CA Besançon, ch. soc., 4 mars 2025, n° 23/01135
BESANÇON
Arrêt
Autre
ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 4 MARS 2025
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 4 février 2025
N° de rôle : N° RG 23/01135 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVBG
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD
en date du 2 juin 2023
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me WERTHE, Postulant, et par Me Etienne GUIDON, Plaidant, avocat au barreau de NANCY
INTIMEE
S.A.S. EURO-FITTING, sise [Adresse 2]
représentée par Me Benjamin LEVY, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, et par Me Sarah USUNIER, Plaidante, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marina CERDEIRA, Plaidante, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 4 Février 2025 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Madame Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 4 Mars 2025 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCEDURE
M. [N] [H] a été embauché par la société EURO-FITTING, intervenant sur le secteur de la fabrication d'équipements automobile, suivant contrat à durée indéterminée du 3 avril 2018 en qualité de responsable de site sur la base d'un forfait annuel en jours (218 jours). Le contrat est régi par les dispositions de la Convention collective des services de l'automobile.
Par courrier du 30 juin 2021 remis en main propre contre décharge, la société EURO-FITTING a convoqué M. [N] [H] à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire jusqu'à la décision à intervenir.
Par courrier du 21 juillet 2021, la société EURO-FITTING a notifié à M. [N] [H] son licenciement, l'employeur lui reprochant des défaillances dans la gestion des opérations, dans le suivi des indicateurs financiers de la société, des carences managériales et une attitude inacceptable vis-à-vis du client PSA.
Le courrier de notification indique que le salarié est dispensé d'effectuer son préavis de trois mois et qu'il est libéré de son obligation de non-concurrence.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [N] [H] a, par requête du 11 octobre 2021, saisi le conseil de prud'hommes de Montbéliard aux fins de voir dire celui-ci sans cause réelle et sérieuse, voir dire nul et inopposable sa convention de forfait en jours et obtenir le paiement de rappels de salaire et l'indemnisation de ses divers préjudices.
Suivant jugement du 2 juin 2023, ce conseil a :
- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamné la société EURO-FITTING à verser à M. [N] [H] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- débouté M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre de l'accomplissement d'heures supplémentaires et de travail dissimulé
- débouté M. [N] [H] de sa demande d'exécution provisoire en application de l'article 51 du code de procédure civile
- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens
Par déclaration du 26 juillet 2023, M. [N] [H] a relevé appel de cette décision et selon ultimes conclusions du 15 avril 2024, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'i1 l'a débouté de ses demandes de remise en cause de son forfait jours, de rappel de salaire, compensation obligatoire en repos et de dommages-intérêts au titre de l'accomplissement d'heures supplémentaires et du travail dissimulé
Statuant à nouveau,
- juger nul, de nul effet et inopposable le forfait en jours
- juger qu'il a travaillé sur une base horaire de 151,67 heures mensuelle
- condamner en conséquence la société EURO-FITTING à lui verser les sommes suivantes :
Rappel de salaire 2018
- 38 685,45€ bruts € + 10% de congés payés soit 3 868,54 € bruts
Rappel de salaire 2019
- 40 652,69 € bruts + 10% de congés payés soit 4 065,26 € bruts
Rappel de salaire 2020
- 15 770,31 € bruts + 10% de congés payés soit 1 577,03 € bruts
Rappel de salaire 2021
- 16 391,55 € bruts + 10% de congés payés soit 1 639,15 € bruts
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser [H] sous forme de dommages-intérêts, la compensation obligatoire en repos (COR) non allouée sur le fondement de l'article L.3121-38 du code du travail, soit une somme de 24 515,24 € nets, se décomposant comme suit :
COR 2018 = 134,40 H x 78,64 € + 10 % =10 569,22 € +1.056,92 € = 11 626,14 € ,
COR 2019 = 149 H x 78,64 € +l0% =11 717,36 € +1.171,74 € = 12 889,10 €
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser la somme de 74 400 € au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L.822l-5 du code du travail
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel
- confirmer le jugement déféré pour le surplus
- juger l'appel incident de la société EURO-FITTING recevable mais mal fondé
Par écrits du 18 janvier 2024, la société EURO-FITTING, appelante incidente, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
* alloué à M. [N] [H] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* rejeté ses entières demandes et mis à sa charge ses propres dépens
Statuant à nouveau,
- dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes
Subsidiairement,
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu à l'article L.1235-3 du code du travail, soit 34 374,15 euros
- déclarer la convention individuelle de forfait annuel en jours de M. [N] [H] valide
- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes
A titre subsidiaire, en cas d 'inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait en jours,
- dire que M. [N] [H] ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires
- le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes subséquentes
A titre infra-subsidiaire,
- limiter le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à 27 167,36 euros bruts,
outre 2 716,73 euros au titre des congés payés afférents
- dire que le salarié n'a effectué aucune heure supplémentaire au-delà du contingent annuel
- condamner M. [N] [H] à rembourser la somme de 11 777,92 euros au titre du remboursement des RTT
En tout état de cause,
- écarter du débat les attestations non conformes aux exigences légales
- constater qu'elle n'a pas commis l'infraction de travail dissimulé
- débouter le salarié du surplus de ses demandes
- condamner M. [N] [H] à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la convention de forfait en jours
Selon l'article L.3121-63 du code du travail, 'les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche'.
Au cas particulier, le contrat de travail de M. [N] [H] comporte la clause suivante relative à la durée du travail :
'Compte tenu de l'autonomie dont dispose Monsieur [N] [H], il apparaît plus adéquat d'organiser le décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jour conformément aux dispositions de la convention collective en vigueur.
Ce forfait est de 218 jours.
Monsieur [H] devra respecter les obligations de repos minimal.
Monsieur [H] devra alerter sans délai sa hiérarchie ou le Responsable des Ressources Humaines s'il estimait que sa charge de travail est trop importante et qu'il en parvient pas à respecter les durées maximales du travail et d'amplitude et des durées minimales de repos.
De même Monsieur [H] devra tenir le décompte de son temps de travail sur la base du formulaire qui lui sera fourni qu'i1 remettra, après 1'avoir dûment renseigné, chaque mois à la Responsable des Ressources Humaines.
Outre un examen lors de l'entretien annuel, un bilan du respect des durées maximales de travail et minimales de repos ainsi qu'un suivi ''de la charge de travail seront établis chaque semestre par le supérieur de Monsieur [H] ou par la Responsable des Ressources Humaines.'
Pour étayer sa demande tendant à voir déclarer cette clause inopposable, M. [N] [H] fait valoir qu'elle est très imprécise et ne fait référence à aucun accord d'entreprise ni à la convention collective. Il soutient surtout qu'en dépit de la 'volumétrie exceptionnelle et anormale' des heures de travail accomplies, aucun point n'a été fait sur sa charge de travail au cours de ses entretiens avec sa hiérarchie et qu'aucun entretien dédié à cette question n'a été organisé annuellement à son égard.
Soulevant par ailleurs le moyen tiré de la nullité, le salarié soutient que la clause litigieuse est fondée sur une convention collective, en l'occurrence la Convention collective nationale de l'automobile, qui ne respecte pas les exigences légales en matière de suivi de la charge de travail des salariés et se prévaut à ce titre d'un arrêt de la chambre sociale du 5 juillet 2023 (n°21-23222).
En réponse l'employeur fait valoir que, contrairement aux affirmations erronées de son contradicteur, le contrat de travail vise bien la convention collective de l'automobile, et prétend avoir effectué un suivi annuel et semestriel de la charge de travail de celui-ci par des entretiens annuels, un bilan semestriel, un document de suivi de forfait et un badgeage informatique.
Il incombe en effet au juge saisi d'un tel litige de s'assurer, au besoin d'office, de la validité de l'accord collectif auquel renvoie une clause de forfait en jours, au regard des exigences légales et jurisprudentielles, et en particulier s'il permet d'assurer la garantie du respect des durées raisonnables maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Soc., 13 octobre 2021, n° 19-20.561, Soc., 19 mai 2021, n° 19-16.362) en prévoyant un suivi effectif et régulier par l'employeur des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable (Soc. 17 décembre 2014 n°13-22.890, publié ; Soc., 8 septembre 2016 n°14-26.256).
C'est tout d'abord à tort que le salarié prétend que la clause litigieuse ne viserait aucun accord collectif, dès lors qu'elle renvoie expressément 'aux dispositions de la convention collective en vigueur' et que le contrat mentionne en sa première page qu'il est régi par les dispositions de la Convention collective des services de l'automobile.
En revanche, et comme le souligne à juste titre le salarié, les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en 'uvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, ne sont manifestement pas suffisantes pour permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et d'assurer ainsi la protection de la santé et de la sécurité du salarié (Soc. 5 juillet 2023, pourvoi n°21-23.222).
Par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Le KHOMRI, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de ladite loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L.3121-65 du même code, sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité pouvant également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
Il suit de là que si l'employeur s'est conformé de façon effective aux mesures palliatives énoncées à l'article L.3121-65, il peut alors bénéficier du régime dérogatoire ainsi institué et échapper à la nullité de la clause.
Au cas particulier, il résulte cependant des productions que les compte-rendus d'entretiens annuels d'évaluation (dits examens de performance) de M. [N] [H] n'évoquent pas la question de la charge de travail du salarié et sa compatibilité avec sa vie personnelle.
Par ailleurs, l'argument de l'employeur portant sur le dispositif de badgeage informatique, mis en avant comme étant un dispositif de contrôle du temps de travail de l'intéressé, est totalement inopérant dès lors que ce dernier n'était pas astreint à ce dispositif comme en atteste d'ailleurs le document intitulé 'Edition des présence du 1/04/2018 au 23/07/2021" (pièce n°31) et comme l'admet l'employeur en page 42 de ses écrits, convenant ainsi que 'en l'absence de pointage, des heures automatiques d'embauche et de débauche, ne correspondant pas aux heures effectivement travaillées par Monsieur [H], étaient enregistrées dans le logiciel, à savoir 8H00 et 23H30".
De la même manière, le document d''auto-déclaration de pointage des cadres au forfait', qui ne mentionne que les jours travaillés, les jours de congés payés et de RTT est à l'évidence insuffisant pour permettre un contrôle efficient du temps de travail et d'une compatibilité de la charge qu'il représente avec la vie personnelle du salarié.
L'employeur ne peut davantage se prévaloir du mécanisme d'alerte, qui repose sur le seul salarié aux termes de son contrat de travail, pour estimer satisfaite son obligation de contrôle, laquelle doit relever de son initiative.
Il s'ensuit que faute pour l'employeur d'avoir mis en oeuvre de façon effective les mesures palliatives susvisées, la convention de forfait en jours insérée au contrat de travail de M. [N] [H] est entachée de nullité, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Le jugement entrepris encourt en conséquence la réformation sur ce point, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen tiré de l'inopposabilité de la clause dont s'agit.
II - Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire est une heure supplémentaire ouvrant droit à une majoration, ou le cas échéant, à un repos compensateur équivalent, conformément à l'article L.3121-28 du même code.
Il est de jurisprudence constante que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées et qu'il importe peu que la procédure d'autorisation préalable dans l'entreprise n'ait pas été respectée si que l'employeur avait connaissance des heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Par ailleurs, la privation d'effet de la convention de forfait en jours ou sa nullité ouvre le droit pour le salarié concerné de réclamer le paiement des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà de la durée légale afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc. 27 janvier 2021 n°17-31046).
En l'espèce, M. [N] [H] affirme avoir accompli des heures supplémentaires dont il entend obtenir le paiement à hauteur de 111 500 euros, outre congés payés afférents.
Il produit au soutien de sa demande :
- un tableau présentant les heures supplémentaires alléguées, l'application des majorations correspondantes et les sommes dues hebdomadairement à ce titre sur la période écoulée entre la semaine 14 de l'année 2018 et la semaine 26 de l'année 2021
- un récapitulatif des sommes dues par année au titre des heures supplémentaires
- le document intitulé 'Edition des présences du 1/04/2018 au 23/07/2021" correspondant au tableau des badgeages
- un relevé d'heures de passage au péage d'autoroute sur la période du 8 novembre 2018 au 30 juin 2021
- des facturations APRR et relevés de trajet
- des attestations d'anciens employés de la société EURO-FITTING confirmant l'amplitude
Ces éléments sont, à l'évidence, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en les critiquant et en proposant le cas échéant d'autres éléments susceptibles de les contredire (Soc. 8 juillet 2020, n°18-26385), étant rappelé qu'aucune heure supplémentaire n'a été rémunérée, compte tenu de l'application du forfait en jours durant la relation contractuelle.
Or, la cour constate que la société EURO FITTING s'abstient d'apporter la moindre démonstration des heures de travail effectivement réalisées par son salarié.
En réponse, elle fait simplement valoir que les éléments ainsi présentés à la cour sont insuffisamment précis pour lui permettre d'y répondre utilement, notamment parce qu'ils n'indiquent pas le nombre d'heures prétendument effectuées à ce titre, ce qui est au demeurant inexact, qu'ils émanent du salarié lui-même et ont été établis pour les besoins de la cause, ou consistent en des attestations très générales ou non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile.
En premier lieu l'argument de l'employeur selon lequel ces éléments auraient été établis par le salarié lui-même alors que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même et ce, pour les besoins de la cause, est inopérant dans la mesure où, à ce stade du mécanisme probatoire, il incombe simplement au salarié de présenter des éléments suffisamment précis pour engager un débat judiciaire entre les parties mais aucunement de prouver les heures accomplies, de sorte que M. [N] [H] est en droit de se prévaloir de tableaux élaborés par lui-même et établis pour les besoins de l'instance judiciaire qu'il a engagée, soit a posteriori (Soc. 24 mai 2018 n°17-14490, Soc. 29 janvier 2014 n°12-24858).
En deuxième lieu, le salarié ne peut en revanche raisonnablement se prévaloir des horaires de badgeage qu'il communique aux débats pour la période considérée, dans la mesure où il est établi qu'il ne badgeait que très occasionnellement et qu'il ne peut donc être tiré aucun enseignement des horaires apparaissant sur le document nominatif communiqué, qui correspondent pour l'essentiel à un horaire automatique appliqué par le logiciel en cas d'absence d'utilisation du badge sur une journée ou demi-journée.
S'il produit en outre des relevés de péage autoroutier sur la période du 8 novembre 2018 au 30 juin 2021, concernant son trajet journalier domicile/travail, ces éléments font apparaître des amplitudes journalières irrégulières et pour certaines bien inférieures à 7 heures par jour.
Si l'arrivée sur site, compte tenu du temps de trajet entre celui-ci et l'entreprise (20 minutes) se situe approximativement autour de 8 heures 00 mais assez régulièrement entre 8 heures 30 ou 9 heures 00 voire au delà, les départs s'échelonnent entre 16 heures 15 et 18 heures 00, parfois un peu plus tard ou plus tôt, étant rappelé qu'à la différence de l'utilisation systématique d'une badgeuse, ils ne sont qu'indicatifs, à défaut d'être confortés par la production d'un agenda professionnel, qui aurait permis à la cour, en les confrontant, d'en tirer les conséquences utiles sur les heures de travail alléguées.
Enfin, si l'appelant est parfaitement légitime à communiquer des attestations d'anciens salariés de la société EURO-FITTING qui confirment son investissement et un nombre d'heures excédant l'horaire légal de travail, c'est pertinemment que l'employeur fait observer qu'elle sont globalement peu précises et relatent pour la plupart des faits dont leurs auteurs n'ont manifestement pas toujours été témoins personnellement. Elles permettent néanmoins de conforter le postulat d'heures supplémentaires accomplies par le salarié en dépit du fait que certaines allégations sont contredites par les quelques badgeages effectués par ce dernier attestant que son heure d'arrivée n'était pas systématiquement 7 heures 30 mais plus généralement postérieure à 8 heures.
Si l'on peut déduire des éléments précités que le salarié a manifestement travaillé au-delà de 35 heures certaines semaines, les tableaux reconstitués par ce dernier, qui n'évoquent à aucun moment les temps de pause, apparaissent indéniablement majorés.
Néanmoins, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer non pas à 1 019,40 heures mais à 735 heures le nombre d' heures supplémentaires effectuées par M. [N] [H] sur la période du 2 avril 2018 au 30 juin 2021, date de sa mise à pied à titre conservatoire.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié à ce titre et la société EURO-FITTING condamnée au paiement de la somme de 67 000 euros, outre celle de 6 700 euros au titre des congés payés afférents.
III- sur la compensation obligatoire en repos
L`article L. 3121-30 du code du travail prévoit que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
La Convention collective applicable en l'espèce prévoit que le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures et ouvre droit à la même compensation.
M. [N] [H] estime avoir accompli au-delà dudit contingent 354,40 heures en 2018 et 369 heures en 2020, dont il sollicite l'indemnisation, à titre de dommages-intérêts, à hauteur de 24 515,24 euros.
L'employeur lui objecte qu'à défaut d'établir avoir réalisé des heures supplémentaires il est mal fondé à prétendre à une telle indemnisation portant sur un supposé dépassement du contingent annuel pour les années 2018 et 2019.
Compte tenu des éléments communiqués, il apparaît à la cour que les heures supplémentaires effectuées sur les années 2018 et 2019 n'excèdent pas le seuil de 220 heures sur une année, de sorte que M. [N] [H] ne peut voir sa demande prospérer sur ce fondement.
Le jugement entrepris sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.
IV- Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en application de l'article L.8223-1 du code du travail.
