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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 14 mars 2025, n° 24/02010

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/02010

14 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°83

N° RG 24/02010 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHG7

AV

PRESIDENT DU TC D'AUBENAS

16 avril 2024 RG :2023 3828

S.A.S. MC GROUP

C/

[P]

[I]

[X]

[P]

[P]

SARL [I] EQUIPEMENT

Copie exécutoire délivrée

le 14/03/2025

à :

Me Emmanuelle VAJOU

Me Clotilde LAMY

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 14 MARS 2025

Décision déférée à la cour : Ordonnance du Président du TC d'AUBENAS en date du 16 Avril 2024, N°2023 3828

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Christine CODOL, Présidente de Chambre

Agnès VAREILLES, Conseillère

Yan MAITRAL, Conseiller

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. MC GROUP, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean-pascal CHAZAL de la SELARL CADRA, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Cléùence LARGERON avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉS :

M. [U] [P]

né le 08 Juillet 1956 à [Localité 11]

[Adresse 15]

[Localité 3]

Représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

M. [R] [I]

né le 31 Décembre 1941 à [Localité 13]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Mme [O] [X] épouse [I]

née le 24 Avril 1941 à [Localité 2]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Mme [Z] [P]

née le 02 Avril 1985 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

M. [F] [P]

né le 05 Juillet 1987 à [Localité 14]

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

SARL [I] EQUIPEMENT, Société à responsabilité limitée au capital de 30 000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés sous le n° 434899969 RCS AUBENAS, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis,

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Février 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 14 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 12 juin 2024 par la SAS MC Group à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 16 avril 2024 par le président du tribunal de commerce d'Aubenas dans l'instance n° RG 2023 3828 ;

Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 17 juin 2024 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 juillet 2024 par la SAS MC Group, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 octobre 2024 par Monsieur [U] [P], Monsieur [R] [I], Madame [O] [X] épouse [I], Madame [Z] [P], Monsieur [F] [P], et la SARL [I] Equipement, intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 17 juin 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 20 février 2025,

Sur les faits

Le 6 décembre 2022, un acte de cession a été régularisé entre Monsieur [U] [P], Monsieur [R] [I], Madame [O] [X] épouse [I], Madame [Z] [P], Monsieur [F] [P] et la société [I] Equipement, d'une part, et la société MC Group, d'autre part, en réitération d'un protocole du 13 octobre 2022, aux termes duquel la société MC Group a fait l'acquisition de l'ensemble des titres détenus par les actionnaires au sein de la société Ardisol.

La cession des titres a été consentie moyennant le prix de 420.000 euros, coupon attaché, lequel prix devait être majoré ou minoré en fonction des capitaux propres de la société tels qu'ils ressortiraient dans les comptes de cession arrêtés sous forme de bilan au 31 octobre 2022. Il était convenu que l'augmentation ou la diminution du prix provisoire de 420 000 euros serait égale à la différence entre le montant des capitaux propres tels qu'ils ressortiraient de la situation arrêtée à la date du 31 octobre 2022 et le montant des capitaux propres de la société à la date de clôture de son dernier bilan, à savoir au 31 décembre 2021.

L'acte de cession précisait qu'une partie du prix provisoire, soit la somme de 410.000 euros, avait été payée comptant ce jour par chèque de banque, au prorata de la participation de chacun dans le capital social, soit :

d'un montant de 204.180,00 euros à l'ordre de Monsieur [U] [P],

d'un montant de 123.000,00 euros à l'ordre de Monsieur [R] [I],

d'un montant de 40.180,00 euros à l'ordre de Madame [O] [X],

d'un montant de 41.00000 euros à l'ordre de la société [I] Equipement Sarl,

d'un montant de 820,00 euros à l'ordre de Madame [Z] [P],

d'un montant de 820,00 euros à l'ordre de Monsieur [F] [P].

Il était prévu que la somme de 10.000 euros correspondant au solde du prix provisoire soit réglée au moment du paiement du prix définitif.

Il était convenu que la situation intermédiaire de la société arrêtée sous forme de bilan au 31 octobre 2022 et le montant des capitaux propres servant de référence au calcul du prix soient arrêtés contradictoirement par les parties, au plus tard au 31 mars 2023, selon les mêmes méthodes que celles appliquées au titre des exercices antérieurs et conformément à la règlementation et à la législation comptables applicables. Le complément ou la réduction de prix devait être payée, au plus tard dans les 30 jours suivant accord des parties sur le montant des capitaux propres.

