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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 11 mars 2025, n° 23/01563

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 23/01563

11 mars 2025

AFFAIRE : N° RG 23/01563 -

N° Portalis DBVC-V-B7H-HHPV

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Juge de la mise en état d'ALENCON du 06 Juin 2023 - RG n° 22/01257

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 MARS 2025

APPELANTES :

Société MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES société d'assurances mutuelles prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 775 652 118

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.A. MMA VIE

N° SIRET : 440 042 174

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentées par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,

assistées de Me Aurélia MORACCHINI, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉS :

Monsieur [Z], [M] [P]

né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Madame [L], [N] [P] épouse [F]

née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Madame [W], [I], [O] [P] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1963 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Localité 11]

Tous représentés et assistés de Me Olaf LE PASTEUR, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS : A l'audience publique du 19 décembre 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 11 Mars 2025 et signé par Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère, pour le président empêché et par Mme COLLET, greffier

FAITS ET PROCEDURE

Suivant bulletin individuel n°W56969 du 22 février 1989, Mme [R] [P] a adhéré à une assurance-vie de groupe 'MGF Retraite' en procédant au versement de la somme de 128 440 francs.

Suivant bulletin individuel n°W67918 du 30 juin 1989, Mme [P] a de nouveau adhéré à l'assurance-vie de groupe 'MGF Retraite' en procédant au versement de la somme de 290 000 francs.

Mme [R] [P] est décédée le [Date décès 7] 2019, laissant pour lui succéder ses enfants nés de son union avec son conjoint prédécédé :

M. [Z] [P],

Mme [L] [P],

Mme [W] [P].

Ces derniers sont également bénéficiaires des contrats d'assurance-vie.

Par lettre recommandé avec accusé de réception du 13 décembre 2019 adressée à MMA Vie, M. [Z] [P] a indiqué avoir perçu le 31 juillet 2019 la somme de 24 834,77 euros au titre du contrat n°W56969, et 111 346,48 euros au titre du contrat n°W67918. Il a toutefois fait valoir que les situations annuelles de compte reçues par Mme [R] [P] ne correspondaient pas à la revalorisation contractuelle. Il a demandé donc à l'assureur de produire l'ensemble des décomptes annuels des deux contrats.

Par courrier du 29 janvier 2020, l'agent général de la compagnie MMA a opposé à M. [Z] [P] le caractère confidentiel des documents demandés. Il a également fait valoir la modification des conditions générales des contrats litigieux à compter du 1er janvier 2000, en application d'un avenant en date du 22 décembre 1999.

Le 1er mai 2020, M. [Z] [P] a saisi le médiateur de l'assurance considérant que la modification contractuelle était intervenue de manière unilatérale, sans avoir été portée à la connaissance de Mme [R] [P].

Le 14 octobre 2021, le médiateur de l'assurance a conclu qu'il n'était pas démontré que Mme [R] [P] avait été préalablement informée de la modification des contrats, conformément aux dispositions de l'article L.141-4 du code des assurances, de sorte que la modification ne lui était pas opposable. Il a indiqué qu'il convenait de donner une suite favorable à la demande de M. [Z] [P].

Le 28 novembre 2021, la compagnie MMA a refusé de suivre l'avis du médiateur, motif pris d'une modification des taux contractuels découlant d'une évolution réglementaire s'imposant aux assureurs et assurés.

Par acte du 31 octobre 2022, les consorts [P] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire d'Alençon les MMA Vie Assurances Mutuelles aux fins de voir :

condamner les défenderesses à leur payer chacun la somme de 25 344,43 euros au titre du capital restant à verser au titre de l'adhésion n°W55969,

juger que cette somme portera intérêt à compter du 31 juillet 2019 en application de l'article L.132-23-1 du code des assurances jusqu'à complet paiement,

condamner les mêmes à leur payer chacun la somme de 122 681,80 euros au titre du capital restant à verser au titre de l'adhésion n°W67918,

juger que cette somme portera intérêt à compter du 5 décembre 2019 en application de l'article L.132-23-1 du code des assurances jusqu'à complet paiement,

condamner la SA MMA Vie Assurances Mutuelles à leur payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

La SA MMA Vie est intervenue volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 6 juin 2023 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Alençon a :

déclaré recevables les demandes de M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P],

débouté la société d'assurance mutuelle MMA Vie Assurances Mutuelles et la société MMA Vie de leurs fins de non-recevoir et demandes incidentes,

condamné la société d'assurance mutuelle MMA Vie Assurances Mutuelles à payer à M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 4 juillet 2023 pour conclusions de la société d'assurance mutuelle MMA Vie Assurances Mutuelles et la société MMA Vie sur le fond,

réservé les dépens.

