CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 18 mars 2025, n° 23/06405
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Conseillers :
Mme Lacheze, M. Varichon
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Poulain, Me Ingold, Me Lacroix, SELARL LX Paris-Versailles-Reims, SELAS Ernst & Young Société d'Avocats, SELARL Ingold & Thomas - Avocats, SAS Ollyns
FAITS ET PROCÉDURE
La société par actions simplifiée [17] a été fondée en 2015 par Mme [J] [T]. Elle est spécialisée dans le développement de solutions logicielles dédiées à l'analyse automatique des contrats. Mme [T], qui exerçait les fonctions de présidente, détenait, directement et par l'intermédiaire de sa holding personnelle, la société [11], la majorité du capital social.
La société [14] est spécialisée dans l'édition de solutions logicielles et de services informatiques destinés aux professionnels du droit, de l'immobilier et des entreprises. Elle fait partie du groupe [14] dirigé par la société [10]. Elle est présidée par la société [12], la société [18] exerçant les fonctions de directeur général.
Les sociétés [14] et [17] se sont rapprochées courant 2019. Aux termes d'un protocole d'accord conclu le 29 avril 2020, la société [14] a pris une participation de 95,02 % dans le capital social de la société [17] moyennant le versement d'un prix global de 950.214,97 euros. Pour ce faire, elle s'est portée acquéreur de la totalité des actions de Mme [T] et des associés minoritaires et a acquis la majeure partie des actions de la société [11], qui a conservé une participation résiduelle de 4,98 % du capital social et s'est vu attribuer 92 bons de souscription d'actions. Le même jour, un pacte d'associés a été conclu par la société [14], la société [11] et Mme [T], en présence de la société [17].
Concomitamment, Mme [T] a démissionné de son mandat de présidente de la société [17] et a été nommée en qualité de directrice générale salariée. Elle a été remplacée dans ses fonctions de présidente par la société [18], la société [12] étant pour sa part nommée en qualité de directrice générale.
Les relations entre Mme [T] et la société [14] se sont ultérieurement dégradées.
C'est dans ce contexte que par acte du 21 juillet 2020, la société [11], représentée par sa présidente Mme [T], a cédé à la société [14] la totalité des actions de la société [17] qu'elle avait conservées pour un prix de 84.999 euros et les 92 bons de souscription d'actions pour la somme de un euro, soit un prix de cession global de 85.000 euros. Le même jour, Mme [T] a conclu avec la société [17] un protocole de rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Le 23 octobre 2020, les sociétés [15] et [16], agissant pour le compte du fonds d'investissement [9], ont acquis la totalité des actions de la société [10].
Par acte du 12 août 2021, Mme [T] et la société [11], faisant valoir que la société [14] leur avait sciemment caché, lors des négociations en vue de la cession des titres de la société [17], que le groupe [14] allait être cédé à la société [9], l'ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation à les indemniser de leur préjudice. Par acte du 14 octobre 2022, Mme [T] et la société [11] ont fait assigner en intervention forcée les sociétés [12] et [18]. Les deux instances ont été jointes.
A titre reconventionnel, la société [14] a sollicité du tribunal la condamnation de Mme [T] et de la société [11] à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des dépenses engagées pour le développement d'un nouveau logiciel commercialisable et de son préjudice moral ainsi qu'une somme correspondant à un trop-perçu à l'occasion de la cession d'actions du 21 juillet 2020.
Par jugement du 22 mars 2023, le tribunal a:
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses;
- débouté les demanderesses de leur demande de production de pièces;
- condamné la société [14] à payer à la société [11] la somme de 915.000 euros;
- débouté les demanderesses de leurs autres demandes au titre de préjudices moraux ou financiers;
- débouté les défenderesses de leurs demandes reconventionnelles;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires;
- condamné solidairement les défenderesses à payer aux demanderesses la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour juger ainsi, le tribunal a considéré que la société [14] avait commis un dol en omettant de révéler à Mme [T] et à la société [11] le fait qu'elle avait engagé des pourparlers avec la société [9] depuis avril 2019 en vue de la vente de 'ses' actions. Il a toutefois jugé que les demanderesses ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice s'agissant de la première cession du 29 avril 2020. En ce qui concerne la seconde cession du 21 juillet 2020, il a considéré que la société [11] avait subi un préjudice égal à la perte de chance de ne pas avoir conservé ses titres, qu'il a estimé à la somme de 915.000 euros sur la base d'une valorisation à cinq ans.
Par déclaration du 4 avril 2023, les sociétés [14], [12] et [18] ont relevé appel de ce jugement. Par déclaration du 27 avril 2023, Mme [T] et la société [11] ont également interjeté appel du jugement. Le conseiller de la mise en état a joint les deux instances par ordonnance du 16 janvier 2024.
Par ordonnance du 5 juillet 2023, le premier président de la cour d'appel, statuant sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, a autorisé les sociétés [14], [18] et [12] à consigner auprès de la [4] la somme de 940.000 euros correspondant au montant des condamnations prononcées à leur encontre.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 septembre 2024, les sociétés [14], [12] et [18] demandent à la cour de :
'DECLARER recevables et bien fondés les appels principal et incident formés par [14], [18] et [12].
DECLARER mal fondés les appels principal et incident formés par Madame [T] et [11]
et les DEBOUTER de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;
INFIRMER le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 22 mars 2023 en ce qu'il:
« Rejette l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses »,
« Condamne la SAS [14] à payer à [11] la somme de 915.000 € »,
« Déboute les défenderesses de leurs demandes reconventionnelles »,
« Condamne solidairement les défenderesses à payer aux demanderesses la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile »,
« Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif », mais uniquement lorsqu'il déboute les sociétés [14], [18] et [12] de leurs demandes,
« Condamne la SAS [14] aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 131,09 € dont 21,64 € de TVA ».
