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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 13 mars 2025, n° 21/02404

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/02404

13 mars 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 13 MARS 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02404 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJ7Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F18/00002

APPELANT

Monsieur [X] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

S.A.S. SOCIETE DES MAGASINS ECONOMIQUES DE [Localité 4] [Localité 5] (SOMEHO)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie ALA, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de la chambre,

Madame Stéphanie ALA, présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

La Société des magasins économiques de [Localité 4] [Localité 5] ( ci-après la société Someho) exploite un magasin de détail alimentaire à [Localité 5] sous l'enseigne Franprix.

Elle est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ( IDCC 2216).

M. [X] [M] a été engagé par la société Gecoma le 1er septembre 2010 en qualité de moniteur boucherie, statut cadre. A compter du mois d'octobre 2012, sans que les parties ne fournissent d'élément juridique sur ce point, il a été employé par la société Someho au sein du même magasin. Il est devenu chef boucher, statut cadre.

Au moment des faits la société employait plus de dix salariés.

Le 29 juin 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 17 juillet 2017.

Le 16 août 2017, le salarié a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une durée de quatre jours.

M. [M] a saisi la juridiction prud'homale le 2 janvier 2018 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Il a demandé à la juridiction prud'homale de :

- annuler la mise à pied du 16 novembre 2017 et de lui verser le salaire correspondant

- lui allouer un rappel de salaire au titre de la rémunération variable

- prononcer la résiliation judiciaire et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause de condamner l'employeur à lui verser des sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la capitalisation des intérêts

- la communication de documents de fin de contrat.

L'employeur s'est opposé à l'ensemble des demandes du salarié et, reconventionnellement, a demandé que la prise d'acte produise les effets d'une démission et que le salarié soit condamné à verser une certaine somme au titre du non respect du préavis.

Par lettre du 9 avril 2018, alors que la procédure était pendante devant le conseil de prud'hommes, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 22 janvier 2021, sous la présidence d'un juge départiteur, notifié le 24 février 2021 à M. [M], le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :

- annulé la mise à pied disciplinaire du 16 novembre 2017,

- dit que la prise d'acte du 9 avril 2018 produit les effets d'une démission,

- condamné la société Someho à verser à M. [M] les sommes de :

* 595,92 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 25 au 28 septembre 2017,

* 59,55 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- condamné M. [M] à verser à la société Someho la somme de 11 166 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- dit que les créances porteront intérêt à compter du prononcé du jugement et que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu a ordonner l'exécution provisoire.

M. [M] a interjeté appel le 4 mars 2021.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 9 novembre 2021, M. [M] demande à la cour de :

- Le recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondé,

- Débouter la société Someho de son appel incident, et de toutes ses demandes, 'ns et conclusions,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la mise à pied et condamné la société Someho à lui verser les sommes de 595,52 euros, outre les congés-payés afférents pour 59,55 euros,

- Le réformer sur le surplus,

- Débouter la société Someho de toutes ses demandes, 'ns et conclusions,

- Condamner la société Someho au titre du salaire variable à la somme de 9.000 euros sous réserve de désigner un expert avec mission générale d'établir les comptes entre les parties pour les exercices 2016 à avril 2018 inclus sur la base de 0,5 % du chiffre d'affaires du rayon boucherie et assimilés,

- A ce titre, ordonner à la société Someho de verser aux débats les documents comptables concernant les activités boucherie et assimilés du magasin Franprix d'[Localité 5] (91) pour les exercices 2016 à avril 2018 inclus pour permettre le chiffrage des demandes, ces documents étant détenus, sans accessibilité pour le demandeur, par la seule partie défenderesse qui refuse de les produire,

Sur la rupture du contrat :

- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture était justifiée et que cette rupture du contrat de travail est entièrement imputable à la société Someho avec les effets d'un licenciement nul ou d'un licenciement sans de cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- Condamner la société Someho à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité de préavis : (4205,90 x 3) 12.617,70 euros,

* indemnité de congés payés sur préavis : 1.261,77 euros,

* indemnité de licenciement : 9.589,56 euros,

* indemnité pour licenciement nul 50.000 euros,

* subsidiairement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 33.640 euros,

- Lesdites sommes avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts à compter de la citation en justice, soit le 2 janvier 2018

- Ordonner la délivrance d'un nouveau certi'cat de travail et d'une attestation Assedic conforme aux causes du 'jugement' à intervenir,

- Condamner la société Someho à lui verser la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Someho en tous les dépens de première instance et d'appe1, y compris ceux éventuels d'exécution forcée.

Par écritures notifiées par voie électronique le 10 août 2021, la société Someho forme un appel incident et demande à la cour de :

- La recevoir en ses pièces et conclusions,

- Confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du 9 avril 2018 produit les effets d'une démission,

- condamné M. [M] à lui payer la somme brute de 11.166 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- Infirmer partiellement pour le surplus le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- Sur la mise à pied disciplinaire notifiée le 16 août 2017 :

- Constater la réalité et le sérieux des griefs invoqués,

- Dire et juger valide la mise à pied disciplinaire notifiée,

- Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes formulées à ce titre, notamment relatives au rappel de salaire afférent,

- Sur la rémunération variable :

- Constater que M. [M] échoue dans la démonstration de la preuve qui lui incombe quant au principe d'un prétendu droit acquis à une rémunération variable ;

- Le débouter de l'ensemble de ses demandes formulées à ce titre,

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

' Condamner M. [M] à lui verser la somme totale de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais engagés au titre des deux instances ;

' Condamner M. [M] aux entiers dépens.

- Subsidiairement, sur le montant des sommes sollicitées par M. [M]:

- Constater qu'il est mal fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis,

- Le débouter de ses demandes à ce titre,

- Constater qu'il ne rapporte aucune preuve sur la réalité et l'ampleur de son préjudice,

- Limiter strictement son indemnisation à la somme équivalente à trois mois de salaire, soit

11.166 € et le débouter du surplus,

- Réduire à de plus justes proportions sa demande formulée au titre de l'article 700 du

code de procédure civile.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2024.

Par message RPVA du 27 janvier 2025, il a été demandé au conseil de M. [M] de produire les pièces 65 à 67 figurant au bordereau de communication de pièces mais non versées au dossier de plaidoirie.

Les pièces ont été transmises en annexe d'un message RPVA du même jour.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que, suivant les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

- Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire

Aux termes de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Aux termes de l'article L.1333-1 du même code, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l'article L.1333-2 du même code, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Au cas présent, il résulte des éléments produits que, par lettre du 16 août 2017, M. [M] a été mis à pied quatre jours pour s'être livré les 2 et 3 juin à une pratique de 'remballe' sur les poulets cuits en rôtissoire ( pièce 6 de l'intimée).

Ces faits ont été contestés par M. [M] par lettre du 22 août 2017 ( pièce 19 de l'appelant).

Ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, pour attester de l'existence des faits, l'employeur produit des photographies non datées de poulets emballés ( pièce 19 de l'intimé) floues, ce qui les rend totalement illisibles ainsi que l'attestation de M. [B], directeur de l'établissement ( pièce 21 de l'intimé).

Ce seul témoignage se rapportant aux faits, non corroboré par d'autres éléments alors par ailleurs que M. [M] les conteste et s'explique sur ce point et qu'un conflit l'oppose au directeur de l'établissement, est ainsi, que l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, insuffisant à établir la matérialité des faits.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé la sanction et ordonné un rappel de salaire et congés payés en conséquence.

- Sur la demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable

Le salarié soutient que tous les chefs bouchers qui l'ont précédé ainsi que les chefs bouchers des autres Franprix ont bénéficié d'une rémunération variable. Il soutient que cette prime est devenue un élément permanent de son salaire. Il conteste tout caractère discrétionnaire et la qualification de gratification invoquée par l'employeur.

L'employeur réplique que le salarié ne rapporte pas la preuve de ses dires quant à l'existence d'un engagement contractuel, conventionnel ou l'existence d'un usage.

Il précise qu'il ne verse pas les éléments permettant de déterminer le montant de sa demande et qu'en tout état de cause la prime versée présentait un caractère discrétionnaire or, à ce titre il précise que le salarié n'a pas bien rempli ses missions ce qui justifie que la prime ne lui ai pas été versée.

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Au cas présent, et alors que le contrat de travail ne comporte aucune disposition à ce titre, le salarié soutient que sa rémunération comportait une partie variable consistant en un versement mensuel d'une prime correspondant à 0,5 % du chiffre d'affaire TTC du rayon boucherie.

