CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 13 mars 2025, n° 22/20233
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 13 MARS 2025
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/20233 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGY6N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2022 - Tribunal de commerce de Paris, 16ème chambre - RG n° 2021057101
APPELANTS
Monsieur [N] [M]
né le 26 mars 1990 à [Localité 7] (92)
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A.R.L. LENO INTERNATIONAL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 887 836 955
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A.S. MSL INVEST, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 901 189 688
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Martine Leboucq Bernard de la SCP d'avocats Huvelin & associés, avocat au barreau de Paris, toque : R285
assistée de Me Jennifer Villard de la SAS Pichard & Associés, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, toque : A708
INTIMÉS
Monsieur [C] [Y]
né le 12 avril 1964 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [G] [K] épouse [Y]
née le 19 juillet 1964 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Me Stéphane Fertier de la SELARL JRF & Teytaud Saleh, avocat au barreau de Paris, toque : L0075
Assistés de Me Michel Septier, avocat au barreau de Paris, toque : C691
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Mme Marie-Annick Prigent, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] et Mme [K], son épouse (M. et Mme [Y]), ont créé en 1993 la société Sabre, exerçant l'activité de coutellerie, en détenant la totalité du capital.
Envisageant de vendre leurs actions dans cette société, ils ont contacté la société N Finance.
En juillet 2021, les négociations avec la société Leno International, puis la société MSL Invest, représentées par M. [M], ont été rompues par M. et Mme [Y].
Se plaignant d'une rupture abusive des pourparlers, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ont, par acte du 22 novembre 2021, assigné M. et Mme [Y] devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation.
Par jugement du 4 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit fautive la rupture prononcée par M. et Mme [Y] ;
- Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
- Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de la demande de réparation de l'atteinte à leur réputation ;
- Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
- Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
- Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens.
Par déclaration d'appel du 1er décembre 2022, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ont demandé de :
- Confirmer le jugement du 4 novembre 2022 en ce qu'il a :
* « Déclaré recevables l'ensemble des demandes formées par la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M], infirmer à l'encontre de M. et Mme [Y] » ;
* Dit fautive la rupture des pourparlers litigieux par M. et Mme [Y] ;
- Infirmer en revanche le jugement du 4 novembre 2022 en ce qu'il a :
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande indemnitaire au titre de de l'atteinte portée à leur réputation ;
* Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens de l'instance.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2024, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest demandent de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
* Déclaré recevables l'ensemble des demandes formées par la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] ;
* Dit fautive la rupture des pourparlers litigieux par M. et Mme [Y] ;
- Infirmer en revanche le jugement en ce qu'il a :
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande indemnitaire au titre de de l'atteinte portée à leur réputation ;
* Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau ;
- Juger que la rupture brutale des pourparlers par M. et Mme [Y] a causé un préjudice aux sociétés Leno International et MSL Invest et à M. [M] que M. et Mme [Y] devront réparer ;
- Juger que M. [M], pensant légitimement que la cession des titres de la société Sabre se réaliserait, a démissionné de l'entreprise qui l'employait de sorte que la rupture brutale des pourparlers par M. et Mme [Y] lui a causé un préjudice supplémentaire que M. et Mme [Y] devront réparer ;
En conséquence ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International la somme de 160 800 euros de dommages intérêts au titre des frais inutilement engagés au cours des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société MSL Invest la somme de 61 223,24 euros de dommages intérêts au titre des frais inutilement engagés au cours des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International la somme de 30 000 euros de dommages intérêts pour réparer son préjudice d'image subi par la rupture fautive des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société MSL Invest la somme de 30 000 euros de dommages intérêts pour réparer son préjudice d'image subi par la rupture fautive des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à M. [M] la somme de 20 000 euros majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure en réparation du préjudice qu'il a subi compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à rembourser à la société MSL Invest la somme de 3 000 euros que cette dernière leur a versée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 4 novembre 2022 ;
En tout état de de cause
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International et la société MSL Invest et M. [M] la somme de 5 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2024, M. et Mme [Y] demandent de :
- Recevoir M. et Mme [Y] en leurs conclusions ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la rupture fautive ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs prétentions financières ;
- Juger que leur intervention n'a couru que du 3 mai 2021 au 5 juillet 2021 ;
- Juger irrecevables les demandes de la société Leno International et de M. [M] ;
- Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner les appelants à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action en rupture brutale des pourparlers
M. et Mme [Y] soutiennent que la société Leno International et M. [M] sont dépourvus du droit d'agir, la convention conclue par la société Leno International leur étant inopposable et M. [M], mandataire social de la société MSL Invest, n'ayant aucun intérêt à agir à titre personnel.