CONFIRMER le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en ce qu'il « déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif », mais uniquement en ce qu'il déboute Madame [J] [T] et [11] de leurs demandes ;
Statuant à nouveau :
REJETER toutes les demandes de Madame [J] [T] et [11] à l'encontre des sociétés [14], [18] et [12] ;
CONDAMNER Madame [J] [T] et [11] à payer solidairement à [14] une somme de 490.745,50 € en réparation de son préjudice financier ;
CONDAMNER Madame [J] [T] et [11] à payer solidairement à [14] une somme de 100.000 € au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNER Madame [J] [T] et [11] à payer solidairement à [14] une somme de 47.649 € correspondant au montant trop perçu dans le cadre du protocole de cession du 21 juillet 2020 ;
ORDONNER la déconsignation des sommes consignées auprès de la [4] par [14] pour le montant de 940.000 € au profit de cette dernière sur présentation de son arrêt ;
En tout état de cause :
CONDAMNER solidairement [11] et Madame [J] [T] à payer la somme de 100.000 € à [14], et la somme de 10.000 € chacune à [18] et [12], au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance. '
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 septembre 2024, Mme [J] [T] et la société [11] demandent à la cour de :
'Débouter la société [14], la société [12] et la société [18] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 22 mars 2023 en ce qu'il:
- Rejette l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés [14], [12] et [18] ;
- Condamne la société [14] à payer à la société [11] la somme de 915.000 euros;
- Déboute les sociétés [14], [18] et [12] de leurs demandes reconventionnelles ;
- Condamne solidairement les sociétés [14], [12] et [18] à payer Madame [T] et la société [11] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute les sociétés [14], [18] et [12] de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif du jugement de première instance;
- Condamne la société [14] aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 131,09 euros dont 21,64 euros de TVA ;
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 22 mars 2023 en ce qu'il :
- déboute Madame [T] et la société [11] de leur exception de production de pièces ;
- condamne la société [14] à payer à la société [11] la somme de 915.000 euros, et déboute pour le surplus ;
- déboute Madame [T] et la société [11] de leurs autres demandes au titre de préjudices moraux ou financiers ;
- condamne solidairement les sociétés [14], [18] et [12], à payer à Madame [T] et la société [11] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et déboute pour le surplus ;
- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif, mais uniquement en ce qu'il déboute Madame [T] et la société [11] en leurs
demandes.
Statuant à nouveau des chefs de jugement critiqués par Madame [T] et la société [11],
Juger que la demande de production de pièces formée par Madame [T] et la société [11] est fondée en application des articles 10, 11 et 142 du code de procédure civile,
Juger que la demande de production de pièces formée par [14], [18] et [12] est infondée en application des articles 10, 11 et 142 du code de procédure civile,
Juger que les consentements de Madame [T] et de la société [11] ont été viciés dans les cessions des titres de la société [17] intervenues les 29 avril 2020 et 21 juillet 2020 du fait des man'uvres dolosives et des violences subies en application des articles 1137, 1138, 1140, 1142 et 1143 du code civil,
Juger que la société [14] a manqué à son obligation d'information précontractuelle prévue par l'article du 1112-1 du code civil et que les sociétés [14], [12] et [18] ont manqué à leur devoir de loyauté qui leur incombe en leurs qualités de dirigeants et associés,
Juger que les sociétés [14], [12] et [18] ont négocié de mauvaise foi les accords conclus les 29 avril 2020 et 21 juillet 2020 en application de l'article 1104 du code civil,
Juger que les sociétés [14], [12] et [18] ont gravement et sciemment violé les engagements pris au titre des protocoles de cession d'actions du 29 avril 2020 et du 21 juillet 2020 ainsi que du Pacte d'associés du 29 avril 2020 conclus avec Madame [T] et la société [11] en application des articles 1103 et 1104 du code civil.
En conséquence,
Ordonner la production forcée par les sociétés [14], [12] et [18], dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter du neuvième jour après la signification de l'arrêt à intervenir, les pièces suivantes :
- La copie signée du document intitulé « Process letter du 6 juillet 2020 », comprenant l'ensemble de ses annexes/pièces jointes, adressée par [14] à [9], tel que mentionné dans la pièce n°9 communiquée par [14] en première instance intitulée « Offre indicative en date du 31 juillet 2020 » (Pièce n°30 des conclusions d'appel adverses) ;
- La lettre de la société [14] marquant le début de la phase de processus « Phase I » de la cession de [14] et de ses filiales ainsi que les « VDD reports » remis par [14] à [9], tels qu'ils ressortent de la pièce n°22 communiquée par [14] intitulée «pièce n°22. Projet de process letter du 25 juillet » ;
- Le nombre de salariés, leur fonction, leurs salaires, les charges y afférentes, les aides légales et/ou réglementaires perçues ou à percevoir au titre des salaires versés, les remboursements effectués par l'administration fiscale ou les organismes sociaux qu'il s'agisse de crédits d'impôts (comme le crédit d'impôt recherche), de remboursements effectués par l'Assurance Maladie ou par le ou les organismes de prévoyance au(x)quel(s) [17] a été affilié sur la période au titre d'arrêts maladie de salariés ou de tout autre remboursements perçus ou provisions enregistrées et portant sur tous les crédits que [17] détient sur ces mêmes administrations et organismes en lien avec des salaires versés par [17] au cours des exercices clos le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021,
Condamner la société [14] à verser à Madame [T] la somme de 607.832,24 euros au titre de la réparation des préjudices subis dans le cadre de la cession en date du 29 avril 2020 des titres de la société [17] du fait des man'uvres dolosives, des agissements fautifs et des inexécutions de la société [14],
Condamner la société [14] à verser à la société [11] la somme de 513.580,73 euros au titre de la réparation des préjudices subis dans le cadre de la cession en date du 29 avril 2020 des titres de la société [17] du fait des man'uvres dolosives, des agissements fautifs et des inexécutions de la société [14],
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à verser à la société [11] la somme de 9.610.650 euros au titre de la réparation des préjudices subis dans le cadre de la cession en date du 21 juillet 2020 des titres de la société [17] du fait des man'uvres dolosives, des agissements fautifs et des inexécutions de la société [14], la société [12] et la société [18],
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à verser à Madame [T] la somme de 150.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral subi,
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à verser à la société [11] la somme de 75.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral subi,
Condamner la société [14] à verser à Madame [T] la somme de 180.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice financier subi,
Condamner la société [14] à verser à la société [11] la somme de 180.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice financier subi,
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à régler à Madame [T] et à la société [11] chacune la somme de 30.000 euros au titre de l'appel abusif,
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à régler à Madame [T] et à la société [11] chacune la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance devant le Tribunal de commerce de Paris,
En tout état de cause,
Débouter la société [14], la société [12] et la société [18] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
Condamner in solidum la société [14], la société [12] et la société [18] à régler à Madame [T] la somme de 40.000 euros et à la société [11] la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, au titre de la présente instance d'appel'.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens développés par les parties.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er octobre 2024.
SUR CE
A titre liminaire, la cour relève que Mme [T] et la société [11] lui demandent de dire infondée la demande de production de pièces des sociétés [14], [18] et [12] alors que cette prétention ne figure pas dans les conclusions de ces dernières de sorte que la cour n'en est pas saisie.
Sur l'exception d'incompétence rejetée par le tribunal
Considérant qu'il était saisi d'une exception d'incompétence par les sociétés [14], [18] et [12], le tribunal a jugé que celle-ci était irrecevable en application de l'article 75 du code de procédure civile à défaut pour les défenderesses d'avoir indiqué la juridiction compétente selon elles.