Sans préciser l'origine de la prime ainsi allouée, il affirme qu'elle était versée à tous les chefs bouchers des Franprix ainsi que tous les chefs bouchers qui l'ont précédé et que cet constitue un élément permanent de sa rémunération.

Il soutien que cet élément a constitué au fil du temps, un élément stable et permanent de sa rémunération.Il se prévaut d'une pratique propre aux magasins Franprix réservé aux chefs bouchers.

Il convient d'examiner l'existence d'un usage.

A cet égard, il revient au salarié de rapporter la preuve d'une part des éléments constitutifs d'un usage à savoir les critères de généralité, constance et fixité, d'autre part que la prime repose sur ces règles de calcul déterminées.

Au soutien de sa position, le salarié produit trois attestations ( pièces 65 à 67 de l'appelant),

- M. [D] affirme qu'en tant que chef boucher il a perçu une prime d'inventaire de 0,5 % du chiffre d'affaires à [Localité 5] pendant huit ans,

- M. [S], directeur de deux magasins avec un rayon boucherie de 1995 à 2016, indique que les chefs bouchers ' avaient une prime de 0,5% du chiffre du rayon boucherie prix de vente TTC versé sur le salaire de l'intéressé avec un mois de décalage',

- M. [P], chef boucher dans l'enseigne Franprix, précise qu'en cette qualité il a bénéficié d'une rémunération de 0,5 % sur le chiffre d'affaire du rayon.

Il convient d'observer que le salarié ne donne aucune précision sur la structure du groupe et sur le point de savoir si les enseignes Franprix sont exploitées par une même société ou des sociétés indépendantes qui ne seraient pas liées les unes aux autres mais exploitant sous la même enseigne. Il n'est dès lors pas possible de tirer, à partir des éléments qu'il produit, l'existence d'un usage au sein du groupe Franprix.

Il ne ressort pas de l'attestation de M. [P] qu'il a été employé par la même société que le salarié. De même, M. [D], fait référence à une prime d'inventaire qui ne figure pas sur les bulletins de salaire de M. [M].

Il sera ajouté que si M. [S] indique que les chefs bouchers percevaient une telle prime au sein des deux magasins qu'il a dirigés, il ne précise pas l'identité des salariés concernés ni les magasins qu'il a dirigés, si ce n'est le dernier dont on déduit, au vu des pièces produites, qu'il s'agit de celui dans lequel M. [M] à travaillé.

Enfin, il est le seul à apporter la précision d'un calcul de 0,5 % du chiffre d'affaire TTC alors que ces éléments ne sont pas énoncés par M. [P], que le taux de TVA peut varier en fonction des produits vendus et que le rapprochement entre les données chiffrées et les bulletins de salaire du salarié ( pièces 5 à 9,11,12,15,17,26, 28 à 30,51,59 à 63 de l'appelant) ne permettent pas de confirmer une telle assiette de calcul, ni que le chiffre d'affaire figurant sur les documents établis de manière manuscrite correspond au chiffre d'affaire TTC.

Au vu de ces éléments, il convient de conclure que M. [M] ne rapporte pas la preuve d'un usage qui consisterait à verser chaque mois, aux chefs bouchers, une rémunération variable équivalente à 0,5 % du chiffre d'affaires TTC réalisé le mois précédent sur leur rayon.

Pour ce qui est du versement d'une somme qui serait devenue un élément fixe de sa rémunération, hors l'existence d'un usage,il convient de relever que :

- M. [M] est devenu chef boucher en octobre 2012,

- il a perçu une prime de rendement au mois de décembre référencée sous le code 335000,

- une prime de rendement figurant sous le même code a été versée, pour des montants variables en 2013 à l'exception des mois de février, juin et novembre,

- une prime de rendement figurant sous le même code a été versée, pour des montants variables en 2014 à l'exception des mois de février, mai et août,

- une prime de rendement figurant sous le même code a été versée, pour des montants variables en 2015 à l'exception du mois de mai,

- une prime de rendement figurant sous le même code a été versée, pour des montants variables en 2016 à l'exception des mois de janvier, août et octobre, cette prime a disparu à compter du mois de novembre et est apparue, à compter de cette date, une prime chiffre d'affaire, sous un code différent 325000,

- une prime chiffre d'affaire sous le code 325000 de montants variables a été versée aux mois d'avril, juin, juillet septembre et octobre 2017.

