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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 4 mars 2025, n° 24/02575

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/02575

4 mars 2025

04/03/2025

ARRÊT N°128/2025

N° RG : N° RG 24/02575 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QMKZ

EV/IA

Décision déférée du 27 Juin 2024 - Tribunal paritaire des baux ruraux de TOULOUSE (5123000004)

S.MOREL

[O] [I]

C/

[D] [I]

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Monsieur [O] [I]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représenté par Me Mylène TROLONG, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [D] [I]

[Adresse 9]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Jean vincent DELPONT de la SELARL LA CLE DES CHAMPS, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2025, en audience publique, devant Madame E. VET, conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

E. VET, conseiller faisant fonction de président de chambre

P. BALISTA, conseiller

M. SEVILLA, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par E. VET, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 1er septembre 2023, M. [O] [I] a fait assigner en référé devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulouse Mme [D] [I] aux fins de:

- obtenir sa condamnation à lui accorder un droit de passage sur les parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 5], et [Cadastre 7] consenties à commodat sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir à compter de l'ordonnance à intervenir,

- dire que l'ordonnance sera exécutée sur simple minute,

- la condamner à effectuer à ses frais le débroussaillage et broyage des parcelles d'une superficie de 3 hectares numérotées [Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7],

- la condamner au paiement de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire était appelée à l'audience du 28 septembre 2023 et renvoyée au fond en raison des contestations sérieuses élevées par Mme [I].

Par décision du 29 février 2024, le tribunal se déclarait incompétent pour statuer sur la demande de servitude et ordonnait le renvoi au fond sur les autres demandes.

Par jugement contradictoire du 27 juin 2024, le tribunal, statuant sur ces autres demandes, a :

- débouté M. [O] [I] de sa demande de débroussaillage aux frais de Mme [D] [I] des parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 7],

- condamné M. [O] [I] à payer à Mme [D] [I] la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice moral,

- condamné M. [O] [I] à une amende civile d'un montant de 5 000 €,

- condamné M. [O] [I] à payer à Mme [D] [I] la somme de 1 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] [I] aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités propres à l'aide juridictionnelle,

- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.

Par déclaration du 25 juillet 2024, M. [O] [I] a relevé appel de la décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'affaire a été appelée à l'audience du 6 janvier 2025.

M. [O] [I] a poursuivi oralement par l'intermédiaire de son conseil ses demandes contenues dans ses dernières conclusions du 15 octobre 2024 aux termes desquelles il demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu le 27 juin 2024 en ce qu'il a :

* condamné M. [I] à payer à Mme [I] la somme de 2 000 € en réparation du préjudice moral,

* condamné M. [I] à une amende civile de 5 000 €, et statuant à nouveau, au principal,

Et statuant à nouveau :

Au principal :

- rejeter la demande d'amende civile formée par Mme [I],

- diminuer la condamnation au titre du préjudice moral, de M. [I] au bénéfice de Mme [I],

Subsidiairement:

- diminuer le montant de l'amende civile à laquelle M. [I] a été condamné,

- diminuer la condamnation au titre du préjudice moral, de M. [I] au bénéfice de Mme [I],

En tout état de cause,

- dire que chacune des parties conservera ses dépens et frais irrépétibles.

Mme [D] [I] a poursuivi oralement par l'intermédiaire de son conseil ses demandes contenues dans ses dernières conclusions du 28 novembre2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux deToulouse le 27 juin 2024 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner M. [O] [I] au paiement d'une somme complémentaire de 2.000 € à titre de dommages-et-intérêts au bénéfice de Mme [D] [I] pour porter la condamnation de ce chef à un montant total de 5 000 €,

- condamner M. [O] [I] paiement d'une somme complémentaire de 5.000 € au titre de l'amende civile pour la porter la condamnation de ce chef à un montant total de 10.000 €,

- condamner M. [O] [I] à verser à Mme [D] [I], la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS

Si M. [I] a formé appel de la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de débroussaillage, il n'a sollicité ni dans ses conclusions ni à l'audience l'infirmation de la décision de ce chef, son argumentaire concernant exclusivement les condamnations pécuniaires dont il a fait l'objet et son droit de passage alors que le tribunal paritaire des baux ruraux s'est déclaré incompétent pour connaître de cette question selon décision du 29 février 2024.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [I] de voir condamner sa fille à débroussailler les parcelles [Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7].

