CA Reims, ch. 2 jcp, 18 mars 2025, n° 24/00504
REIMS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), S21Y (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duez
Conseillers :
Mme Magnard, Mme Herlet
Avocats :
Me de Campos, Me Boulaire, Me Poncet, Me Deffrennes
Exposé du litige :
Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [P] [M] a signé un bon de commande n° 001294 auprès de la SASU IRATEK 92 le 24 octobre 2017 portant sur l'installation d'une centrale aérovoltaïque pour un montant de 23.000 euros TTC.
M. [M] a souscrit le même jour, auprès de la SA BNP Personal Finance un crédit affecté au financement de cette installation d'un montant de 23.000 euros remboursable par 120 mensualités de 268,35 euros au taux fixe de 4,70% l'an.
Constatant que l'installation ne satisfaisait pas aux promesses de rendement et de réduction des factures énergétiques, et après des tentatives de résolution amiable du litige, M. [P] [M] a, par exploit de Commissaire de Justice délivré le 13 octobre 2022, assigné la SASU IRATEK et la S.A. BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne.
En raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire pour la SASU IRATEK au cours de la procédure, le demandeur a assigné en intervention forcée, par exploit de Commissaire de Justice délivré le 30 août 2023, la SELARL S21y, prise en la personne de Maître [T] [J], es qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 30 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :
- Déclaré la SASU IRATEK irrecevable en ses demandes ;
- Débouté M. [P] [M] de sa demande relative à l'annulation du contrat souscrit auprès de la SASU IRATEK le 24 octobre 2017 (bon de commande n°001294) portant sur la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque et d'un système GSE ;
- Débouté M. [P] [M] de sa demande relative à l'annulation du contrat de crédit affecté à l'acquisition et l'installation d'une centrale photovoltaïque et d'un système GSE, souscrit auprès de la S.A BNP Paribas Personal Finance le 24 octobre ;
- Débouté M. [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la S.A. BNP Paribas Personal Finance et de SELARL S21 y, prise en la personne de Maître [T] [J], es qualité de mandataire liquidateur de la SASU IRATEK ;
- Débouté l'ensemble des parties de leurs prétentions formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [P] [M] aux dépens ;
Cette décision a écarté le moyen tiré du dol sur l'auto-financement du système en retenant qu'aucune information claire n'avait été donnée sur un auto-financement de l'installation, problématique qui n'était pas entrée dans le champ contractuel.
S'agissant du moyen tiré du respect du Code de la consommation, la décision déférée a retenu en substance que le bon de commande ne respectait pas les dispositions du code de la consommation sur les dispositions relatives aux délais de livraison et au recours au médiateur de la consommation de sorte que la nullité du contrat de vente était encourue.
Le juge des contentieux de la protection a toutefois considéré que l'exécution sans réserve du contrat par M. [M], malgré la connaissance formelle des irrégularités du contrat, a confirmé l'acte empêchant son annulation.
Le 26 mars 2024 M. [M] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA et déposées à la cour le 20 juin 2024, M. [M] sollicite par voie d'infirmation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a retenu la non-conformité du bon de commande au Code de la consommation de :
- Déclarer les demandes de M. [P] [M] recevables et bien fondées ;
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [P] [M] et la société IRATEK ;
- Mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société IRATEK l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble ; et Dire qu'à défaut de reprise dans un délai déterminé, celle-ci demeurera acquise à M. [P] [M], lequel pourra alors en disposer librement ;
- Prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [P] [M] et la société BNP Paribas Personal Finance ;
- Déclarer que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de M. [P] [M] et doit donc être privée de sa créance de restitution du capital emprunté ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [P] [M] l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 23.000,00 € correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 9.202,00 € correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par M. [P] [M] à la société BNP Paribas Personal Finance en exécution du prêt souscrit ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [P] [M] les sommes suivantes :
- 5 000,00 € au titre du préjudice moral ;
- 6 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance ;
- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [P] [M] l'ensemble des intérêts versés par lui au titre de l'exécution normale du contrat de prêt en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée ; et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés des dits intérêts ;
- Débouter la société BNP Paribas Personal Finance et la société IRATEK de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
- Condamner solidairement la société IRATEK et la société BNP Paribas Personal Finance à supporter les entiers frais dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel ;
Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA et déposées à la cour le 25 septembre 2024, la S.A. BNP Paribas Personal Finance sollicite :
A titre principal :
- Dire bien jugé et mal appelé.