Par déclaration du 28 juin 2023, la société MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie ont formé appel de cette ordonnance, la critiquant en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 6 juin 2024, la société d'assurances mutuelles MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie demandent à la cour de :

les recevoir en leur appel et les y dire bien fondées,

réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2023 en l'intégralité de ses dispositions,

Jugeant à nouveau,

déclarer irrecevables car prescrites l'action et les demandes dirigées par M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P] à leur encontre,

A titre subsidiaire,

déclarer irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité à agir M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P], l'action étant définitivement prescrite du chef de leur auteur,

En tout état de cause,

débouter M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P] de leurs entières demandes,

condamner in solidum à M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les mêmes aux dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 10 novembre 2023, M. [Z] [P], Mme [L] [P] et Mme [W] [P] demandent à la Cour de :

débouter les MMA Vie Assurances Mutuelles et les MMA Vie de leur appel,

confirmer l'ensemble des dispositions de l'ordonnance rendue le 6 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Alençon,

renvoyer sur le fond la cause et les parties devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Alençon,

condamner solidairement les MMA Vie Assurances Mutuelles et les MMA Vie à leur payer, unis d'intérêt, une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

condamner solidairement les MMA Vie Assurances Mutuelles et les MMA Vie aux dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 20 novembre 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

La société MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie (ci-après dénommées les MMA) forment appel de l'ordonnance du juge de la mise en état qui a rejeté la prescription de l'action des consorts [P].

Elles font valoir que Mme [R] [P] a souscrit en 1989 aux deux contrats d'assurance vie en cause par l'intermédiaire de son fils, M. [Z] [P], lui-même agent d'assurance.

La revalorisation de ces deux contrats était prévue annuellement, au taux minimum garanti de 4,50%, outre la majoration du taux de participation aux bénéfices.

Les MMA rappellent par ailleurs qu'à compter de 1995 l'article A132-1 du Code des assurances a été modifié, s'appliquant aux contrats en cours au 1er juin 1995, afin de réduire la rémunération des contrats d'assurance au maximum à 3,50%.

Elles affirment avoir alors adressé à Mme [R] [P] un avenant au contrat collectif d'assurance souscrit relatif à l'évolution des contrats à compter du 1er janvier 2000.

Les MMA soulignent par ailleurs que Mme [R] [P], durant la vie des contrats, a procédé à plusieurs opérations en 2005 et 2006, de rachat ou de versement complémentaire, toujours par l'intermédiaire de son fils agent général d'assurance.

Elles relèvent que ce dernier est même devenu le mandataire de sa mère pour la gestion des contrats à compter de février 2016.

Elles précisent que Mme [R] [P] a été destinataire chaque année de relevés d'information annuelle indiquant le taux de valorisation des contrats, qui à compter de 2007 n'était plus de 4,5%.

Ainsi, les MMA invoquent la prescription des demandes des consorts [P] basées sur le non-respect de l'obligation d'information de l'assureur vis-à-vis de l'assurée, considérant que cette dernière n'a jamais contesté les modifications contractuelles de rémunération dont elle avait été informée, a minima au moyen des relevés d'information annuelle.

Les MMA relèvent que les consorts [P] ne sont pas recevables à exercer une action qui appartenait à l'assurée au-delà du délai de prescription opposable à Mme [R] [P].

Elles soulignent par ailleurs que M. [Z] [P], agent général d'assurance exclusif MMA, ayant servi d'intermédiaire lors de la souscription des deux contrats par Mme [R] [P], était lui-même tenu d'une obligation d'information à l'égard de l'assurée, et qu'il se devait donc de l'informer de l'évolution réglementaire de la rémunération des contrats qu'il ne pouvait ignorer à titre professionnel.

Elles estiment donc que M. [P] ne peut se prévaloir de ses propres manquements qui auraient conduit au défaut d'information de l'assurée quant à la survenance de l'avenant au contrat du 22 décembre 1999.

Au regard de la configuration particulière de ce dossier, les MMA soutiennent qu'il doit être admis que Mme [P] a reçu l'information par son fils de la survenance de l'avenant de 1999.

En outre, les MMA font valoir que Mme [P] a été destinataire chaque année de relevés d'information annuelle pour les deux contrats, mentionnant la rémunération du contrat.

Elles relèvent que les héritiers de Mme [P] ont eux-mêmes reconnus, au travers des courriers échangés avec l'assureur, que l'assurée avait effectivement reçu ces relevés d'information, qui contenaient l'information relative au montant de revalorisation appliqué.

Les MMA considèrent donc que, par ce biais, Mme [P] a été informée de la modification du taux de rémunération de ses contrats dès 2007.

Elles précisent au surplus que le relevé d'information adressé en janvier 2008 à Mme [P] reprenait le contenu de l'avenant du 22 décembre 1999, de sorte que l'information de Mme [P] a été complète.