M. [M], les sociétés Leno International et MSL Invest soutiennent que leurs demandes sont recevables, les pourparlers s'étant déroulés avec M. [M] et sa société Leno International, puis avec sa société MSL Invest qui s'était valablement substituée à la première, et ayant chacun subi un préjudice.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
L'article 32 du même code énonce : « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En vue de céder leur entreprise, M. et Mme [Y] ont mandaté la société N Finance qui a adressé une présentation de la société Sabre à la société Leno International et a eu des échanges et des réunions avec M. [M] représentant les sociétés Leno International et MSL Invest.
Des pourparlers ont été engagés entre M. et Mme [Y] et M. [M] jusqu'en juillet 2021, date de leur rupture.
La société Leno International et la société MSL Invest, qui ont été successivement en pourparlers avec M. et Mme [Y], et M. [M], leur représentant, invoquent des préjudices financiers distincts causés par la rupture des pourparlers par M. et Mme [Y].
L'action en indemnisation est recevable.
Sur la rupture des pourparlers
M. [M], les sociétés Leno International et MSL Invest font valoir que les négociations ont débuté en septembre 2020 et se sont terminées brutalement en juillet 2021, alors que l'état des pourparlers était très avancé, que la détermination du prix de cession avait donné lieu à de longues discussions à l'issue desquelles M. et Mme [Y] avaient obtenu gain de cause, que ces derniers les ont maintenus dans la croyance légitime d'un accord et ne justifient d'aucun juste motif de rupture.
M. et Mme [Y] soutiennent qu'un désaccord persistait sur une part importante du prix, ce qui a justifié la rupture des pourparlers, et que des éléments comptables inexacts leur ont été transmis, outre une pression exercée sur eux. Ils ajoutent que les négociations entre les parties se sont déroulées durant une courte période, du 3 mai au 5 juillet 2021.
L'article 1112 du code civil dispose :
« L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. »
Les parties en cours de pourparlers disposent d'un droit de rompre unilatéralement des pourparlers précontractuels.
Cette rupture des négociations, en l'absence d'un accord ferme et définitif, peut en principe intervenir à tout moment et ne peut en elle-même constituer une faute.
En vertu de l'article 1112 du code civil susvisé, l'abus dans l'exercice du droit de rompre les pourparlers peut donner lieu à indemnisation.
En l'espèce, M. et Mme [Y], envisageant de céder leurs actions détenues dans la société Sabre, ont, par l'intermédiaire de la société N Finance, mis en place, en septembre 2020, une « data room » présentant leur société.
Deux réunions de présentation de la société Sabre ont été organisées par la société N Finance les 21 octobre 2020 et 5 novembre 2020.
M. [M], intéressé par le projet, est entré en relation avec la société N Finance en septembre 2020.
Une lettre d'intention a été établie par la société Leno International le 13 novembre 2020 et a été adressée à la société N Finance.
Elle indiquait que le prix était fixé en fonction de la valeur de l'entreprise, du « cash au closing », des dettes « au closing », avec un complément de prix en fonction du chiffre d'affaires net de 2021 (article 4).
Elle précisait qu'elle ne constituait, « pour aucune des parties, un engagement ferme de réaliser la transaction, chacune restant libre de mettre fin à tout moment au projet de transaction » (article 12).
