CA Rennes, 7e ch prud'homale, 27 février 2025, n° 21/02500
RENNES
Arrêt
Autre
7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°58/2025
N° RG 21/02500 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RSFP
S.A.S. GROUPE DIDIER LE FLOCH - RECYCLAGE ENVIRONNEMENT -
C/
Mme [R] [D] épouse [Z]
Me [I] [U] *
RG CPH : F 19/00262
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de QUIMPER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Janvier 2025, devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [J], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. GROUPE DIDIER LE FLOCH - RECYCLAGE ENVIRONNEMENT
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Vincent OMEZ de la SELARL SOCIETE D AVOCATS OMEZ-LE ROUX, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉS :
Madame [R] [D] épouse [Z]
née le 20 Novembre 1962 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Maître [I] [U], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE DIDIER LE FLOCH.
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparant, Non représenté
INTERVENANTES :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA
[Adresse 8]
[Localité 7]
Non comparante, non représentée
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Groupe Didier Le Floch avait pour activité la collecte de déchets. Elle employait moins de 11 salariés et appliquait la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération.
Le 17 juillet 1986, Mme [R] [Z] a été embauchée en qualité de comptable selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein par la société Groupe Didier Le Floch.
Par jugement en date du 06 décembre 2013, le tribunal de commerce de Quimper a placé la SAS Groupe Didier Le Floch en redressement judiciaire.
Le 05 juin 2015, la même juridiction a arrêté un plan de redressement de la société Groupe Didier Le Floch pour une durée de de 10 ans et a désigné Me [U], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Du 21 juillet 2014 au 06 novembre 2016, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle résultant d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche.
Du 07 novembre 2016 au 07 mai 2017, elle a repris son poste dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.
A la suite d'une visite médicale du 18 mai 2017, le médecin du travail l'a déclarée apte avec restriction. Le même jour, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail.
Le 03 mai 2018, la salariée a sollicité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère la prise en charge de sa pathologie, un « syndrome anxiodépressif réactionnel à vécu professionnel douloureux », au titre de la législation sur les risques professionnels. Le 20 mai 2019, la Caisse a fait droit à sa demande.
Au terme d'une visite médicale de reprise en date du 07 août 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [Z] inapte à son poste, précisant que son état de santé faisait « obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Par courrier en date du 16 août 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé le 27 août suivant.
Le 30 août 2019, Mme [Z] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.
***
Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 20 décembre 2019 afin de voir :
- Dire que le licenciement fait suite à une inaptitude physique pour maladie professionnelle,
- Dire que le salaire de référence mensuel brut est de 1921,00 euros brut;
- Dire que l'ancienneté à prendre en compte est bien de 33 ans et 1 mois;
- Dire qu'il y a donc lieu de doubler l'indemnité de licenciement ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 39 487,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement pour maladie professionnelle ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 3 842,00 euros au titre de l'indemnité légale correspondant au montant de l'indemnité compensatrice de deux mois de préavis ;
- Y ajoutant 384,20 euros au titre des congés payés afférents ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 2000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 4 564,24 euros au titre de la somme due pour les congés payés ;
- Condamner aux dépens et intérêts légaux ;
- Condamner à verser 1000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à fournir les documents sociaux rectifiés :
- Fiche de paie,
- Attestation Pôle Emploi,
- Certificat de travail.
La SAS Groupe Didier Le Floch a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Constater l'inopposabilité à l'égard de la SAS Groupe Didier Le Floch de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [Z],
- Dire que les indemnités allouées à Mme [Z] par la SAS Groupe Didier Le Floch dans le cadre de la procédure de licenciement sont exactes ;
- Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Mme [Z] à payer à la SAS Groupe Didier Le Floch la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même aux-entiers dépens.
Par jugement en date du 17 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Quimper a :
- Mis hors de cause le CGEA de [Localité 7], gestionnaire de l'AGS
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch à verser à Mme [Z], les sommes suivantes :
- 4 564,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
- 3 842,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- 384,20 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 1 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive injustifiée ;
- 38 974,32 euros nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
- 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine et que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch à remettre à Mme [Z], un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés ;
- Dit qu'en vue d'une éventuelle application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de 1 921,00 euros ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch aux entiers dépens de l'instance, y compris aux éventuels frais d'exécution forcée.
