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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 13 mars 2025, n° 23/02990

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Montravers Yang-Ting (SELARL), Eco Energie Habitat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Dubois, Me Ramahandriarivelo, Me Assorin Alessi, Me Boulaire

TJ Perpignan, Juge des contentieux de la…

6 avril 2023

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS :

1- Le11 juillet 2013, Mme [W] [M] et M. [G] [M] ont commandé à la Sarl Eco Energie Habitat la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 24 000 €.

2- Le 23 juillet 2013, les époux [M] ont souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance un prêt du même montant aux fins de financer l'opération.

3- Le 6 août 2013, les travaux ont été réceptionnés sans réserve.

4- Le 8 août 2013, le déblocage des fonds prêtés est intervenu.

5- Le contrat de revente d'électricité a pris effet le 18 novembre 2013.

6- Suivant jugement du tribunal de commerce en date du 22 octobre 2019, la liquidation judiciaire de la SARL Eco Energie Habitat a été prononcée.

7- Se fondant notamment sur un « rapport d'expertise sur investissement » établi le 20 mars 2020 réalisé par M. [H], les époux [M] ont fait assigner la SELARL Montravers Yang-Ting et la S.A BNP Paribas Personal Finance par acte du 15 juin 2022 devant le tribunal judiciaire de Perpignan pour voir ordonner la nullité du contrat de vente et celle subséquente de l'offre de prêt.

8- Par jugement réputé contradictoire du 6 avril 2023, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

' Déclaré recevable l'action de M. et Mme [M],

' Prononcé l'annulation du contrat de vente,

' Prononcé l'annulation du contrat de crédit,

' Condamné après compensation la Société Anonyme BNP Paribas Personal Finance à payer à M.et Mme [M] la somme de 3300€ avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

' Débouté M. et Mme [M] du surplus de leur demande ;

' Débouté la Société Anonyme BNP Paribas Personal Finance de ses plus amples demandes ;

' Condamné la Société Anonyme BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [M] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouté la Société Anonyne BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné la Société Anonyme BNP Paribas Personal Finance aux dépens de l'instance ;

' Rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

9- La SA BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement le 9 juin 2023.

10- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 8 septembre 2023, la SA BNP Paribas Personal Finance demande en substance à la cour de :

' Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action en annulation pour irrégularités formelles du bon de commande, subséquemment prononcé l'annulation du contrat principal et celle accessoire du contrat de crédit, et en ce qu'il a condamné le prêteur au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et statuant à nouveau de ces chefs :

Au principal,

Vu l'article 2224 du code civil,

' Déclarer irrecevables les époux [M] en leur demande d'annulation des contrats pour irrégularité du bon de commande, alors que le délai quinquennal expirait le 11 juillet 2018 ou au plus tard le 06 août 2018,

' Les déclarer en conséquence irrecevables en toutes leurs prétentions dirigées contre la SA BNP Paribas Personal Finance,

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1138 du code civil,

' Dire et juger qu'à supposer démontrées des causes de nullité du contrat de prestation et fourniture conclu avec Eco Energie Habitat, les époux [M] ont couvert ces nullités en exécutant volontairement et spontanément le contrat de prestation de service, en réceptionnant sans réserve ni grief les travaux et prestations accomplis qu'ils ont déclaré comme pleinement achevés au prêteur, puis en exécutant scrupuleusement et sans contestation l'ensemble contractuel tout en profitant des matériels,

' Débouter en conséquence les époux [M] de l'intégralité de leurs moyens et demandes,

A titre très subsidiaire, si l'action était jugée recevable et bien fondée,

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil, Vu l'article L312-56 du code de la consommation,

' Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [M] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, au titre des remises en état et restitution du capital mis à disposition, la somme de 24 000 euros avec déduction des échéances déjà versées,

En toute hypothèse,

' Condamner les époux [M] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

11- La SELARL Montravers Yang-Ting es-qualité de mandataire ad hoc de la Sarl Eco Energie Habitat à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte remis à domicile le 19 juillet 2023 n'a pas constitué avocat.

12- Par ordonnance en date du 11 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 11 décembre 2023 par le conseil des époux [M].

13- Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 décembre 2024

14- Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

15- La SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité fondée sur l'irrégularité formelle du contrat principal.

16-Il sera rappelé à titre liminaire que les conclusions des époux [M] notifiées le 11 décembre 2023 ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 11 janvier 2024 du conseiller de la mise en état. En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Ces dispositions s'appliquent dans l'hypothèse où les conclusions de l'intimé ont été déclarées irrecevables (2ème Civ., 10 janvier 2019, n°17-20.018).

17- Ainsi, la cour n'est pas saisie des conclusions des époux [M] et doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement dont il ressort que si le premier juge a considéré que l'action en nullité du contrat principal fondée sur le dol était prescrite, celle fondée sur les irrégularités formelles du contrat, était recevable et bien-fondée.