Par courriel du 25 novembre 2020, la société N Finance a informé le conseil de la société Leno International qu'elle n'avait pas transmis l'offre en ce qu'elle ne lui convenait pas.
Les discussions se sont poursuivies avec des échanges sur les éléments comptables de la société Sabre.
Il est relevé que la société N Finance a indiqué, par courriel du 10 février 2021 adressé à M. [M], que la proposition de rachat n'avait pas été retenue pour des raisons financières, « le montant proposé était en-dessous des attentes et en dessous de la valeur perçue », et que, par courriel du 20 avril 2021, la société N Finance indiquait que la dernière offre ne convenait pas, proposant : « 5 600 000 de VE (ce qui pourrait nous amener à 7 750 000 de VT au closing) nous permettra de démarrer une discussion sérieuse ».
Une lettre d'intention était adressée le 5 mai 2021 au nom de la société Leno International à M. et Mme [Y], prévoyant que le prix était fixé en fonction de la valeur de l'entreprise, du « cash » à la date de réalisation de la transaction, et des dettes à la date de réalisation de la transaction (article 4), et précisant qu'elle ne constituait, « pour aucune des parties, un engagement ferme de réaliser la transaction, chacune restant libre de mettre fin à tout moment au projet de transaction » (article 12).
M. et Mme [Y] ont signé la lettre d'intention et des audits ont été réalisés le 11 juin 2021.
Par courriel du 25 juin 2021, un protocole de cession d'actions était adressé au nom de la société ML Invest. Le montant du prix n'était pas fixé.
Il était indiqué dans ce courriel que la valeur d'entreprise était confirmée à hauteur de 7 500 000 euros, outre une trésorerie nette ajustée, et qu'il restait deux points à discuter : « les acomptes d'impôt sur les sociétés qui n'ont pas été payés en 2021 alors que la rentabilité est en nette hausse » et « le niveau de stocks au closing qui doivent être en ligne avec les objectifs de CA 2021 ».
Il était précisé que les financeurs souhaitaient « disposer de comptes au 30 juin pour valider le prévisionnel et surtout le niveau de marge brute, étant donné la difficulté d'avoir une vision précise des stocks au mois le mois depuis début janvier », et qu'il en découlait « une proposition de prix provisoire qui serait calé sur les comptes du 30 juin », et qu'un « ajustement de prix serait versé quelques jours après le closing une fois la position de trésorerie nette ajustée de closing validée par les parties ».
Dans leurs écritures, M. et Mme [Y] font valoir que le tableau de trésorerie nette ajustée joint à ce courriel ne correspondait pas au tableau de la situation de la société Sabre établi à la date du 30 juin 2021, la différence de trésorerie étant importante (767 000 euros).
Par courriel du 29 juin 2021 adressé en réponse, M. [Y] a fait part de son étonnement sur les deux points relatifs aux acomptes d'impôts et au stock et a indiqué : « Je vous confirme qu'une situation au 30 juin semble difficilement réalisable cela nécessiterait de ralentir l'entreprise pendant 2 jours et arrêter celle-ci pendant 3 autres jours afin d'établir un inventaire. Nous aurons tout loisir de faire une situation à une date ultérieure quand nous serons d'accord sur la SPA. Concernant le rendez-vous chez vos avocats, mettons-nous d'accord sur la SPA et voyons-nous ensuite ».
Par courriel du même jour adressé à la société N Finance, M. [Y] a fait part de son désaccord écrivant :
« Le problème n'est pas que la GPA mais surtout la SPA.
Je refuse de négocier si les 3 conditions ci-dessous ne sont pas remplies
1/ dans le rush avec une date « butoir » (31/07) qui n'en est pas une
2/ pas de négociation sur la GPA sans que nous soyons tombés d'accord sur la SPA
3/ le prix de cession provisoire a été déterminé sur la base des comptes 2021. Absolument hors de question.
J'ai parlé à [N] cet après-midi et je lui ai fait part de mon agacement ».
Il résulte des échanges entre les parties qu'elles ne se sont pas entendues sur la détermination du prix de cession.
Aucun accord ferme et définitif de cession n'a été conclu.
Le prix de cession a continué d'être discuté, ainsi qu'il résulte des échanges postérieurs aux courriels du 29 juin 2021.
Par courriel du 5 juillet 2021, M. [Y] a informé de ce qu'il souhaitait mettre un terme au projet de transaction, actant que « la visio du jeudi 1 juillet n'a fait que mettre à jour les incompréhensions et divergences sur la cession de Sabre et ce avant même que nous entamions les négociations sur la garantie de passif », et que « la confiance qui commençait à se créer et le désir de contracter ensemble s'est brisée en ce qui me concerne. »
Ce désaccord persistant et exprimé sur la prise en compte d'impôt et la détermination de la trésorerie nette ajustée constitue un motif légitime autorisant M. et Mme [Y] à rompre les pourparlers déjà avancés, et ne permettait pas à l'acquéreur de croire que les négociations allaient aboutir.
M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ne démontrent pas un abus commis par M. et Mme [Y] dans la rupture abusive des négociations.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit fautive la rupture par M. et Mme [Y].
Les demandes de M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest en indemnisation seront rejetées, et le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest, qui succombent, seront tenus aux dépens d'appel.
Il apparaît équitable de les condamner à payer à M. et Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les demandes de M. [M] et de la société Leno International ;
Infirme le jugement du 4 novembre 2022 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit fautive la rupture prononcée par M. et Mme [Y], et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit que la rupture par M. et Mme [Y] des pourparlers n'est pas fautive ;
Condamne M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest à payer à M. et Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les demandes de M. [M], de la société Leno International et de la société MSL Invest au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 13 MARS 2025
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/20233 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGY6N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2022 - Tribunal de commerce de Paris, 16ème chambre - RG n° 2021057101
APPELANTS
Monsieur [N] [M]
né le 26 mars 1990 à [Localité 7] (92)
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A.R.L. LENO INTERNATIONAL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 887 836 955
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A.S. MSL INVEST, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 901 189 688
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Martine Leboucq Bernard de la SCP d'avocats Huvelin & associés, avocat au barreau de Paris, toque : R285
assistée de Me Jennifer Villard de la SAS Pichard & Associés, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, toque : A708
INTIMÉS
Monsieur [C] [Y]
né le 12 avril 1964 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [G] [K] épouse [Y]
née le 19 juillet 1964 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Me Stéphane Fertier de la SELARL JRF & Teytaud Saleh, avocat au barreau de Paris, toque : L0075
Assistés de Me Michel Septier, avocat au barreau de Paris, toque : C691
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Mme Marie-Annick Prigent, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] et Mme [K], son épouse (M. et Mme [Y]), ont créé en 1993 la société Sabre, exerçant l'activité de coutellerie, en détenant la totalité du capital.
Envisageant de vendre leurs actions dans cette société, ils ont contacté la société N Finance.
En juillet 2021, les négociations avec la société Leno International, puis la société MSL Invest, représentées par M. [M], ont été rompues par M. et Mme [Y].
Se plaignant d'une rupture abusive des pourparlers, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ont, par acte du 22 novembre 2021, assigné M. et Mme [Y] devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation.
Par jugement du 4 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit fautive la rupture prononcée par M. et Mme [Y] ;
- Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
- Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de la demande de réparation de l'atteinte à leur réputation ;
- Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
- Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
- Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens.