- Confirmer le jugement intervenu devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de Châlons-en-Champagne en date du 30 Janvier 2024, en ce qu'il a débouté M. [P] [M] de sa demande relative à l'annulation du contrat souscrit auprès de la SASU IRATEK le 24 octobre 2017 (bon de commande n°001294) portant sur la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque et d'un système GSE, en ce qu'il a débouté M. [P] [M] de sa demande relative à l'annulation du contrat de crédit affecté à l'acquisition et l'installation d'une centrale photovoltaïque et d'un système GSE, souscrit auprès de la S.A. BNP Paribas Personal Finance le 24 octobre, en ce qu'il a débouté M. [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la S.A. BNP Paribas Personal Finance , en ce qu'il a débouté M. [P] [M] de ses prétentions formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il a condamné M. [P] [M] aux dépens.
- Débouter M. [P] [M] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la S.A. BNP Paribas Personal Finance.
- Constater la carence probatoire de M. [P] [M].
- Dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal de vente de panneaux photovoltaïques et du système GSE conclu le 24 octobre 2017 avec la société IRATEK sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par M. [P] [M] avec la S.A. BNP Paribas Personal Finance n'est pas annulé.
- Dire et juger que le bon de commande régularisé le 24 octobre 2017 par M. [P] [M] avec la société IRATEK respecte les dispositions de l'article L.221-5 du Code de la consommation.
- A défaut, constater, dire et juger que M. [P] [M] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l'affectant sur le fondement de l'article L.221-5 du Code de la consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicables.
- En conséquence, ordonner à M. [P] [M] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la S.A. BNP Paribas Personal Finance conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté par ses soins le 24 octobre 2017 et ce, jusqu'au plus parfait paiement.
A titre principal, et dans l'hypothèse où la Cour déciderait de réformer le jugement entrepris et de prononcer l'annulation du contrat principal de vente conclu le 24 octobre 2017 entre M. [P] [M] et la société IRATEK entraînant l'annulation du contrat de crédit affecté :
- Constater, dire et juger que la S.A. BNP Paribas Personal Finance n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit.
- Par conséquent, condamner M. [P] [M] à rembourser à la S.A. BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par l'emprunteur.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible, la Cour d'Appel de Reims devait considérer que la S.A. BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage de fonds :
- Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque.
- Dire et juger que M. [P] [M] conservera l'installation des panneaux solaires photovoltaïques et des autres équipements qui ont été livrés et posés à son domicile par la société IRATEK (puisque ladite société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile de M. [M] pour récupérer les matériels installés à son domicile), que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque l'installation a bien été raccordée au réseau puis mise en service et que M. [M] perçoit chaque année des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse.
- Constater, dire et juger que M. [P] [M] ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels installés à son domicile et qui serait de nature à les rendre impropres à leur destination.
- Par conséquent, dire et juger que l'établissement financier prêteur ne saurait être privé de sa créance de restitution compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour M. [P] [M].
- Par conséquent, condamner M. [P] [M] à rembourser à la S.A. BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par l'emprunteur.
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par M. [P] [M] et condamner à tout le moins M. [P] [M] à restituer à la S.A. BNP Paribas Personal Finance une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux.
En tout état de cause :
- Débouter M. [P] [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires telle que formulée à l'encontre de la S.A. BNP Paribas Personal Finance en l'absence de faute imputable au prêteur et à défaut de justifier de la réalité et du sérieux d'un quelconque préjudice qui serait directement lié à la prétendue faute que l'appelant tente de mettre à la charge du prêteur.
- Condamner M. [P] [M] à payer à la S.A. BNP Paribas Personal Finance la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner M. [P] [M] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Philippe Poncet, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SELARL S21Y, en la personne de Me [J] es qualité de mandataire liquidateur de la société IRATEK s'est vue signifier la déclaration d'appel et les conclusions de M. [M] par exploit de commissaire de Justice du 28 juin 2024. (Remise à personne habilitée).
L'intimée n'a pas constitué en cause d'appel.
Vu les conclusions récapitulatives de l'appelant signifiées le 20 juin 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives de la S.A. BNP Paribas Personal Finance intimée signifiées le 25 septembre 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Vu la clôture de la procédure prononcée le 04 février 2025.
Motifs de la décision,
1/ Sur la demande d'annulation du contrat de vente
A/ Du chef du dol :
Il ressort de l'article 1137 du Code civil que : ' Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.'
Les éléments matériel, intentionnel et déterminant du dol doivent être démontrés par celui qui invoque le vice du consentement.
Enfin les caractéristiques de performance d'un matériel livré ne peuvent constituer un vice du consentement que s'ils ont été inclus dans le champ contractuel par les parties.
En l'espèce, M. [M] verse aux débats un rapport d'expertise mathématique et financière non contradictoire rédigé le 01er août 2022 par le cabinet 'Pôle Expert Nord Est'. (pièce appelant n° 4)
Cette étude conclut que :
'Sur la base du rendement prévisible de l'installation, la promesse d'autofinancement faite par l'entreprise IRATEK 92, qui a motivé l'investissement n'est pas tenue. L'investissement ne peut pas s'amortir, la durée nécessaire pour parvenir au point d'équilibre de l'opération étant de 32 ans sur la base de la monétisation théorique de l'installation.'
Toutefois, nonobstant le fait que cette étude a été réalisée postérieurement à la conclusion du contrat querellé, aucune pièce produite par M. [M] ne vient justifier que les performances techniques de l'installation et notamment le montant des économies réalisées sur la consommation électrique avaient fait l'objet d'une stipulation conventionnelle et étaient, de ce fait, entrées dans le champ contractuel des parties.
En conséquence le moyen tiré de la nullité du contrat de vente sur le fondement du dol devra être écarté.
B/ Du chef des irrégularités formelles :
L'article L. 221-5 du Code de la consommation dans sa version applicable au bon de commande régularisé le 24 octobre 2017 disposait :
'Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de Codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du Code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire.'
L'article L. 111-1 du même Code, dans sa version applicable à la cause, dispose notamment :
'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.'
L'article R 111-1 du Code de la consommation dans sa version applicable à la convention (01/07/2016-01/10/2022) disposait que :
'Pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
1° Son nom ou sa dénomination sociale, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;
2° Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que celles prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
3° S'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du Code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnés respectivement aux articles L. 217-15 et L. 217-17 ;
4° S'il y a lieu, la durée du contrat ou, s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation ;
5° S'il y a lieu, toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance ainsi que les fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection technique applicables ;
6° Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève en application de l'article L. 616-1.'
Par application des articles L. 242-1, L. 221-9 et L. 221-5 du Code de la consommation, le non-respect des dispositions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation (anciennement article L. 123-23) emporte nullité du contrat principal de vente.
Cette nullité qui a pour finalité la protection de l'acquéreur est une nullité relative à laquelle il peut être renoncé par une exécution volontaire de l'engagement irrégulier et toute connaissance du vice l'affectant et avec l'intention de le réparer.
En l'espèce, comme le relève justement le premier juge et sans qu'il soit besoin de revenir sur ce point sur la totalité des griefs repris à ce titre dans les conclusions de l'appelant la cour retiendra, s'agissant de l'information relative aux délais de livraison imposée par le 3° de l'article L. 111-1 précité, le bon de commande remis à M. [M] prévoit une date de livraison non renseignée.
Seule figure dans les conditions générales de vente une mention indiquant un délai maximum de livraison de 200 jours (§ IV)
Il est constant que cette mention pré-imprimée est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article ci-dessus dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai de pose des matériaux et celui de la réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations. (Cass. Civ 1ère 15 juin 2022 n° 21-11.747 B)
Par ailleurs, comme le relève également à juste titre le premier juge la seule mention de la possibilité de recourir au médiateur de la consommation sans indiquer sur le bon de commande les coordonnées et indications concrètes permettant d'user de ce recours ne saurait satisfaire aux dispositions légales telles que fixées par l'article L 111-1 6° et R 111-1 6° du Code de la consommation.
En conséquence, le bon de commande remis à M. [M] ne respecte pas les 3° et 6° de l'article L. 111-1 du Code de la consommation et se trouve de ce fait entaché d'une cause de nullité
C/ Sur le moyen tiré de la régularisation des irrégularités formelles du bon de commande.
Pour considérer que l'irrégularité formelle du bon de commande a été régularisée par M. [M] le premier juge a retenu les motifs suivants :
'En l'espèce, il convient de relever en premier lieu que le verso du bon de commande reproduit les dispositions du Code de la consommation et notamment l'article L.111-1 et L.221-5 sur les informations qui doivent être mentionnées sur le bon de commande.
Or la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions.
Il en résulte que Monsieur [M] était en position de faire valoir les vices affectant le bon de commande, qu'il a pourtant signé l'attestation de livraison du bien sans réserve le 10 novembre 2017 et a en conséquence sollicité la mise à disposition des fonds.
En outre, l'installation des panneaux photovoltaïques et matériels a ensuite été mise en service et est devenue productive d'électricité puisque le demandeur justifie du rachat d'énergie par ERDF à partir de juillet 2018.
Il résulte de ce qui précède que M. [M] a donc exécuté, sans réserve, le contrat principal.
Il est ainsi établi que malgré la connaissance des irrégularités formelles du contrat, il a entendu
confirmer ledit contrat et renoncer aux moyens et exceptions qu'il aurait pu opposer à cet acte.
Par conséquent, il sera débouté de sa demande d'annulation du contrat principal et, par voie de conséquence, du contrat de crédit affecté.'
Sur ce :
La première chambre civile est conduite désormais à juger que la reproduction même lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du Code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur. (Cass 1ère civ 24 janvier 2024 Pourvoi n° 22-16.115)
En l'espèce, si l'irrégularité du bon de commande relative au délai de livraison peut raisonnablement être couverte par le fait que M. [M] a accepté la pose et la mise en service de l'installation, il n'en est pas de même pour l'irrégularité relative à l'absence de précisions quant aux modalités pratiques de saisine du médiateur de la consommation, alors pourtant qu'il est acquis que M. [M] n'a pas eu recours à cette possibilité et qu'il est indiscutable que, dès l'origine, il avait l'intention de contester une convention qu'ils estimait disproportionnée en rapport à son 'coût-utilité'.
Ainsi à défaut d'envoi par le vendeur professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du Code civil c'est-à-dire comprenant les coordonnées exactes et complètes du médiateur de la consommation, il ne saurait être considéré que M. [M] a confirmé l'irrégularité formelle du bon de commande.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la décision déférée sera infirmée en sa disposition relative au contrat principal conclu entre la société IRATEK 92 et M. [M] et, statuant de nouveau sur ce point, la cour prononcera la nullité du contrat de vente conclu suivant bon de commande n° 001294 du 24 octobre 2017.
En revanche, la société IRATEK 92 étant en liquidation judiciaire, il ne saurait être mis à la charge de la procédure collective une quelconque obligation de procéder à l'enlèvement de l'installation.
2/ Sur l'annulation du contrat de prêt
L'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du Code de la consommation dispose que :
« En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »
Il résulte de ce texte que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'espèce le contrat principal ayant été annulé en cause d'appel par voie d'infirmation de la décision déférée, le contrat de crédit souscrit le 24 octobre 2017 entre M. [M] et la société CETELEM aux droits de laquelle se trouve actuellement la S.A. BNP Paribas Personal Finance sera également annulé.
3/ Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit :
Il est constant que, sauf faute du prêteur dans la remise des fonds au vendeur, la résolution du contrat de prêt faisant suite à la résolution du contrat de vente emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, peut important que les fonds aient été versés directement entre les mains du vendeur. (Cass. Civ 1ère 9 novembre 2004 n° 02-20999)
Il est également constant que commet une faute le prêteur qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés à l'entreprise, de vérifier la régularité du contrat principal d'installation de panneaux photovoltaïques.
La commission de cette faute interdit à l'établissement bancaire de demander aux emprunteurs la restitution du capital. (Cass. Civ 1ère 19 juin 2019 pourvoi n° Z 18-18.126 arrêt n° 607 FD)
Ainsi, dans une décision sans renvoi, la cour de cassation pose l'obligation pour l'établissement bancaire réceptionnaire d'un contrat de vente affecté au crédit qui lui est demandé, de ne libérer les fonds qu'après vérification, tout à la fois de la régularité du contrat principal au regard des règles d'ordre public du Code de la consommation, ainsi que du bon accomplissement de l'obligation de délivrance et d'installation pesant sur le vendeur des matériels.
En l'espèce il est incontestable que la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société CETELEM a débloqué les fonds au profit de la société IRATEK sur le fondement d'un bon de commande non conforme aux règles d'ordre public de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, ne donnant pas à M. [M] une exacte information sur les délais de livraison et sur les droits de l'acquéreur à saisir le médiateur de la consommation.
Il s'ensuit que la banque BNP Paribas Personal Finance a, au cas d'espèce, commis une faute dans la délivrance des fonds à la société IRATEK 92, faute dont les conséquences ne pourront plus être réparées par le vendeur au regard de la liquidation judiciaire dont il fait l'objet.
Par voie d'infirmation de la décision déférée sur ce point, il sera considéré que la faute de la banque BNP Paribas Personal Finance dans le déblocage des fonds interdit à l'établissement bancaire de demander à l'emprunteur la restitution du capital.
4/ Sur le préjudice financier de M. [M]
La liquidation judiciaire de la société IRATEK interdit, de fait, à M. [M] d'obtenir de cette société la répétition respective des prestations réciproques inhérente à l'annulation du contrat de vente.
Ainsi M. [M] sera tenu de conserver et/ou de faire enlever à ses frais l'installation litigieuse qui, même si elle fonctionne, ne répond pas aux aspirations de l'acquéreur en terme de rentabilité.
Il s'ensuit que le préjudice de M. [M] est constitué à la fois par l'achat d'une installation qui, bien que fonctionnant, ne répondait pas à ses espérances ainsi que par le coût financier du crédit qu'il a supporté pour acquérir cette installation.
4-1/ Le premier poste de préjudice relatif au financement du prix d'achat de l'installation est d'ores et déjà compensé par l'interdiction faite à l'établissement bancaire de demander à l'emprunteur la restitution du capital restant dû.
La cour ne saurait donc faire droit à la demande de M. [M] tenant à la condamnation de la S.A. BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 23 000,00 € correspondant au montant total du capital emprunté, au risque d'ordonner, au moins partiellement, une double indemnisation de ce poste de préjudice.
Ainsi, ce premier poste de préjudice de M. [M], consécutif à la faute de la banque, sera justement et suffisamment compensé par l'interdiction faite à la banque de récupérer sur l'emprunteur, le capital restant dû au jour de la demande. La partie du capital déjà payé par l'emprunteur étant la contrepartie de la possession d'une installation en état de fonctionnement.
En conséquence cette première demande sera rejetée.
4-2/ Le préjudice relatif au coût du crédit sera compensé par les intérêts conventionnels payés à la société de crédit.
M. [M] sollicite dans le dispositif de ses conclusions, le remboursement des intérêts contractuels à hauteur de 9.200,00 €.
Toutefois la cour observe :
- Que le crédit n'a pas été remboursé par M. [M] par anticipation et se trouve toujours en amortissement de sorte que la S.A. BNP Paribas Personal Finance sollicite à titre principal que l'emprunteur soit contraint de le poursuivre.
- Que le montant total des intérêts réclamés par M. [M] dans le dispositif de ses conclusions (9.200€) n'est pas suffisamment clairement explicité dans les motifs de ses écritures.