S'agissant de l'amende civile et des dommages-intérêts auxquels il a été condamné, M. [I] fait valoir que :

' par contrat du 12 octobre 2009 requalifié en bail rural il a consenti à sa fille l'exploitation d'un fonds mais qu'il ne peut plus accéder à ses terres enclavées, sa fille lui refusant l'usage d'un chemin rural commun, qu'il ne souhaite pas nuire à sa fille mais seulement obtenir la reconnaissance de son droit de passage,

' compte tenu de ce droit, il sollicite que les montants des condamnations prononcées contre lui à soient diminués au regard de ses faibles revenus,

' il a compris la portée de ses actes envers les professionnels du droit concernés par ses agissements de première instance et s'est engagé à ne plus les réitérer, faisant des excuses pour le comportement qu'il a pu adopter.

Mme [I] oppose que :

' depuis 14 ans, son père, « animé par une haine profonde » à son encontre et bien que constamment condamné, a engagé de nombreuses procédures contre elle, la plaçant dans des situations stressantes et angoissantes l'épuisant psychologiquement,

' excipant d'un prétendu droit de passage, M. [I] entendait pénétrer à sa guise sur le fonds de sa fille pour perturber son exploitation, passant au milieu des champs sur lesquels se trouve ses chevaux et des cavaliers alors qu'il a déjà été condamné pour des faits de violences à l'encontre d'une de ses clientes et que régulièrement elle se rend à la gendarmerie pour déposer plainte,

' son père n'a introduit la présente procédure que par vengeance en raison du rapport sur la valeur des biens qui lui étaient défavorables dans une autre procédure,

' son père n'a eu de cesse que de la rabaisser, l'injurier et l'humilier devant la juridiction ce qui a été relevé par le tribunal et dans le procès-verbal de non-conciliation du 28 septembre 2023 allant jusqu'à l'assigner en contestation de paternité.

Sur ce :

L'engagement d'une action en justice et sa poursuite en appel constituent un droit dont l'exercice ne dégénère en abus qu'en cas de démonstration de circonstances

particulières le rendant fautif.

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10'000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il convient de rappeler les procédures ayant opposé les parties sauf à préciser que la cour ne peut retenir les plaintes déposées par Mme [I] pour introduction sur les terres louées et menaces de mort réitérées en l'absence de condamnation.

Par contrat de commodat du 12 octobre 2009, M. [O] [I] a consenti à sa fille [D] un prêt à usage portant sur diverses parcelles agricoles utilisées par elle pour y exercer une activité de pension de chevaux.

Par courrier recommandé du 25 février 2011, M. [I] notifiait à sa fille son intention de résilier le contrat de commodat à compter du 1er mars 2011, date à laquelle Mme [I] était physiquement évincée des lieux. Elle saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse qui, par ordonnance du 26 mai 2011, ordonnait M. [I] de laisser sa fille réintégrer les Iieux.

L'ordonnance du 26 mai 2011 relevait : « Pour tenter aujourd'hui de justifier cette résiliation, M. [O] [I] explique qu'il avait constaté que sa fille avait développé une activité de pension des chevaux sans aucun caractère agricole et qu'elle délaissait le fonds du fait de son absence plusieurs jours par semaine d'affilée en raison de son emploi d'hôtesse de l'air.

Cette argumentation signe une mauvaise foi caractérisée et avec l'évidence requise devant la présente juridiction.