Les sociétés [14], [18] et [12] demandent à la cour d'infirmer le jugement sur ce point. Elles expliquent qu'elles n'ont pas soulevé d'exception d'incompétence mais se sont bornées à rappeler dans leurs conclusions que toute contestation relative à la valeur des titres de la société [17] devait être confiée à un expert en application de l'article 14 du pacte d'associés du 29 avril 2020.
Mme [T] et la société [11] demandent à la cour de confirmer le jugement.
Aux termes de l'article 75 du code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
En l'espèce, le jugement du 22 mars 2023 mentionne, dans l'exposé des moyens des parties, que 'Les défenderesses font valoir une 'incompétence' sur le prix des actions de [17] en vertu des stipulations du pacte d'associés', ce qui corrobore l'affirmation des sociétés [14], [18] et [12] selon laquelle elles n'ont pas entendu soulever une exception d'incompétence au profit d'une autre juridiction.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté une exception d'incompétence dont il n'était en fait pas saisi et le chef correspondant du dispositif du jugement querellé sera retranché en conséquence.
Sur la demande de Mme [T] et de la société [11] de production de pièces
A l'appui de leur demande, Mme [T] et la société [11] expliquent que les pièces dont elles demandent la production forcée sont nécessaires pour, d'une part, établir la chronologie des pourparlers intervenus entre le groupe [14] et la société [9], d'autre part, démontrer le bien-fondé de la demande indemnitaire de 490.745,50 euros formée à leur encontre par la société [14].
Les sociétés [14], [18] et [12] répliquent que les pièces qui leur sont réclamées sont soit inexistantes, soit déjà en la possession de Mme [T] et de la société [11].
Aux termes de l'article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte.
En l'espèce, Mme [T] et la société [11] sollicitent la production de la copie signée de la 'process letter' du 6 juillet 2020. Les sociétés [14], [18] et [12] indiquent ne pas disposer d'autre 'process letter' que celle, non signée, que le groupe [14] a établie le 6 juillet 2020 et qu'elles ont déjà versée aux débats (pièce n°27). Il n'y a pas lieu de les condamner, a fortiori sous astreinte, à produire une pièce qu'elles déclarent ne pas détenir et dont aucun élément tangible ne permet de supposer l'existence. Il en est de même de 'la lettre de la société [14] marquant le début de la phase de processus « Phase 1 » ' dont la remise est réclamée par Mme [T] et la société [11]. Par ailleurs, dans la mesure où ces dernières indiquent vouloir établir la chronologie des pourparlers intervenus avec la société [9], il y a lieu de relever que la date de la 'process letter' produite par les sociétés [14], [18] et [12] (6 juillet 2020) est conforme à celle mentionnée dans l'offre indicative d'achat du groupe [14] que la société [9] a signée le 31 juillet 2020.
S'agissant des « VDD reports », ceux-ci ont été communiqués par les sociétés [14], [18] et [12] (pièce n°31).
En ce qui concerne les documents relatifs aux salariés de la société [14] et aux aides et remboursement éventuellement perçus par cette dernière, Mme [T] et la société [11] en sollicitent la remise au motif qu'ils sont nécessaires pour que la société [14] justifie du bien-fondé de la demande indemnitaire qu'elle forme à leur encontre. Il appartient toutefois à la partie qui forme une prétention, en l'occurrence la société [14], de produire spontanément les pièces nécessaires à son succès, sous peine de voir sa demande rejetée, et non à la partie adverse d'en réclamer la production aux débats.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société [11] et Mme [T] de leur demande de production de pièces.
Sur les demandes indemnitaires de Mme [T] et de la société [11] du fait des manoeuvres dolosives, violences, manquements à l'obligation de négocier de bonne foi, au devoir d'information précontractuelle et au devoir de loyauté commis à l'occasion des cessions d'actions des 29 avril 2020 et 21 juillet 2020
A l'appui de leurs demandes, Mme [T] et la société [11] exposent:
- qu'alors qu'elles négociaient avec la société [14] la cession de leurs actions de la société [17], les sociétés [14], [18] et [12] leur ont sciemment dissimulé l'existence de négociations en cours portant sur la vente du groupe [14] à la société [9], et ce afin d'acheter à bas prix les titres de la société [17] ainsi que le logiciel développé par cette dernière tout en valorisant cette acquisition dans le cadre de leurs négociations avec la société [9];
- que ces faits sont constitutifs d'un dol, d'un manquement à l'obligation de négocier de bonne foi et à l'obligation d'information précontractuelle prévus par les articles 1104 et 1112-1 du code civil et d'une violation du devoir de loyauté auquel sont tenus les dirigeants et les associés majoritaires;
- que par ailleurs, les sociétés [14], [18] et [12] ont commis à leur égard des faits de violence morale et de violence-dépendance au sens des articles 1140 et 1143 du code civil, en orchestrant la mise à l'écart brutale et vexatoire de Mme [T], et ce pour l'obliger, alors qu'elle était en situation de dépendance psychologique et économique du fait de sa situation de salariée, à quitter la société [17] et à conclure la cession d'actions du 21 juillet 2020 au nom de la société [11];
- qu'en outre, les sociétés [14], [18] et [12] ont manqué aux obligations résultant des actes de cession d'actions des 29 avril et 21 juillet 2020 et du pacte d'associés du 29 avril 2020, obligations dont certaines avaient été souscrites par les intéressées sans aucune intention de les respecter et dans le seul but de les convaincre de conclure les actes précités; qu'ainsi, il peut leur être reproché: un défaut d'attribution d'actions gratuites au bénéfice des salariés de la société [17]; une violation des engagements de collaboration prévus par le pacte d'associés; une absence de financement d'investissements en vue du développement de la société [17]; une violation des engagements au titre de la collaboration commerciale avec Mme [T]; une gestion de la société [17] dans le seul intérêt des sociétés [14], [18] et [12] et de façon non conforme au cours normal des affaires; une absence de concertation avec Mme [T] concernant les recrutements dans la société [17]; la violation des engagements au titre de la propriété de la technologie de la société [17]; la violation des engagements de collaboration entre Mme [T] et la société [11] à un horizon moyen/long terme;
- que le tribunal, qui a retenu l'existence d'un dol pour faire partiellement droit à leur demande indemnitaire, ne s'est pas prononcé sur les autres fondements légaux qu'elles invoquaient;
- qu'au regard des fautes commises à leur égard, il convient, s'agissant de la cession du 29 avril 2020, de condamner la société [14] à payer la somme de 607.832,24 euros à Mme [T] et la somme de 513.580,73 euros à la société [11], en réparation de leur préjudice correspondant à la perte de chance de céder leurs actions de la société [17] à un meilleur prix; que s'agissant de la cession d'actions du 21 juillet 2020, les sociétés [14], [18] et [12] doivent être condamnées à payer la somme de 9.610.650 euros à la société [11] en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance de conserver ses actions et de percevoir les gains afférents.