Au cas présent, l'appelant soutient que l'employeur a contrevenu aux dispositions précitées en ne lui rémunérant pas, en connaissance de cause, l'intégralité des heures supplémentaires réalisées.
Il sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 74 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
La société EURO-FITTING considère pour sa part que le salarié a signé une convention de forfait en jours le 3 avril 2018, qu'il n'a jamais remis en cause dans le temps de la relation contractuelle, de sorte qu'aucune dissimulation intentionnelle ne saurait lui être imputée.
Il est admis tout d'abord que le caractère intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc. 16 juin 2015 n°14-16.953).
En l'espèce, les parties ont signé un contrat de travail intégrant une clause de forfait en jours visant une convention collective qui en prévoyait les modalités, de sorte que l'employeur est présumé avoir exécuté de bonne foi cette convention et les bulletins de paie ont pu logiquement mentionner le cadre du forfait conventionnellement fixé, à l'exclusion de toute heure accomplie au-delà de la durée légale de travail.
Nonobstant la nullité de ladite clause ultérieurement constatée, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas caractérisée en l'état au vu de l'argumentaire adverse et des pièces communiquées.
Il en résulte que, par substitution de motifs, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande de dommages-intérêts du salarié.
V- Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l'article L.1235-1 du même code, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La charge de la preuve du caractère réel et sérieux ou non du licenciement n'incombe donc spécialement à aucune des parties et le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié (Soc. 21 mai 2002 n°00-41.423).
En l'espèce, la lettre de licenciement du 19 juillet 2021, qui fixe les limites du litige, fait état de ce qu'en dépit d'une réunion de recadrage, après des difficultés managériales apparues dès 2019, la situation ne s'est pas améliorée et est devenue inacceptable, et impute au salarié les faits suivants :
- des carences managériales (mode de communication agressif, délégations inopportunes à des collaborateurs non avertis)
- une attitude inacceptable vis à vis du client PSA (communication agressive et menaçante)
- des défaillances dans la gestion des opérations prenant la forme d'absence à des réunions pourtant stratégiques et une négligence dans la gestion des fins de série
- des défaillances dans le suivi des indicateurs financiers (refus d'utiliser le logiciel de gestion interne, données financières incohérentes ou erronées, absence d'inventaires, estimations financières approximatives)
M. [N] [H], qui conteste l'intégralité de ces faits de même que l'existence d'une réunion de recadrage, conclut à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
V-1 Les carences managériales
L'employeur rappelle qu'aux termes de la description du poste de M. [N] [H], ce dernier avait pour mission de 'guider, motiver, faire progresser et contrôler l'activité des collaborateurs de la société et tenir des réunions régulières avec l'équipe managériale de l'usine'.
Il reproche à cet égard au salarié d'avoir eu un mode de management inapproprié consistant en une communication agressive avec ses supérieurs et ses collaborateurs, en des délégations de mission à des collaborateurs non avertis et en des négligences ayant mis en difficulté la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire.
S'il ressort en effet du compte rendu d'évaluation 2019 que M. [B] [F] [V], représentant l'employeur, y relève que M. [N] [H] 'a responsabilisé les membres de l'équipe qu'il a jugés dignes, certaines relations tendues avec d'autres membres de l'équipe ont compromis une partie du travail accompli', la cour observe que le salarié a contesté cette analyse dans la même rubrique en étayant sa réponse.
Aucun élément ne corrobore la communication agressive alléguée, pas plus que les 'cris' ou les 'expressions colériques', qui ne sont pas davantages explicitées.
Il est au contraire versé aux débats plusieurs témoignages en forme de droit, munis d'une pièce d'identité et signés de leurs auteurs, émanant d'anciens collaborateurs de M. [N] [H], qui s'ils confirment son exigence et son professionnalisme, attestent de sa bienveillance, de son empathie, de sa disponibilité pour ses équipes et de son soutien.
Si le même [B] [F] [V], son supérieur hiérarchique direct de l'époque, atteste en la cause que l'intéressé 'a fait preuve d'un manque de respect constant envers son management et ses collègues' il n'en donne toutefois aucun exemple concret pour illustrer son propos, si ce n'est celui d'une réunion des directeurs de site à [Localité 4] les 7 et 8 octobre 2019, à laquelle M. [N] [H] s'est présenté le deuxième jour 'sans préparation et sans présentation de son propre site... et n'a montré aucun intérêt pour les présentations de ses collègues'.
Or cette appréciation générale et manifestement subjective n'est étayée par aucun autre témoignage, de sorte que l'allégation de M. [V] selon laquelle les personnes présentes à cette réunion auraient perçu cette attitude comme un manque total de respect envers ses collègues et son supérieur est insuffisamment établie.
La même observation doit être faite pour le courriel de M. [Z] [T] du 17 mai 2019, qui s'il pointe un déficit de réactivité, d'interactivité et de respect des fonctions siège/régionales/support de la part de l'intéressé, ne cite qu'un seul exemple de non réponse malgré plusieurs rappels à une enquête concernant le 'projet EHS avec ProAct', dont la cour ne dispose pas d'éléments suffisants et objectifs pour apprécier s'il s'agit d'un fait réellement fautif.
S'agissant de la délégation pour assister à une réunion le 28 mai 2021 dont l'objet était 'revue de validation de l'équipe #3" l'employeur ne justifie pas que M. [N] [H] y aurait délégué sans instructions M. [E] [K], manager logistique, ni qu'ayant dû y être présent, son absence aurait été fautive.
Bien au contraire, le du rapport d'audit interne du 21 avril 2021, produit par l'employeur lui-même (pièce n°11), mentionne que le projet d'internalisation d'Altrans, initié par M. [N] [H] et impliquant également M. [E] [A], présente une planification bien décrite et suivie et ne présente aucune faiblesse, ce qui contredit les allégations de l'employeur selon lesquelles M. [K] aurait été un 'collaborateur non averti' mandaté sans instructions préalables du directeur de site. Au surplus, l'appelant justifie qu'il était convoqué à cette date pour une vaccination contre le virus du Covid19.
Pareillement, le simple message de son supérieur hiérarchique le 6 mai 2021 lui rappelant que c'est à lui d'envoyer 'ce fichier, pas à [Y] ([S], assistant de gestion intérimaire), c'est une tâche de PM', ne saurait constituer un fait fautif justifiant une mesure de licenciement.
L'employeur reproche enfin à M. [N] [H] d'avoir été absent, pour cause de congé, à l'entretien préalable à licenciement d'un salarié du site prévu à 12 heures le 25 juin 2021 et d'avoir prévenu le jour même.
Si ce contretemps procède d'un défaut d'anticipation, dès lors que l'intéressé était le seul à disposer du pouvoir disciplinaire en tant que directeur de site, M. [N] [H] a néanmoins proposé de tenir à distance cet entretien, et il a pu être établi à temps un 'contrat back up' au profit de M. [E] [K], de sorte que l'entretien disciplinaire a pu être maintenu. Il s'en évince que, compte tenu du caractère isolé de ce fait, il ne saurait à lui seul fonder un licenciement justifié.
V-2 L'attitude inacceptable vis à vis du client PSA
L'employeur soutient que M. [N] [H] aurait adopté un comportement agressif voire menaçant avec le client PSA, d'autant plus préjudiciable aux intérêts de la société et à sa pérennité qu'il est son seul client.
S'il reprend là encore la description du poste de M. [N] [H], qui confiait à celui-ci le soin d'assurer un contact et une communication efficace et fluide avec les clients et fournisseurs et de participer aux réunions avec ceux-ci selon les besoins, il ne ressort cependant pas des pièces qu'il communique aux débats que le comportement fautif imputé au salarié soit établi.
En effet, le courriel de M. [Z] [P] du 11 juin 2021, qu'il cite à ce sujet, n'évoque à aucun moment une menace ou un chantage de l'appelant à l'égard du client PSA de suspendre toute commande.
Il en est de même du témoignage de M. [W] [I], son supérieur hiérarchique à compter de septembre 2020, lequel apparaît en outre très imprécis lorsqu'il prête à son subordonné une 'attitude inacceptable (avec PSA)... par des mails agressifs, des non-réponses à des relances et des absences répétées à des points stratégiques'.
L'employeur, qui avait toute latitude de verser aux débats des messages électroniques émanant de M. [N] [H] afin d'illustrer et corroborer cette attestation très générale, s'abstient néanmoins de le faire, de sorte qu'en l'état des productions, aucun grief ne saurait être retenu de ce chef.
V-3 Les défaillances dans la gestion des opérations
La société EURO-FITTING fait grief à son salarié d'avoir fait preuve de négligence et de légèreté dans l'exécution de ses missions par son absence d'investissement dans certains projets cruciaux en cours, caractérisées par une absence volontaire à des réunions stratégiques, et par une négligence dans la gestion des fins de série.
Il a précédemment été retenu que l'absence de M. [N] [H] à la réunion relative au projet Altrans n'était pas fautive car longuement travaillée en amont avec M. [K] et que l'appelant justifiait d'un rendez-vous de vaccination Covid19 au centre de vaccination de [Localité 3] le même jour à 16 heures 30, laquelle constituait, compte tenu du contexte de pandémie, une justification recevable.
Si M. [N] [H] n'a pu assister pour le même motif à la réunion initialement prévue le même jour à 15 heures, il n'est pas contesté qu'il en a décalé la date au lundi suivant, l'employeur indiquant dans ses écritures qu'il s'en est excusé le jour même auprès de son interlocutrice.
Si l'appelant a également été absent à une réunion auprès du client PSA le 11 juin de la même année à [Localité 5], il explique ce fait par un conflit de calendrier en raison d'une réunion avec son N+1.
S'il justifie d'une demande adressée le 11 mai précédent à son interlocuteur, M. [O], à l'effet de proposer un autre jour que le vendredi pour cette raison ainsi qu'en raison d'un chômage partiel forcé, destiné à faire face à la baisse des volumes, suite à la crise sanitaire, il vise toutefois dans son message une réunion du 18 juin et non du 11 juin, de sorte que son absence résulte manifestement d'une fâcheuse omission mais rien ne permet d'affirmer qu'elle soit le fruit d'un refus volontaire d'assister à cette réunion.
S'agissant de la réunion du vendredi 25 juin 2021, relative à l'entretien préalable d'un salarié du site, il a pareillement été retenu qu'elle ne pouvait à elle-seule constituer une faute justifiant la sanction du licenciement, ce d'autant que l'entretien s'est finalement déroulé sans être reporté.
En ce qui concerne enfin la gestion des fins de série, l'employeur reproche à son directeur de site de n'avoir pas réalisé d'inventaires, ce qui a aurait eu pour effet une immobilisation inutile de l'espace de stockage du site et aurait rendu impossible leur éventuelle revalorisation par le client.
Cependant il résulte des productions et en particulier d'un audit interne réalisé en avril 2021 et d'attestations d'anciens salariés du site de [Localité 6], que si des inventaires étaient réalisés en juillet et en décembre chaque année, il a été constaté au premier trimestre 2021 que le dernier inventaire accusait simplement un retard.
En outre, l'employeur produit le message de M. [W] [I] du 25 mars 2021, faisant état de la présence qu'il qualifie d''assez haute' de composants fin de série, adressé à la pilote 'fins de série' de la société STELLANTIS, ce rappelle cependant que la demande a d'ores et déjà été faite sans succès, de sorte qu'il ne peut être argué en l'état d'une faute du directeur de site dans la supervision de dossier.
V-4 Les défaillances dans le suivi des indicateurs financiers
Si l'employeur prétend en premier lieu que M. [N] [H] s'obstine à refuser d'utiliser le logiciel de gestion interne OneStream, rien n'indique qu'il lui en avait été précédemment fait l'obligation et c'est à juste titre que les premiers juges relèvent que l'audit interne réalisé en avril 2021 mentionne simplement que l'intéressé, ne disposant pas d'identifiants, ne pourra être back up, laissant ainsi supposer qu'un autre collaborateur est, de fait, responsable de la saisie de l'outil.
L'appelant n'est au demeurant pas contredit lorsqu'il soutient qu'il n'existe aucun procédure groupe imposant au directeur d'usine d'être le back up du contrôleur de site et justifie avoir interrogé sa hiérarchie par courriel du 31 mai 2021 afin d'éclaircir cette ambiguïté, suite à l'audit interne.
Il est encore imputé au salarié des 'données financières saisies systématiquement incohérentes ou erronées, à tout le moins non à jour ou partielles' privant la société EURO-FITTING et le groupe d'une vision claire et précise de la situation, à part une fois l'an.
Cependant, ce grief, qui ne repose que sur deux attestations très peu circonstanciées, très générales et dépourvue de toute illustration concrète émanant de M. [G] [R], directeur financier du groupe, et de M. [W] [I], n'apparaît pas suffisamment caractérisé.
Si l'employeur fait ainsi valoir que l'absence de remontées de données financières relevait de la part de l'appelant d'un manque patent et général de respect des procédures du groupe, et cite en exemple un courriel de relance portant sur les modalités d'enregistrement des tickets sous Rydoo (pièce n°22), ce rappel effectué le 10 mars 2021 et faisant suite à une information transmise par courriel le 3 novembre 2010, a été adressé à quatre destinataires et non pas singulièrement à M. [N] [H].
Par ailleurs, s'il n'est pas contestable que l'audit interne d'avril 2021 souligne un certain nombre de points de vigilance et de corrections à apporter, force est de constater qu'en l'état des productions un comportement fautif du salarié n'est pas établi.
L'employeur fait enfin le reproche à son directeur de site de réaliser des estimations financières plus qu'approximatives dans le cadre de la gestion courante ou la mise en oeuvre de projets,.
Pour étayer ce grief, il cite l'exemple d'une étude réalisée par M. [N] [H] dans le cadre du projet Dicastal, présentée au conseil d'administration le 3 juin 2021, qui induisait un trop grand risque financier pour l'entreprise et souligne que lors de sa présentation le 7 juin suivant, sa nouvelle étude proposait un résultat multiplié par trois sans explication concrète de ce nouveau chiffrage.
Or, l'appelant explique que la première version de son étude réalisée en amont alors qu'il ne disposait pas de toutes les données du client, levées à la suite de plusieurs réunions avec ce dernier, a été affinée dans la seconde version de juin, qui intègre également les automatisations destinées à faire baisser le coût de revient, et propose une augmentation de 17% du prix de vente pour répondre aux objectifs de profitabilité.
A la lumière de ces éléments la cour ne voit pas qu'il y a lieu de retenir un comportement fautif à l'encontre de M. [N] [H].
* * *
Il résulte de ces développements que le licenciement prononcé à l'égard de M. [N] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement qui a ainsi statué doit être confirmé de ce chef.
VI - Sur les demandes pécuniaires liées au licenciement
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimal et maximal, résultant d'un tableau annexé à l'article, en vertu duquel M. [N] [H], qui justifie de trois ans d'ancienneté, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.
En l'état, compte-tenu de son âge lors de la rupture du contrat (44 ans), de la reprise d'une activité professionnelle de directeur général d'une société par actions simplifiée à compter du 2 février 2022, moyennant un salaire brut mensuel de 3 150 euros, soit en net repli par comparaison à celui perçu au sein de la société EURO-FITTING (10 600 euros), il y a lieu de considérer que les premiers juges ont correctement apprécié l'indemnisation de son préjudice en lui allouant une indemnité de 35 000 euros, à laquelle l'intéressé acquiesce.
Le jugement querellé sera en conséquence confirmé de ce chef.
VII- Sur la demande relatives aux RTT
Aux termes de l'article 1235 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Au cas présent, l'employeur sollicite à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait inopposable ou nulle la convention de forfait en jours contractée par son salarié, la condamnation de ce dernier à lui rembourser les sommes versées au titre des jours de réduction du temps de travail (RTT), en l'occurrence 11 777,92 au titre des années 2018, 2019 et 2020.
Il est exact que si la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis est privée d'effet et a fortiori déclarée nulle, l'employeur peut, pour la période considérée, réclamer le remboursement des jours de RTT dont le paiement est devenu indu (Soc. 6 janvier 2021 n°17-28.234).
Le salarié n'a pas entendu répliquer sur ce point, sauf à voir juger l'appel incident de son contradicteur 'recevable mais mal fondé' et n'a émis aucune critique sur le calcul effectué par la société EURO-FITTING pour justifier sa demande.
Au vu du calcul réalisé par l'employeur, basé sur un taux horaire de 70,10 euros, dûment justifié, il y a lieu d'accueillir sa demande et de lui allouer la somme de 11 777,92 euros.
VIII- Sur les demandes accessoires
Si l'appelant a fait figurer les dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens dans sa déclaration d'appel, la cour relève cependant qu'elle n'est saisie dans le dispositif de ses écrits d'aucune demande tendant à voir infirmer celles-ci et statuer différemment.
Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.
L'issue du litige commande d'allouer à M. [N] [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et la société EURO-FITTING, qui succombe au principal, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires.
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit nulle la clause de forfait en jours insérée au contrat de travail de M. [N] [H].
Condamne la SAS EURO-FITTING à payer à M. [N] [H] la somme de 67 000 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 6 700 euros au titre des congés payés afférents.
Condamne M. [N] [H] à payer à la SAS EURO-FITTING la somme de 11 777,92 euros au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail.
Déboute la SAS EURO-FITTING de sa demande d'indemnité de procédure.
Condamne la SAS EURO-FITTING à payer à M. [N] [H] la somme de 3 000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel.
Condamne la SAS EURO-FITTING aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre mars deux mille vingt cinq et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
BUL/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 4 MARS 2025
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 4 février 2025
N° de rôle : N° RG 23/01135 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVBG
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD
en date du 2 juin 2023
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me WERTHE, Postulant, et par Me Etienne GUIDON, Plaidant, avocat au barreau de NANCY
INTIMEE
S.A.S. EURO-FITTING, sise [Adresse 2]
représentée par Me Benjamin LEVY, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, et par Me Sarah USUNIER, Plaidante, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marina CERDEIRA, Plaidante, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 4 Février 2025 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Madame Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 4 Mars 2025 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCEDURE
M. [N] [H] a été embauché par la société EURO-FITTING, intervenant sur le secteur de la fabrication d'équipements automobile, suivant contrat à durée indéterminée du 3 avril 2018 en qualité de responsable de site sur la base d'un forfait annuel en jours (218 jours). Le contrat est régi par les dispositions de la Convention collective des services de l'automobile.
Par courrier du 30 juin 2021 remis en main propre contre décharge, la société EURO-FITTING a convoqué M. [N] [H] à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire jusqu'à la décision à intervenir.
Par courrier du 21 juillet 2021, la société EURO-FITTING a notifié à M. [N] [H] son licenciement, l'employeur lui reprochant des défaillances dans la gestion des opérations, dans le suivi des indicateurs financiers de la société, des carences managériales et une attitude inacceptable vis-à-vis du client PSA.
Le courrier de notification indique que le salarié est dispensé d'effectuer son préavis de trois mois et qu'il est libéré de son obligation de non-concurrence.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [N] [H] a, par requête du 11 octobre 2021, saisi le conseil de prud'hommes de Montbéliard aux fins de voir dire celui-ci sans cause réelle et sérieuse, voir dire nul et inopposable sa convention de forfait en jours et obtenir le paiement de rappels de salaire et l'indemnisation de ses divers préjudices.
Suivant jugement du 2 juin 2023, ce conseil a :
- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamné la société EURO-FITTING à verser à M. [N] [H] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- débouté M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre de l'accomplissement d'heures supplémentaires et de travail dissimulé
- débouté M. [N] [H] de sa demande d'exécution provisoire en application de l'article 51 du code de procédure civile
- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens
Par déclaration du 26 juillet 2023, M. [N] [H] a relevé appel de cette décision et selon ultimes conclusions du 15 avril 2024, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'i1 l'a débouté de ses demandes de remise en cause de son forfait jours, de rappel de salaire, compensation obligatoire en repos et de dommages-intérêts au titre de l'accomplissement d'heures supplémentaires et du travail dissimulé
Statuant à nouveau,
- juger nul, de nul effet et inopposable le forfait en jours
- juger qu'il a travaillé sur une base horaire de 151,67 heures mensuelle
- condamner en conséquence la société EURO-FITTING à lui verser les sommes suivantes :
Rappel de salaire 2018
- 38 685,45€ bruts € + 10% de congés payés soit 3 868,54 € bruts
Rappel de salaire 2019
- 40 652,69 € bruts + 10% de congés payés soit 4 065,26 € bruts
Rappel de salaire 2020
- 15 770,31 € bruts + 10% de congés payés soit 1 577,03 € bruts
Rappel de salaire 2021
- 16 391,55 € bruts + 10% de congés payés soit 1 639,15 € bruts
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser [H] sous forme de dommages-intérêts, la compensation obligatoire en repos (COR) non allouée sur le fondement de l'article L.3121-38 du code du travail, soit une somme de 24 515,24 € nets, se décomposant comme suit :
COR 2018 = 134,40 H x 78,64 € + 10 % =10 569,22 € +1.056,92 € = 11 626,14 € ,
COR 2019 = 149 H x 78,64 € +l0% =11 717,36 € +1.171,74 € = 12 889,10 €
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser la somme de 74 400 € au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L.822l-5 du code du travail
- condamner la société EURO-FITTING à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel
- confirmer le jugement déféré pour le surplus
- juger l'appel incident de la société EURO-FITTING recevable mais mal fondé
Par écrits du 18 janvier 2024, la société EURO-FITTING, appelante incidente, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
* alloué à M. [N] [H] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* rejeté ses entières demandes et mis à sa charge ses propres dépens
Statuant à nouveau,
- dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes
Subsidiairement,
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu à l'article L.1235-3 du code du travail, soit 34 374,15 euros
- déclarer la convention individuelle de forfait annuel en jours de M. [N] [H] valide
- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes
A titre subsidiaire, en cas d 'inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait en jours,
- dire que M. [N] [H] ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires
- le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes subséquentes
A titre infra-subsidiaire,
- limiter le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à 27 167,36 euros bruts,
outre 2 716,73 euros au titre des congés payés afférents
- dire que le salarié n'a effectué aucune heure supplémentaire au-delà du contingent annuel
- condamner M. [N] [H] à rembourser la somme de 11 777,92 euros au titre du remboursement des RTT
En tout état de cause,
- écarter du débat les attestations non conformes aux exigences légales
- constater qu'elle n'a pas commis l'infraction de travail dissimulé
- débouter le salarié du surplus de ses demandes
- condamner M. [N] [H] à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la convention de forfait en jours
Selon l'article L.3121-63 du code du travail, 'les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche'.
Au cas particulier, le contrat de travail de M. [N] [H] comporte la clause suivante relative à la durée du travail :
'Compte tenu de l'autonomie dont dispose Monsieur [N] [H], il apparaît plus adéquat d'organiser le décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jour conformément aux dispositions de la convention collective en vigueur.
Ce forfait est de 218 jours.
Monsieur [H] devra respecter les obligations de repos minimal.
Monsieur [H] devra alerter sans délai sa hiérarchie ou le Responsable des Ressources Humaines s'il estimait que sa charge de travail est trop importante et qu'il en parvient pas à respecter les durées maximales du travail et d'amplitude et des durées minimales de repos.
De même Monsieur [H] devra tenir le décompte de son temps de travail sur la base du formulaire qui lui sera fourni qu'i1 remettra, après 1'avoir dûment renseigné, chaque mois à la Responsable des Ressources Humaines.
Outre un examen lors de l'entretien annuel, un bilan du respect des durées maximales de travail et minimales de repos ainsi qu'un suivi ''de la charge de travail seront établis chaque semestre par le supérieur de Monsieur [H] ou par la Responsable des Ressources Humaines.'
Pour étayer sa demande tendant à voir déclarer cette clause inopposable, M. [N] [H] fait valoir qu'elle est très imprécise et ne fait référence à aucun accord d'entreprise ni à la convention collective. Il soutient surtout qu'en dépit de la 'volumétrie exceptionnelle et anormale' des heures de travail accomplies, aucun point n'a été fait sur sa charge de travail au cours de ses entretiens avec sa hiérarchie et qu'aucun entretien dédié à cette question n'a été organisé annuellement à son égard.
Soulevant par ailleurs le moyen tiré de la nullité, le salarié soutient que la clause litigieuse est fondée sur une convention collective, en l'occurrence la Convention collective nationale de l'automobile, qui ne respecte pas les exigences légales en matière de suivi de la charge de travail des salariés et se prévaut à ce titre d'un arrêt de la chambre sociale du 5 juillet 2023 (n°21-23222).
En réponse l'employeur fait valoir que, contrairement aux affirmations erronées de son contradicteur, le contrat de travail vise bien la convention collective de l'automobile, et prétend avoir effectué un suivi annuel et semestriel de la charge de travail de celui-ci par des entretiens annuels, un bilan semestriel, un document de suivi de forfait et un badgeage informatique.
Il incombe en effet au juge saisi d'un tel litige de s'assurer, au besoin d'office, de la validité de l'accord collectif auquel renvoie une clause de forfait en jours, au regard des exigences légales et jurisprudentielles, et en particulier s'il permet d'assurer la garantie du respect des durées raisonnables maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Soc., 13 octobre 2021, n° 19-20.561, Soc., 19 mai 2021, n° 19-16.362) en prévoyant un suivi effectif et régulier par l'employeur des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable (Soc. 17 décembre 2014 n°13-22.890, publié ; Soc., 8 septembre 2016 n°14-26.256).
C'est tout d'abord à tort que le salarié prétend que la clause litigieuse ne viserait aucun accord collectif, dès lors qu'elle renvoie expressément 'aux dispositions de la convention collective en vigueur' et que le contrat mentionne en sa première page qu'il est régi par les dispositions de la Convention collective des services de l'automobile.
En revanche, et comme le souligne à juste titre le salarié, les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en 'uvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, ne sont manifestement pas suffisantes pour permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et d'assurer ainsi la protection de la santé et de la sécurité du salarié (Soc. 5 juillet 2023, pourvoi n°21-23.222).
Par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Le KHOMRI, l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de ladite loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L.3121-65 du même code, sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité pouvant également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
Il suit de là que si l'employeur s'est conformé de façon effective aux mesures palliatives énoncées à l'article L.3121-65, il peut alors bénéficier du régime dérogatoire ainsi institué et échapper à la nullité de la clause.
Au cas particulier, il résulte cependant des productions que les compte-rendus d'entretiens annuels d'évaluation (dits examens de performance) de M. [N] [H] n'évoquent pas la question de la charge de travail du salarié et sa compatibilité avec sa vie personnelle.
Par ailleurs, l'argument de l'employeur portant sur le dispositif de badgeage informatique, mis en avant comme étant un dispositif de contrôle du temps de travail de l'intéressé, est totalement inopérant dès lors que ce dernier n'était pas astreint à ce dispositif comme en atteste d'ailleurs le document intitulé 'Edition des présence du 1/04/2018 au 23/07/2021" (pièce n°31) et comme l'admet l'employeur en page 42 de ses écrits, convenant ainsi que 'en l'absence de pointage, des heures automatiques d'embauche et de débauche, ne correspondant pas aux heures effectivement travaillées par Monsieur [H], étaient enregistrées dans le logiciel, à savoir 8H00 et 23H30".
De la même manière, le document d''auto-déclaration de pointage des cadres au forfait', qui ne mentionne que les jours travaillés, les jours de congés payés et de RTT est à l'évidence insuffisant pour permettre un contrôle efficient du temps de travail et d'une compatibilité de la charge qu'il représente avec la vie personnelle du salarié.
L'employeur ne peut davantage se prévaloir du mécanisme d'alerte, qui repose sur le seul salarié aux termes de son contrat de travail, pour estimer satisfaite son obligation de contrôle, laquelle doit relever de son initiative.
Il s'ensuit que faute pour l'employeur d'avoir mis en oeuvre de façon effective les mesures palliatives susvisées, la convention de forfait en jours insérée au contrat de travail de M. [N] [H] est entachée de nullité, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Le jugement entrepris encourt en conséquence la réformation sur ce point, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen tiré de l'inopposabilité de la clause dont s'agit.
II - Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire est une heure supplémentaire ouvrant droit à une majoration, ou le cas échéant, à un repos compensateur équivalent, conformément à l'article L.3121-28 du même code.
Il est de jurisprudence constante que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées et qu'il importe peu que la procédure d'autorisation préalable dans l'entreprise n'ait pas été respectée si que l'employeur avait connaissance des heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Par ailleurs, la privation d'effet de la convention de forfait en jours ou sa nullité ouvre le droit pour le salarié concerné de réclamer le paiement des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà de la durée légale afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc. 27 janvier 2021 n°17-31046).
En l'espèce, M. [N] [H] affirme avoir accompli des heures supplémentaires dont il entend obtenir le paiement à hauteur de 111 500 euros, outre congés payés afférents.
Il produit au soutien de sa demande :
- un tableau présentant les heures supplémentaires alléguées, l'application des majorations correspondantes et les sommes dues hebdomadairement à ce titre sur la période écoulée entre la semaine 14 de l'année 2018 et la semaine 26 de l'année 2021
- un récapitulatif des sommes dues par année au titre des heures supplémentaires
- le document intitulé 'Edition des présences du 1/04/2018 au 23/07/2021" correspondant au tableau des badgeages
- un relevé d'heures de passage au péage d'autoroute sur la période du 8 novembre 2018 au 30 juin 2021
- des facturations APRR et relevés de trajet
- des attestations d'anciens employés de la société EURO-FITTING confirmant l'amplitude
Ces éléments sont, à l'évidence, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en les critiquant et en proposant le cas échéant d'autres éléments susceptibles de les contredire (Soc. 8 juillet 2020, n°18-26385), étant rappelé qu'aucune heure supplémentaire n'a été rémunérée, compte tenu de l'application du forfait en jours durant la relation contractuelle.
Or, la cour constate que la société EURO FITTING s'abstient d'apporter la moindre démonstration des heures de travail effectivement réalisées par son salarié.
En réponse, elle fait simplement valoir que les éléments ainsi présentés à la cour sont insuffisamment précis pour lui permettre d'y répondre utilement, notamment parce qu'ils n'indiquent pas le nombre d'heures prétendument effectuées à ce titre, ce qui est au demeurant inexact, qu'ils émanent du salarié lui-même et ont été établis pour les besoins de la cause, ou consistent en des attestations très générales ou non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile.
En premier lieu l'argument de l'employeur selon lequel ces éléments auraient été établis par le salarié lui-même alors que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même et ce, pour les besoins de la cause, est inopérant dans la mesure où, à ce stade du mécanisme probatoire, il incombe simplement au salarié de présenter des éléments suffisamment précis pour engager un débat judiciaire entre les parties mais aucunement de prouver les heures accomplies, de sorte que M. [N] [H] est en droit de se prévaloir de tableaux élaborés par lui-même et établis pour les besoins de l'instance judiciaire qu'il a engagée, soit a posteriori (Soc. 24 mai 2018 n°17-14490, Soc. 29 janvier 2014 n°12-24858).
En deuxième lieu, le salarié ne peut en revanche raisonnablement se prévaloir des horaires de badgeage qu'il communique aux débats pour la période considérée, dans la mesure où il est établi qu'il ne badgeait que très occasionnellement et qu'il ne peut donc être tiré aucun enseignement des horaires apparaissant sur le document nominatif communiqué, qui correspondent pour l'essentiel à un horaire automatique appliqué par le logiciel en cas d'absence d'utilisation du badge sur une journée ou demi-journée.
S'il produit en outre des relevés de péage autoroutier sur la période du 8 novembre 2018 au 30 juin 2021, concernant son trajet journalier domicile/travail, ces éléments font apparaître des amplitudes journalières irrégulières et pour certaines bien inférieures à 7 heures par jour.
Si l'arrivée sur site, compte tenu du temps de trajet entre celui-ci et l'entreprise (20 minutes) se situe approximativement autour de 8 heures 00 mais assez régulièrement entre 8 heures 30 ou 9 heures 00 voire au delà, les départs s'échelonnent entre 16 heures 15 et 18 heures 00, parfois un peu plus tard ou plus tôt, étant rappelé qu'à la différence de l'utilisation systématique d'une badgeuse, ils ne sont qu'indicatifs, à défaut d'être confortés par la production d'un agenda professionnel, qui aurait permis à la cour, en les confrontant, d'en tirer les conséquences utiles sur les heures de travail alléguées.
Enfin, si l'appelant est parfaitement légitime à communiquer des attestations d'anciens salariés de la société EURO-FITTING qui confirment son investissement et un nombre d'heures excédant l'horaire légal de travail, c'est pertinemment que l'employeur fait observer qu'elle sont globalement peu précises et relatent pour la plupart des faits dont leurs auteurs n'ont manifestement pas toujours été témoins personnellement. Elles permettent néanmoins de conforter le postulat d'heures supplémentaires accomplies par le salarié en dépit du fait que certaines allégations sont contredites par les quelques badgeages effectués par ce dernier attestant que son heure d'arrivée n'était pas systématiquement 7 heures 30 mais plus généralement postérieure à 8 heures.
Si l'on peut déduire des éléments précités que le salarié a manifestement travaillé au-delà de 35 heures certaines semaines, les tableaux reconstitués par ce dernier, qui n'évoquent à aucun moment les temps de pause, apparaissent indéniablement majorés.
Néanmoins, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer non pas à 1 019,40 heures mais à 735 heures le nombre d' heures supplémentaires effectuées par M. [N] [H] sur la période du 2 avril 2018 au 30 juin 2021, date de sa mise à pied à titre conservatoire.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié à ce titre et la société EURO-FITTING condamnée au paiement de la somme de 67 000 euros, outre celle de 6 700 euros au titre des congés payés afférents.
III- sur la compensation obligatoire en repos
L`article L. 3121-30 du code du travail prévoit que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
La Convention collective applicable en l'espèce prévoit que le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures et ouvre droit à la même compensation.
M. [N] [H] estime avoir accompli au-delà dudit contingent 354,40 heures en 2018 et 369 heures en 2020, dont il sollicite l'indemnisation, à titre de dommages-intérêts, à hauteur de 24 515,24 euros.
L'employeur lui objecte qu'à défaut d'établir avoir réalisé des heures supplémentaires il est mal fondé à prétendre à une telle indemnisation portant sur un supposé dépassement du contingent annuel pour les années 2018 et 2019.
Compte tenu des éléments communiqués, il apparaît à la cour que les heures supplémentaires effectuées sur les années 2018 et 2019 n'excèdent pas le seuil de 220 heures sur une année, de sorte que M. [N] [H] ne peut voir sa demande prospérer sur ce fondement.
Le jugement entrepris sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.
IV- Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en application de l'article L.8223-1 du code du travail.
Au cas présent, l'appelant soutient que l'employeur a contrevenu aux dispositions précitées en ne lui rémunérant pas, en connaissance de cause, l'intégralité des heures supplémentaires réalisées.
Il sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 74 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
La société EURO-FITTING considère pour sa part que le salarié a signé une convention de forfait en jours le 3 avril 2018, qu'il n'a jamais remis en cause dans le temps de la relation contractuelle, de sorte qu'aucune dissimulation intentionnelle ne saurait lui être imputée.
Il est admis tout d'abord que le caractère intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc. 16 juin 2015 n°14-16.953).
En l'espèce, les parties ont signé un contrat de travail intégrant une clause de forfait en jours visant une convention collective qui en prévoyait les modalités, de sorte que l'employeur est présumé avoir exécuté de bonne foi cette convention et les bulletins de paie ont pu logiquement mentionner le cadre du forfait conventionnellement fixé, à l'exclusion de toute heure accomplie au-delà de la durée légale de travail.
Nonobstant la nullité de ladite clause ultérieurement constatée, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas caractérisée en l'état au vu de l'argumentaire adverse et des pièces communiquées.
Il en résulte que, par substitution de motifs, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande de dommages-intérêts du salarié.
V- Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l'article L.1235-1 du même code, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La charge de la preuve du caractère réel et sérieux ou non du licenciement n'incombe donc spécialement à aucune des parties et le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié (Soc. 21 mai 2002 n°00-41.423).
En l'espèce, la lettre de licenciement du 19 juillet 2021, qui fixe les limites du litige, fait état de ce qu'en dépit d'une réunion de recadrage, après des difficultés managériales apparues dès 2019, la situation ne s'est pas améliorée et est devenue inacceptable, et impute au salarié les faits suivants :
- des carences managériales (mode de communication agressif, délégations inopportunes à des collaborateurs non avertis)
- une attitude inacceptable vis à vis du client PSA (communication agressive et menaçante)
- des défaillances dans la gestion des opérations prenant la forme d'absence à des réunions pourtant stratégiques et une négligence dans la gestion des fins de série
- des défaillances dans le suivi des indicateurs financiers (refus d'utiliser le logiciel de gestion interne, données financières incohérentes ou erronées, absence d'inventaires, estimations financières approximatives)
M. [N] [H], qui conteste l'intégralité de ces faits de même que l'existence d'une réunion de recadrage, conclut à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
V-1 Les carences managériales
L'employeur rappelle qu'aux termes de la description du poste de M. [N] [H], ce dernier avait pour mission de 'guider, motiver, faire progresser et contrôler l'activité des collaborateurs de la société et tenir des réunions régulières avec l'équipe managériale de l'usine'.
Il reproche à cet égard au salarié d'avoir eu un mode de management inapproprié consistant en une communication agressive avec ses supérieurs et ses collaborateurs, en des délégations de mission à des collaborateurs non avertis et en des négligences ayant mis en difficulté la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire.
S'il ressort en effet du compte rendu d'évaluation 2019 que M. [B] [F] [V], représentant l'employeur, y relève que M. [N] [H] 'a responsabilisé les membres de l'équipe qu'il a jugés dignes, certaines relations tendues avec d'autres membres de l'équipe ont compromis une partie du travail accompli', la cour observe que le salarié a contesté cette analyse dans la même rubrique en étayant sa réponse.
Aucun élément ne corrobore la communication agressive alléguée, pas plus que les 'cris' ou les 'expressions colériques', qui ne sont pas davantages explicitées.
Il est au contraire versé aux débats plusieurs témoignages en forme de droit, munis d'une pièce d'identité et signés de leurs auteurs, émanant d'anciens collaborateurs de M. [N] [H], qui s'ils confirment son exigence et son professionnalisme, attestent de sa bienveillance, de son empathie, de sa disponibilité pour ses équipes et de son soutien.
Si le même [B] [F] [V], son supérieur hiérarchique direct de l'époque, atteste en la cause que l'intéressé 'a fait preuve d'un manque de respect constant envers son management et ses collègues' il n'en donne toutefois aucun exemple concret pour illustrer son propos, si ce n'est celui d'une réunion des directeurs de site à [Localité 4] les 7 et 8 octobre 2019, à laquelle M. [N] [H] s'est présenté le deuxième jour 'sans préparation et sans présentation de son propre site... et n'a montré aucun intérêt pour les présentations de ses collègues'.
Or cette appréciation générale et manifestement subjective n'est étayée par aucun autre témoignage, de sorte que l'allégation de M. [V] selon laquelle les personnes présentes à cette réunion auraient perçu cette attitude comme un manque total de respect envers ses collègues et son supérieur est insuffisamment établie.
La même observation doit être faite pour le courriel de M. [Z] [T] du 17 mai 2019, qui s'il pointe un déficit de réactivité, d'interactivité et de respect des fonctions siège/régionales/support de la part de l'intéressé, ne cite qu'un seul exemple de non réponse malgré plusieurs rappels à une enquête concernant le 'projet EHS avec ProAct', dont la cour ne dispose pas d'éléments suffisants et objectifs pour apprécier s'il s'agit d'un fait réellement fautif.
S'agissant de la délégation pour assister à une réunion le 28 mai 2021 dont l'objet était 'revue de validation de l'équipe #3" l'employeur ne justifie pas que M. [N] [H] y aurait délégué sans instructions M. [E] [K], manager logistique, ni qu'ayant dû y être présent, son absence aurait été fautive.
Bien au contraire, le du rapport d'audit interne du 21 avril 2021, produit par l'employeur lui-même (pièce n°11), mentionne que le projet d'internalisation d'Altrans, initié par M. [N] [H] et impliquant également M. [E] [A], présente une planification bien décrite et suivie et ne présente aucune faiblesse, ce qui contredit les allégations de l'employeur selon lesquelles M. [K] aurait été un 'collaborateur non averti' mandaté sans instructions préalables du directeur de site. Au surplus, l'appelant justifie qu'il était convoqué à cette date pour une vaccination contre le virus du Covid19.
Pareillement, le simple message de son supérieur hiérarchique le 6 mai 2021 lui rappelant que c'est à lui d'envoyer 'ce fichier, pas à [Y] ([S], assistant de gestion intérimaire), c'est une tâche de PM', ne saurait constituer un fait fautif justifiant une mesure de licenciement.
L'employeur reproche enfin à M. [N] [H] d'avoir été absent, pour cause de congé, à l'entretien préalable à licenciement d'un salarié du site prévu à 12 heures le 25 juin 2021 et d'avoir prévenu le jour même.
Si ce contretemps procède d'un défaut d'anticipation, dès lors que l'intéressé était le seul à disposer du pouvoir disciplinaire en tant que directeur de site, M. [N] [H] a néanmoins proposé de tenir à distance cet entretien, et il a pu être établi à temps un 'contrat back up' au profit de M. [E] [K], de sorte que l'entretien disciplinaire a pu être maintenu. Il s'en évince que, compte tenu du caractère isolé de ce fait, il ne saurait à lui seul fonder un licenciement justifié.
V-2 L'attitude inacceptable vis à vis du client PSA
L'employeur soutient que M. [N] [H] aurait adopté un comportement agressif voire menaçant avec le client PSA, d'autant plus préjudiciable aux intérêts de la société et à sa pérennité qu'il est son seul client.
S'il reprend là encore la description du poste de M. [N] [H], qui confiait à celui-ci le soin d'assurer un contact et une communication efficace et fluide avec les clients et fournisseurs et de participer aux réunions avec ceux-ci selon les besoins, il ne ressort cependant pas des pièces qu'il communique aux débats que le comportement fautif imputé au salarié soit établi.
En effet, le courriel de M. [Z] [P] du 11 juin 2021, qu'il cite à ce sujet, n'évoque à aucun moment une menace ou un chantage de l'appelant à l'égard du client PSA de suspendre toute commande.
Il en est de même du témoignage de M. [W] [I], son supérieur hiérarchique à compter de septembre 2020, lequel apparaît en outre très imprécis lorsqu'il prête à son subordonné une 'attitude inacceptable (avec PSA)... par des mails agressifs, des non-réponses à des relances et des absences répétées à des points stratégiques'.
L'employeur, qui avait toute latitude de verser aux débats des messages électroniques émanant de M. [N] [H] afin d'illustrer et corroborer cette attestation très générale, s'abstient néanmoins de le faire, de sorte qu'en l'état des productions, aucun grief ne saurait être retenu de ce chef.
V-3 Les défaillances dans la gestion des opérations
La société EURO-FITTING fait grief à son salarié d'avoir fait preuve de négligence et de légèreté dans l'exécution de ses missions par son absence d'investissement dans certains projets cruciaux en cours, caractérisées par une absence volontaire à des réunions stratégiques, et par une négligence dans la gestion des fins de série.
Il a précédemment été retenu que l'absence de M. [N] [H] à la réunion relative au projet Altrans n'était pas fautive car longuement travaillée en amont avec M. [K] et que l'appelant justifiait d'un rendez-vous de vaccination Covid19 au centre de vaccination de [Localité 3] le même jour à 16 heures 30, laquelle constituait, compte tenu du contexte de pandémie, une justification recevable.
Si M. [N] [H] n'a pu assister pour le même motif à la réunion initialement prévue le même jour à 15 heures, il n'est pas contesté qu'il en a décalé la date au lundi suivant, l'employeur indiquant dans ses écritures qu'il s'en est excusé le jour même auprès de son interlocutrice.
Si l'appelant a également été absent à une réunion auprès du client PSA le 11 juin de la même année à [Localité 5], il explique ce fait par un conflit de calendrier en raison d'une réunion avec son N+1.
S'il justifie d'une demande adressée le 11 mai précédent à son interlocuteur, M. [O], à l'effet de proposer un autre jour que le vendredi pour cette raison ainsi qu'en raison d'un chômage partiel forcé, destiné à faire face à la baisse des volumes, suite à la crise sanitaire, il vise toutefois dans son message une réunion du 18 juin et non du 11 juin, de sorte que son absence résulte manifestement d'une fâcheuse omission mais rien ne permet d'affirmer qu'elle soit le fruit d'un refus volontaire d'assister à cette réunion.
S'agissant de la réunion du vendredi 25 juin 2021, relative à l'entretien préalable d'un salarié du site, il a pareillement été retenu qu'elle ne pouvait à elle-seule constituer une faute justifiant la sanction du licenciement, ce d'autant que l'entretien s'est finalement déroulé sans être reporté.
En ce qui concerne enfin la gestion des fins de série, l'employeur reproche à son directeur de site de n'avoir pas réalisé d'inventaires, ce qui a aurait eu pour effet une immobilisation inutile de l'espace de stockage du site et aurait rendu impossible leur éventuelle revalorisation par le client.
Cependant il résulte des productions et en particulier d'un audit interne réalisé en avril 2021 et d'attestations d'anciens salariés du site de [Localité 6], que si des inventaires étaient réalisés en juillet et en décembre chaque année, il a été constaté au premier trimestre 2021 que le dernier inventaire accusait simplement un retard.
En outre, l'employeur produit le message de M. [W] [I] du 25 mars 2021, faisant état de la présence qu'il qualifie d''assez haute' de composants fin de série, adressé à la pilote 'fins de série' de la société STELLANTIS, ce rappelle cependant que la demande a d'ores et déjà été faite sans succès, de sorte qu'il ne peut être argué en l'état d'une faute du directeur de site dans la supervision de dossier.
V-4 Les défaillances dans le suivi des indicateurs financiers
Si l'employeur prétend en premier lieu que M. [N] [H] s'obstine à refuser d'utiliser le logiciel de gestion interne OneStream, rien n'indique qu'il lui en avait été précédemment fait l'obligation et c'est à juste titre que les premiers juges relèvent que l'audit interne réalisé en avril 2021 mentionne simplement que l'intéressé, ne disposant pas d'identifiants, ne pourra être back up, laissant ainsi supposer qu'un autre collaborateur est, de fait, responsable de la saisie de l'outil.
L'appelant n'est au demeurant pas contredit lorsqu'il soutient qu'il n'existe aucun procédure groupe imposant au directeur d'usine d'être le back up du contrôleur de site et justifie avoir interrogé sa hiérarchie par courriel du 31 mai 2021 afin d'éclaircir cette ambiguïté, suite à l'audit interne.
Il est encore imputé au salarié des 'données financières saisies systématiquement incohérentes ou erronées, à tout le moins non à jour ou partielles' privant la société EURO-FITTING et le groupe d'une vision claire et précise de la situation, à part une fois l'an.
Cependant, ce grief, qui ne repose que sur deux attestations très peu circonstanciées, très générales et dépourvue de toute illustration concrète émanant de M. [G] [R], directeur financier du groupe, et de M. [W] [I], n'apparaît pas suffisamment caractérisé.
Si l'employeur fait ainsi valoir que l'absence de remontées de données financières relevait de la part de l'appelant d'un manque patent et général de respect des procédures du groupe, et cite en exemple un courriel de relance portant sur les modalités d'enregistrement des tickets sous Rydoo (pièce n°22), ce rappel effectué le 10 mars 2021 et faisant suite à une information transmise par courriel le 3 novembre 2010, a été adressé à quatre destinataires et non pas singulièrement à M. [N] [H].
Par ailleurs, s'il n'est pas contestable que l'audit interne d'avril 2021 souligne un certain nombre de points de vigilance et de corrections à apporter, force est de constater qu'en l'état des productions un comportement fautif du salarié n'est pas établi.
L'employeur fait enfin le reproche à son directeur de site de réaliser des estimations financières plus qu'approximatives dans le cadre de la gestion courante ou la mise en oeuvre de projets,.
Pour étayer ce grief, il cite l'exemple d'une étude réalisée par M. [N] [H] dans le cadre du projet Dicastal, présentée au conseil d'administration le 3 juin 2021, qui induisait un trop grand risque financier pour l'entreprise et souligne que lors de sa présentation le 7 juin suivant, sa nouvelle étude proposait un résultat multiplié par trois sans explication concrète de ce nouveau chiffrage.
Or, l'appelant explique que la première version de son étude réalisée en amont alors qu'il ne disposait pas de toutes les données du client, levées à la suite de plusieurs réunions avec ce dernier, a été affinée dans la seconde version de juin, qui intègre également les automatisations destinées à faire baisser le coût de revient, et propose une augmentation de 17% du prix de vente pour répondre aux objectifs de profitabilité.
A la lumière de ces éléments la cour ne voit pas qu'il y a lieu de retenir un comportement fautif à l'encontre de M. [N] [H].
* * *
Il résulte de ces développements que le licenciement prononcé à l'égard de M. [N] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement qui a ainsi statué doit être confirmé de ce chef.
VI - Sur les demandes pécuniaires liées au licenciement
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimal et maximal, résultant d'un tableau annexé à l'article, en vertu duquel M. [N] [H], qui justifie de trois ans d'ancienneté, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.
En l'état, compte-tenu de son âge lors de la rupture du contrat (44 ans), de la reprise d'une activité professionnelle de directeur général d'une société par actions simplifiée à compter du 2 février 2022, moyennant un salaire brut mensuel de 3 150 euros, soit en net repli par comparaison à celui perçu au sein de la société EURO-FITTING (10 600 euros), il y a lieu de considérer que les premiers juges ont correctement apprécié l'indemnisation de son préjudice en lui allouant une indemnité de 35 000 euros, à laquelle l'intéressé acquiesce.
Le jugement querellé sera en conséquence confirmé de ce chef.
VII- Sur la demande relatives aux RTT
Aux termes de l'article 1235 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Au cas présent, l'employeur sollicite à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait inopposable ou nulle la convention de forfait en jours contractée par son salarié, la condamnation de ce dernier à lui rembourser les sommes versées au titre des jours de réduction du temps de travail (RTT), en l'occurrence 11 777,92 au titre des années 2018, 2019 et 2020.
Il est exact que si la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis est privée d'effet et a fortiori déclarée nulle, l'employeur peut, pour la période considérée, réclamer le remboursement des jours de RTT dont le paiement est devenu indu (Soc. 6 janvier 2021 n°17-28.234).
Le salarié n'a pas entendu répliquer sur ce point, sauf à voir juger l'appel incident de son contradicteur 'recevable mais mal fondé' et n'a émis aucune critique sur le calcul effectué par la société EURO-FITTING pour justifier sa demande.
Au vu du calcul réalisé par l'employeur, basé sur un taux horaire de 70,10 euros, dûment justifié, il y a lieu d'accueillir sa demande et de lui allouer la somme de 11 777,92 euros.
VIII- Sur les demandes accessoires
Si l'appelant a fait figurer les dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens dans sa déclaration d'appel, la cour relève cependant qu'elle n'est saisie dans le dispositif de ses écrits d'aucune demande tendant à voir infirmer celles-ci et statuer différemment.
Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.
L'issue du litige commande d'allouer à M. [N] [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et la société EURO-FITTING, qui succombe au principal, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires.
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit nulle la clause de forfait en jours insérée au contrat de travail de M. [N] [H].
Condamne la SAS EURO-FITTING à payer à M. [N] [H] la somme de 67 000 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 6 700 euros au titre des congés payés afférents.
Condamne M. [N] [H] à payer à la SAS EURO-FITTING la somme de 11 777,92 euros au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail.
Déboute la SAS EURO-FITTING de sa demande d'indemnité de procédure.
Condamne la SAS EURO-FITTING à payer à M. [N] [H] la somme de 3 000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel.
Condamne la SAS EURO-FITTING aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre mars deux mille vingt cinq et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,