Par déclaration d'appel du 1er décembre 2022, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ont demandé de :
- Confirmer le jugement du 4 novembre 2022 en ce qu'il a :
* « Déclaré recevables l'ensemble des demandes formées par la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M], infirmer à l'encontre de M. et Mme [Y] » ;
* Dit fautive la rupture des pourparlers litigieux par M. et Mme [Y] ;
- Infirmer en revanche le jugement du 4 novembre 2022 en ce qu'il a :
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande indemnitaire au titre de de l'atteinte portée à leur réputation ;
* Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens de l'instance.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2024, M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest demandent de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
* Déclaré recevables l'ensemble des demandes formées par la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] ;
* Dit fautive la rupture des pourparlers litigieux par M. et Mme [Y] ;
- Infirmer en revanche le jugement en ce qu'il a :
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande d'indemnisation des frais engagés pour les besoins des pourparlers ;
* Débouté la société Leno International et la société MSL Invest de leur demande indemnitaire au titre de de l'atteinte portée à leur réputation ;
* Débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation de son préjudice compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] à payer à M. et Mme [Y] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné solidairement la société Leno International, la société MSL Invest et M. [M] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau ;
- Juger que la rupture brutale des pourparlers par M. et Mme [Y] a causé un préjudice aux sociétés Leno International et MSL Invest et à M. [M] que M. et Mme [Y] devront réparer ;
- Juger que M. [M], pensant légitimement que la cession des titres de la société Sabre se réaliserait, a démissionné de l'entreprise qui l'employait de sorte que la rupture brutale des pourparlers par M. et Mme [Y] lui a causé un préjudice supplémentaire que M. et Mme [Y] devront réparer ;
En conséquence ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International la somme de 160 800 euros de dommages intérêts au titre des frais inutilement engagés au cours des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société MSL Invest la somme de 61 223,24 euros de dommages intérêts au titre des frais inutilement engagés au cours des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International la somme de 30 000 euros de dommages intérêts pour réparer son préjudice d'image subi par la rupture fautive des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société MSL Invest la somme de 30 000 euros de dommages intérêts pour réparer son préjudice d'image subi par la rupture fautive des pourparlers litigieux et ce, majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à M. [M] la somme de 20 000 euros majorée des intérêts de retard à compter du 28 juillet 2021 date de la première mise en demeure en réparation du préjudice qu'il a subi compte tenu de la démission qu'il a donnée à son employeur inutilement ;
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à rembourser à la société MSL Invest la somme de 3 000 euros que cette dernière leur a versée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 4 novembre 2022 ;
En tout état de de cause
- Condamner solidairement M. et Mme [Y] à verser à la société Leno International et la société MSL Invest et M. [M] la somme de 5 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2024, M. et Mme [Y] demandent de :
- Recevoir M. et Mme [Y] en leurs conclusions ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la rupture fautive ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs prétentions financières ;
- Juger que leur intervention n'a couru que du 3 mai 2021 au 5 juillet 2021 ;
- Juger irrecevables les demandes de la société Leno International et de M. [M] ;
- Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner les appelants à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action en rupture brutale des pourparlers
M. et Mme [Y] soutiennent que la société Leno International et M. [M] sont dépourvus du droit d'agir, la convention conclue par la société Leno International leur étant inopposable et M. [M], mandataire social de la société MSL Invest, n'ayant aucun intérêt à agir à titre personnel.
M. [M], les sociétés Leno International et MSL Invest soutiennent que leurs demandes sont recevables, les pourparlers s'étant déroulés avec M. [M] et sa société Leno International, puis avec sa société MSL Invest qui s'était valablement substituée à la première, et ayant chacun subi un préjudice.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
L'article 32 du même code énonce : « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En vue de céder leur entreprise, M. et Mme [Y] ont mandaté la société N Finance qui a adressé une présentation de la société Sabre à la société Leno International et a eu des échanges et des réunions avec M. [M] représentant les sociétés Leno International et MSL Invest.
Des pourparlers ont été engagés entre M. et Mme [Y] et M. [M] jusqu'en juillet 2021, date de leur rupture.
La société Leno International et la société MSL Invest, qui ont été successivement en pourparlers avec M. et Mme [Y], et M. [M], leur représentant, invoquent des préjudices financiers distincts causés par la rupture des pourparlers par M. et Mme [Y].
L'action en indemnisation est recevable.
