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Décisions

CA Metz, 1re ch., 13 mars 2025, n° 23/01244

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 23/01244

13 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/01244 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F7I6

Minute n° 25/00033

[A]

C/

[A], [A]

Tribunal de Grande Instance d'EPINAL

11 Janvier 2018

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Cour d'appel de NANCY

Arrêt du 12 Février 2019

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Cour de cassation

Arrêt du 15 Septembre 2021

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

RENVOI APRES CASSATION

ARRÊT DU 13 MARS 2025

DEMANDEUR A LA REPRISE D'INSTANCE :

Monsieur [X] [A]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C574632023003708 du 23/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

DEFENDEURS A LA REPRISE D'INSTANCES :

Monsieur [P] [A]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Madame [H] [A]

[Adresse 4]

[Localité 7]

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Décembre 2024 tenue en double rapporteur par M. Christian DONNADIEU et M. Fréderic MAUCHE, Présidents de chambre, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 13 Mars 2025.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nathalie DOBREMER, adjointe administrative faisant fonction

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : M. DONNADIEU, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

M. MAUCHE, Président de chambre

ARRÊT : Par défaut

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. Christian DONNADIEU, Président de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [I] [A] est décédé le [Date décès 2] 2007, laissant pour recueillir sa succession, son épouse, Mme [C] [R] [K], et trois enfants issus de son union avec cette dernière, Mme [H] [A], M. [P] [A] et M. [X] [A]. Mme [C] [K], veuve dudit M. [A], est décédée le [Date décès 1] 2010.

Les ayants droit des époux [A] ' [K] ne se sont pas accordés sur leurs droits dans les successions de leurs parents.

Par exploit d'huissier de justice du 23 novembre 2015, M. [P] et Mme [H] [A] ont assigné M. [X] [A] aux fins notamment de voir ordonner l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des successions de M. [I] [A] et Mme [C] [A] et, à cet effet, condamner [X] [A] à réintégrer dans la succession les sommes excédant ses droits en fonction du résultat des opérations de liquidation. Aux termes des écritures déposées, M. [P] [A] a demandé être indemnisé pour le paiement du rachat de ses points retraites et les demandeurs ont sollicité le rejet des demandes formées par le défendeur.

Par conclusions déposées en réplique, le défendeur a, notamment, indiqué acquiescer à la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage et au rapport d'une somme de 18 699,43 euros, sollicitant reconventionnellement que lui soit attribuée une créance de salaire différé pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance d'Epinal

a :

Ordonné l'ouverture des opérations de comptes liquidations et partage de la succession de [I] [A] et [C] [A] ;

Chargé le président de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d'appel de Nancy de désigner un notaire pour procéder à ces opérations ;

Débouté [P] [A] et [H] [A] de leur demande de réintégration des sommes dues à la succession ;

Débouté [P] [A] de sa demande de versement des salaires différés ;

Débouté [X] [A] de sa demande de versement de salaires différés ;

Condamné solidairement [P] [A] et [H] [A] à payer la somme de 1 500 euros à [X] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement [P] [A] et [H] [A] aux entiers dépens ;

Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Nancy du 15 mai 2018, [X] [A] a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 12 février 2019, la cour d'appel de Nancy a :

Confirmé le jugement déféré sauf en ce qui concerne la créance de salaire différé de [P] [A] ;

Statuant à nouveau :

Déclaré recevable la demande ;

Dit que [P] [A] dispose d'une créance de salaire différé de mille cinq cent soixante-treize euros (1 573 euros) à la charge de la succession de [I] [A];

Y ajoutant :

Condamné [X] [A] aux dépens.

Sur les demandes portant sur les créances de salaires différés de M. [X] [A] pour les années 1981, 1983, 1984 et 1985, la cour d'appel de Nancy a considéré qu'il ne pouvait bénéficier d'une créance de salaire différé dès lors que sur la période revendiquée il avait travaillé en qualité d'aide familial bénévole, statut défini par l'article 722-10 du code rural permettant une affiliation à la Mutualité Sociale Agricole.

S'agissant de la demande de reconnaissance d'une créance à l'encontre de la succession formée par M. [P] [A], pour la période courue de 1964 à 1969, la cour d'appel de Nancy, après avoir rejeté la prescription opposée, a considéré que le contrat d'apprentissage qui liait M. [P] [A] à son père pour trois ans à compter du 8 juillet 1964 justifiait que lui soit reconnue une créance sur la succession à hauteur de 1 573,00 euros au titre de cotisations non payées à l'URSSAF pour des arriérés du 17 juillet au 31 décembre 1964 puis pour les années 1965 et 1966.

Sur la demande de rapport de sommes à la succession, la cour d'appel de Nancy a visé les articles 813 et 843 du code civil. Elle a estimé qu'aucun élément pertinent ne permettait d'établir l'existence de sommes à rapporter.

Le 12 février 2019, M. [X] [A] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy.

Au soutien de son pourvoi, M. [X] [A] a, dans son premier moyen, contesté le rejet de sa demande de créance de salaire différé et, dans son second moyen, critiqué l'admission d'une créance de salaire différé au profit de son frère [P] [A] considérant que la cour d'appel de Nancy avait violé les dispositions de l'article L321-13 du code rural et de la pêche maritime.

Par arrêt du 15 septembre 2021, la cour de cassation a :

Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de salaire différé de M. [X] [A], l'arrêt rendu le 12 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy

Remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

La cour de cassation a considéré que la qualité d'aide familial bénévole telle que retenue par la cour d'appel au bénéfice de M. [X] [A] n'excluait pas le bénéfice d'un salaire différé.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz, M. [X] [A] a saisi cette dernière pour statuer sur envoi après cassation.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes des dernières conclusions déposées au greffe le 21 septembre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [X] [A] demande à la cour d'appel de renvoi, de le déclarer recevable en son appel et sur le fondement des dispositions des articles 815-1 et suivants du code civil, 832-3 et suivants et 1075 et suivants de ce même code, des articles L 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l'arrêt du 15 septembre 2021 de la cour de cassation, Infirmer le jugement et statuant à nouveau :

Allouer à monsieur [X] [A] ' à charge de la succession - une créance de salaires différés à hauteur de 2080 fois le smic horaire en vigueur au jour du partage de la succession de monsieur [I] [A] et madame [C] [A] pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 soit au minimum la somme de 54 135,46 euros arrêtée au 1er décembre 2016 date de la demande ;

Condamner la succession à payer à monsieur [X] [A] la somme minimum de 54 135,46 euros ;

Pour le surplus confirmer le jugement et,

Condamner Madame [H] [A] et Monsieur [P] [A] à payer à monsieur [X] [A] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Madame [H] [A] et Monsieur [P] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Au soutien de ses demandes, M. [X] [A] expose avoir été déclaré, par son père alors exploitant agricole, en qualité d'aide familial et avoir participé sans être rémunéré aux travaux de l'exploitation. Il explique que ce statut a été déclaré auprès de la Mutualité Sociale Agricole qui en a attesté, cette situation l'autorisant à revendiquer, dans le cadre de la liquidation de la succession, la reconnaissance d'une créance pour les années 1981, 1983, 1984 et 1985, correspondant à hauteur de 2080 fois le smic en vigueur au moment du partage. Pour l'appelant la somme sollicitée a été arrêtée au 1er décembre 2016, de telle sorte qu'elle ne peut être qu'un acompte et devra être réévaluée.

Aux termes des dernières conclusions déposées au greffe le 21 août 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [P] [A] demande à la cour d'appel, sur le fondement des dispositions des articles 815 et suivants du code civil, de :

Rejeter l'appel formé par Monsieur [X] [A] et le dire mal fondé,

Et ce faisant,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter Monsieur [X] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Monsieur [X] [A] à verser à Monsieur [P]
[A] la somme de 4 000 au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile en première instance et à hauteur d'appel ;

Condamner Monsieur [X] [A] aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [P] [A] oppose qu'une attestation d'inscription à la MSA comme aide familial ne suffit pas à établir une participation effective et gratuite. Il ajoute que les attestations doivent être probantes et que celles produites par M. [X] [A] sont imprécises quant aux dates. Il ajoute que son frère avait repris l'exploitation en 1986 de telle sorte qu'une confusion est possible. Il précise qu'en tout état de cause, M. [X] [A] n'avait pas le statut d'aide familial, car il était installé sur une exploitation et que leurs défunts parents travaillaient en réalité gratuitement pour lui. Il ajoute que M. [X] [A] disposait en 1985 d'un patrimoine immobilier comprenant une maison outre des terrains pour une superficie de 11 hectares, acquis avant 1985 soit à une période pour laquelle il n'aurait pas été payé.

Il considère que M. [X] [A] ne démontre pas avoir travaillé pour son père sans être associé aux bénéfices et aux pertes expliquant que s'il n'a pas reçu de salaire en contrepartie de sa collaboration et qu'il a repris l'exploitation par la suite, sa participation ne pouvait qu'être intéressée. Pour l'intimé, l'absence de demande de la part de M. [X] [A] ne répond pas au mode de calcul du salaire différé.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques. Il en est de même, en l'espèce, des dire et juger.