Il était stipulé :

- qu'en cas de désaccord sur le montant des capitaux propres résultant de la situation comptable en date de ce-jour, les parties tenteraient de résoudre amiablement leur désaccord,

- qu'en cas de désaccord tant sur la situation qui serait arrêtée sous forme de bilan résultant de la situation comptable en date de ce-jour que sur la détermination définitive du prix de cession, les parties auraient recours à un expert désigné par Monsieur le président du conseil régional de l'ordre des experts comptables de la région de [Localité 12], lequel devra accomplir sa mission dans les termes de l'article 1843-4 du code civil.

Le 7 février 2023, la situation arrêtée au 31 octobre 2022 a été communiquée à la société MC Group ainsi qu'à son expert-comptable, lequel a demandé des éléments complémentaires qui lui ont été communiqués le lendemain de la demande.

Le 7 avril 2023, par courriel officiel de son conseil, la société MC Group a formé des observations au sujet des précomptes de cession.

Le 13 avril 2023, les vendeurs, par l'intermédiaire de leur conseil, ont apporté des réponses à la société MC Group au sujet des remarques effectuées au sujet des frais d'avocat supportés par la société Ardisol, de la comptabilisation du stock de gaz sur l'année 2022 et de la méthode de comptabilisation des stocks de matériel.

N'ayant pas obtenu de réponse de la part de la société MC Group, le conseil des vendeurs lui a adressé le 9 mai 2023 un nouveau courriel officiel lui demandant de payer le complément de prix d'un montant de 64.037 euros, déterminé comme suit :

- complément de prix contractuel déterminé par référence à la variation positive des capitaux propres au 31 octobre 2022 par rapport au 31 décembre 2021, soit la somme de 54.037 euros (328.766 euros - 274.729 euros),

- libération de la retenue de 10.000 euros sur le prix-provisoire, dans l'attente de la détermination du prix définitif.

Le 5 juin 2023, Monsieur [U] [P], l'un des vendeurs et ancien gérant de la société Ardiscol, a adressé au dirigeant de la société MC Group des justificatifs quant à l'état des stocks.

Sur la procédure

Par exploit du 8 novembre 2023, les vendeurs ont fait assigner la société MC Group en référé devant le président du tribunal de commerce d'Aubenas aux fins d'obtenir le paiement d'une provision.

Par ordonnance de référé du 16 avril 2024, le président du tribunal de commerce :

« Déclare recevable et bien fondée l'action des demandeurs,

Constate l'absence de contestation sérieuse formulée par la société MC Group,

Condamne, à titre de provision à valoir sur le complément de prix, la société MC Group à payer aux vendeurs la somme de 64.037,00 euros répartie entre eux à concurrence du nombre de titres vendus par chacun, soit les sommes suivantes :

- 31.890,42 euros au profit de Monsieur [U] [P],

- 19.211,10 euros au profit de Monsieur [R] [I],

- 6.275,62 euros au profit de Madame [O] [X] [I],

- 6.403,70 euros au profit de la société [I] Equipement SARL,

- 128,07 euros au profit de [Z] [P],

- 128,07 euros au profit de Monsieur [F] [P],

Dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MC Group aux dépens dont ceux de greffe liquidés à la somme de 125,61 euros TTC.

Déboute la société MC Group de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ».

La société MC Group a relevé appel le 12 juin 2024 de cette ordonnance pour la voir infirmer, annuler, ou réformer en toutes ses dispositions.

L'appelante a saisi le premier président d'une demande en suspension de l'exécution provisoire de droit de l'ordonnance.

Par ordonnance de référé du 25 octobre 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Nîmes a notamment débouté la société MC Group de sa demande de suspension de l'exécution provisoire attachée à la décision rendue par le tribunal de commerce d'Aubenas le 16 avril 2024 entre les parties mais l'a autorisée à consigner la somme de 64 037 euros due par la société MC Group à la caisse des dépôts et consignations, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision et faute de quoi, cet aménagement sera censé ne jamais avoir été autorisé.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société MC Group, appelante, demande à la cour de :

« Statuant sur l'appel formé par la SAS MC Group, à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 16 avril 2024 par le président du tribunal de commerce d'Aubenas,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

Déclaré recevable et bien fondée l'action des demandeurs,

Constaté l'absence de contestation sérieuse formulée par la société MC Group,

Condamné à titre de provision à valoir sur le complément de prix, la société MC Group à payer aux vendeurs la somme de 64.037,00 euros répartie entre eux à concurrence du nombre de titres vendus par chacun, soit les sommes suivantes :

- 31.890,42 euros au profit de Monsieur [U] [P],

- 19.211,10 euros au profit de Monsieur [R] [I],

- 6.275,62 euros au profit de Madame [O] [X] [I],

- 6.403,70 euros au profit de la société [I] Equipement Sarl,

- 128,07 euros au profit de [Z] [P],

- 128,07 euros au profit de Monsieur [F] [P],

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société MC Group aux dépens dont ceux de greffe liquidés à la somme de 125,61 euros TTC.

Débouté la société MC Group de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Statuant à nouveau,

- Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes et notamment la demande de provision de 64 037 euros, tirée de la clause de règlement amiable et d'expertise préalable obligatoire ainsi que des contradictions des demandeurs en première instance au détriment de la société MC Group ;

- Rejeter en ce qu'elles excèdent les pouvoirs du juge des référés, l'ensemble des demandes et notamment la demande de provision de 64 037 euros ;

- Dire n'y avoir lieu à référé ;

- Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.

- Condamner Monsieur [U] [P], Monsieur [R] [I], Madame [O] [X] épouse [I], la société [I] Equipement Sarl, Madame [Z] [P], et Monsieur [F] [P] à payer à la SAS MC Group la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.»

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que la demande de provision est irrecevable en ce que l'acte de cession contient une clause dont il ressort la volonté des parties de recourir préalablement et de manière obligatoire, soit à un mode amiable de règlement des différends, soit à un expert. Aucune sanction n'est prévue en cas de non respect du délai du 31 mars 2023 pour l'arrêt contradictoire des comptes. Le délai fixé pour l'arrêt des comptes n'est pas un délai de forclusion. Le fait de ne pas avoir obtenu expressément un accord sur l'arrêt de la situation comptable implique que les comptes ne sont pas arrêtés contradictoirement, ce qui induit l'existence d'un désaccord.

L'appelante soutient que les demandeurs en première instance ont formé des demandes contradictoires et illogiques, manquant ainsi à l'obligation de loyauté procédurale, ce qui caractérise une absence d'intérêt légitime à agir.

L'appelante expose que l'existence d'une disposition spéciale de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile écarte l'application d'une autre disposition. Au surplus, une demande de provision ne constitue aucunement une mesure conservatoire ou de remise en état. L'absence de paiement d'un complément de prix dont le montant n'est pas fixé ne constitue pas un trouble. Le caractère manifeste du trouble allégué n'est au surplus pas démontré.

Enfin, l'appelante indique que le désaccord des parties sur la situation du 31 octobre 2023 résulte de la contestation du 7 avril 2023. Les demandeurs n'ayant ni proposé de procédure de règlement amiable du différend, ni saisi le président du conseil régional de l'ordre des experts comptables de la région de [Localité 12], la demande de provision est sérieusement contestable. Le juge ne peut s'emparer de la mission de l'expert et fixer judiciairement le prix.

Dans leurs dernières conclusions, Monsieur [U] [P], Monsieur [R] [I], Madame [O] [X] épouse [I], Madame [Z] [P], Monsieur [F] [P] et la société [I] Equipement, intimés, demandent à la cour, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, de :

« Constater qu'en vertu de l'acte de cession du 6 décembre 2022, il était convenu qu'avant le 31 mars 2023, les parties, mais en premier lieu l'acquéreur, devait faire part aux vendeurs de son éventuelle contestation quant à la situation au 31 octobre 2022 déterminant le complément de prix.

Constater qu'alors qu'il était en possession de tous les éléments, l'acquéreur n'a émis aucune opposition, se contentant le 7 avril 2023, soit postérieurement à la date convenue, de réclamer des explications et informations au titre de réclamations au demeurant non chiffrées.

Constater qu'alors qu'il avait été destinataire de toutes les informations nécessaires et qu'il avait été apporté réponse à toutes ses questions, l'acquéreur ne s'est plus manifesté et n'a jamais par la suite clairement contesté la situation de référence et par conséquent le montant du complément de prix.

Dire et juger alors qu'il ressort des circonstances de l'espèce et du comportement de l'acquéreur que ce dernier n'a finalement manifesté aucune opposition au montant du complément de prix tel qu'il ressort de la situation de référence.

Dire et juger subsidiairement que si le silence de l'acquéreur ne vaut pas acceptation et qu'il existe une contestation de principe du seul fait de l'absence de régularisation par ce dernier de l'avenant au titre du complément de prix, sa contestation a été formulée postérieurement à la date à laquelle celle-ci aurait dû être exprimée.

Dire et juger qu'en conséquence, si les circonstances de l'espèce et l'attitude de l'acquéreur justifient que les parties s'en remettent comme stipulé dans l'acte de cession, à l'avis d'un expert s'agissant de la situation au 31 octobre 2022 et ainsi quant au prix définitif, la circonstance tenant à l'absence de toute contestation formulée avant le 31 mars 2023 et l'absence d'opposition formelle quant au paiement du prix malgré les explications fournies, justifient qu'à titre provisionnel, dans l'attente de l'issue de l'expertise, les vendeurs puissent appréhender le complément de prix tel qu'il ressort de ladite situation.

