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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 13 mars 2025, n° 24/19862

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/19862

13 mars 2025

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ORDONNANCE DU 13 MARS 2025

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19862 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKNZ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2024 - Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2024J00883

Nature de la décision : Réputé contradictoire

NOUS, Caroline TABOUROT, conseillère agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Yvonne TRINCA, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée le 19 décembre 2025 à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.R.L. ANAS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 527 587 026

Représentée par Me David SULTAN de la SELEURL SULTAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

à

DEFENDEUR

S.E.L.A.F.A. MJA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 440 672 509

Représentée par Me Julie MOLINIE de la SELAS BERSAY, avocat au barreau de PARIS

URSSAF

[Adresse 2]

[Localité 6]

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 06 Février 2025 :

Exposé des faits et de la procédure

La SARL Anas, immatriculée le 14 octobre 2010 et gérée par M. [E], exerce une activité de restauration traditionnelle.

La SARL Anas est débitrice à l'égard de l'Urssaf d'une dette de 12 277,24 euros, dont 5 573 euros au titre des cotisations salariales, correspondant aux sommes impayées de la période du 1er avril au 30 septembre 2019.

Par jugement du 28 octobre 2024, le tribunal de commerce d'Evry a, sur assignation de l'Urssaf, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Anas, fixant la date de cessation des paiements au 28 avril 2023 et désignant la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration du 7 novembre 2024, la SARL Anas a interjeté appel de ce jugement, intimant la SELAFA MJA et le tribunal de commerce d'Evry.

Cette déclaration d'appel a été régularisée le 23 janvier 2025 en intimant l'Urssaf.

Par jugement du 16 décembre 2024, le tribunal de commerce d'Evry a ordonné la poursuite de la période d'observation afin de pouvoir examiner la requête déposée le 18 décembre 2024 par le mandataire judiciaire sollicitant la conversion des opérations de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. L'audience portant sur cette demande de conversion aura lieu le 17 février 2025.

Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel, signifiée à l'Urssaf le 19 décembre 2024 et à la SELAFA MJA le 23 janvier 2025, la SARL Anas demande au magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris de :

- Dire et juger que la société Anas est recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions.

Y faisant droit,

- Suspendre l'exécution provisoire de la décision déférée à la cour.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2025, la SELAFA MJA demande au magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris de :

- Dire et juger qu'aucun moyen sérieux à l'appui de l'appel n'est démontré par la société Anas.

En conséquence,

- Débouter la société Anas, de sa demande tendant à voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce d'Evry ;

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure de la société Anas.

Suivant avis du 21 janvier 2025, le ministère public est d'avis que le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris ne fasse pas droit à l'arrêt de l'exécution provisoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un moyen sérieux de réformation ou d'annulation

La SARL Anas soutient qu'elle dispose d'un moyen sérieux de réformation ou d'annulation du jugement.

Elle prétend que le tribunal a omis de prendre en considération son paiement au profit de l'Urssaf d'un montant de 5 573,24 euros, destiné à couvrir la part salariale ; que ce paiement démontre que la société n'est plus en état de cessation des paiements ; que son actif disponible excède désormais son passif exigible et qu'elle est en mesure de poursuivre son activité dans des conditions viables ; que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ne saurait être justifiée au regard de la réalité de la situation financière de la société ; qu'en conséquence, le tribunal a, à tort, conclu à l'état de cessation des paiements de la SARL Anas et que celle-ci ne remplit pas les conditions légales pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

La SELAFA MJA soutient que l'état de cessation des paiements de la société Anas est avéré et que le comportement du débiteur doit s'apprécier en faveur du rejet de la demande de suspension de l'exécution provisoire.

Elle soutient que, conformément à l'article L. 631-1 du code de commerce, l'ouverture du redressement judiciaire suppose l'impossibilité du débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, la créance de l'Urssaf d'un montant d'environ 12 000 euros correspondant aux cotisations impayées de la période du 1er avril au 30 septembre 2019, est certaine et exigible et que les procédures engagées par l'Urssaf pour en obtenir recouvrement se sont avérées infructueuses ; que le paiement effectué par la SARL Anas à hauteur de 5 573,24 euros, correspondant à la part salariale de ses cotisations impayées, ne prouve pas l'absence d'état de cessation des paiements de la société ; qu'il demeure que l'Urssaf détient a minima une créance de 7 000 euros sur la SARL Anas ; qu'en outre, le dirigeant de la SARL Anas ne s'est pas présenté à l'audience d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et qu'ainsi il ne saurait être reproché au tribunal de commerce de ne pas avoir pris en considération le paiement déjà effectué par la SARL Anas de 5 573,24 euros au profit de l'Urssaf, étant précisé que seul le montant de 5 000 euros a été payé avant le jugement d'ouverture, le reliquat de 573,04 euros ayant été réglé le 4 novembre 2024, soit après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que concernant le passif total de la société, il ressort de l'état du passif du 28 janvier 2025 que le passif s'élève à 47 000 euros, dont 38 000 euros échus ; que, concernant l'actif disponible, un rapport du mandataire judiciaire du 9 décembre 2024 relevait qu'avant l'ouverture du redressement judiciaire, la SARL Anas disposait d'un compte bancaire ouvert dont le solde s'élevait à 1 500 euros et qu'à l'ouverture du redressement elle a procédé à l'ouverture d'un autre compte bancaire, mais qu'à date, le mandataire judicaire n'a pas obtenu communication du solde bancaire total de la SARL Anas ; que la SARL Anas ne justifie aucunement pouvoir faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'enfin, selon la doctrine, l'attitude du débiteur constitue un élément d'appréciation pour, le cas échéant, rejeter la demande de suspension provisoire, et qu'en l'espèce, le dirigeant de la société débitrice ne s'est pas présenté aux différentes audiences de la procédure et n'a pas non plus adressé l'ensemble des documents et informations sollicités par le mandataire judiciaire ; qu'en conséquence, la demande de suspension de l'exécution provisoire doit être rejetée, celle-ci étant contraire à l'intérêt de la société et de ses créanciers et emportant un risque d'aggravation du passif.

Le ministère public est d'avis que la SARL Anas n'avance aucune donnée chiffrée concernant son actif disponible ; qu'ainsi elle ne démontre pas que son actif disponible lui permet de faire face à son passif exigible relatif à la dette que l'Urssaf détient ; qu'en conséquence, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire n'apparaît pas devoir être accordée.

SUR CE,

Il résulte de l'article R. 661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire ordonnée par un jugement en matière de redressement judiciaire.

Il s'ensuit que le moyen pris des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire est inopérant.

En l'espèce, il ressort des documents produits par la SELAFA MJA, ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL Anas, que l'Urssaf détient une créance exigible de 6 654,20 euros sur la SARL Anas au titre de la période d'avril à septembre 2019 et ce, en dépit des paiements effectués par la SARL Anas au profit de l'Urssaf respectivement à hauteur de 5 000 euros avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et de 573,04 euros postérieurement à l'ouverture de cette procédure.

Il apert en outre, suivant l'état des créances déclarées à la procédure de la SARL Anas au 28 janvier 2025, que son passif total s'élève à 46 831,72 euros, dont 37 936,03 euros échus.

Concernant l'actif disponible, il résulte du seul rapport du mandataire judiciaire du 9 décembre 2024 que le solde bancaire de la société débitrice s'élevait à la somme de 1 500 euros. Aucun autre élément d'actif disponible n'est produit.

Par conséquent, au regard des données chiffrées produites et considérant que les conditions relatives à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sont appréciées au jour où le juge statue, il y a lieu de considérer que les moyens soulevés ne paraissent pas remplir les conditions exigées par l'article R.661-1 du code de commerce, en ce que, vu les éléments produits, l'actif disponible de la société apparaît manifestement inférieur à son passif exigible.

PAR CES MOTIFS,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel.

Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l'appel.

ORDONNANCE rendue par Caroline TABOUROT, assistée de Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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