Pour statuer ainsi les premiers juges ont considéré que :
L'origine professionnelle de la maladie de Mme [Z] a été reconnue par décision du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;
La société ne saurait opposer son ignorance quant au caractère professionnel de la maladie de Mme [Z], en effet : ses bulletins de paie témoignent qu'elle a indemnisé sa salariée au titre de la maladie professionnelle et elle a scrupuleusement respecté la procédure applicable au licenciement pour maladie d'origine professionnelle ;
Au mois d'août 2019, la salariée était destinataire d'un bulletin de paie sur lequel figurait une somme de 4 564,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, somme non contestée par l'employeur et qui n'était toujours réglée au moment des débats devant le conseil de prud'hommes ; cette somme figurait sur l'attestation Pôle Emploi, ce qui a entraîné un délai de carence et causé un préjudice à Mme [Z].
***
La SAS Groupe Didier Le Floch a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 22 avril 2021.
Par jugement en date du 15 décembre 2023, le tribunal de commerce de Quimper a prononcé la résolution du plan de resessement et la la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch et désigné la SELARL [L]-[U], en la personne de Me [G] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte en date du 29 mai 2024, Mme [Z] a assigné en intervention forcée l'Unédic AGS CGEA de [Localité 7].
Par acte en date du 04 juin 2024, Mme [Z] a assigné en intervention forcée la SELARL [L]-[U], prise en la personne de Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 18 septembre 2024, Mme [Z] demande à la cour d'appel de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper, le 17 mars 2021, sauf sur le quantum des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
- Recevoir Mme [Z] en son appel incident :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper, le 17 mars 2021, sur le quantum des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
En conséquence, et statuant à nouveau
- Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch sommes suivantes au profit de Mme [Z] :
- Indemnité de licenciement : 38 974,32 euros nets
- Indemnité compensatrice de préavis : 3 842,00 euros bruts
- Congés payés correspondants : 384,20 euros bruts
- Dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée : 2 000,00 euros nets
- Indemnité compensatrice de congés payés : 4 564,24 euros bruts
- Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA ;
- Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
- Inscrire au passif de la SAS Groupe Didier Le Floch une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonner à la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire, de remettre Mme [Z] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
- Condamner la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 17 décembre 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 06 janvier 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime. Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. »
Ainsi, dès l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle.
Ce dessaisissement ne concerne que les droits patrimoniaux et les biens saisissables du débiteur. Par conséquent, tous les droits attachés à la personne du débiteur, c'est-à-dire les droits propres ou extra-patrimoniaux, échappent au dessaisissement. Le débiteur a également le droit de se défendre à une instance en cours, engagée contre lui avant l'ouverture de sa procédure collective, tendant à sa condamnation personnelle à une somme d'argent, pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, y compris après le prononcé d'une liquidation judiciaire.
Le débiteur ne peut donc plus représenter l'entreprise sous procédure collective dans le cadre d'une procédure judiciaire à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, et notamment l'employeur (personne physique ou morale) dans le cadre d'un contentieux prud'homal. Une procédure engagée par le débiteur seul, et qui ne ressort pas de la gestion courante (action à titre conservatoire), peut toutefois être régularisée par l'intervention du liquidateur judiciaire.
Partant, le liquidateur judiciaire, en tant qu'organe de la procédure collective, représente l'employeur débiteur dessaisi tout au long de la procédure prud'homale à compter du prononcé de la liquidation judiciaire. Les actes juridiques accomplis par le débiteur seul au mépris de ce dessaisissement sont irréguliers et inopposables à la procédure collective, voire nuls.
En l'espèce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch est intervenue le 15 décembre 2023, soit après le prononcé du jugement déféré et la déclaration d'appel.
Depuis le 15 décembre 2023, s'agissant des droits et actions concernant le patrimoine du débiteur employeur engagé par l'activité professionnelle, seule la SELARL [L]-[U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, peut représenter l'employeur débiteur dans le cadre de la présente procédure prud'homale d'appel.
Par conclusions notifiées le 18 septembre 2024 portant appel incident, Mme [Z] sollicite la fixation de ses créances au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch ainsi que l'infirmation du jugement déféré mais uniquement sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour résistance abusive et injustifiée.
La cour constate que la SELARL [L]-[U], régulièrement appelée à la cause en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, n'a pas constitué avocat dans le cadre de la présente instance d'appel et n'a pas notifié de conclusions.
Par courrier daté du 14 juin 2024, l'UNEDIC CGEA de [Localité 7], en tant que délégation AGS, a informé la cour qu'elle n'interviendrait pas dans cette procédure d'appel et ne constituerait pas avocat dans l'affaire opposant la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch, à Mme [Z] ; elle n'a donc pas notifié de conclusions.
Les conclusions notifiées par RPVA le 24 décembre 2021 par la SAS Groupe Didier Le Floch ne peuvent donc plus être prises en compte au vu des principes rappelés ci-dessus dès lors qu'elle n'a déposé aucune conclusion postérieure revendiquant l'exercice d'un droit propre.
Aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »
Aucun moyen n'étant plus développé au soutien de l'appel principal, il sera uniquement statué sur les demandes incidemment formées par Mme [Z].
S'agissant des dispositions non contestées du jugement du conseil de prud'hommes, il sera fait droit à la demande de Mme [Z] afin de fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée
Pour infirmation du jugement entrepris, Mme [Z] soutient que la résistance abusive de la société est particulièrement caractérisée et particulièrement injustifiée dès lors qu'il s'agit de sommes dues depuis août 2019 et qu'elle a dû saisir la formation de référé conseil de prud'hommes de Quimper pour obtenir le règlement de son indemnité de licenciement et son indemnité compensatrice de congés payés.
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Enfin l'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il incombe dès lors à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve :
>De l'existence d'un préjudice,
>D'une faute commise par la personne à laquelle il l'impute,
>Du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
La défense à une action en justice constitue un droit et ne dégénère en faute pouvant donner naissance à dommages-intérêts qu'en cas de malice de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont relevé que les bulletins de paie de Mme [Z] mentionnaient ses absences pour maladie professionnelle et que la procédure applicable au licenciement pour maladie d'origine professionnelle a été scrupuleusement respectée par l'employeur, selon les dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail, de sorte que la société Groupe Didier Le Floch avait connaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme [Z].
La résistance de la société revêt un caractère abusif dans la mesure où Mme [Z] a dû saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes par requête en date du 26 octobre 2020 aux fins d'obtenir le règlement de l'indemnité de licenciement due par l'employeur depuis le 30 août 2019, date de notification de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (pièces n°31 à 34 de la salariée).
Par ordonnance en date du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Quimper a ordonné à la SAS Groupe Didier Le Floch à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
19 743,58 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
4 562,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sommes étant dues avec intérêt au taux légal à compter de la requête en date du 26 octobre 2020.
Il en découle que Mme [Z] a dû engager des procédures longues et coûteuses pour faire valoir ses droits, alors que l'employeur n'ignorait pas que sa contestation était vouée à l'échec.
En réparation du préjudice causé à la salariée du fait de la résistance abusive de l'employeur, il sera fait droit à la demande en dommages et intérêts de Mme [Z] à hauteur de 1 500 euros. Le jugement est infirmé sur le quantum.
Sur la remise des documents sociaux
En application de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1.
L'article L 3243-2 du même code impose la remise au salarié d'un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l'employeur.
Au regard de ces textes, la demande de remise de documents sociaux rectifiés (attestation Pôle emploi rectifiée et bulletin de salaire mentionnant les sommes allouées au titre de la présente décision) conformes au présent arrêt est fondée en son principe et il y sera fait droit. Cependant, les circonstances de l'espèce ne rendent pas nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.
Sur les intérêts légaux
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas contraire à l'équité, eu égard aux circonstances de l'espèce, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et il convient donc de débouter Mme [Z] de la demande qu'elle a formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper en date du 17 mars 2021, excepté sur le quantum des dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
Statuant à nouveau,
Vu le jugement du tribunal de commerce de commerce de Quimper du 15 décembre 2023 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floc'h ;
Fixe la créance de Mme [R] [D] épouse [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch aux sommes suivantes :
- 38 974,32 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
- 3 842,00 euros bruts au titre congés payés afférents,
- 4 564,24 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce;
Y ajoutant,
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France travail, rectifiés, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ;
Dit le présent arrêt commun et opposable à l'UNEDIC, CGEA de [Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS, et à la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch ;
Dit que les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail ;
Déboute Mme [R] [D] épouse [Z] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, aux dépens d'appel.
La greffière Le président
ARRÊT N°58/2025
N° RG 21/02500 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RSFP
S.A.S. GROUPE DIDIER LE FLOCH - RECYCLAGE ENVIRONNEMENT -
C/
Mme [R] [D] épouse [Z]
Me [I] [U] *
RG CPH : F 19/00262
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de QUIMPER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Janvier 2025, devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [J], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
S.A.S. GROUPE DIDIER LE FLOCH - RECYCLAGE ENVIRONNEMENT
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Vincent OMEZ de la SELARL SOCIETE D AVOCATS OMEZ-LE ROUX, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉS :
Madame [R] [D] épouse [Z]
née le 20 Novembre 1962 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Maître [I] [U], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE DIDIER LE FLOCH.
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparant, Non représenté
INTERVENANTES :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA
[Adresse 8]
[Localité 7]
Non comparante, non représentée
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Groupe Didier Le Floch avait pour activité la collecte de déchets. Elle employait moins de 11 salariés et appliquait la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération.
Le 17 juillet 1986, Mme [R] [Z] a été embauchée en qualité de comptable selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein par la société Groupe Didier Le Floch.
Par jugement en date du 06 décembre 2013, le tribunal de commerce de Quimper a placé la SAS Groupe Didier Le Floch en redressement judiciaire.
Le 05 juin 2015, la même juridiction a arrêté un plan de redressement de la société Groupe Didier Le Floch pour une durée de de 10 ans et a désigné Me [U], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Du 21 juillet 2014 au 06 novembre 2016, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle résultant d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche.
Du 07 novembre 2016 au 07 mai 2017, elle a repris son poste dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.
A la suite d'une visite médicale du 18 mai 2017, le médecin du travail l'a déclarée apte avec restriction. Le même jour, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail.
Le 03 mai 2018, la salariée a sollicité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère la prise en charge de sa pathologie, un « syndrome anxiodépressif réactionnel à vécu professionnel douloureux », au titre de la législation sur les risques professionnels. Le 20 mai 2019, la Caisse a fait droit à sa demande.
Au terme d'une visite médicale de reprise en date du 07 août 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [Z] inapte à son poste, précisant que son état de santé faisait « obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Par courrier en date du 16 août 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé le 27 août suivant.
Le 30 août 2019, Mme [Z] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.
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Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 20 décembre 2019 afin de voir :
- Dire que le licenciement fait suite à une inaptitude physique pour maladie professionnelle,
- Dire que le salaire de référence mensuel brut est de 1921,00 euros brut;
- Dire que l'ancienneté à prendre en compte est bien de 33 ans et 1 mois;
- Dire qu'il y a donc lieu de doubler l'indemnité de licenciement ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 39 487,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement pour maladie professionnelle ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 3 842,00 euros au titre de l'indemnité légale correspondant au montant de l'indemnité compensatrice de deux mois de préavis ;
- Y ajoutant 384,20 euros au titre des congés payés afférents ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 2000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à verser 4 564,24 euros au titre de la somme due pour les congés payés ;
- Condamner aux dépens et intérêts légaux ;
- Condamner à verser 1000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAS Groupe Didier Le Floch à fournir les documents sociaux rectifiés :
- Fiche de paie,
- Attestation Pôle Emploi,
- Certificat de travail.
La SAS Groupe Didier Le Floch a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Constater l'inopposabilité à l'égard de la SAS Groupe Didier Le Floch de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [Z],
- Dire que les indemnités allouées à Mme [Z] par la SAS Groupe Didier Le Floch dans le cadre de la procédure de licenciement sont exactes ;
- Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Mme [Z] à payer à la SAS Groupe Didier Le Floch la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même aux-entiers dépens.
Par jugement en date du 17 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Quimper a :
- Mis hors de cause le CGEA de [Localité 7], gestionnaire de l'AGS
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch à verser à Mme [Z], les sommes suivantes :
- 4 564,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
- 3 842,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- 384,20 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 1 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive injustifiée ;
- 38 974,32 euros nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
- 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine et que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch à remettre à Mme [Z], un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés ;
- Dit qu'en vue d'une éventuelle application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de 1 921,00 euros ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la SAS Groupe Didier Le Floch aux entiers dépens de l'instance, y compris aux éventuels frais d'exécution forcée.
