CA Paris, Pôle 6 - ch. 10, 13 mars 2025, n° 21/09377
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 13 MARS 2025
(n° , 19 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09377 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUV2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/1714
APPELANTES
SOCIÉTÉ FRANPRIX SUPPORT venant aux droits de la S.A.S.U. FRANPRIX LEADER PRICE DIRECTION ET SUPPORTS elle-même venant aux droits de la SNC LEADER PRICE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
S.A.S. VINDEMIA SERVICES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
INTIME
Monsieur [F] [G]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe RAVISY de la SELARL ASTAE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0318
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [F] [G] a été engagé par la société Enseigne Supermarché Casino, appartenant au groupe Casino, suivant contrat de travail à durée indéterminée en alternance en date du 1er septembre 1999, dans le cadre de la préparation de son BTS Action commerciale (obtenu en 2001).
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 7 septembre 2015, le salarié a été engagé par la SNC Enseigne Leader Price (aux droits de laquelle vient désormais la société Franprix Leader Price-Direction et supports), appartenant également au groupe Casino, suivant contrat de travail à durée indéterminée avec reprise de son ancienneté au 1er septembre 1999, en qualité de Directeur régional au statut cadre.
À compter du 1er septembre 2017, M. [G] a été mis à la disposition de la société Vindémia group, filiale du groupe Casino chargé de la grande distribution dans l'océan Indien, en qualité de Directeur opérationnel des supermarchés Score et ce, pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 31 août 2019, sous réserve de renouvellement de son détachement. Le salarié était basé sur l'île de la Réunion où il a déménagé avec sa famille.
Le 2 octobre 2017, le périmètre de responsabilité de M. [G] a été élargi à la Direction opérationnelle de l'enseigne Jumbo (hypermarchés), en sus de l'enseigne Score.
Le 2 juillet 2018, le salarié a été nommé Directeur d'exploitation Jumbo et Score. Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle fixe brute était fixée de manière forfaitaire à 7 500 euros, outre une rémunération variable proportionnelle aux objectifs atteints.
Le 30 avril 2019, le salarié s'est vu proposer la signature d'un contrat de travail à temps partiel avec la société Vindémia services, autre filiale du groupe Casino dans l'océan Indien, en qualité de Responsable service approvisionnement magasin, moyennant une rémunération brute forfaitaire de 1 725 euros.
Le Groupe Casino rencontrant des difficultés économiques l'obligeant à se recentrer en France sur l'activité de proximité, il a entrepris des démarches pour céder sa branche d'activité dans l'Océan indien.
Courant octobre 2018, M. [G] et d'autres managers du groupe ont été informés de l'existence d'un projet dénommé "Turquoise" visant à l'acquisition de l'intégralité du capital et des droits de vote de Vindémia group, par un fonds d'investissement non-concurrent ECP (Emerging Capital Partners). Cette opération de cession devait avoir pour cadre un LBO (Leverage Buy Out) avec la possibilité pour les managers clés de Casino sur la zone Océan indien de devenir associés de la holding devant acheter les titres de Vindémia group.
Finalement, le 21 juillet 2019, le groupe Casino a signé une promesse unilatérale d'achat de l'intégralité du capital de Vindémia group et de ses filiales avec le groupe Hayot (GBH), groupe concurrent.
Le 25 juillet 2019, M. [G] a été destinataire d'un courriel lui faisant suivre une note du groupe Casino destinée au management de Vindémia et de ses filiales comportant les lignes directrices relatives aux opérations de closing (finalisation de la cession à GBH).
Le 13 août 2019, le salarié a reçu un courriel lui demandant de signer une lettre d'engagement de confidentialité à en-tête du groupe Casino accompagnée d'une annexe "Note au Management de Vindémia et ses filiales" reprenant le contenu d'une note explicative du 25 juillet 2019 sur les opérations de closing.
Le 23 août 2019, M. [G] a reçu un courrier lui proposant le renouvellement de son détachement à la Réunion pour un an, dans la même fonction et aux mêmes conditions de rémunération. Le jour même, le salarié a répondu qu'il ne souhaitait pas signer cet avenant puisqu'il ne comportait pas de revalorisation de sa rémunération.
Le 29 août 2019, le salarié a signé l'engagement de confidentialité qui lui avait été adressé le 13 août et qu'il a renvoyé par mail le 30 août avec copie à la directrice des ressources humaines de Vindémia Group.
Le 30 août 2019, la société Vindémia services a mis fin à la période d'essai du salarié.
Le même jour, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 septembre suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 31 août 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail prolongé jusqu'au 31 décembre 2019.
Le 23 septembre 2019, le salarié s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :
"Dans le cadre de la décision stratégique du Groupe de céder ses activités dans l'Océan Indien, le choix s'est finalement porté sur le groupe Hayot (GBH), avec lequel a été signée, le 22 juillet 2019, une promesse unilatérale d'achat en vue de la cession de Vindémia. La réalisation de l'opération est soumise à l'accord préalable de l'Autorité de la Concurrence.
Dans ce contexte, compte tenu de vos fonctions et à l'instar des autres membres du Comité de Direction, nous devions pouvoir compter sur votre pleine et entière collaboration pour accompagner le processus, vos obligations de loyauté, de confidentialité et d'exemplarité s'en trouvant renforcées.
Les représentants de GBH ont exprimé le souhait de rencontrer les cadres clé et/ou membres du Comité de Direction de Vindémia, dans le but légitime de comprendre les organisations et le fonctionnement des différentes activités. Faisant, a fortiori, partie de ces cadres clé, il était donc programmé que vous les rencontriez la semaine du 9 septembre 2019.
Ces rencontres devaient, toutefois, être nécessairement organisées dans un cadre juridique précis et contraint, afin de sécuriser le contenu des informations échangées avec GBH, au regard de la réglementation relative aux opérations de concentration, mais également de protéger les intérêts du Groupe en reprécisant les contours de votre obligation de confidentialité.
C'est pourquoi, à l'instar des autres cadres concernés par ces entretiens, il vous a été demandé de signer un document déclaratif permettant de répondre aux exigences susvisées.
Alors que l'ensemble des cadres destinataires de ce document l'ont signé sans difficulté, vous ne vous êtes pas exécuté. Vous avez, en réalité, conditionné sa signature notamment par un engagement écrit du Groupe de vous verser une prime exceptionnelle au titre du projet de cession en cours.
A plusieurs reprises, vous avez été alerté sur le fait que cette posture n'était pas acceptable, dès lors qu'elle n'était pas, en soi, légitime et qu'elle empêchait tout échange avec les représentants de GBH, mettant ainsi en difficulté le bon déroulement de l'opération et les relations avec ce dernier.
Il aura, finalement, fallu que vous soyez convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour que vous vous résolviez à nous retourner le document signé, au demeurant de manière antidatée.
Le comportement que vous avez adopté n'est pas acceptable à plusieurs points de vue :
- En premier lieu, la signature du document de confidentialité n'était pas une option qui vous était offerte, mais une directive à laquelle vous deviez vous soumettre dans le respect de vos obligations ;
ne pas l'avoir fait révèle une insubordination manifeste ;
- En deuxième lieu, en conditionnant ladite signature par un engagement écrit du Groupe de vous verser une prime exceptionnelle, vous avez manqué à votre obligation de loyauté dès lors que cette posture a confiné, ni plus ni moins, à exercer un chantage ;
- En troisième lieu, pour des considérations d'ordre purement personnel, vous avez délibérément fait le choix de faire prendre au Groupe le risque de compromettre la qualité des échanges avec GBH, dans le contexte juridique ci-dessus rappelé.
Ainsi, vous avez non seulement fait le choix de ne pas respecter la directive qui vous avait été donnée de signer un document de confidentialité, mais également exercé, à l'encontre du Groupe, un chantage consistant à lui garantir le bon respect de votre obligation de confidentialité moyennant finance, sans compter le risque en résultant de compromettre la qualité des échanges avec GBH, le tout pour des considérations d'ordre purement personnel.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien préalable n'ont pas modifié notre appréciation de la gravité des faits qui vous sont reprochés. Bien au contraire, dans l'email que vous nous avez adressé le 19 septembre 2019, vous n'avez fait que confirmer la déloyauté dont vous avez fait preuve. Vous y indiquez, en effet, que c'est sciemment que vous avez fait le choix de ne pas régulariser le document de confidentialité, au prétexte d'une prétendue « parole donnée » au sujet d'une « prime de cession » qui n'aurait pas été respectée et d'une non moins énigmatique absence de réponse à des questions que vous vous seriez posé « concernant les conditions d'exécution de la relation de travail ».
Vous nous avez contraints, par vos agissements, à prendre la décision de procéder à votre licenciement".
Dans un courrier du 4 octobre 2019, M. [G] a fermement contesté les faits reprochés dans la lettre de licenciement et avoir commis des fautes. Il demandait, également, des précisions sur les motifs de son licenciement.
La société Enseigne Leader Price lui a répondu dans un courrier du 14 octobre 2019.
Par décision du 22 septembre 2020, la caisse générale de la sécurité sociale de la Réunion a reconnu l'origine professionnelle de la maladie du salarié, considérant qu'elle avait débuté le 31 août 2019.
Le 9 décembre 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil pour voir dire son licenciement nul, solliciter sa réintégration et demander un complément d'indemnité compensatrice de congés payés, un complément d'indemnité de non-concurrence, des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement vexatoire.
Le 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Créteil, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :
- à partir du 2 juillet 2018 jusqu'au terme de son contrat
- fixe la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 9 225 euros bruts
- condamne la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 17 250 euros de rappel sur le salaire de base mensuelle forfaitaire
* 1 725 euros pour les congés afférents
* 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018
- condamne solidairement la société Leader Price et la société Vindémia services à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros réparant le préjudice moral subi pendant l'exécution du contrat de travail
- condamne la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts à titre d'indemnité de préavis
* 3 996,90 euros bruts à titre de congés payés afférents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- fixe la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 13 323 euros bruts
* 173 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- déboute M. [G] de ses autres demandes
- déboute la société Enseigne Leader Price de ses demandes
- ordonne la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019
- ordonne l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile
- ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article R. 1454-28 du code du travail qui prévoit l'exécution provisoire de plein droit dans le paiement des rémunérations et indemnités énumérées par l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire maximum calculés sur la moyenne des trois derniers mois
- dit que les sommes au paiement desquelles la société Enseigne Leader Price sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement
- rappelle que l'intérêt légal avec anatocisme est applicable de droit, conformément aux articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil :
* à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaire
* à partir de la mise à disposition du jugement ce qui concernait dommages-intérêts
- condamne la société Enseigne Leader Price aux entiers dépens.