Ainsi, les MMA estiment que le délai de prescription biennale, à disposition de l'assurée pour contester la modification des conditions de rémunération de son contrat et le non respect par l'assureur de ses obligations d'information et de conseil, a commencé à courir à compter de janvier 2007 de sorte que l'action engagée par ses héritiers est prescrite.

Subsidiairement, s'il devait être fait application du délai de prescription quinquennale au contrat d'assurance de groupe, les MMA affirment que l'action des héritiers de Mme [P] est tout autant prescrite.

Enfin, les MMA contestent l'application qui a été faite par le juge de la mise en état du délai de prescription de 10 ans découlant de l'alinéa 2 de l'article L114-1 du code des assurances.

En réplique, les consorts [P] sollicitent la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action fondée sur le manquement à l'obligation d'information de l'assureur.

Ils rappellent que leur contestation repose sur l'inopposabilité à Mme [P] de l'avenant imposé par l'assurance le 22 décembre 1999.

Les consorts [P] soulignent que les MMA ne rapportent pas la preuve d'avoir informé par écrit Mme [P] de l'adoption de l'avenant de décembre 1999, de sorte que le délai de prescription de l'action de l'assurée pour contester les termes de cet avenant n'a pas pu courir.

De même, les consorts [P] estiment que les MMA ne peuvent pas opposer le contenu des relevés d'information annuelle des contrats dès lors qu'elles ne justifient pas les avoir adressés à leur assurée.

En outre, ils contestent que le contenu de ces relevés d'information ait permis de déterminer le taux d'intérêt appliqué et donc de prendre conscience de la modification du taux contractuellement convenu, et par la même qu'ils aient pu faire courir le délai de prescription de la contestation de l'assurée.

Par ailleurs, M. [Z] [P] conteste avoir lui-même été informé, en sa qualité d'agent d'assurance, de la survenance de l'avenant du 22 décembre 1999.

Il réfute en outre avoir eu un rôle d'information des clients durant la vie des contrats, affirmant que sa mission se limitait à un rôle d'intermédiaire lors de la souscription.

Dès lors, les consorts [P] affirment que le point de départ du délai de prescription de leur action ne peut être fixé qu'à la date du décès de Mme [P], soit le [Date décès 7] 2019, dans la mesure où l'irrégularité des contrats n'a été constatée qu'à cette date.

Ils soutiennent également que le délai de prescription applicable est celui de l'article 2224, de cinq ans.

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par ailleurs, il résulte de l'article 724 du Code civil que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

En application de l'article L141-4 du code des assurances, dans le cadre des assurances de groupe, le souscripteur est tenu :

' de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre,

' d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations.

La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur.

L'adhérent peut dénoncer son adhésion en raison de ces modifications.

Il est constant que Mme [R] [P] a souscrit en février et juin 1989 deux contrats d'assurance vie de groupe auprès de la société MMA, dont le taux de rendement était fixé par l'article 211 des conditions générales au taux minimum garanti de 4,50%, majoré du taux de participation aux bénéfices.

En suite des décisions adoptées en assemblée générale des adhérents le 25 octobre 1999, le contrat d'assurance de groupe souscrit par l'association ADIF Epargne, auquel Mme [P] avait souscrit, a fait l'objet d'un avenant daté du 22 décembre 1999, modifiant les modalités de calcul et le taux de valorisation de l'épargne constituée.

S'agissant d'un contrat d'assurance de groupe, les modifications apportées au contrat n'avaient pas à être approuvées par Mme [P].

Néanmoins, la MMA Vie était tenue d'informer l'adhérente de ces modifications pour les lui rendre opposables, conformément à l'article L141-4 du code des assurances précités.

Quand bien même les modifications apportées au contrat résulteraient de l'application de dispositions réglementaires ou législatives, elles conservent une nature contractuelle qui subordonne leur opposabilité à l'information donnée à l'assurée.

Force est de constater que les MMA Vie sont dans l'incapacité de rapporter la preuve de l'information qui aurait été faite à Mme [P] de l'adoption de cet avenant.

L'assureur ne saurait se décharger de son obligation d'information sur l'agent d'assurance ayant participé à la souscription des contrats pour prétendre que cette information aurait dû être réalisée par ce dernier.

L'obligation d'information qui pèse sur l'assureur s'inscrit dans la relation contractuelle qui le lie à l'adhérent, et à laquelle l'agent d'assurance est étranger, de sorte que l'éventuelle obligation de conseil de ce dernier ne saurait se confondre avec l'obligation d'information de l'assureur.

En tout état de cause, les MMA Vie ne peuvent invoquer le fait que M. [Z] [P], fils de l'assurée, était agent général d'assurance MMA pour prétendre que Mme [R] [P] aurait nécessairement été informée des modifications du contrat.

