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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 4 mars 2025, n° 24/03128

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/03128

4 mars 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 04 MARS 2025

N° RG 24/03128 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WRFT

AFFAIRE :

S.A.S. ME.DIGITAL SOLUTIONS

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mai 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° RG : 2024P00440

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Asma MZE

Me Christophe DEBRAY

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

S.A.S. ME.DIGITAL SOLUTIONS

Ayant son siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2473781 -

Plaidant : Me Manon FRANCISPILLAI de l'AARPI PRIMO Avocats, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMES

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Organisme UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24187

S.E.L.A.R.L. [U] mission Conduite par Maître [X] [G] [U], mandataire judiciaire, es qualité de liquidateur judiciaire de la société ME.DIGITAL SOLUTIONS

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Défaillant déclaration d'appel signifiée à personne habilitée

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Janvier 2025, Monsieur Ronan GUERLOT, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Henri GENIN, Avocat Général dont l'avis du 24 Mai 2024 a été transmis le 27 Mai 2024 au greffe par la voie électronique.

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 mars 2024, l'URSSAF d'Ile-de-France a assigné la SAS ME Digital Solutions devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir ouvrir à son égard une procédure collective.

Le 2 mai 2024, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société ME. Digital Solutions ;

- désigné la SELARL [U], mission conduite par M. [G] [U], liquidateur judiciaire ;

- fixé provisoirement au 3 novembre 2022 la date de cessation des paiements compte tenu du non-paiement des cotisations sociales.

Le 24 mai 2024, la société ME. Digital Solutions a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 26 juin 2024, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du 2 mai 2024 en tous ses chefs de disposition ;

Et statuant à nouveau :

- ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

- désigner les organes de la procédure collective ;

- dire n'y avoir lieu à la désignation d'un administrateur judiciaire ;

- fixer la date de cessation des paiements au prononcé de l'arrêt ;

- fixer une période d'observation ;

- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce pour la poursuite de la procédure ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions du 2 août 2024, l'URSSAF Ile-de-France demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel de la société ME. Digital Solutions, et des possibilités sérieuses de son redressement, sous réserve de la position du mandataire judiciaire défaillant ;

- statuer ce que de droit sur les dépens qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.

La déclaration d'appel a été signifiée à la société de Keating le 30 mai 2024 par remise à personne habilitée. Les conclusions lui ont été signifiées le 1er juillet 2024 selon les mêmes modalités. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

Le 24 mai 2024, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour confirme en tous points le jugement entrepris, sauf à ce que l'appelante, non comparante devant les premiers juges, démontre, par la production d'un compte prévisionnel de trésorerie sur 4 mois certifié par son expert-comptable, soit qu'un redressement judiciaire serait envisageable, soit qu'elle n'est pas en état de cessation de paiements au jour de l'audience devant la cour, ce qui justifierait une décision de n'y a lieu.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 septembre 2024.

A l'audience, la société ME Digital Solutions a été autorisée à communiquer par note en délibéré établissant l'existence d'investissements.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

La société ME Digital Solutions soutient qu'elle est en capacité de poursuivre son activité et explique que son business plan à six mois (de juillet à décembre 2024) démontre qu'elle pouvait dégager sur cette période un résultat positif de 577 698,50 euros. Elle fait valoir que son activité peut se poursuivre compte tenu de contrats en cours dans le cadre de partenariats conclus avec des institutionnels et que le solde d'un accord de financement d'associés de 430 000 dollars américains sera payé en cas de poursuite de l'activité. Elle ajoute qu'elle finalise un état prévisionnel d'exploitation et de trésorerie qu'elle sera en mesure de produire avant la clôture des débats.

Par note en délibéré, la société ME Digital Solutions communique la lettre d'intention d'investisseurs au capital de la société ME Mobile Ecosystems Cedeao, l'entité sénégalaise de M. [W], dirigeant de la débitrice, ainsi qu'un prévisionnel d'exploitation de cette entité pour les années 2025 à 2029. Dans cette note, l'appelante indique que ce prévisionnel prévoit le paiement d'une redevance de 10 % de la marge brute de la société ME Mobile Ecosystems Cedeao à la débitrice démontrant la viabilité du projet pour l'apurement de la dette.