I- Sur la créance de salaire différé revendiquée par M. [X] [A]

Il résulte des dispositions de l'article L. 321-13, alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, que les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé, sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

Il appartient à celui qui se prétend bénéficiaire d'une créance au titre d'un contrat de salaire différé d'apporter la preuve de ce que les conditions légales sont réunies. Le demandeur doit donc conformément aux article 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile rapporter la preuve de sa majorité à l'époque de sa participation à l'exploitation, de sa qualité de descendant d'un exploitant agricole, de sa participation personnelle, directe et effective à l'exploitation, ce qui suppose une collaboration autre qu'occasionnelle à la mise en valeur du fonds et l'absence de contrepartie financière à cette participation.

La preuve de la participation à l'exploitation agricole de même que celle de l'absence de rémunération peuvent être rapportées par tous moyens, le juge disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation en la matière.

De même, les dispositions précitées exigent une participation effective et directe, sans pour autant imposer un caractère de régularité à cette participation pourvu qu'elle ne soit pas occasionnelle.

Aux termes de l'article L321-17 alinéa 1 du Code rural et de la pêche maritime, le bénéficiaire de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession.

Enfin, le montant du salaire différé ne peut pas être supérieur à l'actif de la succession et la période maximale qui peut être payée est de 10 ans.

En l'espèce, la qualité d'exploitant agricole de M. [I] [A] sur la période couvrant les années 1981 à 1985 comprise n'est pas contestée, non plus celle de descendant de l'exploitant défunt bénéficiant à M. [X] [A], né le [Date naissance 3] 1962 âgé de plus de 18 ans au 1er janvier 1981.

M. [P] [A] conteste la revendication de M. [X] [A] à un salaire différé dès lors que, selon lui, il ne remplit pas les conditions pour y prétendre, s'agissant notamment de la réalité d'une participation effective et significative à l'exploitation sans rémunération et sans avoir été associé aux bénéfices et aux pertes.

M. [X] [A] soutient avoir travaillé sur l'exploitation agricole de ses parents avec, M. [I] [A], son père pour chef d'exploitation pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, soit pendant quatre années. Il revendique une créance de salaire différé sur la succession de son père M. [I] [A], pour cette période de quatre ans, représentant la somme de 54 135,46 euros liquidée à la date du 1er décembre 2016.

Sur la participation à l'exploitation agricole

M. [X] [A] verse aux débats un relevé de carrière établi par la Mutualité Sociale Agricole édité le 23 octobre 2012 faisant apparaître du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, qu'il a été immatriculé auprès de cet organisme en qualité d'aide familial. Si le document établi par cet organisme ne précise pas le nom du chef d'exploitation, il produit cinq attestations émanant d'exploitants agricoles ayant connu les parents, d'un voisin de l'âge dudit [X] [A] et d'un vétérinaire attestant que celui-ci participait activement à l'exploitation agricole des parents en exécutant des travaux dans les champs et en faveur des animaux présents sur cette exploitation.

La nature des travaux, tenant à l'existence d'un cheptel ou à la présence de champs, n'est pas critiquée par l'intimé, lequel n'oppose par ailleurs aucun élément tenant à une incapacité ou impossibilité pour ledit [X] [A] de satisfaire à ces travaux ou objectivant une situation incompatible avec une présence régulière sur l'exploitation agricole.

Il convient de relever que chacune de ces attestations reposant sur un témoignage présente une description concordante de la nature des travaux accomplis par M. [X] [A], ainsi que de leur périodicité, en reprenant que celui-ci participait à tous les travaux de la ferme dont la traite des vaches et les soins aux animaux, ce jusqu'en 1986 date de départ en retraite de son père et de reprise de l'exploitation. Trois de ces attestations font état de témoignages visuels (M. [E], M. [M] et M. [O]) quant à la réalité et l'effectivité des travaux exécutés par M. [X] [A].

M. [P] [A] ne justifie d'aucun élément de nature à remettre en cause l'objectivité de l'une ou l'autre de ces attestations, les allégations quant à des certificats de complaisance n'étant corroborées par aucune preuve.

Il s'évince de ces éléments que la preuve d'une participation effective de M. [X] [A] à l'exploitation agricole de son père à titre personnel, direct et habituel est rapportée.

Sur l'absence de contrepartie financière à la participation à l'exploitation

M. [X] [A] fait valoir de l'absence totale de rémunération perçue pour son travail sur l'exploitation dirigée par son père. Il verse aux débats des attestations faisant état d'une participation à l'exploitation familiale en qualité d'aide familial. A l'appui de sa demande, M. [X] [A] produit une attestation émanant de la Mutualité Sociale Agricole organisme auprès duquel il justifie d'une affiliation en qualité d'aide familial.

A cet égard, si l'inscription du descendant auprès de la mutualité sociale agricole (MSA) en qualité d'aide familial ou d'associé d'exploitation est insuffisante à établir, à elle seule, une participation directe, effective et gratuite à l'exploitation familiale, cet élément peut constituer un premier indice en faveur de la reconnaissance du statut revendiqué.

Pour la cour, si les témoignages émanant de personnes ayant attesté de la qualité d'aide familial de M. [X] [A] ne se déterminent pas sur l'absence de versement de rémunération, elles corroborent la réalité de ce statut octroyé par l'organisme social. L'examen des attestations produites démontre qu'elles émanent, pour trois d'entre elles, l'une d'un exploitant agricole en exercice (M. [E]), deux autres d'anciens agriculteurs (Mme [T], M. [M]).

Ces trois témoins, professionnels en exercice ou en retraite de l'agriculture, en employant la terminologie d'aide familial à l'exclusion de toute autre, ne peuvent ignorer le sens de cette qualification excluant notamment toute notion d'emploi rémunéré à quelque titre que ce soit dont salarié ou encore d'associé d'exploitation. La preuve d'un usage inadapté de ce vocable n'est pas établie.

Dès lors, les simples allégations émanant de M. [P] [A], tenant à la constitution d'éléments d'un patrimoine immobilier acquis au moyen de rémunérations ou d'une association aux revenus ayant bénéficié à M. [X] [A] émanant de ses parents et à tout le moins de leur père, ne peuvent constituer un moyen opposable dès lors qu'il n'est justifié d'aucun mouvement de fonds émanant de l'exploitant en titre au profit de l'aide familial.

Par ailleurs, l'évocation par l'intimé d'une éventuelle association aux revenus de l'exploitation n'est pas démontrée par la production d'extraits comptables ou d'autres supports susceptibles d'établir des transferts en faveur de l'appelant. De même, il n'est justifié d'aucune contribution aux pertes éventuelles de l'exploitation par ledit M. [X] [A]. Ces éléments n'apparaissent pas de nature à justifier une remise en cause des attestations produites en complément de l'attestation délivrée par la Mutualité sociale agricole lesquelles pièces confortent la demande de M. [X] [A].

Sous le bénéfice de ces observations, la condition de l'absence de contrepartie financière à cette participation de M. [X] [A] à l'exploitation agricole est remplie.

M. [X] [A] soutient que sa participation directe et effective à l'activité a été à temps complet et exclusive. Aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause cette participation à l'exploitation agricole à temps plein.

Le type d'exploitation agricole, le nombre d'hectares exploités, le type de cultures pratiquées, le nombre de têtes dans un éventuel cheptel ou encore le type de matériels agricoles ne sont pas précisés, ce qui aurait pu éclairer la cour sur l'importance de l'exploitation en cause et le contexte de la participation de M. [X] [A] aux travaux agricoles.

L'emploi des adverbes effectivement et réellement ou encore activement dans les attestations et témoignages produits par l'appelant suffit pour qualifier raisonnablement un temps plein.

En conséquence la demande de M. [X] [A] tendant à l'octroi d'une créance de salaire différé, pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, à l'égard de la succession de M. [I] [A] sera déclarée recevable et bien fondée.

Sur le montant de la créance de salaire différé

Il résulte des dispositions de l'article L321-13 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime que le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant.

Par application de la loi du 4 juillet 1980, codifiée à l'article L. 321-13 al 2 du code rural et de la pêche maritime en prenant pour base, sur quatre années, les deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le SMIC horaire au 1er décembre 2016 (9,76 euros), le montant de sa créance de salaire différé s'élève à la somme suivante : (9,76 euros x 2080) x 2/3 x 4 = 54 135.46 euros.

Le premier jugement sera infirmé de ces chef.

M. [X] [A] sera déclaré bien fondé en ses demandes. En conséquence, la créance de salaire différé de M. [X] [A] à la charge de la succession de M. [I] [A] sera fixée à la somme de 54 135,46 euros arrêtée au 1er décembre 2016, laquelle sera à parfaire en considération du taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant.

II- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt de la cour de cassation 15 septembre 2021,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Epinal du 11 janvier 2018 en ce qu'il a débouté M. [X] [A] de sa demande de versement de salaires différés ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. [X] [A] recevable et bien fondé en sa demande de créance de salaire différé à la charge de la succession de M. [I] [A] pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 ;

Fixe à la somme de 54 135,46 euros la créance de salaire différé de M. [X] [A] à la charge de la succession de M. [I] [A] pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981 et du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 ;

Dit que la somme de 54 135,46 euros correspondant au montant de la créance de salaire différé de M. [X] [A], arrêtée au 1er décembre 2016, à la charge de la succession de M. [I] [A] sera à parfaire en considération du taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage ;

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;

La Greffière Le Président de chambre

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