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CA Rouen, ch. civ. et com., 13 mars 2025, n° 24/02284

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/02284

13 mars 2025

N° RG 24/02284 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWGT

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 13 MARS 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2023RJ0076

Tribunal de commerce du Havre du 14 juin 2024

APPELANTE :

S.A.S. COMPAGNIE NOUVELLE DE LOGISTIQUE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Yannick ENAULT, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Audrey MOYSAN de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES, plaidant.

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. [H] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société COMPAGNIE NOUVELLE DE MANUTENTIONS ET DE TRANSPORTS,

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marion FAMERY de l'AARPI LHJ AVOCATS AARPI, avocat au barreau du HAVRE et assistée par Me Jean-benoît LHOMME de la SELARL SELARL LHJ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Essya ZARAA, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

Société COMPAGNIE NOUVELLE DEMANUTENTIONS ET DE TRANSPORTS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Marion FAMERY de l'AARPI LHJ AVOCATS AARPI, avocat au barreau du HAVRE et assistée par Me Jean-benoît LHOMME de la SELARL SELARL LHJ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Essya ZARAA, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme VANNIER, présidente de chambre, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 03 décembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2025.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 mars 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Compagnie Nouvelle de Logistique a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports une créance d'un montant de 225 766,77 € à titre privilégié, échu et définitif.

Me [H] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports a sollicité le rejet partiel de la créance à hauteur de 25 766,77 €.

Par courrier en date du 8 septembre 2023, le créancier a diminué le montant déclaré initialement pour être fixé à 200 000 €.

Le juge commissaire a convoqué les parties.

Par ordonnance en date du 14 juin 2024, le juge-commissaire près le tribunal de commerce du Havre a :

- admis la créance de la Compagnie Nouvelle de Logistique au passif de la liquidation judiciaire de la Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports pour la somme de 68,897,14 euros à titre privilégié, échu, définitif et pour la somme de 131.102,86 euros à titre chirographaire, échu, définitif,

- rejeté le surplus.

- ordonné la notification de la présente ordonnance au créancier et au débiteur par LRAR du Greffier et sa communication aux mandataires de justice,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La société Compagnie Nouvelle de Logistique a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 juin 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 août 2024, la société Compagnie Nouvelle De Logistique demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,

- réformer l'ordonnance rendue par le Juge-commissaire du tribunal de commerce du Havre le 14 juin 2024 en ce qu'il a limité la créance de la société CNL au passif de la liquidation judiciaire de la société CNMT pour la somme de 68.897,14 euros à titre privilégié, échu et définitif, et pour la somme de 131.102,86 euros à titre chirographaire, échu et définitif,

En conséquence :

- admettre au passif de la société Compagnie Nouvelle De Manutentions Et De Transports la créance privilégiée totale de 200.00,00 euros.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 29 août 2024, la société Compagnie Nouvelle De Manutentions Et De Transports et la Selarl [H] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 14 juin 2024 rendue par le juge commissaire du Tribunal de commerce du Havre,

En tout état de cause,

- débouter la société CNL de toutes ses demandes,

- admettre la somme de 68.897,14 euros à titre de créance privilégiée, échu et définitif,

- admettre la somme de 131.102,86 euros à titre chirographaire, échu et définitif,

- condamner la société CNL aux entiers dépens de la présente instance, y compris d'exécution,

- condamner la société CNL au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 26 novembre 2024.

Pour un exposé détaillé des demandes et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la demande principale

La compagnie Nouvelle de Logistique dénommée CNL expose qu'elle exerce une activité de transport et de logistique, qu'elle a acquis le 15 février 2023 un fonds de commerce Produits Secs situé zone industrielle des Alizés à [Localité 4] et que cette cession a entraîné le transfert des contrats de travail, que le contrat prévoyait pour les salariés transférés non concernés par les cotisations versées auprès de la CICPRP que le montant des congés payés produits secs serait versé par CNMT à CNL le jour de réalisation de la cession, que le paiement du prix de cession produits secs serait donc réduit à concurrence du montant des congés payés produits secs.

Elle ajoute que le 7 avril 2023, le tribunal de commerce du Havre a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société CNMT, qu'elle a reçu une mise en demeure d'avoir à payer le prix de cession, qu'elle a versé la somme de 200 000 € puis a régularisé une déclaration de créances à hauteur de 225 766,77 €, que le liquidateur a contesté ce montant au motif que la somme de 25 766,77 € avait été réglée au moment de la conclusion du contrat et qu'il n'était pas justifié du caractère privilégié de la créance, que sa créance a finalement été admise au passif pour un montant de 68 897,14 € à titre privilégié échu et définitif et pour la somme de 131 102, 86 € à titre chirographair , échu et définitif.

La CNL fait valoir qu'elle a procédé au rachat du fonds de commerce, et que les parties sont convenues le 31 mars 2023 d'un paiement par compensation puisque la somme de 200 000 € était due par la société CNL en paiement du prix de cession et que la société CNMT devait quant à elle la somme de 225 766,77 € correspondant au montant des congés payés produits secs mais que la procédure de liquidation judiciaire est intervenue une semaine après seulement l'acte réitératif du 31 mars 2023. Elle souligne que la somme de 200 000 € correspond aux congés payés acquis par les salariés avant le transfert de leur contrat de travail, qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, le nouvel employeur n'est pas tenu de s'acquitter des obligations qui incombent à l'ancien, que lorsqu'il n'y a pas eu de convention de transfert entre les deux employeurs successifs le nouvel employeur n'est pas tenu des dettes nées avant le transfert, que toutefois l'article L 1224-2 du code du travail prévoit un droit au remboursement de l'employeur qui s'acquitte au bénéfice des salariés dont le contrat a fait l'objet d'un transfert des dettes nées avant celui-ci, que le nouvel employeur bénéficie des privilèges attachés à la créance dont il s'est acquitté à la place de l'ancien employeur.

Elle fait valoir que selon les articles 2331 et 2377 du code civil, les indemnités dues pour les congés payés prévues aux articles L 3141-24 et suivants du code du travail sont des créances privilégiées sur la généralité des meubles et des immeubles, qu'il est incontestable que la créance de 200 000 € due par le CNL est une créance de congés payés puisqu'il s'agit d'indemnités de congés payés et d'indemnités compensatrices de congés payés correspondant aux droits acquis par les salariés avant le transfert de leur contrat de travail, qu'en conséquence, ainsi que l'a admis le mandataire liquidateur dans un courriel du 26 juin 2023, l'entière créance détenue par elle d'un montant de 200 000 € doit être enregistrée comme étant au rang de créance privilégiée et qu'il convient d'infirmer la décision.

La Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transport et la Selarl [H] [M] ès qualités de liquidateur de ladite société répliquent qu'en application de l'article L 3253-2 du code du travail, les salariés bénéficient d'une priorité de paiement pratiquement absolue sur l'ensemble des actifs mobiliers et immobiliers de l'employeur, que ces créances bénéficient du super privilège dans la limite d'un plafond mensuel égal à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale soit 7 332 € en 2023, mais que si en l'espèce, une déclaration de créance a été effectuée le 12 mai 2023 par la société CNL, cette déclaration ne fait état que des créances privilégiées et non des créances super privilégiées, qu'en réalité la CNL n'a réalisé aucune déclaration portant sur des créances super privilégiées et qu'il y a lieu de confirmer la décision et déclarer forclose toute créance super privilégiée en application des articles L 622-24 et L 622-26 du code de commerce.

Elle ajoute que le créancier a apporté la preuve de sa subrogation dans les droits de salariés et notamment du bénéfice du privilège général des salaires prévus aux articles 2331 et 2377 du code civil, que toutefois le caractère privilégié ne s'applique pas sur la totalité du montant de la créance, qu'en en application de ces articles, les créances privilégiées sont les salaires des six derniers mois de travail effectif et les accessoires des salaires des six derniers mois de sorte que seuls les six mois de congés payés provisionnés et transférés dans l'acte de cession, soit l'équivalent des six derniers mois de salaire peuvent bénéficier de ce privilège, qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a limité la créance de la société CNL au passif de la liquidation judiciaire de la société CNMT à la somme de 68 897,14 € à titre privilégié échu et définitif et pour la somme de 131 102,86 € à titre chirographaire, échu et définitif.

Seul le caractère privilégié d'une partie de la créance est désormais contesté.

*

* *

L'article 2331 du code civil dispose :

Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances privilégiées sur la généralité des meubles sont :

1° Les frais de justice, sous la condition qu'ils aient profité au créancier auquel le privilège est opposé ;

2° Les frais funéraires ;

3° Les rémunérations et indemnités suivantes :

- les rémunérations, pour les six derniers mois, des salariés et apprentis ;

- le salaire différé, pour l'année échue et pour l'année courante, institué par l'article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime ;

- les créances du conjoint survivant instituées par larticle 14 de la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social et l'article L.321-21-1 du code rural et de la pêche maritime

- l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.1243-8 du code du travail et l'indemnité de précarité d'emploi prévue à l'article L.1251-32 du même code ;
-l'indemnité due en raison de l'inobservation du préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail et l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code ;

- les indemnités dues pour les congés payés prévues aux articles L. 3141-24 et suivants du même code ;

- les indemnités de licenciement dues en application des conventions collectives de travail, des accords collectifs d'établissement, des règlements de travail, des usages, des dispositions des articles L. 1226-14, L. 1234-9, L. 7112-3 à L. 7112-5 du code du travail pour la totalité de la portion inférieure ou égale au plafond visé à l'article L.3253-2 du même code et pour le quart de la portion supérieure audit plafond ;

- les indemnités dues, le cas échéant, aux salariés, en application des articles L. 1226-15, L. 1226-20, L. 1226-21, L. 1235-2 à L. 1235-4, L. 1235-11, L. 1235-12, L. 1235-14 et L. 1243-4 du code du travail ;

4° Pendant la dernière année, les produits livrés par un producteur agricole dans le cadre d'un accord interprofessionnel à long terme homologué, ainsi que les sommes dues par tout contractant d'un exploitant agricole en application d'un contrat-type homologué.

L'article 2377 du code précité dispose :

Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances privilégiées sur la généralité des immeubles sont :

1° Les frais de justice, sous la condition qu'ils aient profité au créancier auquel le privilège est opposé ;

2° Les rémunérations et indemnités suivantes :

- les rémunérations, pour les six derniers mois, des salariés et apprentis ;

- le salaire différé, pour l'année échue et pour l'année courante, institué par l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime ;

- les créances du conjoint survivant instituées par l'article 14 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social et l'article L. 321-21-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail et l'indemnité de précarité d'emploi prévue à l'article L. 1251-32 du même code ;

- l'indemnité due en raison de l'inobservation du préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail et l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code ;

- les indemnités dues pour les congés payés prévues aux articles L. 3141-24 et suivants du même code ;

- les indemnités de licenciement dues en application des conventions collectives de travail, des accords collectifs d'établissement, des règlements de travail, des usages, des dispositions des articles L. 1226-14, L. 1234-9 et L. 7112-3 à L. 7112-5 du code du travail pour la totalité de la portion inférieure ou égale au plafond visé à l'article L. 3253-2 du même code et pour le quart de la portion supérieure audit plafond ;
-les indemnités dues, le cas échéant, aux salariés, en application des articles L. 1226-15, L. 1226-20, L. 1226-21, L. 1235-2 à L. 1235-4, L. 1235-11, L. 1235-12, L. 1235-14 et L. 1243-4 du code du travail.

La compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports et la Selarl [H] [M] déclarent dans leurs écritures que le créancier a apporté la preuve de sa subrogation dans les droits des salariés et notamment du privilège général des salaires prévus aux articles 2331 et 2377 du code civil.

Les articles susvisés mentionnent, concernant les rémunérations qui bénéficient d'un privilège, qu'il s'agit des rémunérations pour les six derniers mois des salariés et apprentis, en revanche ils ne précisent aucune durée s'agissant des indemnités dues pour les congés payés prévues aux articles L 3141-24 et suivants du code du travail, de sorte que la totalité de la somme qui correspond à une créance de congés payés et d'indemnités compensatrices de congés payés bénéficie du privilège édicté, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire que la créance de la société CNL au passif de la liquidation judiciaire de la société CNMT s'élève à 200 000 € à titre privilégié , échu et définitif.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles. Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Admet au passif de la société Compagnie Nouvelle de Manutentions et de Transports, la créance de la société Compagnie Nouvelle Logistique pour un montant de 200 000€ à titre privilégié échu et définitif.

Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses frais irrépétibles.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

La greffière, La présidente,

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