Par déclaration du 09 novembre 2021, les sociétés Franprix Leader Price-Direction et supports (venant aux droits d'Enseigne Leader Price) et Vindémia services ont relevé appel du jugement de première instance dont elles ont reçu notification à une date non déterminable.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 18 novembre 2024, aux termes desquelles les sociétés Franprix support (venant aux droits de Franprix Leader Price-Direction et supports qui venait aux droits d'Enseigne Leader Price) et Vindémia services demandent à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a :
"- à partir du 2 juillet 2018 jusqu'au terme de son contrat fixé la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 9 225 euros bruts
- condamné la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 17 250 euros de rappel sur le salaire de base mensuelle forfaitaire
* 1 725 euros pour les congés afférents
* 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018
- condamné solidairement la société Leader Price et la société Vindémia services à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros réparant le préjudice moral subi pendant l'exécution du contrat de travail
- condamné la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts à titre d'indemnité de préavis
* 3 996,90 euros bruts à titre de congés payés afférents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- fixé la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 13 323 euros bruts
* 173 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Enseigne Leader Price de ses demandes
- ordonné la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019"
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur [F] [G] de l'intégralité de ses demandes principales et incidentes, fins et conclusions
- confirmer pour le surplus la décision déférée de ses dispositions non contraires aux présentes
- condamner Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 1 000 euros au profit de la société Vindémia services et la somme de 5 000 euros au profit de la société Franprix Leader Price-Direction et supports (elle-même venant aux droits de la société Enseigne Leader Price) en application de l'article 700 du code du travail, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 30 septembre 2024, aux termes desquelles M. [G] demande à la cour d'appel de :
- infirmer partiellement le jugement
Statuant à nouveau,
I - Au titre de l'exécution du contrat de travail
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la SASU Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la SNC Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] la somme de 4 447,98 euros bruts à titre de complément de salaire sur l'indemnité
compensatrice de congés payés versée par Enseigne Leader Price
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la SNC Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] la somme de 5 175 euros bruts à titre de complément d'indemnités de non-
concurrence (pour la période du 24 septembre 2019 au 23 mars 2020) et la somme de 517,50 euros bruts au titre des congés payés afférents
- en tout état de cause, condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à remettre à Monsieur [G] les bulletins de salaire de février et mars 2020 correspondant aux paiements effectués par Enseigne Leader Price au titre des indemnités de non-concurrence et congés payés afférents aux mois de février et mars 2020
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à mentionner la classification 9+ sur les bulletins de salaire de Monsieur [G] d'octobre 2018 à mars 2019
- Sur la période du 1er octobre au 31 décembre 2017 :
* fixer le salaire de base mensuelle forfaitaire de Monsieur [G] à 7 500 euros bruts
* condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
' 3 000 euros bruts à titre de rappel sur le salaire de base mensuel forfaitaire
' 300 euros bruts au titre des congés payés incidents
' 1 000 euros bruts de rappel au titre de la prime de fin d'année 2017
- Sur la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019
* fixer le salaire de base mensuelle forfaitaire de Monsieur [G] à la somme de 9 225 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
' 17 250 euros bruts à titre de rappel sur le salaire de base mensuel forfaitaire
' 1 725 euros bruts au titre des congés payés incidents
' 1 725 euros bruts de rappel de salaire au titre de la prime de fin d'année 2018
- juger que les sociétés Franprix support, venant aux droits de Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait elle-même aux droits de la société Enseigne Leader Price, et de la société Vindémia services ont agi avec déloyauté dans l'exécution du contrat de travail
- condamner en conséquence la société Franprix support (venant aux droits de la société
Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) et la société Vindémia services à payer solidairement à Monsieur [G] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice professionnel et moral subi pendant l'exécution du contrat de travail à raison des comportements déloyaux des sociétés
II - Au titre de la rupture du contrat de travail,
A titre principal,
- juger que le licenciement est donc entaché de nullité
- fixer, après intégration des salaires versés par Vindémia Services, la rémunération mensuelle moyenne servant de base de calcul aux indemnités de rupture et à l'indemnité de licenciement illicite à la somme de 13 323 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
* 7 499,94 euros bruts au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire non payés
* 749,99 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13 ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 226 491 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite
* 29 500 euros bruts au titre de la prime de performance de l'année 2019
* 2 950 euros bruts au titre des congés payés afférents
A titre subsidiaire,
- juger, pour le cas où la nullité du licenciement ne serait pas prononcée, que le licenciement pour faute grave notifié par Enseigne Leader Price à Monsieur [G] le 23 septembre 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- fixer, après intégration des salaires versés par Vindémia Services, la rémunération mensuelle moyenne servant de base de calcul aux indemnités de rupture et à indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 323 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
* 7 499,94 euros bruts au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire non payés
* 749,99 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 173 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros bruts au titre de la prime de performance de l'année 2019
* 2 950 euros bruts au titre des congés payés afférents.
- constater le caractère brutal et vexatoire des circonstances entourant le licenciement de
Monsieur [G] du fait du comportement de la société Enseigne Leader Price
- constater également le comportement déloyal de la société Enseigne Leader Price postérieurement au licenciement
- constater les préjudices moral, de santé et financier subis par Monsieur [G] en conséquence
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à verser à Monsieur [G] une somme globale de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant les préjudices financiers, moral et de santé subi
III. Autres demandes
- assortir les créances à caractère salarial de l'intérêt au taux légal à compter de la réception par la société Enseigne Leader Price et par la société Vindémia services de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances à caractère indemnitaires de l'intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code de procédure civile
- ordonner à la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), de remettre à Monsieur [F] [G] des bulletins de salaire, un certificat de travail (mentionnant comme date de fin de contrat le 23 décembre 2019) et une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Enseigne Leader Price à payer à
Monsieur [F] [G] une somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports , qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et condamner la SAS Vindémia services à payer à Monsieur [G] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel
- condamner solidairement la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) et la SAS Vindémia services aux dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur la demande de rappels de salaires pour la période du 1er octobre 2017 au 30 avril 2019
1-1 Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017
M. [G] rappelle que, le 12 octobre 2017, il a été nommé Directeur opérationnel des hypermarchés Jumbo, à la place des supermarchés Score, ce qui a accru significativement son périmètre de responsabilité et son domaine d'intervention puisqu'il est passé de la gestion d'un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros à 400 millions d'euros et de la direction de 400 salariés à 1 000 salariés. Le salarié souligne que ce repositionnement ne pouvait s'accompagner que d'une revalorisation salariale or, il n'a perçu qu'une augmentation de 1 000 euros bruts fixée rétroactivement au 1er janvier 2018 alors qu'il pouvait y prétendre depuis octobre 2017.
M. [G] réclame donc un rappel sur le salaire de base forfaitaire mensuelle de 3 000 euros bruts pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017, outre 300 euros au titre des congés payés afférents et une prime de fin d'année de 1 000 euros bruts.
La société Franprix support relève que rien ne permet d'affirmer que la rémunération consentie à M. [G] n'était pas en adéquation avec la nature de ses missions et la classification professionnelle dont il relevait jusqu'en octobre 2018. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré qu'elle se serait engagée, d'une quelconque manière, à augmenter la rémunération du salarié à partir du moment où il a rejoint les équipes de Vindémia group au poste de Directeur opération Jumbo. Il n'est pas davantage établi que le salarié intimé lui aurait réclamé une revalorisation de son salaire à compter d'octobre 2017. Enfin, elle conclut que l'employeur n'a pas l'obligation de faire bénéficier le salarié d'une augmentation de salaire à l'occasion d'un changement de fonction.
La cour retient que le 12 octobre 2017, le salarié a accepté une augmentation de ses responsabilités sans qu'il soit justifié d'un quelconque engagement de l'employeur d'augmenter sa rémunération. En outre, si M. [G] produit un courriel de son supérieur hiérarchique du 31 mars 2018 adressé à la Direction Générale d'Enseigne Leader Price qui mentionne un "sujet en souffrance depuis janvier" 2018 , rien ne permet d'avancer qu'il escomptait et réclamait une augmentation de son salaire pour la période antérieure. Le salarié ayant consenti à une modification de son contrat de travail sans engagement de l'employeur sur une revalorisation de sa rémunération, cette dernière n'étant pas de droit, il n'est pas légitime à réclamer l'application rétroactive de l'augmentation discrétionnaire dont il a bénéficié à compter de janvier 2018. C'est donc à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de ces demandes de rappel de salaire et prime annuelle.
1-2 Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019
A compter du 2 juillet 2018, M. [G] explique qu'il a été désigné, dans une note d'organisation intitulée "Nouvelle organisation de la direction exploitation Vindémia distribution" en tant que Directeur d'exploitation Jumbo & Score. À partir de cette date, il a donc supervisé en sus du parc des hypermarchés Jumbo, le réseau de supermarchés Score ainsi que les services support, ce qui l'amenait à encadrer un effectif de plus de 1 500 personnes et à gérer un chiffre d'affaires global de plus de 800 millions d'euros. Cette évolution ne s'est accompagnée d'aucune revalorisation salariale y compris lorsqu'il a été classé au niveau 9 +, le 1er octobre 2018.
Ce n'est qu'à partir du 1er mai 2019 qu'il a perçu une augmentation de 15%, sans caractère rétroactif, alors que son contrat de travail n'avait connu aucune modification dans ses fonctions et missions en mai 2019.
En outre, pour éviter de faire supporter à Enseigne Leader Price le coût de cette revalorisation salariale de 15 % correspondant au changement de responsabilité du salarié, l'intimé explique que l'employeur a imaginé un stratagème consistant à ajouter à son contrat de travail indéterminé un nouveau contrat à durée indéterminée à temps partiel avec la société Vindémia services, de telle sorte que c'est cette structure qui a supporté l'augmentation de 1 725 euros de la rémunération fixe mensuelle de l'intimé qui a été portée à 9 225 euros .
Considérant que l'augmentation salariale de 15 % dont il a bénéficié à compter du 1er mai 2019 aurait dû rétroagir au 2 juillet 2018 et lui être versée par Enseigne Leader Price, M. [G] revendique un rappel de salaire sur la base de 9 225 euros mensuels dès le 2 juillet 2018, soit une somme totale de 17 250 euros, outre 1 725 euros au titre des congés payés afférents et 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018.
Le salarié demande, également, que la classification 9+ soit mentionnée sur ses bulletins de salaire à compter d'octobre 2018.
La société Franprix support applique le même raisonnement que pour le point précédent à savoir qu'il n'est démontré en aucune manière qu'elle se serait engagée à augmenter la rémunération du salarié à compter de l'extension de ses responsabilités en juillet 2018, ou même à compter de son changement d'échelon en octobre 2018, M. [G] ayant librement consenti à la modification de son contrat de travail sans contrepartie financière. L'employeur conteste, par ailleurs, l'existence de tout stratagème visant à "splitter" la rémunération du salarié en faisant supporter par Vindemia services une augmentation supposée de son salaire fixe mensuel. Il précise, aussi, que M. [G] a perçu diverses primes d'Enseigne Leader Price, dont une prime de "développement" de 29 500 euros en avril 2019, mais au titre de l'exercice 2018, pour récompenser son engagement dans de nouvelles responsabilités.
La cour constate que M. [G] ne conteste pas avoir consenti à un nouvel accroissement de ses tâches et responsabilités en juillet 2018 sans qu'il justifie avoir réclamé ou obtenu un engagement de l'employeur d'augmenter sa rémunération fixe mensuelle en contrepartie. La société Enseigne Leader Price était donc libre de revaloriser la rémunération du salarié de manière discrétionnaire et elle n'était pas tenue de le faire à l'occasion de son élévation de classification en octobre 2018 alors que le salarié dépassait déjà le minimum conventionnel prévu pour ce niveau. Il ressort, par ailleurs, que le salarié a bénéficié d'une prime exceptionnelle au titre de l'exercice 2018 pour gratifier le "développement" de son activité. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'une augmentation était due à M. [G] dès le mois de juillet 2018 et il sera débouté de ses demandes de rappels de salaires, congés payés afférents, prime annuelle et mention sur ses bulletins de salaire à compter d'octobre 2018 de sa classification 9 +. Le jugement sera infirmé de ce chef.
2/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [G] fait valoir que le contrat de travail à temps partiel signé avec la société Vindémia services le 30 avril 2019, à effet au 1er mai, présentait un caractère purement fictif et qu'il avait pour seule finalité de faire supporter par cette entité l'augmentation de salaire due par la société Enseigne Leader Price au titre de l'accroissement de ses missions et de ses responsabilités. Il en donne pour preuve le fait que le poste de Responsable service des approvisionnements magasins était déjà pourvu par Mme [K] [T], ainsi qu'en atteste l'organigramme de Vindémia distribution (pièce 5) et l'attestation de la salariée concernée (pièce 50). En outre, eu égard aux responsabilités qu'il assumait dans le cadre de son contrat à temps plein signé auprès d'Enseigne Leader Price, M. [G] observe qu'il aurait été dans l'incapacité d'assumer un nouveau contrat de travail même si légalement un cumul était possible.
L'intimé relève aussi, que le contrat à temps partiel qu'il a signé ne comportait pas l'ensemble des mentions conventionnelles et légales requises pour sa validité, comme la durée mensuelle ou hebdomadaire de travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et les limites dans lesquelles les heures complémentaires pouvaient être accomplies. L'absence de ces mentions obligatoires, dans une société comportant une direction des ressources humaines et intégrée dans un groupe de dimension internationale avec une direction juridique suffit à établir, pour le salarié, le caractère fictif de ce contrat, de même que le fait qu'il stipulait que M. [G] était cadre dirigeant alors qu'il ne devait assumer qu'une mission de Responsable des approvisionnements à temps partiel. Il est, encore, souligné d'autres incohérences puisque les bulletins de salaire établis par Vindémia services comportaient la mention d'un forfait annuel de 215 jours parfaitement incompatible avec un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et qu'il était prévu une période d'essai renouvelable alors que
M. [G] exerçait depuis 20 ans des fonctions de Direction dans le groupe Casino.
Le salarié précise que le paiement par Vindémia services de l'augmentation salariale qui lui était due par Enseigne Leader Price a eu pour conséquence de réduire la base de calcul de l'indemnité de non-concurrence et le montant de ses allocations de retour à l'emploi.
M. [G] se plaint, aussi, d'un non-respect par l'employeur des dispositions de la politique de mobilité internationale "Mission à la Réunion" du groupe Casino puisque, au moins six mois avant le terme de sa mission, il aurait dû être envisagé une prolongation de sa mission ou un transfert du salarié en métropole ou dans un autre pays (pièce 24 g). Or, ce n'est qu'en juillet 2019 qu'il a pu discuter pour la première fois de sa situation avec le Directeur des ressources humaines du groupe Casino et c'est seulement huit jours avant la fin de son détachement qu'il a reçu un avenant de renouvellement ne comportant pas la revalorisation salariale qui lui avait été promise (pièces 37, 38 et 38 bis).
En conséquence, M. [G] réclame la condamnation solidaire des sociétés Franprix support et Vindémia services à lui payer 2 000 euros au titre du préjudice moral et professionnel subi.
Il revendique, aussi, un complément d'indemnité de non-concurrence de 5 175 euros, outre 517,50 euros au titre des congés payés afférents et la délivrance par la société Franprix support de ses bulletins de salaire de février et mars 2020 mentionnant la prime de non-concurrence et les congés payés afférents.
Les sociétés appelantes rappellent que rien n'obligeait la société Enseigne Leader Price à revaloriser le salaire "fixe" de M. [G] à la suite de sa nomination en qualité de Directeur d'exploitation Jumbo et Score et qu'elles n'avaient, donc, nul besoin de dissimuler une augmentation de rémunération par la conclusion d'un second contrat de travail. Elles ajoutent que l'organigramme versé aux débats par le salarié ne corrobore nullement ses allégations selon lesquelles Mme [T] aurait occupé le poste de "Responsable service des approvisionnements magasins" au sein de la société Vindémia services.
Les sociétés appelantes constatent que M. [G] est mal fondé de se prévaloir de son temps plein auprès d' Enseigne Leader Price pour constater une impossibilité de cumul de contrats de travail dès lors qu'il avait un statut de cadre dirigeant exclusif de toute notion de temps de travail. Elles considèrent que les deux fonctions confiées au salarié étaient bien distinctes, que les anomalies de forme du contrat ne suffisent pas à caractériser son caractère fictif et que le salarié ne justifie aucunement de son préjudice.
S'agissant du non-respect par Enseigne Leader Price des conditions de renouvellement du contrat de mise à disposition, la société Franprix support fait valoir que M. [G] "ne peut pas aujourd'hui feindre d'ignorer que sa mission aurait été reconduite à l'aune des projets de cession successifs auxquels il a été associé". Les sociétés appelantes soulignent, d'ailleurs, que c'est parce que le salarié avait la certitude de son renouvellement qu'il s'est permis de formuler de nouvelles prétentions salariales, en l'espèce une augmentation de son salaire fixe et une revalorisation de sa prime COLA (indemnité d'expatriation) avant la transmission de l'avenant de renouvellement.
Mais, la cour constate qu'il ressort clairement de l'attestation de Mme [T] et de l'organigramme produit que l'emploi confié à M. [G] dans le cadre du contrat à temps partiel signé le 30 avril 2019, était déjà occupé par une autre salariée. En outre, il n'est aucunement explicité pour quelle raison il aurait été demandé à M. [G], qui exerçait à l'époque des fonctions de Directeur d'exploitation Jumbo et Score, chargé de la gestion de 1 500 personnes et d'un chiffre d'affaires de 800 millions, d'assumer en sus et pour une autre société du groupe, des fonctions de "Responsable service des approvisionnements magasins" sans aucun lien avec son niveau de compétence et de responsabilités. Enfin, comme le relève le salarié, les nombreuses irrégularités contenues dans son contrat de travail à temps partiel le rendant inopérant, de même que les mentions contradictoires figurant sur les bulletins de salaire délivrés par Vindémia services, établissent le caractère purement fictif de ce contrat de travail. A défaut de toute autre justification, il convient de considérer que ce montage avait pour seul objet de répartir sur une deuxième société du groupe la revalorisation de rémunération que l'employeur estimait due au salarié et que ce dernier réclamait. Il est établi que cette man'uvre déloyale a préjudicié au salarié puisqu'elle a réduit l'assiette de calcul de son indemnité de non-concurrence, et celle de son allocation de retour à l'emploi.
Il est, également, justifié que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de la politique de mobilité internationale "Mission à la Réunion", en n'évoquant pas avec le salarié, au moins six mois à l'avance, les conditions de renouvellement de sa mission. La société Franprix support ne peut se retrancher derrière l'argument selon lequel M. [G] était assuré de son renouvellement alors que la cession de Vindémia group et de ses filiales à un groupe concurrent de Casino faisait peser un risque sur l'emploi du salarié.
Ces manquements d'Enseigne Leader Price (devenue Franprix support) caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail et elle sera donc condamnée à payer à M. [G] une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel subi. En revanche, eu égard au caractère fictif, invoqué par le salarié lui-même et à l'absence de relation de travail avec la société Vindémia services, celle-ci sera mise hors de cause.
Il sera, par ailleurs, fait droit aux demandes de l'intimé de rappel de complément d'indemnité de non-concurrence à hauteur de 5 175 euros, outre 517,50 euros au titre des congés payés afférents dès lors que l'indemnité de non-concurrence n'a pas été calculée sur l'intégralité de la rémunération perçue par le salarié au travers des deux sociétés. Il sera, également, ordonné à la société Franprix support de délivrer les bulletins de salaire de février et mars 2020 mentionnant la prime de non-concurrence et les congés payés afférents.
3/ Sur le licenciement pour faute grave
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d'avoir fait preuve d'insubordination en refusant de signer un engagement de confidentialité alors que celui-ci était déterminant dans le cadre du processus de cession de Vindémia group et d'avoir exercé un chantage auprès de l'employeur en conditionnant sa signature à l'assurance du versement d'une prime exceptionnelle, ce qui caractérise un comportement déloyal. Les sociétés appelantes rappellent que l'opération de cession de Vindémia group au groupe Hayot (GBH) était particulièrement délicate puisque soumise à un accord de l'Autorité de la Concurrence. Dans le cadre de ce processus, les représentant du groupe GBH ont demandé à rencontrer les cadres clés de Vindémia, dont M. [G]. Ces échanges devant intervenir dans le strict respect du droit de la concurrence, le salarié s'est vu remettre, comme les autres cadres concernés par ces entretiens, le 22 juillet 2019, une note indiquant les lignes directrices relatives aux précautions à prendre en vue des opérations de "closing" (pièce 10) puis, le 13 août 2019, un "engagement de confidentialité" précisant les contours de la communication à observer avec le groupe GBH, qu'il lui appartenait de régulariser dans les meilleurs délais (pièce 12). Alors que l'ensemble des cadres destinataires de ce document l'ont signé sans difficulté (pièce 13), M. [G] ne s'est pas exécuté alors même qu'un rendez-vous avec les représentants du groupe GBH était programmé dans la semaine du 9 septembre.
Les sociétés appelantes soutiennent que, dans ses écritures de première instance, le salarié a reconnu qu'il avait sciemment fait le choix de ne pas signer l'engagement de confidentialité dans les délais urgents qui lui étaient impartis dans l'attente d'une réponse à ses interrogations sur la possibilité de se voir verser une prime exceptionnelle de cession. Le salarié avait, d'ailleurs, précédemment indiqué dans un courriel du 19 septembre 2019 adressé au Directeur des Ressources Humaines (pièce 17), qu'il ne comprenait pas le motif de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors qu'il n'avait fait que demander "à ce que les engagements qui avaient été pris à égard soient respectés ou confirmés par écrit". Ce n'est d'ailleurs qu'après avoir reçu cette convocation à entretien préalable que le salarié a consenti à retourner l'engagement de confidentialité qu'il avait signé, uniquement parce qu'il pensait qu'il allait recevoir un avenant entérinant le renouvellement de sa mise à disposition aux conditions financières qu'il espérait, comme il le reconnaît dans ses écritures.
Le salarié considère, pour sa part, que le licenciement doit être jugé nul pour avoir porté atteinte à sa liberté d'expression. Il estime, en effet, qu'il a été licencié pour avoir posé des questions sur les conditions d'exécution de la relation de travail et avoir signalé ses inquiétudes sur son avenir professionnel après l'annonce de la cession de Vindémia group à un concurrent, ainsi que pour avoir interrogé son employeur sur le paiement d'une possible prime de cession. Il relève que l'employeur occulte délibérément le contexte entourant les faits et, notamment, toutes les discussions autour de l'octroi aux managers qui souhaitaient participer au LBO d'une prime de cession avant qu'un nouveau repreneur ne soit envisagé. M. [G] ajoute qu'à la date où l'engagement de confidentialité lui a été adressé, il était dans une situation de grande incertitude sur le renouvellement de sa mise à disposition auprès de Vindémia puisque l'avenant ne lui a été transmis que le 23 août et sans modification des conditions financières alors qu'il lui avait été promis une revalorisation de sa rémunération. L'intimé réfute avoir refusé de signer l'engagement de confidentialité et avance qu'il n'est démontré par aucune pièce qu'il aurait exercé un chantage auprès de l'employeur en conditionnant sa signature à l'octroi d'une prime ou d'une revalorisation de son salaire.
M. [G] fait, également, valoir qu'outre le stratagème mis en 'uvre par l'employeur pour répartir le paiement de son salaire sur deux sociétés du groupe, son licenciement brutal, la veille de la fin de sa mise à disposition au bénéfice de Vindémia group, est frauduleux. En effet, il ne fait nul doute pour le salarié que la cession de Vindémia group à un groupe concurrent qui disposait de ses propres cadres dirigeants aurait entraîné la suppression de son emploi, ce qui explique les inquiétudes qu'il a exprimées auprès de sa hiérarchie. Son licenciement pour un motif fallacieux a donc permis à la société Enseigne Leader Price de s'affranchir de son obligation contractuelle de rechercher un poste compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions dans le cadre d'une réintégration effective au sein de la société en métropole ou dans une autre société du groupe. Son licenciement pour faute grave a, en outre, permis à la société lourdement endettée d'économiser des indemnités de rupture qui auraient été particulièrement élevées en raison de son ancienneté. Un autre cadre de Casino services expatrié à l'Île Maurice a d'ailleurs été licencié pour faute grave le 24 septembre 2019, dans les mêmes conditions.
En cet état, la cour retient qu'il ne saurait être considéré que le licenciement est intervenu en violation de la liberté d'expression du salarié dès lors qu'il ne lui est pas fait grief dans la lettre de licenciement des propos qu'il aurait tenus ou des questions qu'il aurait posées sur le renouvellement de sa mise à disposition mais d'avoir refusé de signer un engagement de confidentialité et d'avoir conditionné sa signature à la garantie de l'octroi d'une prime. Ce sont donc de supposés agissements du salarié qui ont été sanctionnés à savoir une insubordination et un chantage mais pas l'expression de ses interrogations sur la poursuite de son contrat de travail. Il n'est pas davantage démontré par le salarié que le licenciement serait intervenu en fraude à ses droits et dans le dessein d'éviter à la société Enseigne Leader Price une réintégration dans une autre société du groupe ou un licenciement coûteux.
S'agissant des faits imputés au salarié et, contrairement à ce qu'avance l'employeur, aucune pièce ne permet d'affirmer que M. [G] aurait refusé de signer l'engagement de confidentialité ou qu'il aurait conditionné sa signature à une assurance de l'employeur sur le versement d'une prime. D'ailleurs, les sociétés appelantes sont contraintes de se livrer à une exégèse des écritures de l'intimé pour essayer d'en tirer la démonstration que telle aurait été son intention.
La cour constate, pour sa part, que l'engagement de confidentialité a été adressé au salarié le 13 août 2019 et que ce dernier l'a retourné signé le 30 août 2019, sans avoir obtenu d'accord de l'employeur pour le versement d'une prime ou une revalorisation de son salaire et avant la rencontre qui devait intervenir avec le groupe GBH. En outre et ainsi que le relève le salarié, aucune mention ne précisait l'urgence de retourner l'engagement de confidentialité signé dans le courriel adressé au salarié, ni même de date limite pour son retour. Les sociétés appelantes ne justifient pas davantage d'une quelconque relance alors qu'elles avancent que ce retard de signature mettait en péril le projet de cession avec le groupe GBH.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [G] qui, à la date du licenciement comptait 20 ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 15,5 mois de salaire.
Au regard de son âge au moment de son licenciement, 40 ans, de son ancienneté de plus de 20 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération cumulée qui lui était versée (13 323 euros), du fait qu'il n'a pas été en mesure de retrouver un emploi durant l'année qui a suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 173 000 euros, justement évaluée par les premiers juges.
Le jugement entrepris sera, également, confirmé en ce qu'il a condamné la société Leader Price à payer à M. [G] les sommes suivantes :
- 7 499,94 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
- 749,99 euros au titre des congés payés afférents
- 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
- 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
- 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
4/ Sur la prime de performance 2019
M. [G] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir réglé sa prime sur objectifs au titre de l'année 2019 au motif qu'il avait quitté les effectifs de la société avant le versement de la rémunération variable devant intervenir en avril 2020, pour l'année N-1. Il réclame, en conséquence, une somme de 29 500 euros équivalente à celle perçue au titre de l'année 2018, outre 2 950 euros au titre des congés payés afférents.
Les sociétés appelantes objectent que M. [G] n'ayant pas travaillé l'intégralité de l'année 2019 et ayant quitté les effectifs à la date de versement de la prime de performance, il n'était pas en droit d'y prétendre conformément aux stipulations contractuelles.
La cour rappelle que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement. L'employeur qui a licencié le salarié sans cause réelle et sérieuse est tenu de lui servir sa prime sur objectifs et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de prime et congés payés afférents formée par le salarié.
5 / Sur le complément au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
Le salarié fait valoir qu'alors que son solde de congés acquis était de 10 jours sur le bulletin de paie du mois de juin 2019, il n'a été réglé que pour 8 jours de congés sans avoir posé les deux jours de congés qui lui ont été décomptés par l'employeur. Il réclame, donc, une somme de 1 052,98 euros au titre des deux jours de congés payés impayés.
M. [G] observe, également, qu'il a perçu, lors de la rupture de son contrat de travail une indemnité compensatrice de congés payés de 12 399,66 euros bruts correspondant à 30 jours alors qu'elle aurait dû être de 15 794,70 euros, en application de la règle de calcul du 1/10ème, plus favorable. Il est, notamment, constaté que l'employeur, a, à tort refusé de prendre en compte la prime de développement de 29 500 euros versée le 25 avril 2019, la prime de fin d'année versée le 25 novembre 2018 et la prime de fin d'année versée le 25 septembre 2019.
Les sociétés appelantes soutiennent que la détermination de la prime de développement de M. [G] n'a pas été effectuée uniquement en fonction du travail qu'il a réalisé mais, également, en fonction des résultats du groupe Casino et qu'elle n'avait donc pas à être prise en compte dans l'assiette de congés payés. Elle ajoute qu'il en est de même pour la gratification de fin d'année, qui constituait une prime de 13ème mois allouée globalement pour l'année en application de l'accord d'entreprise.
La cour retient que les sociétés appelantes ayant expliqué dans leurs écritures relatives à l'absence de revalorisation du salaire fixe de l'intimé que la prime de développement était intervenue pour gratifier le salarié pour les responsabilités supplémentaires qu'il avait accepté d'assumer, elle était bien liée à l'activité personnelle du salarié pendant les mois travaillés et devait être incluse dans l'assiette de congés payés.
S'agissant de la prime de fin d'année, l'article 6 de l'avenant de mise à disposition du 8 août 2017 stipulant que "M. [G] continuera à être rémunéré par Enseigne Leader Price aux conditions habituelles. La rémunération annuelle brute de M. [G] est fixée à 84 500 euros pour 13 mois", il convient de considérer que la rémunération contractuelle de l'intimé était calculée sur 13 mois et que la prime de fin d'année versée en décembre correspondait à un mois de salaire ouvrant droit à congés payés.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes et il lui sera alloué une somme totale de 4 447,98 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés.
6/ Sur les circonstances vexatoires entourant et suivant le licenciement
Le salarié expose que les circonstances de son licenciement, accompagné d'une mise à pied à titre conservatoire l'écartant des locaux de la société, ont été très brutales et vexatoires après deux années où il avait entièrement donné satisfaction. Son éviction a, d'ailleurs, été parfaitement incompréhensible pour son équipe à laquelle il a été annoncé, après 15 jours d'absence, que son départ était volontaire.
En outre, M. [G] se plaint d'avoir subi des pressions de l'employeur pour qu'il restitue son véhicule de fonction, ce qu'il a fait le 14 octobre 2019, alors que le Directeur des ressources humaines de Vindémia l'avait assuré qu'au regard de sa situation personnelle et familiale, il pourrait le conserver jusqu'au 10 novembre.
De la même façon, il lui a été enjoint, par un courrier recommandé du 15 novembre 2019, de quitter, sous huit jours, le logement mis à sa disposition par Vindémia group au motif qu'il serait occupant sans droit ni titre depuis sa mise à pied conservatoire et a fortiori son licenciement. Or, le salarié rapporte, qu'étant colocataire de ce logement avec Vindémia group, il avait reçu la garantie par le Directeur du développement RH (pièce 24a) qu'il pourrait l'occuper jusqu'au 29 décembre 2019, terme des trois mois après la résiliation du bail. L'intimé ajoute, qu'à la date d'envoi de la mise en demeure de quitter son logement, la Réunion se trouvait en alerte cyclonique et qu'aucune expulsion ne pouvait être réalisée. Cette situation a, néanmoins, été particulièrement stressante alors que M. [G] était déjà malade en raison de son licenciement. Par ailleurs, aucune urgence ne justifiait ces pressions de l'employeur puisque le salarié a conclu, à titre personnel, un nouveau bail avec le propriétaire des lieux au terme du précédent.
Alors que M. [G] avait sollicité le bénéfice du maintien de la prévoyance et qu'il avait demandé à l'employeur de lui adresser la notice détaillée de l'assureur, il reproche aux appelantes de ne lui avoir adressé aucune réponse et d'avoir ainsi manqué à leurs obligations. En raison de cette carence, il n'a pas été en mesure de faire jouer son droit à la portabilité de la prévoyance et n'a bénéficié, durant sa période d'arrêt maladie, que des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale sans le complément salaire dû au titre de la prévoyance, alors même que sa maladie a été reconnue comme une maladie professionnelle. Il a, ainsi, subi un préjudice qu'il évalue à 10 822 euros.
Le salarié signale, également, que l'employeur a conditionné la prise en charge du billet d'avion de son épouse et de ses deux enfants vers la métropole à la validation préalable de son déménagement, alors que sa mise à disposition avait pris fin et que son contrat de travail se trouvait rompu.
Tandis qu'une partie de son mobilier se trouvait placé en garde-meubles payé par l'employeur à la suite de son déménagement de la métropole vers l'île de la Réunion, il n'a pas réussi à obtenir des informations sur la localisation de ce garde-meubles et les modalités de récupération de ses biens. Ce n'est qu'en mars 2020 qu'il lui a été indiqué que le garde-meubles n'était plus payé depuis le mois de janvier.
Le salarié souligne que l'ensemble de ces agissements ont eu un retentissement sur son état de santé puisqu'il s'est vu prescrire des anxiolytiques par son médecin traitant qui l'a placé en arrêt de travail le 31 août. Cet arrêt a été prolongé en raison d'un syndrome anxio-dépressif post-traumatique qui l'a obligé à consulter un médecin et qui a entraîné la reconnaissance ultérieure d'une maladie professionnelle. En conséquence, M. [G] réclame une somme de 37 000 euros en réparation du préjudice subi.
Mais, ainsi que le relève l'employeur, dès lors qu'il mettait en 'uvre une procédure de licenciement pour faute grave, il pouvait légitimement recourir à une mise à pied conservatoire du salarié sans que cette mesure puisse, en elle-même, être qualifiée de vexatoire. Il ne peut être fait grief à la société d'avoir eu la délicatesse de cacher aux collaborateurs de M. [G] la véritable raison de son absence de l'entreprise jusqu'à son licenciement. Il n'y a rien d'abusif d'exiger du salarié qu'il restitue son véhicule de fonction alors que le contrat de travail a été rompu et il est acquis que M. [G] a pu disposer dudit véhicule jusqu'à 15 jours après son licenciement.
Il ressort des échanges de courriers entre l'intimé et l'employeur que ce dernier, loin d'exercer des pressions sur M. [G] pour qu'il quitte son logement avant le 31 décembre 2019, lui a simplement écrit pour savoir dans quelles conditions il pouvait faire réaliser des devis par deux sociétés pour l'organisation de son déménagement (pièces 14, 24a et c du salarié).
Alors qu'après deux mois de tergiversations avec les sociétés de déménagement, M. [G] ne savait toujours pas s'il allait rentrer en métropole, l'intimé ne peut donc valablement reprocher aux sociétés appelantes de ne pas avoir financé les billets d'avion vers la France de sa famille alors qu'aucun retour définitif n'était programmé.
Il ressort des pièces produites que la société Franprix support a continué à payer les frais de garde-meubles du salarié durant trois mois après la rupture du contrat de travail et que ce dernier n'a eu à financer aucun frais à ce titre, grâce à un accord qu'il a conclu avec le garde-meubles. Aucun grief ne peut donc être tiré de cet argument.
Enfin, ainsi que l'observe la société Franprix support, alors que le salarié lui fait reproche de ne pas lui avoir communiqué la notice d'information sur la prévoyance, M. [G] ne justifie d'aucune décision de rejet de son dossier et il n'explicite pas le préjudice dont il demande réparation.
Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre des circonstances vexatoires entourant son licenciement.
7/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation.
Le complément d'indemnité de non-concurrence portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Les conditions d'application de l'article L. 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.
La société Franprix support sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Enseigne Leader Price à payer à M. [G] :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 173 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [G] de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et prime de fin d'année pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017 et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
- condamné la société Enseigne Leader Price (devenue Franprix support ) à payer à M. [G] une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail
- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- débouté les sociétés Enseigne Leader Price et Vindémia services de leurs demandes reconventionnelles
- ordonné la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019
- ordonné l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article R. 1454-28 du code du travail qui prévoit l'exécution provisoire de plein droit dans le paiement des rémunérations et indemnités énumérées par l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire maximum calculés sur la moyenne des trois derniers mois
- dit que les sommes au paiement desquelles la société Enseigne Leader Price sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement
- rappelé que l'intérêt légal avec anatocisme est applicable de droit, conformément aux articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil :
* à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaire
* à partir de la mise à disposition du jugement ce qui concernait dommages-intérêts
- condamné la société Enseigne Leader Price aux entiers dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le contrat de travail signé entre M. [G] et la société Vindémia services était fictif et déboute M. [G] de ses demandes à l'encontre de cette société,
Condamne la société Franprix support à payer à M. [G] les sommes suivantes :
- 5 175 euros à titre de complément d'indemnité de non-concurrence
- 517,50 euros au titre des congés payés afférents
- 4 447,98 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés
- 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation et que le complément d'indemnité de non-concurrence et les frais irrépétibles porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Ordonne à la société Franprix support de délivrer à M. [G] les bulletins de salaire de février et mars 2020 correspondant aux paiements effectués par la société Enseigne Leader Price au titre des indemnités de non-concurrence et congés payés afférents aux mois de février et mars 2020,
Déboute M. [G] de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et rappel de prime de fin d'année pour la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019 et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,
Déboute les sociétés Franprix support et Vindémia services du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société Franprix support aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 13 MARS 2025
(n° , 19 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09377 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUV2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/1714
APPELANTES
SOCIÉTÉ FRANPRIX SUPPORT venant aux droits de la S.A.S.U. FRANPRIX LEADER PRICE DIRECTION ET SUPPORTS elle-même venant aux droits de la SNC LEADER PRICE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
S.A.S. VINDEMIA SERVICES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
INTIME
Monsieur [F] [G]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe RAVISY de la SELARL ASTAE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0318
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [F] [G] a été engagé par la société Enseigne Supermarché Casino, appartenant au groupe Casino, suivant contrat de travail à durée indéterminée en alternance en date du 1er septembre 1999, dans le cadre de la préparation de son BTS Action commerciale (obtenu en 2001).
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 7 septembre 2015, le salarié a été engagé par la SNC Enseigne Leader Price (aux droits de laquelle vient désormais la société Franprix Leader Price-Direction et supports), appartenant également au groupe Casino, suivant contrat de travail à durée indéterminée avec reprise de son ancienneté au 1er septembre 1999, en qualité de Directeur régional au statut cadre.
À compter du 1er septembre 2017, M. [G] a été mis à la disposition de la société Vindémia group, filiale du groupe Casino chargé de la grande distribution dans l'océan Indien, en qualité de Directeur opérationnel des supermarchés Score et ce, pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 31 août 2019, sous réserve de renouvellement de son détachement. Le salarié était basé sur l'île de la Réunion où il a déménagé avec sa famille.
Le 2 octobre 2017, le périmètre de responsabilité de M. [G] a été élargi à la Direction opérationnelle de l'enseigne Jumbo (hypermarchés), en sus de l'enseigne Score.
Le 2 juillet 2018, le salarié a été nommé Directeur d'exploitation Jumbo et Score. Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle fixe brute était fixée de manière forfaitaire à 7 500 euros, outre une rémunération variable proportionnelle aux objectifs atteints.
Le 30 avril 2019, le salarié s'est vu proposer la signature d'un contrat de travail à temps partiel avec la société Vindémia services, autre filiale du groupe Casino dans l'océan Indien, en qualité de Responsable service approvisionnement magasin, moyennant une rémunération brute forfaitaire de 1 725 euros.
Le Groupe Casino rencontrant des difficultés économiques l'obligeant à se recentrer en France sur l'activité de proximité, il a entrepris des démarches pour céder sa branche d'activité dans l'Océan indien.
Courant octobre 2018, M. [G] et d'autres managers du groupe ont été informés de l'existence d'un projet dénommé "Turquoise" visant à l'acquisition de l'intégralité du capital et des droits de vote de Vindémia group, par un fonds d'investissement non-concurrent ECP (Emerging Capital Partners). Cette opération de cession devait avoir pour cadre un LBO (Leverage Buy Out) avec la possibilité pour les managers clés de Casino sur la zone Océan indien de devenir associés de la holding devant acheter les titres de Vindémia group.
Finalement, le 21 juillet 2019, le groupe Casino a signé une promesse unilatérale d'achat de l'intégralité du capital de Vindémia group et de ses filiales avec le groupe Hayot (GBH), groupe concurrent.
Le 25 juillet 2019, M. [G] a été destinataire d'un courriel lui faisant suivre une note du groupe Casino destinée au management de Vindémia et de ses filiales comportant les lignes directrices relatives aux opérations de closing (finalisation de la cession à GBH).
Le 13 août 2019, le salarié a reçu un courriel lui demandant de signer une lettre d'engagement de confidentialité à en-tête du groupe Casino accompagnée d'une annexe "Note au Management de Vindémia et ses filiales" reprenant le contenu d'une note explicative du 25 juillet 2019 sur les opérations de closing.
Le 23 août 2019, M. [G] a reçu un courrier lui proposant le renouvellement de son détachement à la Réunion pour un an, dans la même fonction et aux mêmes conditions de rémunération. Le jour même, le salarié a répondu qu'il ne souhaitait pas signer cet avenant puisqu'il ne comportait pas de revalorisation de sa rémunération.
Le 29 août 2019, le salarié a signé l'engagement de confidentialité qui lui avait été adressé le 13 août et qu'il a renvoyé par mail le 30 août avec copie à la directrice des ressources humaines de Vindémia Group.
Le 30 août 2019, la société Vindémia services a mis fin à la période d'essai du salarié.
Le même jour, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 septembre suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 31 août 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail prolongé jusqu'au 31 décembre 2019.
Le 23 septembre 2019, le salarié s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :
"Dans le cadre de la décision stratégique du Groupe de céder ses activités dans l'Océan Indien, le choix s'est finalement porté sur le groupe Hayot (GBH), avec lequel a été signée, le 22 juillet 2019, une promesse unilatérale d'achat en vue de la cession de Vindémia. La réalisation de l'opération est soumise à l'accord préalable de l'Autorité de la Concurrence.
Dans ce contexte, compte tenu de vos fonctions et à l'instar des autres membres du Comité de Direction, nous devions pouvoir compter sur votre pleine et entière collaboration pour accompagner le processus, vos obligations de loyauté, de confidentialité et d'exemplarité s'en trouvant renforcées.
Les représentants de GBH ont exprimé le souhait de rencontrer les cadres clé et/ou membres du Comité de Direction de Vindémia, dans le but légitime de comprendre les organisations et le fonctionnement des différentes activités. Faisant, a fortiori, partie de ces cadres clé, il était donc programmé que vous les rencontriez la semaine du 9 septembre 2019.
Ces rencontres devaient, toutefois, être nécessairement organisées dans un cadre juridique précis et contraint, afin de sécuriser le contenu des informations échangées avec GBH, au regard de la réglementation relative aux opérations de concentration, mais également de protéger les intérêts du Groupe en reprécisant les contours de votre obligation de confidentialité.
C'est pourquoi, à l'instar des autres cadres concernés par ces entretiens, il vous a été demandé de signer un document déclaratif permettant de répondre aux exigences susvisées.
Alors que l'ensemble des cadres destinataires de ce document l'ont signé sans difficulté, vous ne vous êtes pas exécuté. Vous avez, en réalité, conditionné sa signature notamment par un engagement écrit du Groupe de vous verser une prime exceptionnelle au titre du projet de cession en cours.
A plusieurs reprises, vous avez été alerté sur le fait que cette posture n'était pas acceptable, dès lors qu'elle n'était pas, en soi, légitime et qu'elle empêchait tout échange avec les représentants de GBH, mettant ainsi en difficulté le bon déroulement de l'opération et les relations avec ce dernier.
Il aura, finalement, fallu que vous soyez convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour que vous vous résolviez à nous retourner le document signé, au demeurant de manière antidatée.
Le comportement que vous avez adopté n'est pas acceptable à plusieurs points de vue :
- En premier lieu, la signature du document de confidentialité n'était pas une option qui vous était offerte, mais une directive à laquelle vous deviez vous soumettre dans le respect de vos obligations ;
ne pas l'avoir fait révèle une insubordination manifeste ;
- En deuxième lieu, en conditionnant ladite signature par un engagement écrit du Groupe de vous verser une prime exceptionnelle, vous avez manqué à votre obligation de loyauté dès lors que cette posture a confiné, ni plus ni moins, à exercer un chantage ;
- En troisième lieu, pour des considérations d'ordre purement personnel, vous avez délibérément fait le choix de faire prendre au Groupe le risque de compromettre la qualité des échanges avec GBH, dans le contexte juridique ci-dessus rappelé.
Ainsi, vous avez non seulement fait le choix de ne pas respecter la directive qui vous avait été donnée de signer un document de confidentialité, mais également exercé, à l'encontre du Groupe, un chantage consistant à lui garantir le bon respect de votre obligation de confidentialité moyennant finance, sans compter le risque en résultant de compromettre la qualité des échanges avec GBH, le tout pour des considérations d'ordre purement personnel.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien préalable n'ont pas modifié notre appréciation de la gravité des faits qui vous sont reprochés. Bien au contraire, dans l'email que vous nous avez adressé le 19 septembre 2019, vous n'avez fait que confirmer la déloyauté dont vous avez fait preuve. Vous y indiquez, en effet, que c'est sciemment que vous avez fait le choix de ne pas régulariser le document de confidentialité, au prétexte d'une prétendue « parole donnée » au sujet d'une « prime de cession » qui n'aurait pas été respectée et d'une non moins énigmatique absence de réponse à des questions que vous vous seriez posé « concernant les conditions d'exécution de la relation de travail ».
Vous nous avez contraints, par vos agissements, à prendre la décision de procéder à votre licenciement".
Dans un courrier du 4 octobre 2019, M. [G] a fermement contesté les faits reprochés dans la lettre de licenciement et avoir commis des fautes. Il demandait, également, des précisions sur les motifs de son licenciement.
La société Enseigne Leader Price lui a répondu dans un courrier du 14 octobre 2019.
Par décision du 22 septembre 2020, la caisse générale de la sécurité sociale de la Réunion a reconnu l'origine professionnelle de la maladie du salarié, considérant qu'elle avait débuté le 31 août 2019.
Le 9 décembre 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil pour voir dire son licenciement nul, solliciter sa réintégration et demander un complément d'indemnité compensatrice de congés payés, un complément d'indemnité de non-concurrence, des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement vexatoire.
Le 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Créteil, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :
- à partir du 2 juillet 2018 jusqu'au terme de son contrat
- fixe la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 9 225 euros bruts
- condamne la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 17 250 euros de rappel sur le salaire de base mensuelle forfaitaire
* 1 725 euros pour les congés afférents
* 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018
- condamne solidairement la société Leader Price et la société Vindémia services à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros réparant le préjudice moral subi pendant l'exécution du contrat de travail
- condamne la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts à titre d'indemnité de préavis
* 3 996,90 euros bruts à titre de congés payés afférents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- fixe la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 13 323 euros bruts
* 173 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- déboute M. [G] de ses autres demandes
- déboute la société Enseigne Leader Price de ses demandes
- ordonne la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019
- ordonne l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile
- ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article R. 1454-28 du code du travail qui prévoit l'exécution provisoire de plein droit dans le paiement des rémunérations et indemnités énumérées par l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire maximum calculés sur la moyenne des trois derniers mois
- dit que les sommes au paiement desquelles la société Enseigne Leader Price sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement
- rappelle que l'intérêt légal avec anatocisme est applicable de droit, conformément aux articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil :
* à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaire
* à partir de la mise à disposition du jugement ce qui concernait dommages-intérêts
- condamne la société Enseigne Leader Price aux entiers dépens.
Par déclaration du 09 novembre 2021, les sociétés Franprix Leader Price-Direction et supports (venant aux droits d'Enseigne Leader Price) et Vindémia services ont relevé appel du jugement de première instance dont elles ont reçu notification à une date non déterminable.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 18 novembre 2024, aux termes desquelles les sociétés Franprix support (venant aux droits de Franprix Leader Price-Direction et supports qui venait aux droits d'Enseigne Leader Price) et Vindémia services demandent à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a :
"- à partir du 2 juillet 2018 jusqu'au terme de son contrat fixé la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 9 225 euros bruts
- condamné la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 17 250 euros de rappel sur le salaire de base mensuelle forfaitaire
* 1 725 euros pour les congés afférents
* 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018
- condamné solidairement la société Leader Price et la société Vindémia services à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros réparant le préjudice moral subi pendant l'exécution du contrat de travail
- condamné la société Enseigne Leader Price au paiement des sommes suivantes :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts à titre d'indemnité de préavis
* 3 996,90 euros bruts à titre de congés payés afférents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- fixé la rémunération brute mensuelle de M. [G] à 13 323 euros bruts
* 173 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Enseigne Leader Price de ses demandes
- ordonné la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019"
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur [F] [G] de l'intégralité de ses demandes principales et incidentes, fins et conclusions
- confirmer pour le surplus la décision déférée de ses dispositions non contraires aux présentes
- condamner Monsieur [F] [G] au paiement de la somme de 1 000 euros au profit de la société Vindémia services et la somme de 5 000 euros au profit de la société Franprix Leader Price-Direction et supports (elle-même venant aux droits de la société Enseigne Leader Price) en application de l'article 700 du code du travail, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 30 septembre 2024, aux termes desquelles M. [G] demande à la cour d'appel de :
- infirmer partiellement le jugement
Statuant à nouveau,
I - Au titre de l'exécution du contrat de travail
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la SASU Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la SNC Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] la somme de 4 447,98 euros bruts à titre de complément de salaire sur l'indemnité
compensatrice de congés payés versée par Enseigne Leader Price
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la SNC Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] la somme de 5 175 euros bruts à titre de complément d'indemnités de non-
concurrence (pour la période du 24 septembre 2019 au 23 mars 2020) et la somme de 517,50 euros bruts au titre des congés payés afférents
- en tout état de cause, condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à remettre à Monsieur [G] les bulletins de salaire de février et mars 2020 correspondant aux paiements effectués par Enseigne Leader Price au titre des indemnités de non-concurrence et congés payés afférents aux mois de février et mars 2020
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à mentionner la classification 9+ sur les bulletins de salaire de Monsieur [G] d'octobre 2018 à mars 2019
- Sur la période du 1er octobre au 31 décembre 2017 :
* fixer le salaire de base mensuelle forfaitaire de Monsieur [G] à 7 500 euros bruts
* condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
' 3 000 euros bruts à titre de rappel sur le salaire de base mensuel forfaitaire
' 300 euros bruts au titre des congés payés incidents
' 1 000 euros bruts de rappel au titre de la prime de fin d'année 2017
- Sur la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019
* fixer le salaire de base mensuelle forfaitaire de Monsieur [G] à la somme de 9 225 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
' 17 250 euros bruts à titre de rappel sur le salaire de base mensuel forfaitaire
' 1 725 euros bruts au titre des congés payés incidents
' 1 725 euros bruts de rappel de salaire au titre de la prime de fin d'année 2018
- juger que les sociétés Franprix support, venant aux droits de Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait elle-même aux droits de la société Enseigne Leader Price, et de la société Vindémia services ont agi avec déloyauté dans l'exécution du contrat de travail
- condamner en conséquence la société Franprix support (venant aux droits de la société
Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) et la société Vindémia services à payer solidairement à Monsieur [G] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice professionnel et moral subi pendant l'exécution du contrat de travail à raison des comportements déloyaux des sociétés
II - Au titre de la rupture du contrat de travail,
A titre principal,
- juger que le licenciement est donc entaché de nullité
- fixer, après intégration des salaires versés par Vindémia Services, la rémunération mensuelle moyenne servant de base de calcul aux indemnités de rupture et à l'indemnité de licenciement illicite à la somme de 13 323 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
* 7 499,94 euros bruts au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire non payés
* 749,99 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13 ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 226 491 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite
* 29 500 euros bruts au titre de la prime de performance de l'année 2019
* 2 950 euros bruts au titre des congés payés afférents
A titre subsidiaire,
- juger, pour le cas où la nullité du licenciement ne serait pas prononcée, que le licenciement pour faute grave notifié par Enseigne Leader Price à Monsieur [G] le 23 septembre 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- fixer, après intégration des salaires versés par Vindémia Services, la rémunération mensuelle moyenne servant de base de calcul aux indemnités de rupture et à indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 323 euros bruts
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
* 7 499,94 euros bruts au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire non payés
* 749,99 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 173 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros bruts au titre de la prime de performance de l'année 2019
* 2 950 euros bruts au titre des congés payés afférents.
- constater le caractère brutal et vexatoire des circonstances entourant le licenciement de
Monsieur [G] du fait du comportement de la société Enseigne Leader Price
- constater également le comportement déloyal de la société Enseigne Leader Price postérieurement au licenciement
- constater les préjudices moral, de santé et financier subis par Monsieur [G] en conséquence
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) à verser à Monsieur [G] une somme globale de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant les préjudices financiers, moral et de santé subi
III. Autres demandes
- assortir les créances à caractère salarial de l'intérêt au taux légal à compter de la réception par la société Enseigne Leader Price et par la société Vindémia services de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances à caractère indemnitaires de l'intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code de procédure civile
- ordonner à la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), de remettre à Monsieur [F] [G] des bulletins de salaire, un certificat de travail (mentionnant comme date de fin de contrat le 23 décembre 2019) et une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Enseigne Leader Price à payer à
Monsieur [F] [G] une somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance
- condamner la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports , qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price), à payer à Monsieur [G] une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et condamner la SAS Vindémia services à payer à Monsieur [G] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel
- condamner solidairement la société Franprix support (venant aux droits de la société Franprix Leader Price-Direction et supports, qui venait aux droits de la société Enseigne Leader Price) et la SAS Vindémia services aux dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur la demande de rappels de salaires pour la période du 1er octobre 2017 au 30 avril 2019
1-1 Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017
M. [G] rappelle que, le 12 octobre 2017, il a été nommé Directeur opérationnel des hypermarchés Jumbo, à la place des supermarchés Score, ce qui a accru significativement son périmètre de responsabilité et son domaine d'intervention puisqu'il est passé de la gestion d'un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros à 400 millions d'euros et de la direction de 400 salariés à 1 000 salariés. Le salarié souligne que ce repositionnement ne pouvait s'accompagner que d'une revalorisation salariale or, il n'a perçu qu'une augmentation de 1 000 euros bruts fixée rétroactivement au 1er janvier 2018 alors qu'il pouvait y prétendre depuis octobre 2017.
M. [G] réclame donc un rappel sur le salaire de base forfaitaire mensuelle de 3 000 euros bruts pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017, outre 300 euros au titre des congés payés afférents et une prime de fin d'année de 1 000 euros bruts.
La société Franprix support relève que rien ne permet d'affirmer que la rémunération consentie à M. [G] n'était pas en adéquation avec la nature de ses missions et la classification professionnelle dont il relevait jusqu'en octobre 2018. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré qu'elle se serait engagée, d'une quelconque manière, à augmenter la rémunération du salarié à partir du moment où il a rejoint les équipes de Vindémia group au poste de Directeur opération Jumbo. Il n'est pas davantage établi que le salarié intimé lui aurait réclamé une revalorisation de son salaire à compter d'octobre 2017. Enfin, elle conclut que l'employeur n'a pas l'obligation de faire bénéficier le salarié d'une augmentation de salaire à l'occasion d'un changement de fonction.
La cour retient que le 12 octobre 2017, le salarié a accepté une augmentation de ses responsabilités sans qu'il soit justifié d'un quelconque engagement de l'employeur d'augmenter sa rémunération. En outre, si M. [G] produit un courriel de son supérieur hiérarchique du 31 mars 2018 adressé à la Direction Générale d'Enseigne Leader Price qui mentionne un "sujet en souffrance depuis janvier" 2018 , rien ne permet d'avancer qu'il escomptait et réclamait une augmentation de son salaire pour la période antérieure. Le salarié ayant consenti à une modification de son contrat de travail sans engagement de l'employeur sur une revalorisation de sa rémunération, cette dernière n'étant pas de droit, il n'est pas légitime à réclamer l'application rétroactive de l'augmentation discrétionnaire dont il a bénéficié à compter de janvier 2018. C'est donc à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de ces demandes de rappel de salaire et prime annuelle.
1-2 Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019
A compter du 2 juillet 2018, M. [G] explique qu'il a été désigné, dans une note d'organisation intitulée "Nouvelle organisation de la direction exploitation Vindémia distribution" en tant que Directeur d'exploitation Jumbo & Score. À partir de cette date, il a donc supervisé en sus du parc des hypermarchés Jumbo, le réseau de supermarchés Score ainsi que les services support, ce qui l'amenait à encadrer un effectif de plus de 1 500 personnes et à gérer un chiffre d'affaires global de plus de 800 millions d'euros. Cette évolution ne s'est accompagnée d'aucune revalorisation salariale y compris lorsqu'il a été classé au niveau 9 +, le 1er octobre 2018.
Ce n'est qu'à partir du 1er mai 2019 qu'il a perçu une augmentation de 15%, sans caractère rétroactif, alors que son contrat de travail n'avait connu aucune modification dans ses fonctions et missions en mai 2019.
En outre, pour éviter de faire supporter à Enseigne Leader Price le coût de cette revalorisation salariale de 15 % correspondant au changement de responsabilité du salarié, l'intimé explique que l'employeur a imaginé un stratagème consistant à ajouter à son contrat de travail indéterminé un nouveau contrat à durée indéterminée à temps partiel avec la société Vindémia services, de telle sorte que c'est cette structure qui a supporté l'augmentation de 1 725 euros de la rémunération fixe mensuelle de l'intimé qui a été portée à 9 225 euros .
Considérant que l'augmentation salariale de 15 % dont il a bénéficié à compter du 1er mai 2019 aurait dû rétroagir au 2 juillet 2018 et lui être versée par Enseigne Leader Price, M. [G] revendique un rappel de salaire sur la base de 9 225 euros mensuels dès le 2 juillet 2018, soit une somme totale de 17 250 euros, outre 1 725 euros au titre des congés payés afférents et 1 725 euros de rappel de prime de fin d'année 2018.
Le salarié demande, également, que la classification 9+ soit mentionnée sur ses bulletins de salaire à compter d'octobre 2018.
La société Franprix support applique le même raisonnement que pour le point précédent à savoir qu'il n'est démontré en aucune manière qu'elle se serait engagée à augmenter la rémunération du salarié à compter de l'extension de ses responsabilités en juillet 2018, ou même à compter de son changement d'échelon en octobre 2018, M. [G] ayant librement consenti à la modification de son contrat de travail sans contrepartie financière. L'employeur conteste, par ailleurs, l'existence de tout stratagème visant à "splitter" la rémunération du salarié en faisant supporter par Vindemia services une augmentation supposée de son salaire fixe mensuel. Il précise, aussi, que M. [G] a perçu diverses primes d'Enseigne Leader Price, dont une prime de "développement" de 29 500 euros en avril 2019, mais au titre de l'exercice 2018, pour récompenser son engagement dans de nouvelles responsabilités.
La cour constate que M. [G] ne conteste pas avoir consenti à un nouvel accroissement de ses tâches et responsabilités en juillet 2018 sans qu'il justifie avoir réclamé ou obtenu un engagement de l'employeur d'augmenter sa rémunération fixe mensuelle en contrepartie. La société Enseigne Leader Price était donc libre de revaloriser la rémunération du salarié de manière discrétionnaire et elle n'était pas tenue de le faire à l'occasion de son élévation de classification en octobre 2018 alors que le salarié dépassait déjà le minimum conventionnel prévu pour ce niveau. Il ressort, par ailleurs, que le salarié a bénéficié d'une prime exceptionnelle au titre de l'exercice 2018 pour gratifier le "développement" de son activité. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'une augmentation était due à M. [G] dès le mois de juillet 2018 et il sera débouté de ses demandes de rappels de salaires, congés payés afférents, prime annuelle et mention sur ses bulletins de salaire à compter d'octobre 2018 de sa classification 9 +. Le jugement sera infirmé de ce chef.
2/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [G] fait valoir que le contrat de travail à temps partiel signé avec la société Vindémia services le 30 avril 2019, à effet au 1er mai, présentait un caractère purement fictif et qu'il avait pour seule finalité de faire supporter par cette entité l'augmentation de salaire due par la société Enseigne Leader Price au titre de l'accroissement de ses missions et de ses responsabilités. Il en donne pour preuve le fait que le poste de Responsable service des approvisionnements magasins était déjà pourvu par Mme [K] [T], ainsi qu'en atteste l'organigramme de Vindémia distribution (pièce 5) et l'attestation de la salariée concernée (pièce 50). En outre, eu égard aux responsabilités qu'il assumait dans le cadre de son contrat à temps plein signé auprès d'Enseigne Leader Price, M. [G] observe qu'il aurait été dans l'incapacité d'assumer un nouveau contrat de travail même si légalement un cumul était possible.
L'intimé relève aussi, que le contrat à temps partiel qu'il a signé ne comportait pas l'ensemble des mentions conventionnelles et légales requises pour sa validité, comme la durée mensuelle ou hebdomadaire de travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et les limites dans lesquelles les heures complémentaires pouvaient être accomplies. L'absence de ces mentions obligatoires, dans une société comportant une direction des ressources humaines et intégrée dans un groupe de dimension internationale avec une direction juridique suffit à établir, pour le salarié, le caractère fictif de ce contrat, de même que le fait qu'il stipulait que M. [G] était cadre dirigeant alors qu'il ne devait assumer qu'une mission de Responsable des approvisionnements à temps partiel. Il est, encore, souligné d'autres incohérences puisque les bulletins de salaire établis par Vindémia services comportaient la mention d'un forfait annuel de 215 jours parfaitement incompatible avec un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et qu'il était prévu une période d'essai renouvelable alors que
M. [G] exerçait depuis 20 ans des fonctions de Direction dans le groupe Casino.
Le salarié précise que le paiement par Vindémia services de l'augmentation salariale qui lui était due par Enseigne Leader Price a eu pour conséquence de réduire la base de calcul de l'indemnité de non-concurrence et le montant de ses allocations de retour à l'emploi.
M. [G] se plaint, aussi, d'un non-respect par l'employeur des dispositions de la politique de mobilité internationale "Mission à la Réunion" du groupe Casino puisque, au moins six mois avant le terme de sa mission, il aurait dû être envisagé une prolongation de sa mission ou un transfert du salarié en métropole ou dans un autre pays (pièce 24 g). Or, ce n'est qu'en juillet 2019 qu'il a pu discuter pour la première fois de sa situation avec le Directeur des ressources humaines du groupe Casino et c'est seulement huit jours avant la fin de son détachement qu'il a reçu un avenant de renouvellement ne comportant pas la revalorisation salariale qui lui avait été promise (pièces 37, 38 et 38 bis).
En conséquence, M. [G] réclame la condamnation solidaire des sociétés Franprix support et Vindémia services à lui payer 2 000 euros au titre du préjudice moral et professionnel subi.
Il revendique, aussi, un complément d'indemnité de non-concurrence de 5 175 euros, outre 517,50 euros au titre des congés payés afférents et la délivrance par la société Franprix support de ses bulletins de salaire de février et mars 2020 mentionnant la prime de non-concurrence et les congés payés afférents.
Les sociétés appelantes rappellent que rien n'obligeait la société Enseigne Leader Price à revaloriser le salaire "fixe" de M. [G] à la suite de sa nomination en qualité de Directeur d'exploitation Jumbo et Score et qu'elles n'avaient, donc, nul besoin de dissimuler une augmentation de rémunération par la conclusion d'un second contrat de travail. Elles ajoutent que l'organigramme versé aux débats par le salarié ne corrobore nullement ses allégations selon lesquelles Mme [T] aurait occupé le poste de "Responsable service des approvisionnements magasins" au sein de la société Vindémia services.
Les sociétés appelantes constatent que M. [G] est mal fondé de se prévaloir de son temps plein auprès d' Enseigne Leader Price pour constater une impossibilité de cumul de contrats de travail dès lors qu'il avait un statut de cadre dirigeant exclusif de toute notion de temps de travail. Elles considèrent que les deux fonctions confiées au salarié étaient bien distinctes, que les anomalies de forme du contrat ne suffisent pas à caractériser son caractère fictif et que le salarié ne justifie aucunement de son préjudice.
S'agissant du non-respect par Enseigne Leader Price des conditions de renouvellement du contrat de mise à disposition, la société Franprix support fait valoir que M. [G] "ne peut pas aujourd'hui feindre d'ignorer que sa mission aurait été reconduite à l'aune des projets de cession successifs auxquels il a été associé". Les sociétés appelantes soulignent, d'ailleurs, que c'est parce que le salarié avait la certitude de son renouvellement qu'il s'est permis de formuler de nouvelles prétentions salariales, en l'espèce une augmentation de son salaire fixe et une revalorisation de sa prime COLA (indemnité d'expatriation) avant la transmission de l'avenant de renouvellement.
Mais, la cour constate qu'il ressort clairement de l'attestation de Mme [T] et de l'organigramme produit que l'emploi confié à M. [G] dans le cadre du contrat à temps partiel signé le 30 avril 2019, était déjà occupé par une autre salariée. En outre, il n'est aucunement explicité pour quelle raison il aurait été demandé à M. [G], qui exerçait à l'époque des fonctions de Directeur d'exploitation Jumbo et Score, chargé de la gestion de 1 500 personnes et d'un chiffre d'affaires de 800 millions, d'assumer en sus et pour une autre société du groupe, des fonctions de "Responsable service des approvisionnements magasins" sans aucun lien avec son niveau de compétence et de responsabilités. Enfin, comme le relève le salarié, les nombreuses irrégularités contenues dans son contrat de travail à temps partiel le rendant inopérant, de même que les mentions contradictoires figurant sur les bulletins de salaire délivrés par Vindémia services, établissent le caractère purement fictif de ce contrat de travail. A défaut de toute autre justification, il convient de considérer que ce montage avait pour seul objet de répartir sur une deuxième société du groupe la revalorisation de rémunération que l'employeur estimait due au salarié et que ce dernier réclamait. Il est établi que cette man'uvre déloyale a préjudicié au salarié puisqu'elle a réduit l'assiette de calcul de son indemnité de non-concurrence, et celle de son allocation de retour à l'emploi.
Il est, également, justifié que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de la politique de mobilité internationale "Mission à la Réunion", en n'évoquant pas avec le salarié, au moins six mois à l'avance, les conditions de renouvellement de sa mission. La société Franprix support ne peut se retrancher derrière l'argument selon lequel M. [G] était assuré de son renouvellement alors que la cession de Vindémia group et de ses filiales à un groupe concurrent de Casino faisait peser un risque sur l'emploi du salarié.
Ces manquements d'Enseigne Leader Price (devenue Franprix support) caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail et elle sera donc condamnée à payer à M. [G] une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel subi. En revanche, eu égard au caractère fictif, invoqué par le salarié lui-même et à l'absence de relation de travail avec la société Vindémia services, celle-ci sera mise hors de cause.
Il sera, par ailleurs, fait droit aux demandes de l'intimé de rappel de complément d'indemnité de non-concurrence à hauteur de 5 175 euros, outre 517,50 euros au titre des congés payés afférents dès lors que l'indemnité de non-concurrence n'a pas été calculée sur l'intégralité de la rémunération perçue par le salarié au travers des deux sociétés. Il sera, également, ordonné à la société Franprix support de délivrer les bulletins de salaire de février et mars 2020 mentionnant la prime de non-concurrence et les congés payés afférents.
3/ Sur le licenciement pour faute grave
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d'avoir fait preuve d'insubordination en refusant de signer un engagement de confidentialité alors que celui-ci était déterminant dans le cadre du processus de cession de Vindémia group et d'avoir exercé un chantage auprès de l'employeur en conditionnant sa signature à l'assurance du versement d'une prime exceptionnelle, ce qui caractérise un comportement déloyal. Les sociétés appelantes rappellent que l'opération de cession de Vindémia group au groupe Hayot (GBH) était particulièrement délicate puisque soumise à un accord de l'Autorité de la Concurrence. Dans le cadre de ce processus, les représentant du groupe GBH ont demandé à rencontrer les cadres clés de Vindémia, dont M. [G]. Ces échanges devant intervenir dans le strict respect du droit de la concurrence, le salarié s'est vu remettre, comme les autres cadres concernés par ces entretiens, le 22 juillet 2019, une note indiquant les lignes directrices relatives aux précautions à prendre en vue des opérations de "closing" (pièce 10) puis, le 13 août 2019, un "engagement de confidentialité" précisant les contours de la communication à observer avec le groupe GBH, qu'il lui appartenait de régulariser dans les meilleurs délais (pièce 12). Alors que l'ensemble des cadres destinataires de ce document l'ont signé sans difficulté (pièce 13), M. [G] ne s'est pas exécuté alors même qu'un rendez-vous avec les représentants du groupe GBH était programmé dans la semaine du 9 septembre.
Les sociétés appelantes soutiennent que, dans ses écritures de première instance, le salarié a reconnu qu'il avait sciemment fait le choix de ne pas signer l'engagement de confidentialité dans les délais urgents qui lui étaient impartis dans l'attente d'une réponse à ses interrogations sur la possibilité de se voir verser une prime exceptionnelle de cession. Le salarié avait, d'ailleurs, précédemment indiqué dans un courriel du 19 septembre 2019 adressé au Directeur des Ressources Humaines (pièce 17), qu'il ne comprenait pas le motif de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors qu'il n'avait fait que demander "à ce que les engagements qui avaient été pris à égard soient respectés ou confirmés par écrit". Ce n'est d'ailleurs qu'après avoir reçu cette convocation à entretien préalable que le salarié a consenti à retourner l'engagement de confidentialité qu'il avait signé, uniquement parce qu'il pensait qu'il allait recevoir un avenant entérinant le renouvellement de sa mise à disposition aux conditions financières qu'il espérait, comme il le reconnaît dans ses écritures.
Le salarié considère, pour sa part, que le licenciement doit être jugé nul pour avoir porté atteinte à sa liberté d'expression. Il estime, en effet, qu'il a été licencié pour avoir posé des questions sur les conditions d'exécution de la relation de travail et avoir signalé ses inquiétudes sur son avenir professionnel après l'annonce de la cession de Vindémia group à un concurrent, ainsi que pour avoir interrogé son employeur sur le paiement d'une possible prime de cession. Il relève que l'employeur occulte délibérément le contexte entourant les faits et, notamment, toutes les discussions autour de l'octroi aux managers qui souhaitaient participer au LBO d'une prime de cession avant qu'un nouveau repreneur ne soit envisagé. M. [G] ajoute qu'à la date où l'engagement de confidentialité lui a été adressé, il était dans une situation de grande incertitude sur le renouvellement de sa mise à disposition auprès de Vindémia puisque l'avenant ne lui a été transmis que le 23 août et sans modification des conditions financières alors qu'il lui avait été promis une revalorisation de sa rémunération. L'intimé réfute avoir refusé de signer l'engagement de confidentialité et avance qu'il n'est démontré par aucune pièce qu'il aurait exercé un chantage auprès de l'employeur en conditionnant sa signature à l'octroi d'une prime ou d'une revalorisation de son salaire.
M. [G] fait, également, valoir qu'outre le stratagème mis en 'uvre par l'employeur pour répartir le paiement de son salaire sur deux sociétés du groupe, son licenciement brutal, la veille de la fin de sa mise à disposition au bénéfice de Vindémia group, est frauduleux. En effet, il ne fait nul doute pour le salarié que la cession de Vindémia group à un groupe concurrent qui disposait de ses propres cadres dirigeants aurait entraîné la suppression de son emploi, ce qui explique les inquiétudes qu'il a exprimées auprès de sa hiérarchie. Son licenciement pour un motif fallacieux a donc permis à la société Enseigne Leader Price de s'affranchir de son obligation contractuelle de rechercher un poste compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions dans le cadre d'une réintégration effective au sein de la société en métropole ou dans une autre société du groupe. Son licenciement pour faute grave a, en outre, permis à la société lourdement endettée d'économiser des indemnités de rupture qui auraient été particulièrement élevées en raison de son ancienneté. Un autre cadre de Casino services expatrié à l'Île Maurice a d'ailleurs été licencié pour faute grave le 24 septembre 2019, dans les mêmes conditions.
En cet état, la cour retient qu'il ne saurait être considéré que le licenciement est intervenu en violation de la liberté d'expression du salarié dès lors qu'il ne lui est pas fait grief dans la lettre de licenciement des propos qu'il aurait tenus ou des questions qu'il aurait posées sur le renouvellement de sa mise à disposition mais d'avoir refusé de signer un engagement de confidentialité et d'avoir conditionné sa signature à la garantie de l'octroi d'une prime. Ce sont donc de supposés agissements du salarié qui ont été sanctionnés à savoir une insubordination et un chantage mais pas l'expression de ses interrogations sur la poursuite de son contrat de travail. Il n'est pas davantage démontré par le salarié que le licenciement serait intervenu en fraude à ses droits et dans le dessein d'éviter à la société Enseigne Leader Price une réintégration dans une autre société du groupe ou un licenciement coûteux.
S'agissant des faits imputés au salarié et, contrairement à ce qu'avance l'employeur, aucune pièce ne permet d'affirmer que M. [G] aurait refusé de signer l'engagement de confidentialité ou qu'il aurait conditionné sa signature à une assurance de l'employeur sur le versement d'une prime. D'ailleurs, les sociétés appelantes sont contraintes de se livrer à une exégèse des écritures de l'intimé pour essayer d'en tirer la démonstration que telle aurait été son intention.
La cour constate, pour sa part, que l'engagement de confidentialité a été adressé au salarié le 13 août 2019 et que ce dernier l'a retourné signé le 30 août 2019, sans avoir obtenu d'accord de l'employeur pour le versement d'une prime ou une revalorisation de son salaire et avant la rencontre qui devait intervenir avec le groupe GBH. En outre et ainsi que le relève le salarié, aucune mention ne précisait l'urgence de retourner l'engagement de confidentialité signé dans le courriel adressé au salarié, ni même de date limite pour son retour. Les sociétés appelantes ne justifient pas davantage d'une quelconque relance alors qu'elles avancent que ce retard de signature mettait en péril le projet de cession avec le groupe GBH.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [G] qui, à la date du licenciement comptait 20 ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 15,5 mois de salaire.
Au regard de son âge au moment de son licenciement, 40 ans, de son ancienneté de plus de 20 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération cumulée qui lui était versée (13 323 euros), du fait qu'il n'a pas été en mesure de retrouver un emploi durant l'année qui a suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 173 000 euros, justement évaluée par les premiers juges.
Le jugement entrepris sera, également, confirmé en ce qu'il a condamné la société Leader Price à payer à M. [G] les sommes suivantes :
- 7 499,94 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
- 749,99 euros au titre des congés payés afférents
- 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
- 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
- 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
4/ Sur la prime de performance 2019
M. [G] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir réglé sa prime sur objectifs au titre de l'année 2019 au motif qu'il avait quitté les effectifs de la société avant le versement de la rémunération variable devant intervenir en avril 2020, pour l'année N-1. Il réclame, en conséquence, une somme de 29 500 euros équivalente à celle perçue au titre de l'année 2018, outre 2 950 euros au titre des congés payés afférents.
Les sociétés appelantes objectent que M. [G] n'ayant pas travaillé l'intégralité de l'année 2019 et ayant quitté les effectifs à la date de versement de la prime de performance, il n'était pas en droit d'y prétendre conformément aux stipulations contractuelles.
La cour rappelle que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement. L'employeur qui a licencié le salarié sans cause réelle et sérieuse est tenu de lui servir sa prime sur objectifs et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de prime et congés payés afférents formée par le salarié.
5 / Sur le complément au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
Le salarié fait valoir qu'alors que son solde de congés acquis était de 10 jours sur le bulletin de paie du mois de juin 2019, il n'a été réglé que pour 8 jours de congés sans avoir posé les deux jours de congés qui lui ont été décomptés par l'employeur. Il réclame, donc, une somme de 1 052,98 euros au titre des deux jours de congés payés impayés.
M. [G] observe, également, qu'il a perçu, lors de la rupture de son contrat de travail une indemnité compensatrice de congés payés de 12 399,66 euros bruts correspondant à 30 jours alors qu'elle aurait dû être de 15 794,70 euros, en application de la règle de calcul du 1/10ème, plus favorable. Il est, notamment, constaté que l'employeur, a, à tort refusé de prendre en compte la prime de développement de 29 500 euros versée le 25 avril 2019, la prime de fin d'année versée le 25 novembre 2018 et la prime de fin d'année versée le 25 septembre 2019.
Les sociétés appelantes soutiennent que la détermination de la prime de développement de M. [G] n'a pas été effectuée uniquement en fonction du travail qu'il a réalisé mais, également, en fonction des résultats du groupe Casino et qu'elle n'avait donc pas à être prise en compte dans l'assiette de congés payés. Elle ajoute qu'il en est de même pour la gratification de fin d'année, qui constituait une prime de 13ème mois allouée globalement pour l'année en application de l'accord d'entreprise.
La cour retient que les sociétés appelantes ayant expliqué dans leurs écritures relatives à l'absence de revalorisation du salaire fixe de l'intimé que la prime de développement était intervenue pour gratifier le salarié pour les responsabilités supplémentaires qu'il avait accepté d'assumer, elle était bien liée à l'activité personnelle du salarié pendant les mois travaillés et devait être incluse dans l'assiette de congés payés.
S'agissant de la prime de fin d'année, l'article 6 de l'avenant de mise à disposition du 8 août 2017 stipulant que "M. [G] continuera à être rémunéré par Enseigne Leader Price aux conditions habituelles. La rémunération annuelle brute de M. [G] est fixée à 84 500 euros pour 13 mois", il convient de considérer que la rémunération contractuelle de l'intimé était calculée sur 13 mois et que la prime de fin d'année versée en décembre correspondait à un mois de salaire ouvrant droit à congés payés.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes et il lui sera alloué une somme totale de 4 447,98 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés.
6/ Sur les circonstances vexatoires entourant et suivant le licenciement
Le salarié expose que les circonstances de son licenciement, accompagné d'une mise à pied à titre conservatoire l'écartant des locaux de la société, ont été très brutales et vexatoires après deux années où il avait entièrement donné satisfaction. Son éviction a, d'ailleurs, été parfaitement incompréhensible pour son équipe à laquelle il a été annoncé, après 15 jours d'absence, que son départ était volontaire.
En outre, M. [G] se plaint d'avoir subi des pressions de l'employeur pour qu'il restitue son véhicule de fonction, ce qu'il a fait le 14 octobre 2019, alors que le Directeur des ressources humaines de Vindémia l'avait assuré qu'au regard de sa situation personnelle et familiale, il pourrait le conserver jusqu'au 10 novembre.
De la même façon, il lui a été enjoint, par un courrier recommandé du 15 novembre 2019, de quitter, sous huit jours, le logement mis à sa disposition par Vindémia group au motif qu'il serait occupant sans droit ni titre depuis sa mise à pied conservatoire et a fortiori son licenciement. Or, le salarié rapporte, qu'étant colocataire de ce logement avec Vindémia group, il avait reçu la garantie par le Directeur du développement RH (pièce 24a) qu'il pourrait l'occuper jusqu'au 29 décembre 2019, terme des trois mois après la résiliation du bail. L'intimé ajoute, qu'à la date d'envoi de la mise en demeure de quitter son logement, la Réunion se trouvait en alerte cyclonique et qu'aucune expulsion ne pouvait être réalisée. Cette situation a, néanmoins, été particulièrement stressante alors que M. [G] était déjà malade en raison de son licenciement. Par ailleurs, aucune urgence ne justifiait ces pressions de l'employeur puisque le salarié a conclu, à titre personnel, un nouveau bail avec le propriétaire des lieux au terme du précédent.
Alors que M. [G] avait sollicité le bénéfice du maintien de la prévoyance et qu'il avait demandé à l'employeur de lui adresser la notice détaillée de l'assureur, il reproche aux appelantes de ne lui avoir adressé aucune réponse et d'avoir ainsi manqué à leurs obligations. En raison de cette carence, il n'a pas été en mesure de faire jouer son droit à la portabilité de la prévoyance et n'a bénéficié, durant sa période d'arrêt maladie, que des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale sans le complément salaire dû au titre de la prévoyance, alors même que sa maladie a été reconnue comme une maladie professionnelle. Il a, ainsi, subi un préjudice qu'il évalue à 10 822 euros.
Le salarié signale, également, que l'employeur a conditionné la prise en charge du billet d'avion de son épouse et de ses deux enfants vers la métropole à la validation préalable de son déménagement, alors que sa mise à disposition avait pris fin et que son contrat de travail se trouvait rompu.
Tandis qu'une partie de son mobilier se trouvait placé en garde-meubles payé par l'employeur à la suite de son déménagement de la métropole vers l'île de la Réunion, il n'a pas réussi à obtenir des informations sur la localisation de ce garde-meubles et les modalités de récupération de ses biens. Ce n'est qu'en mars 2020 qu'il lui a été indiqué que le garde-meubles n'était plus payé depuis le mois de janvier.
Le salarié souligne que l'ensemble de ces agissements ont eu un retentissement sur son état de santé puisqu'il s'est vu prescrire des anxiolytiques par son médecin traitant qui l'a placé en arrêt de travail le 31 août. Cet arrêt a été prolongé en raison d'un syndrome anxio-dépressif post-traumatique qui l'a obligé à consulter un médecin et qui a entraîné la reconnaissance ultérieure d'une maladie professionnelle. En conséquence, M. [G] réclame une somme de 37 000 euros en réparation du préjudice subi.
Mais, ainsi que le relève l'employeur, dès lors qu'il mettait en 'uvre une procédure de licenciement pour faute grave, il pouvait légitimement recourir à une mise à pied conservatoire du salarié sans que cette mesure puisse, en elle-même, être qualifiée de vexatoire. Il ne peut être fait grief à la société d'avoir eu la délicatesse de cacher aux collaborateurs de M. [G] la véritable raison de son absence de l'entreprise jusqu'à son licenciement. Il n'y a rien d'abusif d'exiger du salarié qu'il restitue son véhicule de fonction alors que le contrat de travail a été rompu et il est acquis que M. [G] a pu disposer dudit véhicule jusqu'à 15 jours après son licenciement.
Il ressort des échanges de courriers entre l'intimé et l'employeur que ce dernier, loin d'exercer des pressions sur M. [G] pour qu'il quitte son logement avant le 31 décembre 2019, lui a simplement écrit pour savoir dans quelles conditions il pouvait faire réaliser des devis par deux sociétés pour l'organisation de son déménagement (pièces 14, 24a et c du salarié).
Alors qu'après deux mois de tergiversations avec les sociétés de déménagement, M. [G] ne savait toujours pas s'il allait rentrer en métropole, l'intimé ne peut donc valablement reprocher aux sociétés appelantes de ne pas avoir financé les billets d'avion vers la France de sa famille alors qu'aucun retour définitif n'était programmé.
Il ressort des pièces produites que la société Franprix support a continué à payer les frais de garde-meubles du salarié durant trois mois après la rupture du contrat de travail et que ce dernier n'a eu à financer aucun frais à ce titre, grâce à un accord qu'il a conclu avec le garde-meubles. Aucun grief ne peut donc être tiré de cet argument.
Enfin, ainsi que l'observe la société Franprix support, alors que le salarié lui fait reproche de ne pas lui avoir communiqué la notice d'information sur la prévoyance, M. [G] ne justifie d'aucune décision de rejet de son dossier et il n'explicite pas le préjudice dont il demande réparation.
Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre des circonstances vexatoires entourant son licenciement.
7/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation.
Le complément d'indemnité de non-concurrence portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Les conditions d'application de l'article L. 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.
La société Franprix support sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Enseigne Leader Price à payer à M. [G] :
* 7 499,94 euros pour rappel de salaire au titre de la mise à pied
* 749,99 euros au titre des congés payés afférents
* 39 969 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 3 996,90 euros bruts au titre des congés payés incidents
* 2 306,25 euros bruts au titre du prorata de la gratification de fin d'année (13ème mois) afférente à la période de préavis
* 96 485,81 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 173 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 29 500 euros au titre de la prime de performance pour l'année 2019
* 2 950 euros au titre des congés payés afférents
* 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [G] de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et prime de fin d'année pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2017 et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
- condamné la société Enseigne Leader Price (devenue Franprix support ) à payer à M. [G] une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail
- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- débouté les sociétés Enseigne Leader Price et Vindémia services de leurs demandes reconventionnelles
- ordonné la remise, par la société Enseigne Leader Price, de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement ainsi qu'un certificat de travail mentionnant comme fin de contrat le 23 décembre 2019
- ordonné l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article R. 1454-28 du code du travail qui prévoit l'exécution provisoire de plein droit dans le paiement des rémunérations et indemnités énumérées par l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire maximum calculés sur la moyenne des trois derniers mois
- dit que les sommes au paiement desquelles la société Enseigne Leader Price sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement
- rappelé que l'intérêt légal avec anatocisme est applicable de droit, conformément aux articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil :
* à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaire
* à partir de la mise à disposition du jugement ce qui concernait dommages-intérêts
- condamné la société Enseigne Leader Price aux entiers dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le contrat de travail signé entre M. [G] et la société Vindémia services était fictif et déboute M. [G] de ses demandes à l'encontre de cette société,
Condamne la société Franprix support à payer à M. [G] les sommes suivantes :
- 5 175 euros à titre de complément d'indemnité de non-concurrence
- 517,50 euros au titre des congés payés afférents
- 4 447,98 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés
- 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation et que le complément d'indemnité de non-concurrence et les frais irrépétibles porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Ordonne à la société Franprix support de délivrer à M. [G] les bulletins de salaire de février et mars 2020 correspondant aux paiements effectués par la société Enseigne Leader Price au titre des indemnités de non-concurrence et congés payés afférents aux mois de février et mars 2020,
Déboute M. [G] de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et rappel de prime de fin d'année pour la période du 2 juillet 2018 au 30 avril 2019 et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,
Déboute les sociétés Franprix support et Vindémia services du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société Franprix support aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE