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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 4 mars 2025, n° 24/00056

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/00056

4 mars 2025

04/03/2025

ARRÊT N°2025/

N° RG 24/00056

N° Portalis DBVI-V-B7I-P5OF

MN/ND

Décision déférée du 07 Décembre 2023

Juge de la mise en état de CASTRES

22/01308

D. LABORDE

[V] [F] EPOUSE [U]

C/

[O] [Z]

S.C.I. LA DEVEZE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

- Me PALAFFRE

- Me MONTARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Madame [V] [F] EPOUSE [U]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Eric PALAFFRE, avocat au barreau de CASTRES

INTIME

Monsieur [O] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Michèle MONTARRY, avocat au barreau de TOULOUSE

PARITIE INTERVENANTE

S.C.I. LA DEVEZE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric PALAFFRE, avocat au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. NORGUET, conseillère, chargée du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente

S. MOULAYES,conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure :

Suivant actes notariés des 2 et 5 juillet 1999, la SCI La Devèze, constituée le 18 mai de la même année par [H] [U] et [V] [F] épouse [U], a acheté à Me [J], es qualités de mandataire liquidateur de l'exploitation individuelle d'[N] [Z], éleveur, diverses parcelles de terres situées à Semalens (81) au prix total de 31 057,04 euros.

Le 17 juillet 2017, plusieurs actes ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Castres :

une résolution par laquelle [H] [U] et son épouse, [V] [U] née [F], réunis en assemblée générale, ont pris la décision de céder l'ensemble de leurs parts sociales dans la Sci La Devèze à [N] [Z] pour la somme de 300 euros ainsi que le procès-verbal d'agrément de la cession et l'acte de cession proprement dit, datés du 3 juin 2017,

une résolution d'assemblée générale de la SCI La Devèze, ayant alors pour seul associé [N] [Z], par laquelle il se désigne gérant de la SCI,

les statuts de la SCI La Devèze mis à jour le 7 juin 2017 pour intégrer ces modifications.

Le 3 novembre 2017, [H] [U] a déposé plainte pour escroquerie, faux, usage de faux à l'encontre d'[N] [Z]. Les investigations bancaires diligentées par les gendarmes sur le compte de la SCI La Devèze ont mis en évidence un débit de 26 000 euros entre le 25 juillet et le 25 novembre 2017 à destination d'un autre compte bancaire ouvert au nom de la SCI par [N] [Z].

Avant d'être entendu par les services enquêteurs, [N] [Z] est décédé le [Date décès 7] 2018 et le Ministère Public a classé la plainte de [H] [U] pour extinction de l'action publique en raison du décès de l'auteur des faits.

Les héritiers d'[N] [Z] ont renoncé a sa succession a l'exception de son frère, [O] [Z], lequel a constitué avocat aux fins de faire valoir ses droits dans la SCI La Devèze.

[H] [U] est décédé à son tour le [Date décès 2] 2021, laissant pour lui succéder son épouse, légataire universelle. Le couple n'a pas eu d'enfants.

Par acte du 2 novembre 2022, [V] [F] veuve [U] a fait assigner [O] [Z] devant le tribunal Judiciaire de Castres aux fins de voir déclarer nuls tous les actes conclus entre le 3 juin 2017 et le 7 juin 2017 et relatifs à la cession des parts sociales de la SCI, la désignation d'[N] [Z] comme gérant et la modification des statuts, ainsi que pour le voir condamné à lui verser la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci avec intérêts au taux légal a compter de l'assignation.

Par conclusions d'incident, [O] [Z] a sollicité du Juge de la mise en état la reconnaissance du caractère irrecevable de l'action de [V] [F] veuve [U] pour défaut d'intérêt à agir en recouvrement d'une créance au nom de la Sci La Devèze, faute d'avoir la qualité d'associée.

Reconventionnellement, dans le cadre de l'incident, [V] [F] veuve [U] a sollicité la réalisation d'une expertise judiciaire aux fins de déterminer si les époux [U] sont bien les signataires du procès-verbal d'assemblée générale ayant autorisé la cession des parts sociales de la SCI et de l'acte de cession desdites parts.

Par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Castres a :

dit que Monsieur [U] [H] et [V] [F] veuve [U] ont signé l'acte de cession de parts et le procès-verbal d'agrément de cession de parts en date du 3 juin 2017,

fait droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité a agir de [V] [F] veuve [U],

déclaré irrecevable l'ensemble des demandes présentées par [V] [F] veuve [U],

condamné [V] [F] veuve [U] à payer à Monsieur [N] (sic) [Z] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné [V] [F] veuve [U] aux dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 5 janvier 2024, [V] [F] veuve [U] a relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état aux fins de la voir réformée en intégralité.

Par conclusions d'incident du 25 janvier 2024, [O] [Z] a saisi le conseiller en charge de la mise en état d'une demande de radiation de l'affaire du rôle pour non exécution par l'appelante de la décision de première instance, dont il s'est désisté par conclusions du 14 mars 2024.

Le 5 avril 2024, l'appelante a fait part de l'intervention volontaire de la Sci La Devèze dans le litige.

L'affaire a été fixée à l'audience du 4 décembre 2024 et la clôture prévue à l'article 905 du code de procédure civile, fixée au 18 novembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 5 avril 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles [V] [F] épouse [U], appelante, et la SCI la Devèze, intervenante volontaire, sollicitent :

l'infirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que les époux [U] ont signé le procès-verbal d'agrément de cession de parts du 3 juin 2017 et l'acte de cession de parts du 3 juin 2017,

statuant à nouveau, qu'il soit reconnu que les époux [U] n'ont pas signé le procès-verbal d'agrément de cession de parts du 3 juin 2017 et l'acte de cession de parts du 3 juin 2017,

en conséquence, la reconnaissance que [V] [F] épouse [U] est la seule propriétaire de l'intégralité des parts sociales de la SCI la Devèze,

l'infirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que [V] [F] épouse [U] n'avait pas qualité pour agir,

statuant à nouveau, la reconnaissance de la qualité de [V] [F] épouse [U] pour agir et demander au Juge de reconnaître qu'elle est propriétaire de l'intégralité des parts sociales de la SCI La Devèze,

l'infirmation de la décision dont appel en ce qu'elle dit que [V] [F] épouse [U] n'a pas qualité pour représenter la SCI La Devèze,

statuant à nouveau, la reconnaissance que [V] [F] épouse [U] est la seule ayant la qualité pour agir et représenter la SCI La Devèze,

l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné [V] [F] épouse [U] à payer à [O] [Z] 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau, la condamnation de [O] [Z] à payer à [V] [F] épouse [U] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a condamné [V] [F] épouse [U] aux dépens de l'incident de première instance,

statuant à nouveau, la condamnation de [O] [Z] aux dépens de l'incident de première instance,

y ajoutant, la condamnation de [O] [Z] à payer à [V] [F] épouse [U] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel par elle,

sa condamnation aux dépens d'appel de l'instance d'appel.

pour la Sci La Devèse, que son intervention volontaire soit reconnue recevable et que [V] [F] épouse [U] soit déclarée recevable à la représenter en sa qualité de seule propriétaire de ses parts,

la condamnation de [O] [Z] à payer à la SCI La Devèze la somme de 26 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance soit le 2 novembre 2022.

En réponse, vu les conclusions d'intimé II notifiées en date du 17 avril 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles [O] [Z] demande, au visa des articles 555, 122, 126 et 128 du Code de procédure civile :

qu'il soit dit que l'action engagée par [V] [F] veuve [U] est irrecevable,

la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance déférée,

la condamnation de l''appelante au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens:

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes des articles 122 et 125 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

[O] [Z] soutient qu'en conséquence de la résolution d'assemblée générale, du procès-verbal d'agrément de la cession et de l'acte de cession du 3 juin 2017, [V] [F] veuve [U] n'est plus associée de la Sci depuis cette date et qu'elle n'a donc pas qualité pour agir au nom de celle-ci aux fins de recouvrement de l'un de ses créances.

[V] [F] veuve [U] soutient au contraire que l'ensemble de ces actes étant des faux, elle n'a jamais cessé d'être associée de la Sci La Devèze et qu'elle a donc, à ce titre, qualité à agir pour faire reconnaître la nullité des actes contrefaits et obtenir la restitution des sommes dissipées. Elle produit au soutien de ses allégations l'enquête pénale diligentée à l'encontre d'[N] [Z] concluant à l'existence des contrefaçons.

La cour constate que l'action de [V] [F] veuve [U] vise à obtenir la nullité :

de la résolution par laquelle [H] [U] et son épouse, [V] [U] née [F], réunis en assemblée générale, ont pris la décision de céder l'ensemble de leurs parts sociales dans la Sci La Devèze à [N] [Z] pour la somme de 300 euros,

du procès-verbal d'agrément de la cession et l'acte de cession proprement dit, datés du 3 juin 2017,

de la résolution d'assemblée générale de la SCI La Devèze, ayant alors pour seul associé [N] [Z], par laquelle celui-ci s'est désigné gérant de la SCI,

des statuts modifiés de la SCI La Devèze au 7 juin 2017.

[V] [F] épouse [U] poursuit également la condamnation de [O] [Z] à lui verser la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci.

Cependant, à la lecture des conclusions d'incident déposées le 24 mai 2023 par [O] [Z], il apparaît que le juge de la mise en état n'a été saisi que d'une demande de déclarer irrecevable « l'action de Madame [U] pour défaut d'intérêt à agir en recouvrement d'une créance que prétend détenir la Sci La Devèze ».

Dès lors, il convient de constater que c'est à tort que le juge de la mise en état s'est estimé saisi d'une demande d'irrecevabilité de l'ensemble de l'action diligentée par [V] [F] veuve [U] quand seule la recevabilité de sa demande de voir [O] [Z] condamné à lui verser la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci était critiquée par le défendeur.

Comme le soutient justement [O] [Z], l'action visant à la restitution d'une somme d'argent présentée comme détournée de la Sci ne pouvait être diligentée que par la Sci la Devèze elle-même, par l'intermédiaire de son représentant légal.

Il découle de la lecture de l'acte d'assignation initial du 2 novembre 2022 que [V] [F] veuve [U] a saisi le tribunal judiciaire en son nom propre et n'a jamais prétendu agir au nom de la Sci.

A la lumière de ces éléments, la cour ne peut qu'en conclure que la question de savoir si [V] [F] veuve [U] avait qualité pour agir au nom de la Sci, alors qu'elle ne l'a pas fait, ne se pose pas.

En conséquence également, l'action de [V] [F] veuve [U], agissant en son nom propre, tendant à la restitution de la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci La Devèze est nécessairement irrecevable.

Par ailleurs, s'il doit être constaté que la Sci la Devèze est intervenue volontairement à l'instance à hauteur d'appel, cette intervention n'est pas plus recevable, la Sci avançant être « représentée par [V] [F] épouse [U] » alors même que cette dernière n'a jamais été gérante de la structure et, qu'à la supposer démontrée, sa seule qualité de propriétaire des parts sociales ne lui confère pas ce titre étant rappelé que le Kbis de la Sci mentionne toujours, au 5 février 2023, que le gérant est [N] [Z].

Il n'a été désigné en l'espèce aucun mandataire ad hoc à l'effet de permettre une mise en cause régulière de la Sci dans la procédure de sorte que sa seule intervention en cause d'appel dans les conditions de l'espèce ne peut permettre la régularisation de l'action intentée.

Dès lors, l'ordonnance du juge de la mise en état déférée sera infirmée en totalité.

La cour accueille la fin de non recevoir et déclare l'action de [V] [F], uniquement en ce qu'elle tend à la restitution de la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci La Devèze, irrecevable.

Sur les frais irrépétibles,

L'ordonnance déférée étant infirmée en totalité, ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles relatifs à l'incident le seront également.

[V] [F] veuve [U], partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'incident.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit alloué de sommes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes formulées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Accueille la fin de non-recevoir,

Déclare irrecevable l'action diligentée par [V] [F] veuve [U] uniquement en ce qu'elle tend à la restitution de la somme de 26 000 euros détournée au préjudice de la Sci La Devèze,

Y ajoutant,

Dit que le dossier de l'affaire sera renvoyé à la juridiction de première instance,

Condamne [V] [F] veuve [U] aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'incident.

Déboute [V] [F] veuve [U] et [O] [Z] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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