Contrairement à ce que soutient le salarié, ces éléments montrent que la prime, bien que versée régulièrement, ne constituait pas un élément permanent et stable de sa rémunération en ce qu'elle n'était pas versée chaque mois, que son montant était variable et que le code et l'intitulé ont changé. En cela ces éléments contredisent également le témoignage de M. [S], directeur du magasin jusqu'au mois de juillet 2016 concernant l'existence d'un versement mensuel régulier.

Il en ressort que le versement de cette prime, comme d'autres primes mentionnées sur les bulletins de salaire ( ex prime de participation ou prime exceptionnelle) ne liait pas l'employeur mais constituait une gratification ponctuellement et discrétionnairement accordée par celui-ci.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la rémunération variable.

Il convient également de le débouter de sa demande de production de documents comptables qui est attachée à cette demande.

- Sur la prise d'acte

Le salarié conclut au bien fondé de la prise d'acte. Il invoque, dans ses écritures, trois manquements de l'employeur qui, selon lui, sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien du contrat de travail: le non paiement de sa rémunération variable, des agressions permanentes contre un salarié investi d'un mandat électif et l'atteinte à ce mandat ( sanction, rétrogradation salariale sans saisine de l'inspection du travail).

L'employeur conteste l'existence des manquements allégués. En soutenant l'absence de rémunération variable et l'absence de lien entre une exécution défectueuse du contrat de travail et l'exercice d'un mandat électif.

Concernant le manquement au titre de la rémunération variable, il ressort des développements précédents que ce grief n'est pas fondé.

Concernant les agressions permanentes dont il déclare avoir été victime, M. [M] dresse la liste suivante :

- 7 février 2017 critique de la gestion du chef boucherie avec demande de sanction,

- 16 mars 2017 accusations mensongères avec demande de sanction et dénigrements,

- juin 2017 accusations mensongères au titre des faits de 'remballe'

- juin 2017 convocation à un entretien préalable, faux témoignage du directeur, sanction non conforme au règlement,

- juillet 2017 établissement d'un faux témoignage à l'initiative de M. [B],

- août/septembre 2017 refus de tenir compte de ses réclamations en matière de salaire, protection de la santé et sécurité de l'établissement,

- septembre 2017 rétention d'information,

- novembre 2017 suppression définitive du salaire variable,

- février 2018 nouvelles agressions dénoncées par le salarié,

- février 2018 production de faux comptes pour le rayon boucherie pour ne pas verser la rémunération variable,

- mars 2018 négation de faits fautifs par l'employeur qui traduisent une discrimination syndicale et la volonté de le pousser à la rupture du contrat de travail,

- 2017/2018 violation du rôle de délégué du personnel refus de répondre aux revendications des salariés, refus de tenir des réunions et de tenir les réunions des délégués du personnel, pratiques frauduleuses par modification du cahier des délégués du personnel et fausses accusations dans le rapport d'enquête fabriqué par l'employeur.

Le salarié accuse l'employeur d'avoir produit ou fait établir des faux concernant des témoignages, la production de comptes, le rapport d'enquête, la modification du cahier des délégués du personnel. Ces affirmations ne reposent sur aucun élément de preuve tangible. Il en est de même de prétendues rétentions d'informations. Dès lors, les éléments se rapportant à ce sujet ne sont pas établis.

Il en est de même pour toutes les 'agressions' que le salarié relie au refus de lui verser la partie variable de sa rémunération pour les raisons précédemment indiquées. Il sera au demeurant observé que des primes ont été versées alors que M. [B] était directeur du magasin puisque, selon les affirmations de M. [M] dans sa lettre du 22 août 2017 (pièce 19 de l'appelant) celui-ci est arrivé au mois d'octobre 2016.

Concernant la critique de la gestion du rayon boucherie, M. [M] invoque un courriel du 7 février 2017 ( pièce 13 de l'appelant) dans lequel, une personne non identifiée, dont M. [M] indique qu'il s'agit du directeur du magasin, fait valoir qu'en dépit de l'interdiction qui a été faite, M. [M] a recruté des intérimaires engendrant un coût supplémentaire pour la société et réclame que lui soit adressé un avertissement.

Le courriel adressé par M. [M] le 15 février 2018 ( pièce 42 de l'appelant) à M. [V], président de la société dirigeant Someho mentionne qu'il souhaite gérer en toute autonomie son rayon sous le contrôle de sa hiérarchie fonctionnelle en ayant la possibilité du choix des salariés intérimaires. Il y précise que ses fonctions sont niées par le nouveau directeur du magasin qui décide à sa place de l'embauche ou non embauche de salariés intérimaires.

Or, il résulte de la délégation de pouvoirs consentie par M. [V] à M. [B], directeur de l'établissement, que c'est lui, et non M. [M], qui est en responsabilité pour la gestion du personnel du magasin.

Dès lors, et alors que M. [M] ne conteste pas avoir recruté du personnel intérimaire en dépit de l'interdiction de la direction du magasin et qu'au contraire il revendique une autonomie sur ce sujet, il ne peut être considéré que le courriel du 7 février 2017 constitue une agression à son endroit ou une remise en cause du périmètre de ses fonctions.

Concernant les faits du 16 mars 2017, le salarié produit un courriel ( pièce 54 de l'appelant) au sujet duquel il n'explique pas en quoi il contiendrait des accusations mensongères avec demande de sanction qui ne ressortent en tout cas pas de la lettre du texte.

Pour ce qui est des faits du mois de juin, il a précédemment été retenu qe la mise à pied disciplinaire n'était pas justifiée.

Pour ce qui est du fait de ne pas tenir compte de ses revendications telle qu'émises dans son courrier du 22 août 2017 ( pièce 19 de l'appelant), il ne peut être considéré que l'employeur, qui maintient une sanction disciplinaire, commet une agression. Quant aux faits se rapportant à la santé et sécurité de l'établissement, il sera relevé qu'ils ne constituent que l'accessoire de la demande principale tendant à l'annulation de la sanction prononcée à son encontre, que ces éléments sont invoqués pour illustrer son propos à l'encontre du directeur du magasin et sont énoncés en termes très génériques, que le fait de ne pas y avoir répondu immédiatement ne saurait constituer une agression.

Concernant les faits de février 2018, le salarié soutient que la seule réponse aux nouveaux faits qu'il a dénoncé le 15 février a été la convocation à un entretien préalable au licenciement auquel l'employeur a finalement renoncé reconnaissant finalement qu'il n'y avait aucun motif de rupture.

Ces éléments sont inexacts. Le salarié produit uniquement la lettre de convocation à un entretien préalable datée du 19 février 2018 ( pièce 44 de l'appelant), l'employeur produit la lettre en réponse au salarié du 23 mars 2018 ( pièce 8 de l'intimé) à son courrier du 15 février 2018.

Il en ressort qu'à cette époque un contentieux a opposé M. [M] à son directeur de magasin concernant une demande de congés payés qui a été refusée par le directeur du magasin comme étant tardive. Les parties ne fournissent aucune explication sur le motif de la convocation délivrée le 19 février 2018 mais au vu de cette chronologie, il s'en déduit qu'elle est dans la suite de ce contentieux. Quoiqu'il en soit aucun élément ne permet d'établir, comme l'affirme le salarié, que l'employeur a finalement reconnu qu'il n'avait pas de motif de rupture à faire valoir.

Il ressort également de ce courrier, que, contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur n'est pas resté sans réaction face aux faits dénoncés par le salarié puisqu'il a diligenté une enquête sociale.

Il ressort de l'enquête sociale menée par Mme [J] [R], responsable des ressources humaines, qui a déposé ses conclusions le 30 avril 2018 ( pièce 12 des intimés) et a auditionné 27 salariés sur 37 plus une salariée qui a répondu par écrit, que ' la soi-disant dégradation des conditions de travail des collaborateurs du magasin dénoncée, du fait du comportement inapproprié de Monsieur [B], Responsable de magasin, n'est absolument pas avérée'.

Le salarié ne peut dès lors soutenir que l'employeur n'a pas pris en considération ses remarques sur les conditions de travail au sein du magasin.

Le fait que l'employeur conteste ensuite les manquements invoqués par le salarié ne peut dès lors être considéré comme une agression.

Quant à la violation du rôle de délégué du personnel, elle ne ressort d'aucun élément produit.

Dès lors, ne demeure, parmi les éléments invoqués par le salarié qu'une mise à pied disciplinaire de quatre jours prononcée le 22 août 2017 et annulée par le conseil de prud'hommes.