Les sociétés [14], [18] et [12] répliquent:
- qu'il n'existait pas de pourparlers parallèles entre le groupe [14] et la société [9] pendant que la société [14] négociait la cession des actions de la société [17] qui sera conclue le 29 avril 2020;
- que ces négociations n'ont en fait débuté qu'à compter du 21 mai 2020, date de la conclusion d'un accord de confidentialité entre la société [9] et la société [10]; que la conclusion d'un tel accord, destiné à sécuriser les discussions, constitue en effet un préalable indispensable à l'engagement de toute négociation entre sociétés de cette envergure, compte tenu du caractère confidentiel et stratégique des informations auxquelles le candidat acquéreur se voit offrir l'accès afin de lui permettre d'expertiser l'entreprise cible; que la rapidité avec laquelle les négociations engagées avec la société [9] ont ensuite abouti s'explique par la connaissance du secteur des 'Legaltechs' par la société [9], par l'absence de recours à une banque conseil pour assister les parties, par l'absence de mise en concurrence de plusieurs entreprises et par le contexte de frénésie d'acquisitions postérieur à la pandémie de Covid-19;
- que dans ces conditions, la société [14] n'a pas commis de dol en répondant à Mme [T], en février 2020, qu'aucun projet de cession à court terme du groupe n'était 'en cours';
- que la société [14] n'ayant pas la qualité de dirigeante, aucun devoir de loyauté ne pèse sur elle; que le cessionnaire non dirigeant n'est tenu que d'une obligation générale d'information prévue à l'article 1112-1 du code civil; que dans ce cadre, il n'est pas tenu d'informer le cédant de l'existence de négociations portant sur d'autres titre que ceux objet de la cession;
- qu'il en est de même de la société [18] et la société [12], qui ont dirigé la société [17] à compter de cession du 29 avril 2020; qu'en effet, si le dirigeant a bien une obligation d'information relative à un projet de revente de titres qu'il entend acquérir, cette obligation n'existe pas lorsqu'il s'agit de la vente d'autres titres que ceux de la société, notamment ceux de la société holding de tête, a fortiori lorsque, comme en l'espèce, la valeur des titres de la société cible est complètement déconnectée de la valeur globale du groupe;
- que dans ce contexte particulier tenant au fait que la cession du 23 octobre 2023 avait pour objet la société holding du groupe [14] et non la société [17], Mme [T] et la société [11] ne démontrent pas que la cession du groupe [14] présentait pour elles un caractère déterminant de nature à influer sur les termes de la cession de leurs actions de la société [17]; qu'à cet égard, il résulte des articles 4.7 d) et e) du pacte d'associés du 29 avril 2020 que Mme [T] avait envisagé à l'avance l'hypothèse d'un changement de contrôle du groupe [14], y compris à court terme, en exigeant la stipulation d'un prix plancher pour la valorisation des titres de la société [11] en cas de mise en oeuvre de la clause d'obligation de sortie conjointe; qu'ainsi, l'absence de changement de contrôle du groupe [14] n'a jamais été envisagée comme une condition de son engagement; qu'en outre, pour la valorisation des titres de la société [11] en cas d'obligation de sortie conjointe, les parties sont convenues d'une valorisation 'standalone' de la société [17], c'est-à-dire indépendamment de la valeur du groupe [14], ce qui démontre que Mme [T] avait pleinement conscience du fait que la valeur de la société [17] était complètement décorrélée de celle du groupe [14]; qu'ainsi, l'éventuelle cession de ce dernier était sans influence sur son consentement à céder les titres de la société [17];
- que Mme [T] et la société [11] n'ont fait l'objet d'aucune pression lors de la cession du 21 juillet 2020; que les faits de violence qui leur sont reprochés sont inexistants;
- qu'elles n'ont commis aucun des manquements contractuels qui leur sont imputés;
- que le montant des demandes indemnitaires de Mme [T] et la société [11] est injustifié.
1) sur les manquements à l'obligation de négocier de bonne foi et à l'obligation d'information précontractuelle, le dol et le manquement au devoir de loyauté
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L'article 1138 du code civil précise que le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
Par ailleurs, il est de principe que le dirigeant social, tenu d'un devoir de loyauté à l'égard des associés, doit, lorsqu'il intervient dans la cession des titres d'un associé, communiquer à ce dernier les informations qu'il détient de nature à influer sur son consentement.
En l'espèce, Mme [T] et la société [11] fondent leurs demandes indemnitaires sur l'allégation de manquements des sociétés [14], [18] et [12] aux dispositions précitées et au devoir de loyauté.
Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il leur appartient d'en rapporter la preuve. Plus précisément, il leur incombe de démontrer, d'une part, que des pourparlers portant sur la cession des actions de la société [10] à la société [9] étaient en cours alors qu'elles négociaient la cession de leurs actions de la société [17] à la société [14], d'autre part, que l'existence de ces négociations parallèles était de nature à influer sur leur consentement, étant observé que leur ignorance des pourparlers ayant abouti à la prise contrôle de la société [10] par la société [9] constitue un fait non contesté. Par ailleurs, s'agissant du dol allégué, il leur appartient de démontrer de surcroît que les sociétés [14], [18] et [12] leur ont sciemment dissimulé cette information et ce afin de les conduire à s'engager selon les termes des actes de cession d'actions des 29 avril et 21 juillet 2020.
Pour juger que les pourparlers entre la société [10] et la société [9] avaient débuté en avril 2019 et s'étaient poursuivis sans discontinuer jusqu'à la conclusion de l'acte de cession du 23 octobre 2020, le tribunal s'est fondé en premier lieu sur les propos suivants tenus lors d'une interview réalisée en octobre 2020, après la vente de la société [10], par M. [R], co-fondateur du groupe [14] et dirigeant de la société [12], dans le cadre d'une vidéo interne destinée aux salariés du groupe: ' (...) [9], c'est des gens qu'on a rencontrés il y a un an et demi à New York, (...) et il nous ont immédiatement dit '(...) on cherche un champions français'. Rien toutefois dans ces propos ne permet d'affirmer que les pourparlers avec la société [9] en vue d'acquérir les actions de la société [10] ont été entamés en avril 2019, date qui n'est pas mentionnée par M. [R] et qui ne peut être déduite de ses autres déclarations figurant dans la retranscription de l'interview versée aux débats.
Le tribunal s'est fondé en second lieu sur le fait qu'un accord de confidentialité avait été signé le 21 mai 2020 entre la société [10] et la société [9].