Sur la rupture des pourparlers
M. [M], les sociétés Leno International et MSL Invest font valoir que les négociations ont débuté en septembre 2020 et se sont terminées brutalement en juillet 2021, alors que l'état des pourparlers était très avancé, que la détermination du prix de cession avait donné lieu à de longues discussions à l'issue desquelles M. et Mme [Y] avaient obtenu gain de cause, que ces derniers les ont maintenus dans la croyance légitime d'un accord et ne justifient d'aucun juste motif de rupture.
M. et Mme [Y] soutiennent qu'un désaccord persistait sur une part importante du prix, ce qui a justifié la rupture des pourparlers, et que des éléments comptables inexacts leur ont été transmis, outre une pression exercée sur eux. Ils ajoutent que les négociations entre les parties se sont déroulées durant une courte période, du 3 mai au 5 juillet 2021.
L'article 1112 du code civil dispose :
« L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. »
Les parties en cours de pourparlers disposent d'un droit de rompre unilatéralement des pourparlers précontractuels.
Cette rupture des négociations, en l'absence d'un accord ferme et définitif, peut en principe intervenir à tout moment et ne peut en elle-même constituer une faute.
En vertu de l'article 1112 du code civil susvisé, l'abus dans l'exercice du droit de rompre les pourparlers peut donner lieu à indemnisation.
En l'espèce, M. et Mme [Y], envisageant de céder leurs actions détenues dans la société Sabre, ont, par l'intermédiaire de la société N Finance, mis en place, en septembre 2020, une « data room » présentant leur société.
Deux réunions de présentation de la société Sabre ont été organisées par la société N Finance les 21 octobre 2020 et 5 novembre 2020.
M. [M], intéressé par le projet, est entré en relation avec la société N Finance en septembre 2020.
Une lettre d'intention a été établie par la société Leno International le 13 novembre 2020 et a été adressée à la société N Finance.
Elle indiquait que le prix était fixé en fonction de la valeur de l'entreprise, du « cash au closing », des dettes « au closing », avec un complément de prix en fonction du chiffre d'affaires net de 2021 (article 4).
Elle précisait qu'elle ne constituait, « pour aucune des parties, un engagement ferme de réaliser la transaction, chacune restant libre de mettre fin à tout moment au projet de transaction » (article 12).
Par courriel du 25 novembre 2020, la société N Finance a informé le conseil de la société Leno International qu'elle n'avait pas transmis l'offre en ce qu'elle ne lui convenait pas.
Les discussions se sont poursuivies avec des échanges sur les éléments comptables de la société Sabre.
Il est relevé que la société N Finance a indiqué, par courriel du 10 février 2021 adressé à M. [M], que la proposition de rachat n'avait pas été retenue pour des raisons financières, « le montant proposé était en-dessous des attentes et en dessous de la valeur perçue », et que, par courriel du 20 avril 2021, la société N Finance indiquait que la dernière offre ne convenait pas, proposant : « 5 600 000 de VE (ce qui pourrait nous amener à 7 750 000 de VT au closing) nous permettra de démarrer une discussion sérieuse ».
Une lettre d'intention était adressée le 5 mai 2021 au nom de la société Leno International à M. et Mme [Y], prévoyant que le prix était fixé en fonction de la valeur de l'entreprise, du « cash » à la date de réalisation de la transaction, et des dettes à la date de réalisation de la transaction (article 4), et précisant qu'elle ne constituait, « pour aucune des parties, un engagement ferme de réaliser la transaction, chacune restant libre de mettre fin à tout moment au projet de transaction » (article 12).
M. et Mme [Y] ont signé la lettre d'intention et des audits ont été réalisés le 11 juin 2021.
Par courriel du 25 juin 2021, un protocole de cession d'actions était adressé au nom de la société ML Invest. Le montant du prix n'était pas fixé.
Il était indiqué dans ce courriel que la valeur d'entreprise était confirmée à hauteur de 7 500 000 euros, outre une trésorerie nette ajustée, et qu'il restait deux points à discuter : « les acomptes d'impôt sur les sociétés qui n'ont pas été payés en 2021 alors que la rentabilité est en nette hausse » et « le niveau de stocks au closing qui doivent être en ligne avec les objectifs de CA 2021 ».
