,
du fait de la vente passée devant notaire, il est propriétaire de l'immeuble en cause, que le prix en ait été payé ou pas ; l'action en revendication d'un bien immobilier pour non-paiement du prix de vente n'est pas une action réelle mais une action personnelle.
Sur l'appel incident
M. [X] argue de ce qu'il n'est pas possible de demander son expulsion puisqu'il est seul propriétaire du bien immobilier en cause.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2023, la société J-B Transactions demande à la cour de :
sur l'appel principal
le déclarer mal fondé ;
dire irrecevable le moyen tiré de la nullité de l'assignation, à tout le moins mal fondé ;
débouter M. [X] de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions ;
en conséquence,
confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident ;
y ajoutant,
condamner M. [X] aux entiers frais et dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
sur appel incident
le dire bien fondé,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'expulsion de M. [X] ;
et statuant à nouveau :
ordonner l'expulsion de M. [U] [X] des lieux, corps et biens de tous occupants de son chef sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ;
condamner M. [U] [X] à lui payer une indemnité d'occupation de 1 000 euros par mois à compter du 30 septembre 2016 jusqu'à entière libération du bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6] ;
le condamner aux frais de l'appel incident,
le débouter de toutes conclusions contraires.
La société J-B Transactions développe ses conclusions comme suit :
Sur l'appel principal
La société J-B Transactions argue de ce que M. [X] doit fonder sa contestation dont il lui appartient de démontrer qu'elle ne s'analyse pas comme une exception dont il aurait dû saisir au préalable le conseiller de la mise en état, et ce, avant tout dépôt de conclusions au fond.
Elle fait valoir que :
M. [X] doit démontrer que l'adresse d'[Localité 6] était la sienne et qu'elle aurait pu en avoir connaissance ; or, il ne verse aucune pièce aux débats,
elle l'a fait assigner à la seule adresse que M. [X] avait fait connaitre, à savoir celle qui figurait dans l'acte authentique de vente, sans pouvoir imaginer que ce dernier prendrait, sans le payer, possession du bien dont il est permis de douter qu'il soit habitable et qu'il constitue le véritable domicile de l'intéressé et, plus encore, qu'il l'ait été officiellement à l'époque de la première procédure,
M. [X] ayant conclu au fond et demandé à la cour d'infirmer le jugement, il n'est pas recevable à soutenir son moyen de nullité.
La société J-B Transactions soutient que M. [X] ne démontre pas que la caducité du jugement entrepris est encourue alors qu'il avait la possibilité d'obtenir les pièces de procédure qui se trouvent dans le dossier judiciaire.
Elle expose encore que :
la demande de réserve de droits formulée par M. [X] est inopérante,
la cour n'a pas le pouvoir d'ordonner la production de pièces,
sur la prescription, M. [X] se fonde sur l'article L.218-2 du code de la consommation, ce qui est dénué de sérieux, l'article 2227 du code civil devant être appliqué lequel prévoit que l'action doit être exercée dans les trente ans du jour où le créancier a connu les faits lui permettant d'agir, c'est-à-dire du jour où le prix aurait dû être payé soit le 15 octobre 2016, de sorte que le délai de prescription courrait jusqu'au 15 octobre 2046 et que l'action n'est pas prescrite puisque l'assignation a été délivrée le 8 mars 2021,
c'est à juste titre que le jugement entrepris a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les parties pour défaut de paiement du prix.
Sur l'appel incident
La société J-B Transactions fait valoir que l'expulsion de M. [X] et de tout occupant de son chef, lesquels sont dans les lieux sis à [Localité 6] sans droit ni titre, doit être ordonnée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la recevabilité de l'appel incident
M. [X] demande à ce que l'appel incident de la société J-B Transactions soit déclaré irrecevable comme prescrit sur le fondement des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation.
Toutefois, cette fin de non-recevoir qui se rapporte à l'action, pour autant qu'elle soit établie, n'a pas pour effet de rendre l'appel irrecevable, de sorte que l'appel incident de la société J-B Transactions est déclaré recevable.