En effet, il est pour le moins curieux de voir M. [O] [I] invoquait l'absence de sa fille durant plusieurs jours, alors qu'il connaissait parfaitement sa situation professionnelle, inchangée depuis la signature du commodat'

Par ailleurs, l'activité de pension des chevaux existait manifestement avant même le prêt signé entre les parties et M. [O] [I] ne peut donc tenter d'en tirer argument pour prétendre à un non-respect de la convention'

M. [O] [I] prétend encore que sa fille laissait les animaux sans soins et que ce n'est que grâce à son intervention, puisqu'il vit sur place, que les chevaux ont pu être nourris et soignés. Il ne rapporte strictement aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation' ». La mauvaise foi de M. [I] était donc soulignée une première fois.

Moins d'un mois après cette ordonnance dont il n'a pas diligenté appel, et par courrier recommandé du 23 juin 2011, M. [I] adressait à sa fille un nouveau congé pour le 30 juin 2011, lui laissant une semaine pour quitter les lieux. Mme [I] saisissait la juridiction des référés aux fins de voir déclarer nul le congé.

Par ordonnance du 6 décembre 2011, le juge des référés disait n'y avoir lieu à référé sur la question de la nullité du commandement mais condamnait M. [I] à verser à sa fille la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution de la précédente décision. Le juge des référés motivait sa décision ainsi : « le présent congé, intervenu sans élément nouveau, n'a manifestement pour but que de faire échec à la décision antérieure du juge des référés et vient confirmer la particulière mauvaise foi de M. [O] [I], déjà stigmatisée par le juge des référés ;

Attendu que l'argument de M. [O] [I] sur l'augmentation du nombre des chevaux pris en pension n'est étayée par aucun élément de preuve, et il est manifeste que le prêteur invoque à nouveau de très mauvaise fois la condition stipulée d'activité agricole puisque l'activité de prise de pension est antérieure à la conclusion du commodat. ». La mauvaise foi de M. [I] était relevée une deuxième fois.

Mme [I] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins, à défaut de conciliation, de voir requalifier la convention signée le 12 octobre 2009 en bail à ferme, demande rejetée par le tribunal paritaire des baux ruraux selon décision du 23 octobre 2012 condamnant cependant son père à lui verser la somme de 17'520€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et celle de 2000 € en réparation de son préjudice moral.

M. [I] a relevé appel de cette décision et par arrêt du 27 février 2015, la cour d'appel de Toulouse a requalifié la convention signée entre les parties le 12 octobre 2009 en bail rural et condamné M. [I] à payer à sa fille les sommes de 22'610 € à titre de préjudice économique, 1500 € à titre pour la perte de la récolte de foin et 5000 € au titre de la perte de clientèle, soulignant que l'éviction de Mme [I] en mars 2011 et les quatre congés successifs délivrés par son père n'étaient pas de nature à favoriser le développement de sa clientèle, la somme de 2000 € allouée par le premier juge au titre du préjudice moral de Mme [I] était confirmée par adoption de motifs.

L'arrêt relevait que Mme [I] avait été évincée des des biens loués à compter du mois de mars 2011 et n'avait pu réintégrer les lieux qu'après la décision du tribunal paritaire des baux ruraux du 12 octobre 2012, que cependant son père lui avait notifié un nouveau congé par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2012 et que par ordonnance du 12 juillet 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, constatant la nullité du congé avait ordonné la réintégration de Mme [I] dans le délai de 48 heures, l'arrêt soulignait la perturbation de l'activité économique de Mme [I] jusqu'à cette date.

Enfin, pour rejeter la demande de délai de paiement présentée par M. [I], l'arrêt soulignait que l'activité de Mme [I] était déficitaire depuis trois ans en raison des agissements de son père et qu'elle avait été reconnue « agriculteur en difficulté » par la chambre d'agriculture de Haute-Garonne. Cet arrêt stigmatisait donc encore une fois le comportement de l'appelant à l'égard de sa fille.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2015, M. [I] saisissait le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulouse d'une demande de fixation du prix du fermage à la somme de 3868,20 €. Par jugement du 18 décembre 2015 le tribunal a ordonné une expertise, l'expert a déposé son rapport le 22 mai 2017. Par requête reçue le 25 octobre 2017, Mme [I] saisissait la même juridiction afin d'obtenir l'annulation du congé pour reprise délivré par son père le 26 juin 2017 pour constituer une exploitation de subsistance et pour refus de renouvellement pour mauvaise exploitation du fonds. Les deux dossiers ont été joints.