Pour statuer ainsi les premiers juges ont considéré que :
L'origine professionnelle de la maladie de Mme [Z] a été reconnue par décision du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;
La société ne saurait opposer son ignorance quant au caractère professionnel de la maladie de Mme [Z], en effet : ses bulletins de paie témoignent qu'elle a indemnisé sa salariée au titre de la maladie professionnelle et elle a scrupuleusement respecté la procédure applicable au licenciement pour maladie d'origine professionnelle ;
Au mois d'août 2019, la salariée était destinataire d'un bulletin de paie sur lequel figurait une somme de 4 564,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, somme non contestée par l'employeur et qui n'était toujours réglée au moment des débats devant le conseil de prud'hommes ; cette somme figurait sur l'attestation Pôle Emploi, ce qui a entraîné un délai de carence et causé un préjudice à Mme [Z].
***
La SAS Groupe Didier Le Floch a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 22 avril 2021.
Par jugement en date du 15 décembre 2023, le tribunal de commerce de Quimper a prononcé la résolution du plan de resessement et la la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch et désigné la SELARL [L]-[U], en la personne de Me [G] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte en date du 29 mai 2024, Mme [Z] a assigné en intervention forcée l'Unédic AGS CGEA de [Localité 7].
Par acte en date du 04 juin 2024, Mme [Z] a assigné en intervention forcée la SELARL [L]-[U], prise en la personne de Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 18 septembre 2024, Mme [Z] demande à la cour d'appel de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper, le 17 mars 2021, sauf sur le quantum des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
- Recevoir Mme [Z] en son appel incident :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper, le 17 mars 2021, sur le quantum des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
En conséquence, et statuant à nouveau
- Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch sommes suivantes au profit de Mme [Z] :
- Indemnité de licenciement : 38 974,32 euros nets
- Indemnité compensatrice de préavis : 3 842,00 euros bruts
- Congés payés correspondants : 384,20 euros bruts
- Dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée : 2 000,00 euros nets
- Indemnité compensatrice de congés payés : 4 564,24 euros bruts
- Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA ;
- Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
- Inscrire au passif de la SAS Groupe Didier Le Floch une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonner à la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire, de remettre Mme [Z] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
- Condamner la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 17 décembre 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 06 janvier 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime. Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. »
Ainsi, dès l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle.
Ce dessaisissement ne concerne que les droits patrimoniaux et les biens saisissables du débiteur. Par conséquent, tous les droits attachés à la personne du débiteur, c'est-à-dire les droits propres ou extra-patrimoniaux, échappent au dessaisissement. Le débiteur a également le droit de se défendre à une instance en cours, engagée contre lui avant l'ouverture de sa procédure collective, tendant à sa condamnation personnelle à une somme d'argent, pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, y compris après le prononcé d'une liquidation judiciaire.
Le débiteur ne peut donc plus représenter l'entreprise sous procédure collective dans le cadre d'une procédure judiciaire à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, et notamment l'employeur (personne physique ou morale) dans le cadre d'un contentieux prud'homal. Une procédure engagée par le débiteur seul, et qui ne ressort pas de la gestion courante (action à titre conservatoire), peut toutefois être régularisée par l'intervention du liquidateur judiciaire.
Partant, le liquidateur judiciaire, en tant qu'organe de la procédure collective, représente l'employeur débiteur dessaisi tout au long de la procédure prud'homale à compter du prononcé de la liquidation judiciaire. Les actes juridiques accomplis par le débiteur seul au mépris de ce dessaisissement sont irréguliers et inopposables à la procédure collective, voire nuls.
En l'espèce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch est intervenue le 15 décembre 2023, soit après le prononcé du jugement déféré et la déclaration d'appel.
Depuis le 15 décembre 2023, s'agissant des droits et actions concernant le patrimoine du débiteur employeur engagé par l'activité professionnelle, seule la SELARL [L]-[U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, peut représenter l'employeur débiteur dans le cadre de la présente procédure prud'homale d'appel.
Par conclusions notifiées le 18 septembre 2024 portant appel incident, Mme [Z] sollicite la fixation de ses créances au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch ainsi que l'infirmation du jugement déféré mais uniquement sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour résistance abusive et injustifiée.
La cour constate que la SELARL [L]-[U], régulièrement appelée à la cause en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, n'a pas constitué avocat dans le cadre de la présente instance d'appel et n'a pas notifié de conclusions.
Par courrier daté du 14 juin 2024, l'UNEDIC CGEA de [Localité 7], en tant que délégation AGS, a informé la cour qu'elle n'interviendrait pas dans cette procédure d'appel et ne constituerait pas avocat dans l'affaire opposant la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch, à Mme [Z] ; elle n'a donc pas notifié de conclusions.
Les conclusions notifiées par RPVA le 24 décembre 2021 par la SAS Groupe Didier Le Floch ne peuvent donc plus être prises en compte au vu des principes rappelés ci-dessus dès lors qu'elle n'a déposé aucune conclusion postérieure revendiquant l'exercice d'un droit propre.
Aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »
Aucun moyen n'étant plus développé au soutien de l'appel principal, il sera uniquement statué sur les demandes incidemment formées par Mme [Z].
S'agissant des dispositions non contestées du jugement du conseil de prud'hommes, il sera fait droit à la demande de Mme [Z] afin de fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Groupe Didier Le Floch.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée
Pour infirmation du jugement entrepris, Mme [Z] soutient que la résistance abusive de la société est particulièrement caractérisée et particulièrement injustifiée dès lors qu'il s'agit de sommes dues depuis août 2019 et qu'elle a dû saisir la formation de référé conseil de prud'hommes de Quimper pour obtenir le règlement de son indemnité de licenciement et son indemnité compensatrice de congés payés.
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Enfin l'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il incombe dès lors à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve :
>De l'existence d'un préjudice,
>D'une faute commise par la personne à laquelle il l'impute,
>Du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
La défense à une action en justice constitue un droit et ne dégénère en faute pouvant donner naissance à dommages-intérêts qu'en cas de malice de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont relevé que les bulletins de paie de Mme [Z] mentionnaient ses absences pour maladie professionnelle et que la procédure applicable au licenciement pour maladie d'origine professionnelle a été scrupuleusement respectée par l'employeur, selon les dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail, de sorte que la société Groupe Didier Le Floch avait connaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme [Z].
La résistance de la société revêt un caractère abusif dans la mesure où Mme [Z] a dû saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes par requête en date du 26 octobre 2020 aux fins d'obtenir le règlement de l'indemnité de licenciement due par l'employeur depuis le 30 août 2019, date de notification de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (pièces n°31 à 34 de la salariée).
Par ordonnance en date du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Quimper a ordonné à la SAS Groupe Didier Le Floch à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
19 743,58 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
4 562,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sommes étant dues avec intérêt au taux légal à compter de la requête en date du 26 octobre 2020.
Il en découle que Mme [Z] a dû engager des procédures longues et coûteuses pour faire valoir ses droits, alors que l'employeur n'ignorait pas que sa contestation était vouée à l'échec.
En réparation du préjudice causé à la salariée du fait de la résistance abusive de l'employeur, il sera fait droit à la demande en dommages et intérêts de Mme [Z] à hauteur de 1 500 euros. Le jugement est infirmé sur le quantum.
Sur la remise des documents sociaux
En application de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1.
L'article L 3243-2 du même code impose la remise au salarié d'un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l'employeur.
Au regard de ces textes, la demande de remise de documents sociaux rectifiés (attestation Pôle emploi rectifiée et bulletin de salaire mentionnant les sommes allouées au titre de la présente décision) conformes au présent arrêt est fondée en son principe et il y sera fait droit. Cependant, les circonstances de l'espèce ne rendent pas nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.
Sur les intérêts légaux
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas contraire à l'équité, eu égard aux circonstances de l'espèce, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et il convient donc de débouter Mme [Z] de la demande qu'elle a formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper en date du 17 mars 2021, excepté sur le quantum des dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
Statuant à nouveau,
Vu le jugement du tribunal de commerce de commerce de Quimper du 15 décembre 2023 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floc'h ;
Fixe la créance de Mme [R] [D] épouse [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch aux sommes suivantes :
- 38 974,32 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
- 3 842,00 euros bruts au titre congés payés afférents,
- 4 564,24 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce;
Y ajoutant,
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France travail, rectifiés, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ;
Dit le présent arrêt commun et opposable à l'UNEDIC, CGEA de [Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS, et à la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch ;
Dit que les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail ;
Déboute Mme [R] [D] épouse [Z] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELARL [L]-[U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Didier Le Floch, aux dépens d'appel.
La greffière Le président