18- Il est également rappelé que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables, en vertu de l'article 906, dernier alinéa, du code de procédure civile.

19- La SA BNP Paribas Personal Finance fait grief au premier juge d'avoir déclaré l'action en nullité du contrat sur le fondement de sa non-conformité aux dispositions du code de la consommation et celle subséquente du contrat de prêt recevables en dépit de son engagement plus de cinq ans après la signature du bon de commande constituant le point de départ de la prescription et en tout état de cause plus de cinq ans après la réception de la facture relative aux travaux le 6 août 2013 ayant révélé les insuffisances du bon de commande, voire plus de cinq ans après la réception de la première facture en novembre 2019.

20- Le premier juge a considéré qu'il n'était ni démontré ni allégué que les époux [M], consommateurs profanes, disposaient lors de la signature du contrat le 11 juillet 2013, des connaissances juridiques leur permettant de détecter la nullité du bon de commande et qu'ils auraient dû la connaître antérieurement au 15 juin 2017 soit cinq ans avant la délivrance de l'assignation.

21- Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

22- Il résulte des écritures de la SA BNP Paribas Personal Finance que pour faire admettre la recevabilité de leur action, les époux [M] ont invoqué devant le premier juge l'article 2232 du code civil instaurant un délai buttoir de 20 ans ainsi que le principe d'effectivité des droits tiré du droit de l'Union.

23-La SA BNP Paribas Personal Finance soutient, quant à elle, en substance que le point de départ de la prescription de la nullité du bon de commande doit être fixé conformément à la jurisprudence, à la date de sa signature, que le délai butoir de 20 ans de l'article 2232 du code civil n'est pas un délai de substitution destiné à échapper à la prescription quinquennale et que le principe d'effectivité des droits doit s'apprécier au regard du principe de sécurité juridique également reconnu par le droit de l'Union.

24-S'agissant du droit de l'Union, il doit être rappelé qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne :

- qu'en l'absence, comme en l'espèce, de règles de l'Union, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre, en vertu du principe d'autonomie procédurale, de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'union sous la réserve du respect du principe de l'équivalence et 'qu'elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par le droit de l'Union' (principe d'effectivité).

- que la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu et que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion, dans l'intérêt de la sécurité juridque est compatible avec le droit de l'Union (arrêts du 9 juillet 2020 Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18).

- que s'agissant de l'opposition d'un délai de prescription aux actions introduites par des consommateurs, une telle règle n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'effectivité pour autant que son application ne rende pas impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés.

- qu'il y a lieu de prendre en considération outre le principe d'effectivité des droits, le principe de sécurité juridique (arrêts du 15 mars 2017, Aquino, C 3/16, EU:C:2017:209, point 53, et du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, déjà cité).

25- Le recours à l'article 2232 du code civil qui dispose que le report du point de départ la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescrition extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit est vain, dès lors que le débat porte sur la détermination du point de départ de la prescription et non sur les conséquences de la suspension ou de l'interruption du délai de prescription, événements non invoqués en l'espèce.

26- En application des dispositions de l'article 2224 du code civil déjà cité, le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu hors établissement, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, de manière lisible et compréhensible les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, son prix, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou le service vendu, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant la validité du contrat. (Cass. Civ 1ère, 6 nov. 2024, n° 23-16.033, Cass. Civ 1ère, 6 nov. 2024, n° 23-21.155).

27- Au cas d'espèce, la simple lecture du bon de commande signé le 11 juillet 2013 par les époux [M], leur permettait de constater que faisaient notamment défaut les indications de la marque et la puissance du matériel vendu, de même qu'aucune mention ne les renseignait sur la date de livraison.

28- Par ailleurs étaient reproduites au verso du bon de commande les dispositions de l'article L121-23 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat aux termes desquelles 'les opérations visées à l'article L121-1 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat et comporter, à peine de nullité:

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts (...)

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens et d'exécution de services (...)'.

29- Il résulte de ces observations que les époux [M] ont été en mesure dès la signature du bon de commande de connaître les défauts d'information affectant le contrat et de faire valoir de manière effective leurs droits dans les cinq années suivantes. N'ayant engagé leur action que le 15 juin 2022, elle devra être déclarée irrecevable comme étant prescrite, le jugement étant en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

30- Parties succombantes, M. et Mme [M] seront condamnés aux dépens par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt de défaut,

Infirme le jugement en ses dispositions déférées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les actions de M. et Mme [M] en nullité du contrat de vente conclu avec la société Eco Energie Habitat et nullité subséquente du contrat de prêt conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance.

Condamne M. et Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. et Mme [M] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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