Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 12 mars 2025, n° 25/01299

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/01299

12 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 12 MARS 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/01299 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK6FB

Décision déférée : ordonnance rendue le 10 mars 2025, à 10h42, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [S] [I]

né le 14 juin 1991 à [Localité 2], de nationalité tunisienne

RETENU au centre de rétention : [Localité 1]

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DE L'ESSONNE

représenté par Me Rebecca Ill du cabinet Centaure, Avocat au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 10 mars 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l'exécution provisoire, rejetant les moyens d'irrecevabilité ou de nullité, déclarant la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclarant la procédure diligentée à l'encontre de M. [S] [I] régulière, ordonnant la prolongation du maintien de M. [S] [I] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt six jours à compter du 09 mars 2025 et rappelant que l'intéressé a l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L.744-11 al 1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 10 mars 2025, à 17h01, par M. [S] [I] ;

- Après avoir entendu les observations :

- de M. [S] [I], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de l'Essonne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [S] [I], né 14 juin 1991 à [Localité 2] (Tunisie), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 03 mars 2025, notifié le 05 mars 2025, sur le fondement d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 12 août 2024, notifié le 03 septembre 2024.

La mesure a été prolongée pour la première fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Evry-Courcouronnes le 10 mars 2025.

Monsieur [S] [I] a interjeté appel de cette décision et soulève les moyens suivants :

L'irrégularité de la procédure en raison d'un registre illisible rendant le contrôle du juge impossible

L'irrecevabilité de la requête de la préfecture pour défaut d'une pièce justificative utile faute de produire un registre lisible

La nullité d'ordre public de la procédure en l'absence d'avis au procureur de la République du placement en rétention.

Réponse de la cour :

Sur le caractère illisible du registre, le contrôle du juge et la recevabilité de la requête

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

L'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fixe pas la liste des pièces justificatives utiles, lesquelles dépendent à la fois des différentes mesures dont l'étranger a fait l'objet, et de la nature de la prolongation sollicitée par le préfet.

Au regard du moyen pris du défaut d'actualisation du registre, il n'est pas contesté que le registre doit être actualisé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352; 18 octobre 2023, pourvoi n° 22.18-742 ; 5 juin 2024, pourvoi n° 23-10.130 ; 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567, 4 septembre 2024, pourvoi n°23-12.550).

Aucune disposition législative ou réglementaire insérée au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne détermine les mentions devant figurer sur le registre du centre de rétention administrative, et notamment celles relatives aux instances suivies devant la juridiction administrative. En revanche, l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) prévoit en son article 2 que ' Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement.

L'annexe de l'arrêté précise, concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

Toutefois, cet arrêté a pour seul objet d'autoriser l'administration à mettre en place un traitement automatisé et à collecter des données à caractère personnel dans ce cadre, et ne saurait donc être considéré comme fixant de façon définitive et intangible la liste des informations devant être contenues dans tout registre, y compris non informatisé. Il s'agit, en réalité, des informations que l'administration est autorisée à collecter et non de celles devant, de façon obligatoire figurer au registre. Des informations ne figurant pas dans cette liste qui seraient collectées conduiraient à ce que l'administration soit en infraction au regard de la loi informatique et liberté, mais à l'inverse un registre ne comportant pas l'intégralité desdites informations ne saurait, ipso facto, être considéré comme incomplet.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration.

En l'espèce, il ressort de la lecture des pièces produites que la copie du registre communiquée au juge est totalement illisible, ne permettant ni de connaître l'heure d'arrivée au CRA, ni le jour, ni même la mesure d'éloignement servant de base au placement, de sorte qu'il doit être considéré qu'il n'est pas produit de registre actualisé et que la requête est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance

Statuant à nouveau,

DECLARONS la requête irrecevable

DISONS n'y avoir lieu au maintien en rétention administrative de M. [S] [I]

RAPPELONS à M. [S] [I] qu'il a l'obligation de quitter le territoire national

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 12 mars 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site