II) Sur les exceptions de nullité de l'assignation et de nullité du jugement entrepris
M. [X] n'a pas comparu devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ; ce n'est donc qu'à hauteur d'appel qu'il soulève l'exception de nullité de l'assignation devant ce tribunal laquelle a été soulevée avant toute défense au fond.
Il revient à la cour de statuer sur cette exception dès lors qu'aux termes des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer dessus.
La demande est donc recevable.
Aux termes des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
L'article 694 du même code dispose que la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
M. [X] argue de ce que l'huissier de justice qui a signifié l'assignation en cause l'a fait en appliquant l'article 659 du code de procédure civile alors que cet article ne pouvait pas être appliqué, dès lors que la société J-B Transactions connaissait son adresse sise au [Adresse 2] à [Localité 6].
L'article 693 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que, ce qui est prescrit par l'article 659 doit être observé à peine de nullité.
Selon ce dernier article, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Il est de principe que la signification d'un acte doit être faite à personne et que l'acte ne peut être signifié selon une autre modalité que si une signification à personne s'avère impossible.
Aux termes du procès-verbal de signification de l'assignation du 8 mars 2021, l'huissier de justice a précisé qu'au [Adresse 3] à [Localité 7] :
il n'avait pas trouvé trace de M. [X] ni sur les sonnettes ni sur les boîtes aux lettres, ni même de M. [B] susceptible d'héberger M. [X] à cette adresse,
ce dernier était inconnu dans l'immeuble,
les recherches faites sur les pages blanches de l'annuaire électronique pour toute la région Alsace n'avaient donné aucun résultat,
l'Etude n'avait pas connaissance d'un éventuel employeur de M. [X].
A la date de l'établissement de l'acte authentique de vente litigieux, soit le 30 septembre 2016, M. [X] habitait au [Adresse 3] à [Localité 7].
Afin de justifier de ce que cette adresse n'était plus la sienne à la date de l'assignation en cause du 8 mars 2021, M. [X] se prévaut, d'une part, de ce que l'assignation que lui a signifiée la société J-B Transactions sollicitait son expulsion de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] et, d'autre part, d'attestations de témoins qui indiquent que M. [X] occupait l'immeuble dès le mois de janvier 2021. S'il est vrai qu'aux termes de l'assignation délivrée le 8 mars 2021, la société J-B Transactions sollicitait l'expulsion de M. [X] de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6], cet élément ne démontre pas qu'à cette date M. [X] était domicilié ou résidait effectivement dans le bien objet de l'acte de vente du 30 septembre 2016, étant souligné qu'à la date de l'assignation du 8 mars 2021, il n'en avait pas payé le prix de vente.
De surcroît, les attestations produites par M. [X] ne démontrent pas que la société J-B Transactions avait connaissance, au 8 mars 2021, de l'emménagement de M. [X] au [Adresse 2] à [Localité 6], le courriel joint à une des attestations dont M. [X] est un des destinataires évoquant la tenue de l'assemblée générale en septembre 2020 à cette adresse sans que, pour autant, il soit permis d'en déduire avec certitude que M. [X] occupait les lieux, au demeurant, décrits comme étant vétustes et nécessitant des travaux et désigné dans l'acte de vente comme étant des remises.
Enfin, doit être écarté le moyen tiré de l'existence d'un aveu judiciaire de la société J-B Transactions résultant de ce qu'en page 5 de l'assignation qu'elle a délivrée le 16 juin 2022 à M. [X], elle dit , en parlant de ce dernier : « qui s'y est installé de son propre et unique gré peu après la signature de l'acte notarié en 2016 » puisqu'en effet, cette indication a été formulée dans une assignation qui est postérieure à celle délivrée le 8 mars 2021 et ne démontre donc pas qu'à cette dernière date la société J-B Transactions savait que M. [X] avait investi les lieux pour y fixer son domicile ou y résider, étant souligné que la lecture de l'assignation délivrée le 16 juin 2022 permet de relever que la société J-B Transactions fait état de ce que lorsqu'elle a voulu reprendre son bien après la résolution de la vente, elle a appris que M. [X] y avait élu domicile, ce qui l'a contrainte à le faire constater par un commissaire de justice.
Dès lors, au regard des diverses investigations de l'huissier de justice qui a signifié l'assignation du 8 mars 2021 et de ce qu'il n'est pas établi que la société J-B Transactions avait connaissance de ce que M. [X] était domicilié dans l'immeuble sur lequel porte l'acte authentique du 30 septembre 2016 à compter du mois de janvier 2021, il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de l'assignation laquelle a valablement saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg et, consécutivement, l'exception du nullité du jugement entrepris.
III) Sur l'exception de nullité de la signification du jugement et la caducité de celui-ci
Aux termes des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.
La société J-B Transactions justifie de ce que le jugement entrepris du 23 juin 2021 a été signifié à M. [X] le 21 juillet 2021et ce, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
Considérant d'une part, qu'il n'est pas démontré qu'à la date du 21 juillet 2021, la société J-B Transactions avait connaissance de ce que M. [X] était domicilié dans l'immeuble sur lequel porte l'acte authentique du 30 septembre 2016, tel que développé ci-avant, et, d'autre part, que le jugement entrepris a été signifié dans le délai de six mois il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de la signification du jugement ainsi que la demande de caducité du jugement entrepris.
IV) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L'action en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix ne constitue pas une action réelle immobilière mais tend à sanctionner une obligation de nature personnelle.
Aux termes de l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, le professionnel se définissant comme une personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom et pour le compte d'un autre professionnel.
La qualité de professionnel de la société J-B Transactions résulte de l'acte de vente lequel mentionne que cette dernière est réalisée par la société dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui n'est, au demeurant, pas contesté.
Aux termes de l'acte authentique de vente du 30 septembre 2016, M. [X] bénéficiait d'un délai de quinze jours à compter de l'acte pour s'acquitter du prix de vente soit jusqu'au 14 octobre 2016 inclus. La société J-B Transactions l'ayant assigné le 8 mars 2021, soit au-delà du délai de deux ans prévu par l'article L.218-2 susvisé, la prescription est acquise, de sorte que la société J-B Transactions est irrecevable en ses demandes.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a :
prononcé la résolution de la vente des lots 9,10, 11 et 12 d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2], figurant au cadastre section 4 n°[Cadastre 1], selon acte authentique dressé le 30 septembre 2016 par la SCP Rustenholz et Trens entre le vendeur la SARL J-B Transactions et l'acquéreur M. [U] [P] [X] ;
ordonné la transcription du jugement en section 4 du feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de M. [U] [P] [X] ;
ordonné la radiation de la vente résolue des biens dont s'agit et leur réinscription au nom de la SARL J-B Transactions sur le feuillet du Livre Foncier de Strasbourg ouvert au nom de celle-ci ;
rejeté les demandes relatives à l'expulsion des lieux et à la condamnation au titre d'une indemnité d'occupation.
V) Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
La société J-B Transactions est condamnée aux dépens de la procédure de premier ressort et de celle d'appel. Ses demandes d'indemnités formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées. Elle est condamnée à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement du même article pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
DÉCLARE recevable l'appel incident de la SARL J-B Transactions ;
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 23 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau et y ajoutant :
REJETTE :
l'exception de nullité de l'assignation du 8 mars 2021 signifiée à M. [U] [P] [X],
l'exception de nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021,
l'exception de nullité de la signification du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021,
la demande tendant au prononcé de la caducité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2021 ;
DÉCLARE la SARL J-B Transactions irrecevable en ses demandes ;
CONDAMNE la SARL J-B Transactions aux dépens de la procédure de premier ressort et de ceux d'appel ;
CONDAMNE la SARL J-B Transactions à payer à M. [U] [X] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel ;
REJETTE les demandes de la SARL J-B Transactions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés en premier ressort et à hauteur d'appel.
La greffière, La présidente,