Toutefois, la conclusion de cet acte ne démontre pas que les négociations en vue de l'achat du groupe [14] avaient débuté en avril 2019 alors que l'objet de cet accord, au vu de son article 1er, est de permettre l'engagement des discussions en définissant les obligations de confidentialité pesant sur la société [9] en contrepartie de la mise à disposition d'informations en lien avec son projet d'investissement dans la société [10].
Mme [T] et la société [11] soutiennent que cet accord de confidentialité ferait référence à de 'précédents échanges en pleine période de confinement' sans toutefois viser de clauses précises à l'appui de cette affirmation. L'article 18.1, intitulé 'Intégralité de l'accord', prévoit bien que 'le présent accord (...) annule et remplace tout projet, accord, arrangement ou accord antérieur entre [les parties], qu'il soit écrit ou non, portant sur le même objet' mais cette stipulation relève d'une clause de style et ne peut suffire à faire preuve de l'existence de précédents accords entre les parties ayant le même objet ni de l'engagement de pourparlers antérieurs portant sur la vente de la société [10].
Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que ce n'est qu'après la conclusion de l'accord de confidentialité du 21 mai 2020 qu'ont été établis les documents nécessaires à la négociation de l'éventuelle acquisition de la société [10] par la société [9], puis les documents nécessaires à la finalisation de l'opération: émission d'une 'process letter' par la société [10] à l'attention de la société [9] le 6 juillet 2020, conclusion par la société [10] et ses associés d'une lettre d'engagement avec le cabinet d'avocats [6] concernant le projet de cession de la société [10] en vue de réaliser notamment les audits vendeurs ('Vendor Due Diligence'), projet de structure d'acquisition élaboré par le cabinet [5] le 20 juillet 2020, transmission par la société [9] d'une offre indicative d'acquisition du groupe [14] par courriel du 31 juillet 2020, restitution des rapports de 'Vendor Due Diligence' par la cabinet [6] le 15 septembre 2020, établissement d'une offre ferme par la société [9] le 28 septembre 2020 puis signature de l'acte de cession le 23 octobre 2020.
Cette séquence d'événements est confirmée par M. [W], représentant de la société [9], qui déclare ce qui suit dans son attestation du 19 septembre 2024: '[9] a conclu un accord de confidentialité avec [14] fin mai 2020, soit postérieurement à l'acquisition de [17] par [14] en avril 2020. Jusqu'à cette date, aucun pourparlers, entendus comme la discussion d'éléments d'une offre de prise de contrôle ou d'intervention au capital de [14] n'avait eu lieu entre [9] et [14]. [14] n'était pas représentée par une banque d'affaires dans ce deal et notre expertise du secteur des legaltechs et notre connaissance du marché français nous a permis de réaliser l'opération d'entrée au capital de [14] dans des délais extrêmement resserrés ».
Par ailleurs, Mme [T] et la société [11] ne démontrent pas que des pourparlers en vue de la vente de la société [10] avaient été engagés avec d'autres investisseurs potentiels, ainsi qu'elles le soutiennent, et qu'un processus de sélection des candidats avait été mis en place préalablement à la conclusion de l'accord de confidentialité avec la société [9] le 21 mai 2020. Ceci ne résulte pas des déclarations de M. [R] recueillies dans la vidéo précitée du mois d'octobre 2020. Cela ne ressort pas davantage de l'interview réalisée en mai 2023 par M. [G], co-fondateur du groupe [14] et l'un des dirigeants de la société [14], dont se prévalent Mme [T] et la société [11]. L'intéressé y indique au contraire, en évoquant le rachat de la société [10] par la société [9], que '(...) le processus il a été assez simple, assez rapide objectivement, parce qu'aussi on n'a pas voulu, nous, rentrer dans un process trop long et on n'a pas pris d'intermédiaire'. S'il est exact que M. [G] déclare dans cette interview avoir 'sélectionné deux trois [fonds d'investissement] au départ, mais très vite deux et très vite un finalement', l'emploi du terme 'sélectionné', dans le contexte général de la vidéo, peut être compris, ainsi que le soutient la société [14], dans le sens d''identifié'. La personne chargée de l'interview de M. [G] relève d'ailleurs, au sujet du rapide dénouement de l'opération d'achat de la société [10], que 'c'est vrai que tu n'as pas fait de mise en concurrence', sans que ce propos soit rectifié par son interlocuteur.
L'existence d'un processus de sélection de candidats acquéreurs ne peut non plus être déduite de la seule mention de 'phases' de sélection dans la 'process letter' du 6 juillet 2020 établie par la société [10], que la société [14] explique par le recours à un modèle de document inadapté utilisé par l'auteur de la lettre dans la précipitation et sans l'assistance d'un conseil.
Ainsi, Mme [T] et la société [11] ne rapportent pas la preuve que des pourparlers portant sur la cession des actions de la société [10] à la société [9] étaient en cours alors qu'elles participaient aux négociations qui ont abouti à la cession de leurs actions de la société [17] à la société [14] le 29 avril 2020. C'est donc sans mentir que la société [14] a indiqué à Mme [T], le 12 février 2020, qu''aucun projet de cession à court terme du groupe n'est en cours' (surligné ajouté par la cour).
Il n'est en revanche pas contesté que les pourparlers avec la société [9] avaient été engagés lorsque la société [11] a cédé le reliquat de ses actions de la société [17] à la société [14] le 21 juillet 2020.
Il convient donc désormais de déterminer si l'existence de ces négociations parallèles portant sur la cession des actions de la société holding du groupe [14] était une information déterminante du consentement de la société [11], ou en d'autres termes, si cette dernière, si elle en avait eu connaissance, n'aurait pas cédé ses actions de la société [17] à la société [14] ou l'aurait fait à d'autres conditions que celles fixées dans l'acte du 21 juillet 2020.
Le tribunal a estimé que la perspective d'une revente de la société [14] était une condition importante du consentement de la société [11] au vu des 'échanges versés au dossier'. Il n'a toutefois pas visé de pièces précises. Par ailleurs, il convient de rappeler que ce n'est pas la société [14] qui a été cédée à la société [9] mais la holding du groupe [14]. Or, si le caractère déterminant de négociations parallèles peut se concevoir aisément lorsque celles-ci portent sur les mêmes titres que ceux objet de la cession litigieuse, il en va différemment lorsque les pourparlers concernent les titres d'une autre société. Il faut alors des éléments tangibles pour démontrer que l'information portant sur l'existence de ces pourparlers était déterminante du consentement du cédant.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Mme [T] et la société [11] n'ont pas fait de la stabilité du contrôle du groupe [14] une condition de leur engagement de céder leurs actions de la société [17]. Cette éventualité a au contraire été évoquée lors d'un échange écrit intervenu avec la société [14] le 12 février 2020, lors duquel Mme [T] a exprimé la volonté que le futur accord des parties stipule un prix plancher pour le rachat des actions de la société [17] en cas de mise en oeuvre d'une clause d'obligation de sortie conjointe faisant suite au changement de contrôle 'de [17] ou de [14]'.