Par décision du 27 juin 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a annulé le congé délivré le 26 juin 2017, dit que le bail était renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2019, fixé le prix du fermage à 2147,46 € pour l'année culturale 2016/2017, condamné M. [I] à payer à sa fille la somme de 19'878,27 € après compensation, condamné M. [O] [I] à remettre en état une parcelle sur laquelle se trouvaient des dépôts de matériaux et à verser à sa fille 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ce dernier montant inhabituel présentait un caractère dissuasif pour l'avenir.

M. [I] a relevé appel de la décision et par arrêt du 7 novembre 2019, la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement déféré et y ajoutant condamnait M. [I] à verser à sa fille 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'arrêt constatait notamment qu'une partie du bien loué est inexploitable du fait du bailleur qui avait déposé des gravats.

Par acte du 28 février 2020, M. [I] a fait assigner sa fille devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour qu'il soit jugé qu'il présente des garanties pour pouvoir s'acquitter de sa dette au regard de la vente de sa propriété et obtenir des délais de 24 mois pour régler la somme de 17'976,36 € due à sa fille. Cette demande était rejetée selon ordonnance du 22 octobre 2020 laquelle relevait que M. [I] faisait valoir qu'il avait mis en vente la propriété agricole sur laquelle sa fille bénéficiait d'un fermage, constatait qu'il n'avait versé aux débats qu'une annonce de vente ne faisant pas état du fait que le bien était loué par un bail rural et ne rapportait pas d'autres preuves de démarches, ne justifiant pas non plus de la valeur de la propriété par un professionnel, le prix de 850'000 € fixé par un agent immobilier n'évoquant pas l'existence d'un bail rural étant insuffisante alors qu'il ressortait des éléments du débat des présomptions permettant de penser que le prix de vente avait été volontairement surévalué et que la mise en vente avait été faite pour les besoins de la demande de délais.

Le 16 juin 2022, Maître [W] [M] adressait à Mme [I] une notification de cession des terres louées au prix de 214'587,60 €, selon requête du 3 août 2022, Mme [I] demandait la convocation en conciliation de son père devant le tribunal paritaire des baux ruraux afin d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise souhaitant faire valoir son droit de préemption estimant que le prix proposé par le bailleur était au-dessus du marché.

Il était fait droit à sa demande selon ordonnance du 24 octobre 2022.

L'expertise du 4 août 2023 évaluait la surface litigieuse à 102'100 €, soit moins de la moitié du prix envisagé.

Mme [I] ayant saisi le tribunal paritaire des baux ruraux postérieurement à l'expertise diligentée selon ordonnance du 24 octobre 2022, le procès-verbal de non-conciliation du 28 septembre 2023 que M. [I] a refusé de signer, comporte de sa part des menaces à peine voilées à l'encontre de sa fille. Finalement, M. [I] renonçait à la vente du bien.

Dans le cadre de la présente instance, par acte du 1er septembre 2023, soit moins d'un mois après le dépôt de son rapport par l'expert foncier, M. [I] a fait assigner sa fille en référé devant le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins que lui soit accordé un droit de passage sur les parcelles données à bail rural et la voir condamner à effectuer le débroussaillage sur une superficie de 3 ha. L'affaire a été renvoyée au fond et par jugement du 29 février 2024, le tribunal paritaire des baux ruraux s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de création de servitude de passage et ordonné le renvoi sur les autres demandes.

La décision déférée n'est pas contestée en ce que le premier juge a relevé: « M. [O] [I] a manifesté à l'occasion des dernières audiences un manque de respect à l'endroit de l'avocat de sa fille en le tutoyant et en l'accusant de produire de faux documents, à l'endroit de sa fille également à l'audience en tenant des propos humiliants et menaçants (promesse de jugement dernier, insinué qu'elle est ruinée, qu'elle fraude), à l'endroit du tribunal en changeant d'avocat de façon incessante juste avant les audiences pour solliciter des reports aux fins de constituer un nouvel avocat, en mettant en cause l'impartialité de la présidente du tribunal par lettre recommandée en alléguant qu'elle a un lien familial avec le concubin de sa fille, ce qui a donné lieu à une réponse écrite de dénégation et à une information en préambule d'une audience publique pour relater la teneur de ces allégations et la réponse apportée. ».

Enfin, à l'audience devant le premier juge, et malgré l'absence de rapport avec le présent litige, l'appelant remettait une lettre recommandée du 13 mai 2024, adressée au procureur de la République du tribunal judiciaire de Toulouse indiquant que : «victime d'empoisonnements et de vols de documents officiels » il avait été amené à porter plainte à plusieurs reprises contre sa fille [D] [I], plaintes classées sans suite au visa de l'article 311-12 du code pénal prévoyant que le vol au préjudice d'un ascendant ne peut donner lieu à des poursuites pénales. Il précisait que diverses sources concordantes l'amenaient à douter du lien de filiation réelle . Il sollicitait que soit établi « un ADN de filiation » lui permettant d'agir judiciairement en tant que plaignant. Dans la continuité de ce courrier, par assignation du 29 août 2024, M. [I] a fait assigner sa fille devant le tribunal judiciaire de Toulouse en contestation de paternité.

Il résulte de cet historique particulièrement long de procédures judiciaires engagées le plus souvent à l'initiative de M. [I] et ne l'étant à l'initiative de sa fille que pour se voir reconnaître des droits qui lui ont été reconnus, que ces décisions judiciaires ont été rendues pour répondre au seul objectif de M. [I] d'obliger sa fille à quitter les lieux ce dont il a été systématiquement débouté.

Il résulte de la motivation de ces décisions, que le plus souvent les juges ont tenté, compte tenu du contexte familial du litige, ne pas risquer d'aggraver la situation. Cependant, cet objectif pédagogique n'a pas été suivi d'effet du côté de M. [I] qui a persisté dans sa volonté de faire partir sa fille sur des fondements jamais établis (absence d'entretien des terres, tentative de cession des terres ou d'obtention de fermage à des prix ne correspondant pas à la réalité de la valeur des terres) et malgré les condamnations financières dont il faisait l'objet qui ne l'ont jamais découragé, malgré la faiblesse alléguée de ses revenus.

Il a enfin, selon la décision déférée non contestée spécialement sur ce point, manifesté à l'encontre du conseil de son adversaire et du tribunal un comportement outrageant et suspicieux.

Ces multiples procédures judiciaires constituent de sa part une utilisation dévoyée des moyens du service public de la justice et, à l'aune de la charge de travail de celui-ci et de l'acuité des autres litiges qu'il peut avoir à juger, d'autant plus inacceptable et doit cesser.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge l'a condamné au versement d'une amende civile de 5000 €, la décision déférée sera confirmée de ce chef.

Par ailleurs, cet abus est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du Code civil dès lors qu'il est à l'origine pour sa fille d'un préjudice au regard de son contexte familial et du fait que cette multiplicité de procédures ne peut qu'être insécurisante au regard de la détermination acharnée de son père à la faire partir des terres qui constituent pour elle une source de revenus.

La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a octroyé à Mme [I] la somme de 2000 €.

Mme [I] qui sollicite la confirmation de la décision en toutes ses dispositions réclame un montant supplémentaire de 2000 € pour porter la condamnation à un montant total de 5000 €, quoi qu'il en soit de l'erreur mathématique, elle n'invoque ni ne justifie d'un préjudice spécial entre la décision déférée et le présent arrêt. Sa demande sera rejetée.

L'équité commande de confirmer la décision déférée sur l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [I] sur ce fondement à la somme de 3500 €.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant :

Rejette la demande de dommages-intérêts supplémentaires de Mme [D] [I],

Condamne M. [O] [I] aux dépens d'appel,

Condamne M. [O] [I] à verser à Mme [D] [I] la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I.ANGER E.VET

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