Il était précisé que les financeurs souhaitaient « disposer de comptes au 30 juin pour valider le prévisionnel et surtout le niveau de marge brute, étant donné la difficulté d'avoir une vision précise des stocks au mois le mois depuis début janvier », et qu'il en découlait « une proposition de prix provisoire qui serait calé sur les comptes du 30 juin », et qu'un « ajustement de prix serait versé quelques jours après le closing une fois la position de trésorerie nette ajustée de closing validée par les parties ».
Dans leurs écritures, M. et Mme [Y] font valoir que le tableau de trésorerie nette ajustée joint à ce courriel ne correspondait pas au tableau de la situation de la société Sabre établi à la date du 30 juin 2021, la différence de trésorerie étant importante (767 000 euros).
Par courriel du 29 juin 2021 adressé en réponse, M. [Y] a fait part de son étonnement sur les deux points relatifs aux acomptes d'impôts et au stock et a indiqué : « Je vous confirme qu'une situation au 30 juin semble difficilement réalisable cela nécessiterait de ralentir l'entreprise pendant 2 jours et arrêter celle-ci pendant 3 autres jours afin d'établir un inventaire. Nous aurons tout loisir de faire une situation à une date ultérieure quand nous serons d'accord sur la SPA. Concernant le rendez-vous chez vos avocats, mettons-nous d'accord sur la SPA et voyons-nous ensuite ».
Par courriel du même jour adressé à la société N Finance, M. [Y] a fait part de son désaccord écrivant :
« Le problème n'est pas que la GPA mais surtout la SPA.
Je refuse de négocier si les 3 conditions ci-dessous ne sont pas remplies
1/ dans le rush avec une date « butoir » (31/07) qui n'en est pas une
2/ pas de négociation sur la GPA sans que nous soyons tombés d'accord sur la SPA
3/ le prix de cession provisoire a été déterminé sur la base des comptes 2021. Absolument hors de question.
J'ai parlé à [N] cet après-midi et je lui ai fait part de mon agacement ».
Il résulte des échanges entre les parties qu'elles ne se sont pas entendues sur la détermination du prix de cession.
Aucun accord ferme et définitif de cession n'a été conclu.
Le prix de cession a continué d'être discuté, ainsi qu'il résulte des échanges postérieurs aux courriels du 29 juin 2021.
Par courriel du 5 juillet 2021, M. [Y] a informé de ce qu'il souhaitait mettre un terme au projet de transaction, actant que « la visio du jeudi 1 juillet n'a fait que mettre à jour les incompréhensions et divergences sur la cession de Sabre et ce avant même que nous entamions les négociations sur la garantie de passif », et que « la confiance qui commençait à se créer et le désir de contracter ensemble s'est brisée en ce qui me concerne. »
Ce désaccord persistant et exprimé sur la prise en compte d'impôt et la détermination de la trésorerie nette ajustée constitue un motif légitime autorisant M. et Mme [Y] à rompre les pourparlers déjà avancés, et ne permettait pas à l'acquéreur de croire que les négociations allaient aboutir.
M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest ne démontrent pas un abus commis par M. et Mme [Y] dans la rupture abusive des négociations.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit fautive la rupture par M. et Mme [Y].
Les demandes de M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest en indemnisation seront rejetées, et le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest, qui succombent, seront tenus aux dépens d'appel.
Il apparaît équitable de les condamner à payer à M. et Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les demandes de M. [M] et de la société Leno International ;
Infirme le jugement du 4 novembre 2022 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit fautive la rupture prononcée par M. et Mme [Y], et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit que la rupture par M. et Mme [Y] des pourparlers n'est pas fautive ;
Condamne M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest à payer à M. et Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les demandes de M. [M], de la société Leno International et de la société MSL Invest au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [M], la société Leno International et la société MSL Invest aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE