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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 mars 2025, n° 23/06899

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/06899

4 mars 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°74

N° RG 23/06899 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UKH2

(Réf 1ère instance : 22/00200)

S.A.R.L. RDS ENTREPRISES

C/

M. [U] [E]

Mme [X] [E] NÉE [N] épouse [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me LE MINTIER

Me PAILLER

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de BREST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur

GREFFIERS :

Madame HABARE, lors des débats, et Madame ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Décembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. RDS ENTREPRISES

immatriculée au registre de commerce et des sociétés de BREST sous le numéro 813 605 193, représentée par son gérant et associé unique Monsieur [J] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Guillaume LE MINTIER de la SELARL ISIS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Cédric LIGER de l'AARPI ITER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [U] [E]

chef d'entreprise

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [X] [E] née [N]

chef d'entreprise

née le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Suivant protocole d'accord du 20 octobre 2015, les époux [E] se sont engagés à céder à la société RDS Entreprises, 2 500 parts qu'ils détenaient, pour moitié chacun, dans le capital de la société Abers étanchéité et représentant 100 % du capital de ladite société.

Le même jour, une « lettre de mission d'accompagnement » a été conclue entre les parties en exécution de laquelle la société RDS Entreprises, représentée par son gérant, a effectué une mission au sein de la société Abers étanchéité du 21 octobre 2015 jusqu'à la date de la cession, le 30 novembre 2015.

Au jour de la cession, une convention de garantie a été formalisée, les époux [E] se portant garants au profit de la société RDS Entreprises. Il était prévu un seuil de déclenchement de la garantie de 5000 € par chantier, sinistre ou événement, avec un montant cumulé des indemnités mises à la charge du garant limité à 100 000 €, or litiges sociaux en cours.

Après l'arrêté de compte du 30 novembre 2015, le prix définitif de cession a été fixé à 282 384 € par convention du 22 mars 2016.

Par courrier du 28 octobre 2020, la société RDS Entreprises a fait savoir à M. et Mme [E] qu'elle entendait actionner la garantie de passif pour un montant total de 145 701,92 € correspondant à des surcoûts de cotisation d'assurance (105 674,72 €) et au montant de franchises (40 027,20 €) engendrés par divers contentieux clients découverts après la cession.

Par courrier du 23 novembre 2020, les époux [E] ont répondu qu'ils contestaient la réclamation.

Le 3 février 2021, en application de la convention et sur assignation de la société RDS Entreprises, le juge des référés a ordonné une médiation, laquelle n'a pas abouti.

Le 19 janvier 2022, la société RDS Entreprises a assigné les époux [E] devant le tribunal de commerce de Brest en application de la convention de garantie.

Par jugement du 10 novembre 2023, le tribunal de commerce de Brest a :

- jugé recevable l'action de la société RDS Entreprises,

- débouté, en application de la convention de garantie, la société RDS Entreprises pour sa réclamation au titre des hausses de taux des primes d'assurance, pour sa réclamation au titre des conséquences éventuelles d'application du taux de 10% ou de 20% des franchises, pour sa réclamation au titre de faits susceptibles d'entrainer une majoration des primes d'assurance,

- condamné, en application de la convention de garantie, M. et Mme [E] à verser à la société RDS Entreprises la somme de 11 380 € pour sa réclamation au titre du coût des franchises,

- débouté la société RDS Entreprises pour sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du protocole d'accord et de la convention de garantie et pour résistance abusive,

- débouté la société RDS Entreprises pour sa demande d'intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts,

- débouté M. et Mme [E] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- conclu que la société RDS Entreprises ainsi que M. et Mme [E] conservent à leur charge les frais engagés au titre de la présente procédure et les a débouté de leurs demandes à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société RDS Entreprises ainsi que les époux [E] à supporter à égalité les entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile,

- liquidé au titre des dépens les frais de greffe à la somme de 89.66 € TTC.

Par déclaration du 7 décembre 2023, la société RDS Entreprises a interjeté appel.

Les dernières conclusions de la société RDS Entreprises sont du 6 août 2024.

Les dernières conclusions de M. et Mme [E] sont du 9 septembre 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société RDS Entreprises demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté, en application de la convention de garantie, la société RDS Entreprises pour sa réclamation au titre des hausses de taux des primes d'assurance, pour sa réclamation au titre des conséquences éventuelles d'application du taux de 10 % ou de 20 % des franchises, pour sa réclamation au titre de faits susceptibles d'entrainer une majoration des primes d'assurance,

- condamné, en application de la convention de garantie, M. et Mme [E] à verser à la société RDS Entreprises la somme de 11.380 € pour sa réclamation au titre du coût des franchises,

- débouté la société RDS Entreprises de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouté la société RDS Entreprises pour sa demande d'intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts,

- conclu que la société RDS Entreprises ainsi que M. et Mme [E] conservent à leur charge les frais engagés au titre de la présente procédure et les déboute de leurs demandes à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société RDS Entreprises ainsi que les époux [E] à supporter à égalité les entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile,

- en conséquence,

- dire et juger les demandes de la société RDS Entreprises recevables et bien fondées,

- condamner M. et Mme [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 100 000 € en application de la convention de garantie du 30 novembre 2015,

- condamner M. et Mme [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 45 701,92 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du protocole d'accord et de la convention de garantie,

- condamner M. et Mme [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner M. et Mme [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens du procès, outre les frais de mise à exécution conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts,

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- débouter M. et Mme [E] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles.

M. et Mme [E] demandent à la cour de :

- débouter la société RDS Entreprises de son appel principal et de toutes ses demandes fins et conclusions,

- dire et juger les époux [E] recevables et bien fondés en leur appel incident,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné, en application de la convention de garantie, M. et Mme [E] à verser à la société RDS Entreprises la somme de 11 380 € pour sa réclamation au titre du coût des franchises,

- débouter la société RDS Entreprises de sa réclamation à ce titre,

- condamner la société RDS Entreprises à régler à M. et Mme [E] la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société RDS aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

La mise en oeuvre de la garantie de passif

Selon les articles 1134 et 1315 anciens du code civil en vigueur lors de la conclusion de la convention de garantie,

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

(...)Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Aux termes de la convention de garantie :

« De toute diminution d'actif et/ou augmentation de passif par rapport au(x) montant(s) de l'actif et du passif figurant dans les Comptes Garantis dès lors que cette diminution ou augmentation (i) aurait dû, en application des Principes Comptables et/ou des Déclarations et Garanties, être comptabilisée dans ces comptes ou (ii) aurait son origine, sa source ou sa cause dans des faits, événements ou circonstances antérieurs à la date de ces comptes ou (iii) résultant d'éléments ayant leur origine antérieurement à la Date de Cession qui, s'ils avaient été connus lors de l'arrêté des Comptes Garantis, auraient modifié lesdits Comptes ;

- (...)

- De tout préjudice direct résultant d'une inexactitude ou violation de l'une quelconque des Déclarations et Garanties y compris celles mentionnées au protocole d'accord et à l'acte de cession de titres, quelle qu'en soit la nature ou la cause ainsi que tous honoraires, frais, débours, pénalités, intérêts de retard qui pourraient être engagés ou supportés par le Cessionnaire et/ou la Société pour l'application ou le respect de la Convention de Garantie ;

- De tout préjudice allégué par le Bénéficiaire qui ne résultent pas d'opérations traduites dans les Comptes Garantis. »

- sur la demande de garantie au titre du surcoût des cotisations

La société RDS Entreprises soutient que, depuis la cession, elle a été amenée à déclarer 131 sinistres auprès de la SMABTP pour des chantiers réceptionnés par les époux [E] de 2008 à 2015. Elle fait valoir que la multiplication de sinistres a entrainé une augmentation anormale du montant des cotisations à régulariser auprès de l'assureur, qui doit être garantie.

Elle estime que le montant des cotisations qu'elle aurait dû régler n'aurait dû augmenter que de 2% l'an à compter de 2016, soit une différence de 105 674 €.

En annexe 14 de la garantie de passif figure la liste des 52 sinistres déclarés en cours et/ou terminés auprès de la SMABTP, arrêtée au 28 juillet 2015, au titre des contrats CAP 2000 garantissant depuis le 1er janvier 2003 la société Abers étanchéité. Cette liste permet d'apprécier la sinistralité de la société Abers étanchéité et de constater son accroissement régulier.

Dans un courrier du 9 mars 2018, le représentant de la société RDS Entreprises indique au conseil des époux [E] que « le taux de cotisation en % du CA dérape depuis 2014. Cela traduit qu'au moment de la cession la société avait effectué des déclarations susceptibles d'entraîner des majorations de primes importantes parfaitement prévisibles, compte tenu d'un nombre de sinistres historiquement important à cette période (...) ».

Le représentant de la société RDS Entreprises était, ainsi, en mesure, au moment de l'arrêté contradictoire des comptes au 30 novembre 2015 et de l'établissement de la liste des sinistres déclarées arrêtée au 28 juillet 2015, d'apprécier le risque de majoration de primes.

Il apparaît que le taux de cotisation rapporté au chiffre d'affaires avait déjà augmenté de près de 9 % en 2014 par rapport à l'année précédente et atteignait une augmentation de près de 13 % en 2015 par rapport à 2014.

Selon le courriel de la SMABTP du 23 octobre 2020 adressé à la société RDS entreprise, tous leurs contrats (ndr : CAP 2000) sont amenés « à être majorés selon une mesure socle qui prévoit une augmentation de 2 % par an » pour une « entreprise n'ayant aucun sinistre ».

La société RDS Entreprises a acquis une société pour laquelle la sinistralité n'était pas nulle mais au contraire en augmentation, ce dont elle avait connaissance. Le surcoût de cotisation ne peut donc s'apprécier par rapport à cette augmentation minimale de 2%.

La société RDS Entreprises soutient par ailleurs que les époux [E] ont manqué à leur obligation d'information et « leur devoir de transparence » sur le risque de sinistralité.

La société RDS Entreprises fait valoir que l'augmentation du nombre de sinistres révèle la mauvaise qualité des prestations de la société Abers étanchéité sous la gestion des époux [E], en soulignant que les sinistres sur ses propres chantiers sont moindres (37 entre 2016 et 2024). Toutefois, les seuls chiffres exposés, alors que des désordres sur les propres chantiers de la société RDS Entreprises depuis la cession sont encore susceptibles de se révéler dans les dix ans de la réception des ouvrages, et les quelques exemples donnés du type de malfaçons reprochées à la société Abers étanchéité ne sont pas susceptibles d'établir la parfaite connaissance par les époux [E] de la mauvaise exécution des travaux par leur société qui aurait dû les amener à anticiper, pour la cession, les risques à venir sur les chantiers réceptionnés. Aucune rétention volontaire d'information n'est démontrée.

Le montant des cotisations est, pour partie, calculé sur le montant provisionné par l'assureur pour chaque sinistre déclaré. Pour cette raison, les époux [E] ont admis, dans un courrier du 5 février 2018, que leur société ne déclarait pas tous les « sinistres susceptibles d'être réglés à moindre coût dans le cadre du service après-vente », laissant supposer que la société RDS Entreprises avait une pratique différente. Cette affirmation des époux [E] est sans effet direct sur le calcul des cotisations, l'augmentation étant essentiellement liée aux sinistres décennaux conduisant à de fortes indemnisations. D'ailleurs, chaque désordre n'impose pas de déclaration à l'assurance tant que leur reprise est possible dans le cadre de la relation nouée avec le maître de l'ouvrage.

Ce nombre de « sinistres » directement réparés n'est, en outre, pas justifié. Il doit être considéré que la pratique des époux [E] n'a pu engendrer aucune méprise sur l'importance de la sinistralité de la société Abers étanchéité.

Il est relevé, au surplus, que dans le cadre de la mission d'entreprise qu'il a pu exercer avant la cession, le gérant de la société RDS Entreprises a pu vérifier le fonctionnement de la société Abers étanchéité avant son rachat.

La société RDS Entreprises soutient, en outre, que cinq litiges, dont les époux [E] auraient eu connaissance avant la cession, n'ont pas été portés à sa connaissance, dénaturant les projections de l'évolution des taux de cotisation et réduisant l'ampleur du passif de la société Abers étanchéité lors de la cession :

- SMABTP/ALLIANZ IARD

- commune de [Localité 12]

- Brest métropole - [Localité 10]

- ASL port plaisance [8]

- conseil général du Finistère

La société RDS Entreprises ne produit aucune pièce de nature à déterminer l'existence et la nature des litiges SMABTP/ALLIANZ, Brest métropole [Localité 10], ASL port plaisance [8] et conseil général du Finistère, pour vérifier le défaut d'information.

S'agissant de la commune de Lesneven, la société RDS Entreprises se réfère à un courrier du tribunal administratif de Rennes du 30 juillet 2017 par lequel la société Abers étanchéité était invitée à formuler des observations sur une requête qui lui aurait été notifiée le 17 octobre 2014. Il est mentionné que le litige porte sur des désordres à la suite de la construction de locaux au sein du stade municipal [9]. Ce litige n'est pas mentionné dans la garantie de passif au titre des « litiges - contentieux » mais il figure dans la liste des sinistres de nature décennale de l'annexe 14 comme étant toujours en cours (sinistre du 6 mars 2012). Ainsi, et en l'absence de toute autre pièce pertinente justifiant des suites données à ce litige, aucun effet sur l'évolution des taux de cotisation ou sur l'appréciation du montant du passif de la société Abers étanchéité n'est démontré par ce biais.

Il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a rejeté la demande au titre des surcotisations.

- sur la demande de garantie au titre des franchises payées

La société RDS Entreprises demande le remboursement des franchises d'un montant supérieur à 5 000 € afférentes à des sinistres dont le fait générateur est antérieur à la cession de parts sociales. Elle fait valoir, en outre, un manque de visibilité sur le taux de franchise applicable soutenant qu'elle n'avait pas connaissance d'un taux de franchise de 20 % pour les sinistres correspondant à l'ancien contrat d'assurance et qu'en tout état de cause, les déclarations d'ouverture de chantier n'étant pas toujours mentionnées, il n'était pas possible d'apprécier le montant à régler.

La convention de garantie prévoit en son article 3.4.2 :

« Seuil de déclenchement. Il est expressément convenu entre les parties que le seuil de déclenchement ci-après fixé s'apprécie par chantier, sinistre ou événement. Ce seuil de déclenchement est fixé à 5 000 €. En conséquence, chaque litige ne rentrera dans la clause de garantie que lorsque son montant ou celui de la franchise appliquée par l'assueur dépassera 5 000 €. Le seuil de déclenchement signifie qu'en cas de mise en jeu de la garantie pour un litige déterminé, le garant sera redevable de la totalité des sommes dues au titre de la présente garantie pour le litige en question depuis le premier euros. Il est expressément convenu entre les parties que le seuil de déclenchement ne s'appliquera pas pour l'ensemble des litiges sociaux (prud'homme, URSSAF, CPAM etc.) »

En annexe 14 de la garantie de passif, figurent les « contrats d'assurances, attestations et sinistres en cours ».

Le seul contrat d'assurance professionnelle des entreprises du bâtiment et des travaux publics annexé est celui souscrit le 14 septembre 2012, prévoyant une franchise de 10 % pour la plupart des sinistres, doublée pour les sinistres déclarés dans la première année après réception.

Pour autant, sur la liste des sinistres déclarés en cours au 30 novembre 2015, ceux correspondant à des chantiers dont les déclarations d'ouverture de chantier sont antérieures au 14 septembre 2012, des montants de franchises de 20 % sont appliqués.

En outre, il y est mentionné que la SMABTP est l'assureur de la société Abers étanchéité depuis au moins le 1er janvier 2003, date du début de prise en compte des sinistres listés.

La société RDS Entreprises ne pouvait donc ignorer l'existence du contrat d'assurance antérieur et l'application de franchises de 20%, et, en cas de doute à la lecture de la liste des sinistres, il lui était loisible d'en vérifier la teneur.

Au demeurant, la société RDS Entreprises ne fait valoir aucun préjudice en lien direct avec son absence de connaissance alléguée du contrat d'assurance antérieur à 2012.

Elle demande, en revanche, le remboursement de franchises correspondant à cinq sinistres trouvant leur origine dans des travaux réceptionnés avant la cession.

Il convient de distinguer entre les sinistres déclarés antérieurement pour lesquels la franchise s'est révélée plus importante que celle fixée par l'assurance à titre provisoire et les sinistres déclarés postérieurement.

Il n'est pas contesté que les franchises se sont élevées à :

- 8 459,57 € pour le chantier « groupe scolaire de Kerinou »

- 6 118,63 € pour le chantier « [Adresse 15] »

- 8 900 € pour le chantier « tennis club de [Localité 13] »

- 8 559 € pour le chantier « pyrotechnie [Localité 16] »

- 7 990 € pour le chantier « [Adresse 15] »

Comme justement relevé par le tribunal de commerce, figuraient dans l'annexe 14, les sinistres relatifs au groupe scolaire Kerinou avec un montant de franchise total de 5 464 € et les sinistres de la résidence Saint [U] avec un montant total de franchise de 10 850 €. Ces franchises évaluées provisoirement, s'agissant de sinistres en cours, ont donc été prises en compte lors de la cession. La garantie ne peut porter que sur le surplus finalement réglé, toutefois celui-ci est inférieur à 5 000 € par sinistre. Les époux [E] ne sont donc pas tenus au paiement de ce surplus.

Les époux [E] ne contestent pas devoir leur garantie pour les sinistres non déclarés avant la cession pour des chantiers qu'ils avaient réceptionnés antérieurement, dont les franchises sont supérieures au seuil de déclenchement de 5 000 €, et que, sur le total, il convienne d'appliquer la provision qui figurait à l'arrêté des comptes d'un montant de 28 646 €, de sorte que rien ne reste dû.

Pour le chantier « tennis club de [Localité 13] », les époux [E] sont redevables de la garantie à hauteur de 8 900 €.

Pour le chantier « pyrotechnie [Localité 16] », les époux [E] sont redevables de la garantie à hauteur de 8 559 €.

La société RDS Entreprises justifie par une déclaration de son expert comptable, sans être démentie utilement par les époux [E], que la provision figurant à l'arrêté des comptes ne concernait que le licenciement de M. [Y], un litige avec M. [I] et un litige avec le SDIS de [Localité 14] et qu'elle a, depuis, été intégralement reprise à ces fins. Il n'y pas lieu d'imputer cette provision sur les sommes dues.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Brest et de condamner les époux [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 17 459 €. La société RDS Entreprises ne fixe pas le point de départ des intérêts qu'elle entend voir appliquer. La somme sera donc augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, les intérêts échus par année à compter de cette date seront capitalisés.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de garantie et du protocole

L'ensemble des manquements reprochés aux époux [E] pour justifier d'une exécution déloyale de la convention de garantie et du protocole sont ceux précédemment évoqués à savoir qu'ils ne pouvaient ignorer le manque de rigueur dans l'exécution des prestations de leur société et qu'ils n'ont pas déclaré l'ensemble des sinistres. Il a déjà été répondu que ces manquements ne sont pas établis par la société RDS Entreprises.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande indemnitaire.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La société RDS Entreprises soutient que les époux [E] ont adopté une posture d'obstruction à toute résolution du litige en ne formulant aucune explication dans leur courrier de contestation du 23 novembre 2020 et en ne permettant pas la médiation, la contraignant à engager la procédure. Elle se fonde exclusivement sur l'article 32-1 du code de procédure civile pour obtenir leur condamnation.

Il apparaît que les tensions préexistaient au courrier du 23 novembre 2020 compte tenu des courriers déjà adressés antérieurement par la société RDS Entreprises. Si la société RDS Entreprises a été contrainte d'agir en justice, les époux [E] ont participé, sans obstruction démontrée, à la procédure.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Dépens et frais irrépétibles

Succombant principalement à l'instance, les époux [E] seront condamnés, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera réformé à cet égard.

L'équité commande en revanche de rejeter la demande au titre des frais irrépétibles de la société RDS.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné, en application de la convention de garantie, M. et Mme [E] à verser à la société RDS Entreprises la somme de 11 380 € pour sa réclamation au titre du coût des franchises,

- condamné la société RDS Entreprises ainsi que les époux [E] à supporter à égalité les entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile,

Confirme le jugement pour le surplus des seules dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] [E] et Mme [X] [N] épouse [E], in solidum, à payer à la société RDS Entreprises la somme de 17 459 € au titre de la garantie de passif, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts échus par année à compter de cette date seront capitalisés,

Condamne M. [U] [E] et Mme [X] [N] épouse [E], in solidum, aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande des parties,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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