L'URSSAF expose qu'elle est créancière à l'encontre de la débitrice d'une somme de 164 277,25 euros. Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte à justice.

Réponse de la cour

L'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit :

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »

L'article L. 640-1, alinéa 1er, du même code dispose :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »

A l'appui de sa demande de redressement judiciaire, la société ME Digital Solutions produit :

- Un business plan couvrant le second semestre 2024 ;

- Une convention de partenariat du 11 mars 2024 entre la société ME Mobile Ecosystems Cedeao, société de droit sénégalais, représentée par M. [W] et l'association Unacois Jappo (syndical national des commerçants et industriels du Sénégal sud) ;

- Une convention cadre de partenariat du 19 mars 2024 entre la société ME Mobile Ecosystems Cedeao et l'Université [9] de [Localité 10] ;

- Un amendement n° 1 à un protocole d'investissement du 2 novembre 2023 entre M. [W] et MM. [Z], [C] et la société Digital Solutions (document en anglais) ;

- Un amendement n° 2 du 26 avril 2024 entre les mêmes parties ;

- une promesse d'investissement (« Investment Agreement Letter ») signée le 24 décembre 2024 entre la société sénégalaise ME Mobile Ecosystems Cedeo, représenté par son président, M. [W], et la société de droit anglais Bethel Capital et Investments, représenté par M. [B] ;

- un état prévisionnel de la société ME Mobile Ecosystems Cedeao.

La cour relève qu'aucun état prévisionnel comptable de la débitrice n'est produit et que les contrats en cours concernent la société de droit sénégalais ME Mobile Ecosystems Cedeao.

S'il ressort des préambules de deux conventions versées aux débats que cette dernière société commercialise des écosystèmes numériques sous la marque commerciale ME ; que les noms, marques, logos ME sont la propriété exclusive de la société ME Digital Solutions et que les droits d'exploitation des produits et marques ME lui sont cédés sous licence, la cour observe qu'il n'est pas produit d'éléments, comptables ou contractuels, établissant que la débitrice tire des revenus de ces conventions intéressant la société ME Mobile Ecosystems Cedeao.

De la même manière, l'amendement n° 2 au protocole d'investissement dont il ressort que la société ME Digital Solutions et M. [W] accusent réception d'une somme de 50 000 dollars américains d'investisseurs n'est corroboré par aucun document comptable. Il n'est pas justifié non plus du paiement d'une somme de 50 500 dollars prévu par cet amendement.

La lettre d'intention concerne un investissement dans la société ME Mobile Ecosystems Cedeao devant être réalisé au plus tard le 20 décembre 2024, sans qu'il soit donné d'explication sur sa réalisation et sur son impact sur la débitrice.

Le compte prévisionnel de la société ME Ecosystems Cedeao à l'en-tête de M. [J] [E], expert-comptable établi pour les années 2025 à 2029 fait état d'un excédent brut d'exploitation pour cette société en augmentation passant de 578 en 2025 à 1 422,6 en 2029, d'une marge brute passant de 6 198 en 2025 à 7 533,7 euros.

Ce document mentionne en outre qu'il reviendrait à la société ME Digital Solutions, société concernée par la présente procédure, une redevance de 10 % la marge brute de la société ME Cedeo.

Cette présentation avantageuse de la situation de la société ME Ecosystems Cedeao et ce faisant des perspectives de financement de la société ME Digital solutions n'est pas corroborée par des éléments concrets, étant observé qu'il n'est pas donné d'explications sur les liens unissant la débitrice à l'entité sénégalaise de M. [W], la société ME Mobile Ecosystems Cedeo.

Ainsi, il n'est pas sérieux pour la société ME Digital Solution de prétendre avoir des perspectives de redressement, alors qu'elle n'a été en mesure d'assurer le règlement de ses cotisations URSSAF représentant la somme globale de 164 277,25 euros dont 38 342 euros de parts salariales ; entre août 2023 et mai 2024, à une période où elle était censée recevoir des fonds d'investisseurs.

La cour retient que le redressement est manifestement impossible, de sorte que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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