- Que le calcul est obtenu par soustraction du montant du coût total du crédit à son terme des 120 mensualités (29.440,80€) avec le capital prêté (23.000€) entraîne un montant d'intérêts de 6.440,80€ d'intérêts contractuels au taux de 4,70% l'an.
Par ailleurs le montant total des intérêts ainsi calculés n'aurait été atteint qu'au terme du crédit, soit en 2027.
De même la S.A. BNP Paribas Personal Finance ne produit pas le tableau d'amortissement du crédit permettant de déterminer le montant des intérêts effectivement payés par l'emprunteur à la date de l'assignation en Justice. La S.A. BNP Paribas Personal Finance n'invoque pas dans ses conclusions que M. [M] serait en rupture de paiement de ses échéances.
En l'état des pièces produites tant par M. [M] que par la S.A. BNP Paribas Personal Finance la cour n'est donc pas en mesure de connaître précisément le montant des intérêts conventionnels réellement payés par M. [M] à ce jour.
Pour satisfaire aux impératifs de liquidation des prétentions soumises à la juridiction, la cour considérera donc que les intérêts payés par M. [M] au jour de l'arrêt correspondent à la somme de 4.454,88 euros calculés comme suit :
- Montant total des intérêts sur 10 ans : 6.440,80€
- Durée d'amortissement au 23/03/2025 tenant compte de la franchise contractuelle de 06 mois : 83 mensualités.
Proportion du coût total du crédit rapportée à 83 mensualités : 83 x 6.440,8 / 120 = 4.454,88 €
En conséquence le préjudice de M. [M] relatif aux intérêts payés sera fixé à 4.454,88 € que la S.A. BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à lui payer.
4-3/ M. [M] sollicite la somme de 3.000€ au titre de son préjudice moral.
Toutefois M. [M] ne démontre aucunement par des pièces probantes avoir subi un préjudice autre que financier qui ne peut être remboursé que par les intérêts légaux assortissant le principal de la dette conformément à l'article 1231-6 du Code civil.
En conséquence M. [M] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance
M. [M] a sollicité l'infirmation de la décision en ses dispositions l'ayant condamné aux dépens de première instance.
Le sens de l'arrêt d'appel conduit à mettre les dépens de première instance à la charge de la banque BNP Paribas Personal Finance.
6/ Sur les dépens et la frais irrépétibles de procédure d'appel :
Il ressort des articles 696 et 700 du Code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d'équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l'autre partie.
La banque BNP Paribas Personal Finance succombant à l'appel sera tenue des dépens d'appel et devra payer à M. [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure de l'appel.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châlons en Champagne le 30 janvier 2024 (RG N° 22/03340) entre M. [P] [M] d'une part, la BNP Paribas Personal Finance et Me [T] [J] membre de la SELARL S21y, es qualité de mandataire liquidateur de la société IRATEK d'autre part.
Statuant de nouveau sur les dispositions infirmées :
Déclare recevable l'action introduite par M. [P] [M] .
Annule le contrat de vente conclu entre la société IRATEK et M. [P] [M] suivant bon de commande n° 001294 du 24 octobre 2017.
Déboute M. [P] [M] de sa demande tendant à ordonner à Me [T] [J], membre de la SELARL S21y, es qualité de mandataire liquidateur de la société IRATEK, de procéder à l'enlèvement de l'installation aérovoltaïque.
Annule le contrat de prêt souscrit selon offre acceptée du 24 octobre 2017 entre la société CETELEM aux droits de laquelle se trouve la SA BNP Paribas Personal Finance et M. [P] [M] et contenant un prêt de 23.000 € en principal au taux d'intérêts contractuel de 4,80 % l'an, remboursable en 120 mensualités de 245,34€.
Constate la faute de la SA BNP Paribas Personal Finance dans la délivrance des fonds au vendeur.
Dit qu'en conséquence il sera interdit à la S.A. BNP Paribas Personal Finance de demander à M. [P] [M] la restitution du capital prêté (23.000€)
Fixe le préjudice complémentaire de M. [P] [M] à la somme de 4.454,88 €.
Déboute M. [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral.
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de la première instance.
Y ajoutant :
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de l'appel.
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [P] [M] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure de l'appel.