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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 13 mars 2025, n° 24/14245

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Simplici (SCI)

Défendeur :

Laline Corporation (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Guizard, Me Cohen, Me Boukris

TJ Bobigny, du 19 juill. 2024, n° 24/005…

19 juillet 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé du 11 juillet 2022, la société Simplici a consenti à la société Laline corporation un bail commercial portant sur un local situé à [Adresse 1] (93).

Le 14 décembre 2023, elle a fait signifier à la société preneuse un commandement, visant la clause résolutoire, d'avoir à payer la somme de 7 800 euros à titre d'arriéré de loyers et de charges.

Suivant acte du 12 février 2024, la bailleresse a assigné la société Laline corporation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de :

faire constater la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire à la suite du défaut de paiement des loyers et son occupation sans droit ni titre des locaux ;

obtenir l'expulsion de la société et de tous occupants de son chef hors des locaux loués, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à venir, si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, et l'enlèvement et la séquestration des meubles ;

la voir condamner à lui payer à titre provisionnel une somme de 10 400 euros représentant le montant des échéances impayées, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

la voir condamner à lui payer à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal au loyer contractuel, majoré de 10%, jusqu'à la libération effective des lieux ;

la voir condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire, de la levée de l'état d'inscriptions et de la dénonciation aux créanciers inscrits.

Par ordonnance contradictoire du 19 juillet 2024, le juge des référés a :

rejeté les demandes de la société Simplici ;

rejeté la demande d'annulation du contrat ;

condamné la société Simplici aux dépens ;

condamné la société Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision était exécutoire par provision.

Par déclaration du 29 juillet 2024, la société Simplici a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 décembre 2024, elle demande à la cour, de :

déclarer la cour valablement saisie par l'effet dévolutif de l'appel et débouter la société Laline corporation de sa demande ;

recevant la société Simplici en ses demandes, fins et conclusions ;

y faisant droit,

infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

rejeté les demandes de la société Simplici ;

condamné la société Simplici aux dépens ;

condamné la société Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial consenti à la société Laline corporation par l'effet du commandement de payer du 14 décembre 2023 à la date du 14 janvier 2024 ;

en conséquence,

ordonner l'expulsion de la société Laline corporation et tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 3], et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

autoriser la société Simplici à faire procéder à l'expulsion de la société Laline corporation et de tous occupants de son chef des lieux ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier le cas échéant ;

ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets immobiliers garnissant les lieux loués dans tel garde meuble au choix de la bailleresse et aux frais de la défenderesse ;

ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls du défendeur qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;

assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés ;

fixer, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation due par la société Laline corporation à compter du 14 janvier 2024 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux, au montant du loyer contractuel majoré de 10%, outre charges et taxes locatives ;

condamner, à titre provisionnel, la société Laline corporation au paiement de ladite indemnité ;

condamner, à titre provisionnel, la société Laline corporation à payer à la société Simplici la somme totale de 23 400 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente assignation ;

débouter la société Laline corporation de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

dire n'y avoir lieu à référés sur les demandes incidentes de la société Laline corporation ;

condamner la société Laline corporation à payer une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner, la société Laline corporation aux entiers dépens du présent référé y inclus le coût du commandement de payer du 14 décembre 2023, la levée d'état d'inscriptions et la dénonciation au créancier inscrit.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 décembre 2024, la société Laline corporation demande à la cour de :

à titre principal :

dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

condamner la société Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Simplici aux dépens ;

à titre subsidiaire,

déclarer mal fondé l'appel de la société Simplici à l'encontre de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny du 19 juillet 2024 RG 21/06013;

en conséquence, débouter la société Simplici de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

y ajoutant

condamner la société Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Simplici aux dépens ;

à titre très subsidiaire,

suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial conclu entre les parties le 11 juillet 2022 ;

fixer les conditions selon lesquelles la société Laline corporation pourra se libérer valablement du jeu de la clause résolutoire ;

accorder à la société Laline corporation un délai de paiement de sa dette sur une durée de 24 mois à compter du prononcé du présent arrêt ;

accorder à la société Laline corporation un délai de 12 mois à compter du prononcé du présent arrêt pour se maintenir dans les lieux loués ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur l'effet dévolutif de l'appel

L'article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, dispose que:

'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

Au cas présent, l'intimée fait valoir que l'appel de la société Simplici est dépourvu d'effet dévolutif faute de mentionner les chefs de la décision critiquée, l'acte d'appel énonçant les demandes devant le premier juge et visant toute disposition lui faisant grief.

Le dispositif de la décision querellée est rédigé comme suit :

'Rejetons les demandes de la société Simplici ;

Rejetons la demande d'annulation du contrat ;

Condamnons la société Simplici aux dépens ;

Condamnons la société Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.'

Or, la déclaration d'appel indique que l'infirmation de la décision est notamment poursuivie par l'appelant en ce qu'elle 'a rejeté ses demandes'.

Dès lors, la déclaration litigieuse qui mentionne le chef de l'ordonnance qu'elle entend voir infirmer à savoir le rejet de l'ensemble de ses demandes a valablement saisi la cour, peu important que cet acte rappelle également les demandes de première instance et qu'il comporte la mention surabondante 'de toute disposition non visée au dispositif lui faisant grief'.

Par conséquent, la demande tendant à voir juger la cour non saisie sera rejetée.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, 'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail commercial en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement et ce, sauf pour le preneur à démontrer l'existence d'une contestation sérieuse y faisant obstacle.

Une telle contestation survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Par ailleurs, l'article 1719 du code civil dispose que le bailleur est notamment obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée.

L'article 1728 du même code prévoit que le preneur est tenu d'une obligation de payer le prix du bail aux termes convenus.

En outre, l'article 1219 dispose que :

'Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave'.

Cependant, le locataire est tenu au paiement des loyers et charges aux termes prévus au bail, sans pouvoir invoquer l'exception d'inexécution pour y échapper, sauf à justifier que les locaux loués sont devenus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

Au cas présent, le contrat de bail commercial litigieux contient une clause résolutoire en son article 22.

Par acte de commissaire de justice du 14 décembre 2023, la société Simplici a fait signifier à la société Laline corporation un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme en principal de 7 800 euros à titre d'arriéré de loyers et de charges entre le 1er octobre et le 31 décembre 2023.

Cette somme n'a pas été réglée dans le délai d'un mois ouvert par la délivrance de l'acte.

Cependant, la société preneuse se prévaut d'une exception d'inexécution justifiant le défaut de paiement des loyers en raison notamment de manquements du bailleur à son obligation de délivrance conforme compte tenu d'un système d'extraction rendant les lieux impropres à leur destination contractuelle à savoir la restauration collective.

Pour conclure à l'infirmation de la décision, qui a retenu l'existence d'une contestation sérieuse de ce fait, le bailleur fait valoir que la preneuse ne démontre pas l'avoir alerté en amont des difficultés rencontrées, que les éléments produits au soutien de ses allégations n'émanent pas d'entreprises spécialisées et sont tous postérieurs au commandement de payer, qu'ils ne prouvent pas la non-conformité du système d'extraction et le fait que celle-ci l'ait empêchée d'exploiter les locaux. Il se prévaut en outre d'une clause contractuelle mettant à la charge du preneur les travaux de 'salubrité spécifique à son activité et même s'ils touchent le gros oeuvre'.

Cependant, alors que la société preneuse se prévaut d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance initiale et non d'entretien en cours de bail, l'invocation de cette clause est inopérante.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'activité commerciale de la société intimée a cessé au moins depuis juin 2023.

En outre, la société preneuse produit un échange de messages aux termes duquel elle indique au bailleur qui lui réclame le paiement du loyer 16 août 2023, 'le loyer est beaucoup trop élevé pour l'emplacement. A ce jour, nous t'avons payé pratiquement la somme de 90 000 euros et toujours respecté le paiement du loyer mais nous n'avons toujours rien gagné de notre côté car le local était impropre à la location.

Nous t'avons fait part plusieurs fois des problèmes rencontrés mais en vain', outre un message antérieur aux termes duquel elle interroge l'appelante sur la localisation du moteur d'extraction.

Enfin, l'intimée produit un constat de commissaire de justice ainsi que plusieurs devis et rapports qui émanent de sociétés, dont l'activité, telle qu'elle résulte des extraits Kbis produits par l'appelante, ne permet pas de mettre a priori en cause la compétence technique, qui confortent l'hypothèse d'un défaut du système d'extraction, étant souligné que la date de ces documents, qui sont effectivement tous postérieurs au commandement, ne permet pas de les priver de valeur probante.

Dès lors, comme l'a pertinemment retenu le premier juge, en soutenant que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance d'un local conforme, le preneur soulève une contestation sérieuse.

Il n'y a dès lors pas lieu à référé sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire ainsi que sur les demandes subséquentes.

Il convient dès lors de confirmer la décision de ces chefs.

Sur la condamnation au paiement d'une provision

En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de la compétence du tribunal, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Au cas présent, il résulte de ce qui précède que l'exception d'inexécution invoquée par la société preneuse constitue une contestation sérieuse de nature à faire obstacle à son obligation de paiement du loyer contractuel.

Il n'y a dès lors pas lieu à référé sur cette demande et la décision sera également confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de l'arrêt, la décision sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les dépens de l'appel seront mis à la charge de la société Simplici qui sera également condamnée à payer à la société Laline corporation la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande tendant à voir juger l'appel dépourvu d'effet dévolutif et la cour non saisie ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Condamne la société civile immobilière Simplici aux dépens ;

Condamne la société civile immobilière Simplici à payer à la société Laline corporation la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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