L'information donnée doit être appréciée à l'égard de Mme [P], cette information devant être personnelle, et la circonstance que son fils ait pu connaître des modifications du contrat dans un cadre professionnel ne peut conduire à admettre que l'obligation d'information due à Mme [P] aurait été remplie.

C'est sur le fondement du défaut d'information que les héritiers de Mme [P] agissent contre les MMA Vie pour s'opposer aux modifications apportées au contrat.

Il s'agit donc d'une action personnelle mobilière soumis au délai de prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil.

Dès lors, le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle l'assuré à eu connaissance du manquement de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant pour lui.

Les MMA Vie soutiennent que le délai de prescription de l'action de Mme [P] aurait commencé à courir par la communication des relevés d'information annuelle à cette dernière.

L'assureur verse aux débats ces relevés annuels de 2006 à 2017, pour chacun des contrats.

La lecture de ces pièces permet de relever que, sur chacun de ces relevés, l'assureur mentionne le taux de valorisation appliqué à l'année écoulée par la phrase « pour l'année X, le capital de votre contrat a été valorisé au taux annuel de X % » jusqu'en 2011, puis par la mention du taux dans un tableau récapitulatif de la situation du contrat.

En outre, le relevé de l'année 2007 contenait une information portant sur la modification du taux minimum garanti résultant d'une décision de l'assemblée générale des adhérents du 25 octobre 1999.

Néanmoins ce paragraphe ne reprenait pas l'intégralité des modifications adoptées et serait donc insuffisant à constituer l'information complète exigée de l'assureur.

Les mentions portées à ces relevés d'information annuelle étaient, de fait, de nature à permettre à Mme [P] d'appréhender la modification du taux de valorisation appliquée à son contrat, les taux mentionnés étant inférieurs au taux contractuel initial.

Pour autant, là encore, les MMA Vie sont défaillantes à faire la preuve de l'envoi et de la réception de ces documents par Mme [P], périodiquement.

La seule mention faite par M. [Z] [P] dans son courrier de réclamation du 13 décembre 2019 de la réception par sa mère de « situation de compte avec un décompte d'intérêts » ne peut caractériser la réception par Mme [P] des documents produits par les MMA Vie, les relevés évoqués par M. [P] pouvant être des documents au contenu différent.

Cette mention ne saurait en tout état de cause s'analyser comme un aveu judiciaire.

Ainsi, les MMA Vie sont défaillantes à faire la preuve que Mme [R] [P] aurait, de son vivant, pu avoir connaissance du manquement de l'assureur à son obligation d'information et du préjudice qui en résultait, et donc que le délai de prescription de son action aurait pu commencer à courir.

Au contraire, il doit être considéré que ce n'est que par le dénouement du contrat et le versement des fonds que le dommage s'est révélé aux héritiers, et que le délai de prescription a pu commencer à courir.

En conséquence, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au [Date décès 7] 2019, date du décès de Mme [R] [P].

Le courrier de réclamation des héritiers adressé à l'assureur étant daté du 13 décembre 2019, et l'assignation au fond ayant été délivrée le 31 octobre 2022, l'action des consorts [P] n'est pas prescrite.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, pas substitution de motifs.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir :

Les MMA Vie invoquent une seconde fin de non-recevoir arguant de ce que, l'action de Mme [P] étant prescrite, ses héritiers se trouveraient dépourvus de toute qualité à agir contre l'assureur pour non-respect des modalités de rémunération du contrat et manquement à l'obligation d'information.

Les consorts [P] concluent à la confirmation de l'ordonnance déférée et au rejet de cette seconde fin de non-recevoir, dès lors qu'il est démontré que l'action de Mme [P] ne pouvait être prescrite.

Dans la mesure où il est jugé que l'action dont disposait Mme [P] à l'encontre des MMA Vie, du fait du manquement à l'obligation d'information, n'était pas prescrite, ses héritiers, remplis de l'intégralité de ses droits et actions en application de l'article 724 du Code civil, justifient de leur qualité à agir contre les MMA Vie.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir sera également rejetée et l'ordonnance déférée confirmée.

Sur les frais et dépens :

L'équité justifie que les appelantes qui succombent à l'instance supportent in solidum les frais irrépétibles exposés par la partie adverse.

Une somme de 3 000 euros sera donc allouée à ce titre à M. [Z] [P], Mme [L] [P] épouse [F] et Mme [W] [P] épouse [T], unis d'intérêts.

Au surplus, la société d'assurances mutuelles MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie sont condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance rendue le 6 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Alençon,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société d'assurances mutuelles MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie à payer à M. [Z] [P], Mme [L] [P] épouse [F] et Mme [W] [P] épouse [T], unis d'intérêts, une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne in solidum la société d'assurances mutuelles MMA Vie Assurances Mutuelles et la SA MMA Vie aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER p/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

M. COLLET A. GAUCI SCOTTE

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