Au regard du caractère infondé de l'ensemble des autres éléments invoqués, il ne peut être considéré que cet élément caractérise des faits d'agressions répétés destinés à pousser le salarié au départ.

Le salarié, qui était délégué du personnel, soutient ensuite que ' l'ensemble de ces faits démontre une volonté systématique de discriminer M. [M] délégué du personnel, pour l'inciter à quitter son emploi, en tout cas obtenir à terme qu'il puisse être licencié ou excédé, il finisse par quitter l'entreprise.

Que ce comportement est délibérément attentatoire aux droit de l'intéressé au sens des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, puisqu'il a été porté atteinte aux droits du délégué du personnel en ne lui versant plus son salaire variable et en l'agressant en permanence pendant un an (...).

Qu'au surplus il s'agit d'une atteinte à la santé du salarié et à sa sécurité, en tout état de cause un délit d'entrave à l'exercice du mandat électif' et enfin que l'ensemble ' démontre que l'employeur a d'une manière constante porté atteinte à l'exécution du contrat, faisant preuve d'une déloyauté certaine, dans le but avéré de se séparer d'un salarié trop bien payé, en le faisant 'harceler' pa un directeurmanifestement prévenu contre lui pour aider à provoquer son éviction en cherchant à éviter l'obstacle que constituait le mandat électif' (écritures de l'appelant page 46).

Il apparaît ainsi, que pour de mêmes faits le salarié mêle plusieurs fondements juridiques : la discrimination en raison de l'exercice d'un mandat électif, le harcèlement moral, le manquement à l'obligation de sécurité, l'exécution déloyale du contrat, le délit d'entrave.

Concernant le délit d'entrave, le salarié ne produit aucun élément qui permettrait d'en retenir l'existence.

Il ressort également des éléments précédemment développés qu'aucun manquement en matière de rémunération n'a été retenu et qu'a également été rejetée l'existence d'une volonté délibérée de l'employeur d'agir à son encontre pour le pousser au départ.

Dès lors, ne peut être retenue l'existence d'une exécution déloyale du contrat de travail.

Il en est de même du manquement à l'obligation de sécurité le salarié n'établissant aucunement que ses conditions de travail ont dégradé son état de santé, ni ne développant aucun élément particulier au titre du manquement à cette obligation.

Pour ce qui est des faits de harcèlement, le salarié affirme que le directeur avait pour mission de le harceler pour le pousser au départ. Toutefois, ces affirmations sont dépourvues d'offre de preuve en sorte qu'il ne peut être considéré que ce fait est matériellement établi. Dès lors, il convient d'en conclure que le salarié ne présente à ce titre aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il sera ajouté que le seul élément avéré est une mise à pied annulée qui constitue un acte isolé.

Quant aux faits de discrimination résultant, selon le salarié, d'une volonté délibérée de le pousser au départ pour éviter l'obstacle que constitue un mandant de délégué du personnel, il résulte des éléments précédemment développés que cet élément n'a pas été retenu en sorte qu'il n'est pas matériellement établi. Le salarié ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de l'exercice de son mandat étant ajouté qu'il ressort des éléments précédents que la mise à pied, bien qu'infondée est sans lien avec le mandat de délégué du personnel du salarié en sorte que pour le seul fait matériellement établi, l'employeur rapporte la preuve que cette sanction est étrangère à toute discrimination.

Enfin, concernant les autres faits que M. [M] développe dans la lettre de prise d'acte du 9 avril 2018 ( pièce 46 de l'appelant) mettant en cause M. [B] quant à la gestion des rayons alimentaires du magasin ou quant à l'exercice de menaces physiques à son encontre, outre le fait qu'ils ne sont pas repris dans ses écritures, il convient de relever qu'ils reposent uniquement sur des affirmations du salarié dépourvues d'offre de preuve.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la prise d'acte intervenue le 9 avril 2018 produit les effets d'une démission, en ce qu'il a débouté le salarié des demandes formées au titre d'un licenciement nul et à défaut d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné ce dernier à verser à l'employeur une somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Sur les autres demandes

Au regard des développements précédents, il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à verser des documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes au présent arrêt, la demande formée en ce sens par le salarié est rejetée.

Il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

A hauteur d'appel, il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles par elles exposés, de même chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

- CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

- Y ajoutant,

- DÉBOUTE M. [X] [M] de sa demande de production de documents comptables,

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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