A la suite de cette demande formulée par Mme [T], les parties ont expressément prévu dans le pacte d'associés conclu le 29 avril 2020 l'hypothèse d'un changement de contrôle de la société holding du groupe [14], y compris à court terme. Ainsi, l'article 4.7 de cet accord comporte une clause d'obligation de sortie conjointe de l'actionnaire minoritaire, c'est-à-dire de la société [11], applicable en cas d'achat de l'intégralité des titres de la société [17] mais également 'de la société de tête du groupe [14] (à savoir à ce jour la société [10])'.
Aux termes de cette clause, les parties sont convenues qu'en cas de mise en oeuvre de l'obligation de sortie conjointe, le prix de cession des titres de l'actionnaire minoritaire sera déterminé sur la base d'une valorisation 'standalone' de la société [17], c'est-à-dire indépendamment de la valorisation du groupe [14] auquel elle appartient, avec stipulation de deux prix planchers selon que la valorisation des titres de l'actionnaire minoritaire interviendra avant ou après une période de 24 mois à compter de la signature du pacte. Ainsi, la valorisation de la startup [17], société récemment créée employant six salariés et ne dégageant alors aucun chiffre d'affaires, a été décorrélée d'un commun accord des parties de celle du groupe [14], constitué pour sa part de nombreuses filiales en France et à l'étranger, employant plus de 1.400 salariés, générant un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros en 2019 et valorisée à hauteur de 1 milliard d'euros dans l'offre indicative d'achat de la société [9] du 31 juillet 2020.
En acceptant le principe d'une valorisation 'standalone', la société [11] a admis que l'éventuel changement de contrôle de la société [10], expressément intégré comme une hypothèse dans le pacte d'associés, était indifférente dans l'esprit des parties pour la valorisation de ses actions. C'est à cet égard à juste titre que le tribunal a estimé qu''il n'existe aucun lien pertinent entre la valeur des actions de [17] cédées et le fait pour [14] d'être elle-même prochainement cédée'.
Dans ces conditions, la société [11] ne démontre pas qu'elle aurait négocié un prix supérieur pour la cession de ses actions de la société [17] si elle avait été informée de l'existence de pourparlers en cours portant sur la cession des actions de la société [10], et ce d'autant qu'elle ne conteste pas que le prix auquel elle a cédé ses actions à la société [14] le 21 juillet 2020, soit 85.000 euros, était plus avantageux pour elle que celui qui aurait résulté de la mise en oeuvre de la clause d'obligation de sortie conjointe stipulée dans le pacte d'associés, soit 55.000 euros selon les indications non contestées de la société [14].
La société [11] ne peut davantage soutenir qu'elle n'aurait pas cédé à la société [14] ses actions de la société [17] et serait ainsi demeurée actionnaire de cette dernière si elle avait été informée des pourparlers en cours concernant la cession de la holding de tête du groupe [14] puisqu'elle avait accepté, dans la cadre du pacte d'associés, une clause d'obligation de sortie conjointe dont la mise en oeuvre l'aurait contrainte à céder ses titres.
Mme [T] et la société [11] ne peuvent contester le droit des appelantes de se prévaloir des stipulations du pacte d'associés au motif que leur consentement aurait été vicié lors de sa conclusion, alors que ce contrat a été négocié et conclu avant l'engagement des pourparlers en vue de la cession de la société [10] à la société [9] et qu'elles l'invoquent elles-mêmes pour soutenir que les sociétés [14], [18] et [12] auraient manqué à certains des engagements qu'il comporte.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme [T] et la société [11] ne rapportent pas la preuve que l'information portant sur l'existence de pourparlers engagés en vue de la cession de la société [10] était déterminante de leur consentement à la cession d'actions du 21 juillet 2020.
Par voie de conséquence, elles échouent à démontrer l'existence du dol et des manquements allégués.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la société [14] avait commis un dol et l'a condamnée à payer à la société [11] la somme de 915.000 euros à titre de dommages et intérêts.
2) Sur l'allégation de faits de violence
Aux termes de l'article 1140 du code civil, il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.
Aux termes de l'article 1143 du code civil, il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
En l'espèce, Mme [T] et la société [11] fondent leurs allégations essentiellement sur des attestations établies par plusieurs anciens salariés de la société [17], qui font état de la mise à l'écart de Mme [T] par la société [14] après la première cession d'actions du 29 avril 2020. Toutefois, ces témoignages ne peuvent suffire à emporter la conviction de la cour dès lors que selon les déclarations non contestées de la société [14], ils émanent de personnes s'étant judiciairement opposées à la société [17], après sa reprise par la société [14], dans le cadre de litiges portés devant le conseil des prud'hommes.
Par ailleurs, Mme [T] ne démontre pas que la société [14] l'aurait menacée de mettre en oeuvre la clause de garantie de passif prévue par le pacte d'associés avant la cession du 21 juillet 2020 qu'elle affirme avoir signée sous la contrainte. En tout état de cause, il résulte de l'article 1141 du code civil que la menace d'une voie de droit ne constitue pas une violence sauf si la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu'elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Il apparaît en fait, au vu de l'argumentation développée par Mme [T] dans ses conclusions, que l'essentiel des griefs qu'elle formule se rapporte aux conditions dans lesquelles la société [17] a mis fin à son contrat de travail. La cour relève à cet égard que le départ de Mme [T] est intervenu dans le cadre d'un protocole de rupture conventionnelle conclu au terme de négociations que l'intéressée a conduites avec l'assistance de son conseil et qu'elle n'a jamais ultérieurement remis en cause, pas plus qu'elle n'a fait usage de la faculté de rétractation dans le délai de quinze jours prévue dans l'accord, ce qui dément l'existence des faits de violence allégués.
Enfin, le certificat médical du 1er décembre 2020 produit par Mme [T] fait certes état de troubles anxieux l'ayant affectée mais ne permet pas d'établir que ceux-ci sont la conséquence des pressions qu'elle impute aux sociétés [14], [18] et [12].
Ainsi, Mme [T] et la société [11] ne démontrent pas qu'elles ont fait l'objet de faits de violence commis dans le dessein de les contraindre à conclure l'acte de cession du 21 juillet 2020 au nom de la société [11].
Leur demande indemnitaire fondée sur ce moyen sera donc rejetée.
3) Sur les violations contractuelles alléguées
Il ressort des conclusions de Mme [T] et de la société [11] que l'invocation de manquements des sociétés [14], [18] et [12] aux obligations résultant des actes de cession d'actions des 29 avril et 21 juillet 2020 et du pacte d'associés du 29 avril 2020 s'inscrit, pour partie, dans le cadre de leur démonstration de l'existence de manoeuvres dolosives. Il est en effet soutenu que la souscription de certains engagements par les intéressées, notamment l'attribution d'actions gratuites aux salariés de la société [17], s'inscrirait dans le cadre de la mise en oeuvre d'une 'stratégie de manipulation' destinée à convaincre Mme [T] et la société [11] de céder leurs actions de la société [17], et ce alors que les sociétés [14], [18] et [12] n'auraient jamais été animées de l'intention sincère de respecter les obligations mises à leur charge.
Toutefois, Mme [T] et la société [11] ne démontrent pas que les sociétés [14], [18] et [12] ont commis un dol en souscrivant sciemment des obligations qu'elles n'auraient jamais eu l'intention de respecter.
Leur demande indemnitaire fondée sur ce moyen sera donc rejetée.
Pour le surplus, les autres manquements contractuels allégués ne sont correlés à aucune demande particulière et précise, notamment indemnitaire. Or, il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner le bien-fondé d'un moyen qui ne vient à l'appui d'aucune prétention.
Sur les demandes de Mme [T] et de la société [11] de condamnation des sociétés [14], [18] et [12] au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et préjudice financier
Fondant leurs demandes sur l'article 1240 du code civil, Mme [T] et la société [11] font valoir:
- qu'elles ont subi un préjudice moral du fait d'avoir été trompées; qu'en outre, Mme [T] a été brutalement évincée de la société [17] et a vu son image et sa réputation gravement entachées auprès des salariés en raison de la diffusion d'informations mensongères et insultantes à son égard par les sociétés [14], [18] et [12]; qu'elles ont subi de ce fait un préjudice moral qu'elles évaluent à 150.000 euros pour Mme [T] et 75.000 euros pour la société [11];
- que par ailleurs, du fait des agissements fautifs des sociétés [14], [18] et [12], elles ont été tenues par un engagement de non-concurrence de deux ans au périmètre disproportionné, qu'elles ont respecté sans la moindre compensation financière et ce alors que dans le même temps, la société [14] n'a jamais eu l'intention de respecter ses obligations; qu'il en a résulté une atteinte à la liberté d'entreprendre et un manque à gagner qu'elles évaluent à la somme de 180.000 euros pour chacune.
Les sociétés [14], [18] et [12] répliquent:
- qu'elles n'ont commis aucune faute; que l'existence d'un préjudice moral n'est pas démontrée;
- que la clause de non-concurrence a un objet très restreint et a fait l'objet d'une contrepartie financière, comprise dans le prix de cession des titres intervenue le 21 juillet 2020.
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les manoeuvres dolosives et les faits de violence invoqués par Mme [T] et la société [11] ne sont pas démontrés. Par ailleurs, l'existence des insultes et propos mensongers allégués ne peut être regardée comme certaine au vu des seules attestations versées aux débats par Mme [T] et la société [11], dont il n'est pas contesté que certaines émanent de personnes ayant été en litige avec la société [17] après sa reprise par la société [14].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] et la société [11] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
En ce qui concerne la demande d'indemnisation au titre d'un préjudice financier, il résulte de l'avenant à l'acte de cession des titres de la société [17] du 29 avril 2020, signé par Mme [T] et la société [14] le 21 juillet 2020, que Mme [T] et la société [11] ont consenti un engagement de non-concurrence d'une durée de 24 mois en s'interdisant de participer à certaines activités en lien, notamment, avec l'analyse de documents juridiques.
Mme [T] et la société [11], qui fondent expressément leur demande indemnitaire sur l'article 1240 du code civil, ne démontrent pas l'existence d'une faute délictuelle des sociétés [14], [18] et [12] et d'un lien de causalité entre cette faute et la souscription de leur engagement de non-concurrence. En tout état de cause, les intéressées ne rapportent pas la preuve d'un préjudice justifiant l'allocation de la somme de 180.000 euros à chacune d'entre elles à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] et la société [11] de leur demande indemnitaire pour préjudice financier.
Sur les demandes de Mme [T] et de la société [11] de condamnation des sociétés [14], [18] et [12] à leur payer la somme de 30.000 euros pour appel abusif
La cour ayant infirmé pour partie le jugement dont appel, il s'ensuit que le recours exercé par les sociétés [14], [18] et [12] est dépourvu de caractère abusif.
Mme [T] et la société [11] seront donc déboutées de leur demande indemnitaire.
Sur les demandes de la société [14] de condamnation de Mme [T] et de la société [11] à lui payer la somme de 490.745,50 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
A l'appui de ses demandes, la société [14] explique:
- que Mme [T] a adopté un comportement fautif à son égard: en tardant à lui remettre les codes sources du logiciel de la société [17]; en empêchant systématiquement M. [P] [Z], directeur des opérations de la société [17] venant du groupe [14], d'accéder aux informations techniques utiles et en s'abstenant de le présenter aux équipes de la société [17]; en s'opposant à l'adoption des outils proposés par la société [14];
- que ces actes caractérisent un manquement de Mme [T] et de la société [11] à leur obligation d'exécution de bonne foi des actes de cession et à leur obligation de loyauté ainsi qu'un manquement aux stipulations du pacte d'associés, notamment son article 9 aux termes duquel Mme [T] s'est obligée à continuer de mettre en oeuvre ses meilleurs efforts en vue du développement de la société [17];
- que ces fautes ont provoqué une perte de temps considérable dans l'intégration de la solution logicielle de la société [17] au sein du groupe [14]; que par ailleurs, les défaillances du produit développé par la société [17] n'ont pu être diagnostiquées que tardivement, ce qui a contraint le groupe [14] à procéder à des investissements pour développer un nouveau logiciel;
- que le préjudice en résultant correspond a minima au montant de la masse salariale sur la période courant du 30 septembre 2020 au 1er octobre 2021, soit 490.745,50 euros;
- qu'en outre, la défaillance du logiciel développé par la société [17] a provoqué une grave atteinte à l'image de marque du groupe [14], qu'elle évalue à 100.000 euros.
Mme [T] et la société [11] répliquent:
- que les fautes qui leur sont reprochées sont inexistantes;
- que l'application de la société [17] n'a nullement été défaillante; qu'ainsi, la société [14], qui a procédé à un audit technologique et techniques du logiciel préalablement à l'acquisition des titres de la société [17], a pu tester le matériel et a elle-même validé son caractère intégrable et commercialisable; que la qualité de cette application a été expressément reconnue par les équipes de la société [17] et par les dirigeants du groupe [14]; que la société [14] ne démontre pas qu'elle a dû développer un nouveau produit; que le préjudice financier allégué est inexistant;
- que de même, la société [14] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de réputation.
Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l'inexécution.
En l'espèce, la société [14] ne démontre pas que Mme [T], dont les relations avec M. [P] [Z] ont manifestement été tendues, a pour autant entravé l'activité de la société [17] et de la société [14] en s'opposant systématiquement et durablement à leur action. Il n'est notamment pas contesté qu'elle a fourni à la société [14] les codes sources nécessaires à l'utilisation du logiciel de la société [17].
Par ailleurs, la société [14], au vu des seules pièces qu'elle verse aux débats, ne rapporte pas la preuve d'une faute de Mme [T] ayant conduit à la découverte tardive de défaillances du logiciel de la société [17]. Mme [T] produit à cet égard des correspondances de salariés de filiales du groupe [14] exprimant en juillet 2020 leur satisfaction sur ce matériel.
En tout état de cause, la société [14], qui fait état d'un préjudice financier subi par 'le groupe [14]', ne produit pas d'éléments permettant à la cour de déterminer quelle entreprise précise a effectué les investissements qu'elle invoque, donc qui a supporté le dommage dont elle sollicite la réparation à titre personnel.
Par ailleurs, la société [14] ne produit aucune pièce démontrant l'existence d'un préjudice de réputation imputable à une faute commise par Mme [T] ou la société [11]. La cour relève à cet égard qu'au vu du courriel adressé le 19 octobre 2020 par le cabinet [7] à la société [17], il revient à cette dernière, et non au cabinet d'avocats, d'avoir pris l'initiative d'une rupture de leur collaboration.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société [14] de ses demandes de dommages et intérêts.
Sur la demande de la société [14] de condamnation de Mme [T] et de la société [11] à lui payer la somme de 47.649 euros au titre d'un trop-perçu dans le cadre du protocole de cession du 21 juillet 2020
A l'appui de sa demande, la société [14] explique que la violation de ses engagements par Mme [T] aurait dû conduire à la mise en oeuvre de la clause de 'medium leaver' stipulée dans le pacte d'associés, applicable en cas de licenciement pour faute grave; que le prix de cession des titres de la société [11] aurait alors été de 37.351 euros; qu'en signant l'acte de cession d'actions du 21 juillet 2020 pour le prix de 85.000 euros, afin de privilégier une sortie amiable et rapide de Mme [T], elle a donc versé une somme supplémentaire de 47.649 euros; que dans la mesure où la société [11] et Mme [T] dénoncent à présent le protocole de cession du 21 juillet 2020, elle est fondée à demander leur condamnation à lui payer cette somme.
Mme [T] et la société [11] répliquent que la société [14] ne peut réclamer l'application des stipulations du pacte d'associés dont elle se prévaut puisque Mme [T] a quitté la société [17] dans le cadre d'une rupture conventionnelle, hypothèse non prévue par la clause de 'medium leaver' stipulée à l'article 12.2.2 du pacte d'associés.
La société [14] n'a pas précisé le fondement légal de sa demande. Dans la mesure où elle sollicite la mise en oeuvre des stipulations du pacte d'associés, il convient de faire application de l'article 1103 du code civil aux termes duquel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le contrat de cession d'actions du 21 juillet 2020 conclu entre la société [11] et la société [14] n'a fait l'objet d'aucune demande d'annulation de sorte que ses stipulations, notamment celles concernant le prix de cession des titres à la société [14], constituent à ce jour la loi des parties. La société [14] est donc mal fondée à solliciter ce qui s'apparente à une réduction de prix, en se fondant de surcroît sur une clause de 'medium leaver' à l'application de laquelle elle a renoncé en prenant l'initiative de mettre un terme au contrat de travail de Mme [T] par la signature d'un protocole de rupture conventionnelle et non par le recours à la procédure de licenciement pour faute grave envisagée par ladite clause.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société [14] de sa demande.
Sur la demande de la société [14] aux fins de voir ordonner à la [4] de lui remettre la somme de 940.000 euros sur présentation de l'arrêt à intervenir
Aux termes du dispositif de son ordonnance du 5 juillet 2023 ayant autorisé les sociétés [14] [18] et [12] à consigner la somme de 940.000 euros en application de l'article 521 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel a précisé que 'la [4] ne sera déliée de sa mission que sur la volonté commune des parties exprimée par une transaction ou sur présentation de l'arrêt de la cour d'appel statuant sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mars 2023 et de sa signification'.
Conformément aux termes de cette décision, la déconsignation des fonds déposés auprès de la [4] pourra intervenir sur présentation du présent arrêt dûment signifié sans qu'il soit besoin pour la cour de l'ordonner. La société [14] sera donc renvoyée à l'ordonnance précitée pour la restitution des fonds consignés.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés [14], [18] et [12] à payer à Mme [T] et à la société [11] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la société [14] aux dépens de l'instance.
Mme [T] et la société [11] seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, l'équité commande de les condamner in solidum à payer 10.000 euros à la société [14] et 5.000 euros à chacune aux sociétés [18] et [12], soit la somme totale de 20.000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a:
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés [14], [18] et [12],
- condamné la société [14] à payer à la société [11] la somme de 915.000 euros,
- condamné solidairement les sociétés [14], [18] et [12] à payer à Mme [T] et à la société [11] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [14] aux dépens de l'instance.
Le confirme pour le surplus,
Et, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Retranche du jugement dont appel le chef du dispositif par lequel le tribunal 'Rejette l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses',
Déboute Mme [J] [T] de sa demande de condamnation de la société [14] à lui payer la somme de 607.832,24 euros,
Déboute la société [11] de sa demande de condamnation de la société [14] à lui payer la somme de 513.580,73 euros,
Déboute la société [11] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés [14], [18] et [12] à lui payer la somme de 9.610.650 euros,
Déboute Mme [J] [T] et la société [11] de leur demande de condamnation des sociétés [14], [18] et [12] à leur payer la somme de 30.000 euros pour appel abusif,
Déboute Mme [J] [T] et la société [11] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance et d'appel,
Renvoie la société [14] à l'ordonnance rendue le 5 juillet 2023 par le premier président de la cour d'appel de Paris pour la restitution de la somme de 940.000 euros consignée entre les mains de la [4],
Condamne in solidum Mme [J] [T] et la société [11] à payer 10.000 euros à la société [14] et 5.000 euros à chacune aux sociétés [18] et [12] au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel,
Condamne in solidum Mme [J] [T] et la société [11] aux dépens de première instance et d'appel.