Confirmer par conséquent l'ordonnance rendue le 16 avril 2024 par Monsieur le président du tribunal de commerce d'Aubenas, en ce qu'elle a condamné à titre de provision à valoir sur le complément de prix, la société MC Group à payer aux vendeurs la somme de 64.037 euros répartie entre eux à concurrence du nombre de titres vendus par chacun, soit les sommes suivantes :

- 31.890,42 euros au profit de Monsieur [U] [P],

- 19.211,10 euros au profit de Monsieur [R] [I],

- 6.275,62 euros au profit de Madame [O] [X] [I],

- 6.403,70 euros au profit de la société [I] Equipement Sarl,

- 128,07 euros au profit de Madame [Z] [P],

- 128,07 euros au profit de Monsieur [F] [P],

Confirmer également l'ordonnance rendue en ce qu'elle a débouté la société MC Group de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Débouter la société MC Group de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Réformer en revanche l'ordonnance rendue à ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamner la société MC Group à payer la somme de 500 euros en faveur de chacun des demandeurs devant la juridiction des référés, ainsi qu'à la somme complémentaire de 500 euros également au profit des intimées sur le même fondement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner en outre la société MC Group aux entiers dépens de l'instance.»

Les intimés répliquent que la société appelante n'a pas clairement opposé un refus et une contestation valable à la situation comptable de référence et n'a pas formé de réclamation chiffrée. L'absence de perception par les vendeurs d'un complément de prix constitue un trouble manifestement illicite. De plus, la contestation de l'acquéreur ne saurait être considérée comme suffisamment sérieuse dès lors qu'elle relève davantage de son inertie que d'une réelle opposition, puisqu'elle n'a pris la forme que de demandes d'éclaircissement auxquelles il avait été aussitôt répondu. Les vendeurs sont fondés à appréhender à titre provisoire, dans l'attente de sa fixation par l'expert, ledit complément de prix. La situation de référence rend exigible le prix complémentaire et fait foi jusqu'à détermination définitive par l'expert. Considérer qu'en l'absence de contestation formulée dans le délai, l'acquéreur est présumé avoir accepté le prix tel qu'il ressort de la situation de référence, n'est pas contraire à l'esprit de l'acte. La demande d'informations ne constitue nullement une contestation implicite. Les stipulations contractuelles prévoyant un préalable amiable, visant la seule détermination définitive du prix, n'ont pas exclu toute procédure au provisoire au titre de l'appréhension des sommes à titre conservatoire.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de la demande de provision

L'article 1843-4 du code civil dispose que : 'la valeur des droits sociaux qu'un associé souhaite céder ou se faire racheter par la société est déterminée, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux, par un expert qui est désigné soit, par les parties soit, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés.'

Ces dispositions sont d'ordre public et ont vocation à s'appliquer sans que les parties puissent, dès lors qu'il y a une contestation sur la valeur des droits sociaux, y déroger.

En l'espèce, l'acte de cession de parts sociales stipule que : 'En cas de désaccord sur le montant des capitaux propres résultant de la situation comptable en date de ce-jour, les parties tenteront de résoudre amiablement leur désaccord.'

Il a été également prévu qu'en cas de désaccord tant sur la situation qui serait arrêtée sous forme de bilan résultant de la situation comptable en date de ce-jour que sur la détermination définitive du prix de cession, les parties auraient recours à un expert désigné par Monsieur le président du conseil régional de l'ordre des experts comptables de la région de [Localité 12], lequel devrait accomplir sa mission dans les termes de l'article 1843-4 du code civil.

Les dispositions de l'article'1843-4 du code civil n'interdisent pas à la juridiction des référés d'accorder une provision à l'associé retrayant lorsque celui-ci est créancier d'une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable (1re Civ., 27'février 2013, n°'12-15.828).

En l'occurrence, la présente instance ne tend pas à la détermination du montant des capitaux propres résultant de la dernière situation comptable, ni à la détermination définitive du prix de cession mais seulement au paiement d'une provision à valoir sur le prix fixé provisoirement, dans l'attente de son éventuelle fixation par un expert.

Par conséquent, la clause instituant un préalable amiable obligatoire n'était pas applicable. De même, la saisine par les vendeurs du juge des référés en vue de l'octroi d'une provision ne remet pas en cause la compétence de l'expert qui sera, le cas échéant, désigné en vue de procéder à la détermination définitive du prix de cession.

Par conséquent, la fin de non recevoir soulevée par l'appelante tirée du non respect de la clause instituant un préalable amiable obligatoire et de l'absence d'expertise préalable obligatoire doit être écartée.

L'appelante invoque également la fin de non-recevoir tirée des contradictions des vendeurs à son détriment et de leurs manquements à l'obligation de loyauté procédurale.

Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne « l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions » ( 3ème Civ, 15 mars 2018, n° 17-21.991).

En l'espèce, les prétentions des vendeurs n'ont pas varié et ils n'ont pas formé des demandes contradictoires et illogiques. S'ils ont indiqué, dans leurs conclusions de première instance, que le courrier électronique du conseil de l'acquéreur du 7 avril 2023 contenait une contestation, ils ont également expliqué qu'ils lui avaient donné ensuite toutes les explications et informations nécessaires et que ce dernier n'avait ni répondu, ni formé de réclamation chiffrée. Par conséquent, c'est sans se contredire au détriment de la partie adverse que les vendeurs ont en définitive analysé le silence conservé par l'acquéreur comme une absence de contestation formelle, claire et officielle et qu'ils ont considéré que son comportement relevait davantage d'une attitude dilatoire que d'une réelle opposition.

La fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir soulevée par l'appelante doit donc également être écartée.

2) Sur le bien fondé de la demande de provision

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 du code de procédure civile prévoit que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Les vendeurs qui sollicitent le paiement d'une provision à valoir sur une créance d'origine contractuelle dont ils se prévalent à l'encontre de la SAS MC Group ne sauraient agir sur le fondement de l'article 873, alinéa 1, du code de procédure civile pour contourner l'exigence d'une obligation non sérieusement contestable. Leur demande ne peut être examinée qu'au regard du second alinéa du même article, texte spécifique régissant les conditions d'octroi d'une provision par le juge des référés.

L'acte de cession prévoit que la situation intermédiaire de la société arrêtée sous forme de bilan au 31 octobre 2022 et le montant des capitaux propres servant de référence au calcul du prix devraient être arrêtés contradictoirement par les parties, au plus tard au 31 mars 2023. Toutefois, il n'a été imparti conventionnellement aucun délai à l'acquéreur pour contester le montant des capitaux propres résultant de la situation comptable au 31 octobre 2022. Il ne saurait donc être tiré de conséquence juridique du fait que le courrier de l'acquéreur faisant part de ses remarques est intervenu seulement le 7 avril 2023.

Les vendeurs ne remettent nullement en cause la compétence de l'expert pour procéder à la fixation du prix de vente définitif de leurs parts sociales. Chacune des parties renvoie à l'autre la charge de la saisine de Monsieur le président du conseil régional de l'ordre des experts comptables de la région de [Localité 12] aux fins de sa désignation.

Dans son courrier électronique du 7 avril 2023, l'acquéreur a contesté les frais d'avocats passés dans la comptabilité de la société Ardisol alors qu'ils devaient être pris en charge par chacune des parties ; toutefois, après que les vendeurs lui aient fait observer que les dits frais avaient été déjà provisionnés dans les charges du bilan au 31 octobre 2022 et que les déduire des charges ferait augmenter le prix de cession, l'acquéreur n'a pas apporté d'objection à la réponse apportée.

Dans ce même courrier, l'acquéreur a également affirmé, de manière péremptoire, que le stock de gaz avait été comptabilisé sur l'année 2022 alors que ce n'était pas le cas jusqu'à présent, et que les habitudes de comptabilisation des stocks de matériel avaient changé par rapport à 2021.

Cependant, l'acquéreur n'a pas formé de réclamation chiffrée et a conservé le silence à la suite des éléments de réponse et des justificatifs que lui ont fait parvenir les vendeurs s'agissant de l'état du stock de gaz et du stock global aux 31 décembre 2021 et 31 octobre 2022.

Dans le cadre de la présente instance, l'acquéreur ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause la sincérité et la fiabilité des documents comptables relatifs à la situation de la société au 31 octobre 2022. Sa contestation n'est aucunement étayée et elle ne saurait être considérée comme sérieuse.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de provision des vendeurs et condamné l'acquéreur aux dépens de première instance.

C'est également à bon droit que les premiers juges ont estimé ne pas devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

3) Sur les frais du procès

L'appelante qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés et de leur allouer à chacun une indemnité de 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la S.A.S. MC Group à payer tant à Monsieur [U] [P] qu'à Monsieur [R] [I], Madame [O] [X] épouse [I], Madame [Z] [P], Monsieur [F] [P], et la SARL [I] Equipement une indemnité de 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. MC Group aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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