CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 14 mars 2025, n° 23/01127
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chevrier
Conseillers :
Mme Flauss, Mme Piedagnel
Avocats :
Me Moutoucomorapoule, Me Iève
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [O] est propriétaire d'un bien immobilier sis [Adresse 2] (réf. Cadastrale AZ [Cadastre 1]).
Le 29 mars 2021, un acte portant sur l'acquisition dudit bien immobilier, au prix de 315.000,00 euros, frais d'agence inclus, a été signé par Monsieur [N] [T], contresignée par Monsieur [G] [O] et son mandataire.
Alléguant la faute de Monsieur [O] de ne pas régulariser la vente devenue parfaite, Monsieur [T] a assigné Monsieur [O] devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins d'engagement de responsabilité et d'indemnisation de son préjudice à hauteur de 31.500,00 euros.
Par jugement contradictoire en date du 23 mai 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :
JUGE que Monsieur [G] [O] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [N] [T] en rompant abusivement les pourparlers qui s'étaient engagés entre les parties à propos de la vente d'un bien immobilier ;
En conséquence,
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
DIT que cette somme produira des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente décision ;
DEBOUTE Monsieur [N] [T] du surplus de sa demande indemnitaire ;
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une indemnité de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE Monsieur [G] [O] aux dépens de l'instance ;
REJETTE le surplus des demandes ;
DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 3 août 2023, Monsieur [O] a interjeté appel du jugement précité.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 4 août 2023.
Monsieur [O] a notifié par RPVA ses premières conclusions le 3 novembre 2023.
Monsieur [T] a notifié par RPVA ses conclusions d'intimé le 30 janvier 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 mars 2024, Monsieur [O] demande à la cour de :
« JUGER Monsieur [O] [G] [C] recevable et en tout cas bien fondé en son appel.
En conséquence,
INFIRMER le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la faute engageant sa responsabilité en rompant abusivement les pourparlers, celles relatives au montant des dommages et intérêts, ainsi qu'aux frais irrépétibles,
CONFIRMER pour le surplus.
Statuant à nouveau,
JUGER que Monsieur [O] n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité, en rompant les pourparlers ;
DEBOUTER Monsieur [N] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [G] [O].
- Sur l'appel incident de Monsieur [T] [N]
JUGER que l'offre d'achat du 29 mars 2021 ne vaut pas vente parfaite entre les parties.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [N] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [G] [O].
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [N] [T] à payer à Maître Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE la somme de 3.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet
1991,
CONDAMNER Monsieur [N] [T] aux entiers dépens. »
L'appelant fait valoir que la signature de l'offre d'achat ne pouvait manifestement pas valoir vente puisque le seul engagement pris était de formaliser un avant contrat ; lequel avait précisément vocation à fixer les conditions définitives de la vente. Il ajoute que les modalités de la vente n'avaient pas encore été fixées par les parties, que la rencontre des volontés n'était faite ni sur la chose, et encore moins sur le prix.
L'appelant soutient que les pourparlers n'étaient pas à un stade avancé dès lors qu'une période d'à peine 12 jours s'était écoulée entre l'annonce et la proposition d'achat et qu'une période de 8 autres jours s'était écoulée ente la signature de l'offre d'achat et la décision du vendeur de ne plus poursuivre les pourparlers. Il ajoute que les parties étaient toujours en train de négocier des travaux restant à réaliser pour achever la construction, de sorte qu'il ne pouvait y avoir d'accord sur la chose et sur le prix. Il explique enfin avoir été de bonne foi, dans le cadre des négociations précontractuelles avec Monsieur [T] aux motifs que la rupture des pourparlers est justifiée par des difficultés financières, connus de son acquéreur, de sorte qu'il ne pouvait pas accéder à toutes les demandes de travaux de M. [T].
L'appelant conteste la demande indemnitaire de M. [T] aux motifs que les parties n'ont certainement jamais convenu qu'en cas de rétractation du vendeur une indemnité forfaitaire de 10% du prix de la vente serait dû. Il fait valoir que Monsieur [O] a informé son mandataire de son choix de ne pas donner suite aux pourparlers dès le 7 avril 2021, soit à peine une semaine plus tard, de sorte que le prétendu préjudice de Monsieur [T] a été plus que limité dans le temps. Il ajoute que la plupart des devis produits sont d'ailleurs postérieurs au 7 avril 2021. Enfin, il soutient que M. [T] ne rapporte aucunement la preuve d'un préjudice financier, puisque s'il s'était engagé après signature de devis, il aurait versé aux débats la preuve des acomptes qu'il a déjà payés.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées par RPVA le 30 janvier 2024, Monsieur [T] demande à la cour de :
« DECLARER l'appel incident de Monsieur [N] [T] recevable et bien fondé
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL
INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 23 mai 2023 en ce qu'il a :
JUGE que Monsieur [G] [O] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [N] [T] en rompant abusivement les pourparlers qui s'étaient engagés entre les parties à propos de la vente d'un bien immobilier ;
En conséquence,
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
DIT que cette somme produira des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente décision ;
DEBOUTE Monsieur [N] [T] du surplus de sa demande indemnitaire ;
REJETTE le surplus des demandes ;
ET, STATUANT A NOUVEAU AU TITRE DE L'APPEL INCIDENT,
JUGER que le refus de Monsieur [O] de signer le compromis de vente était constitutif d'une faute de nature contractuelle,
JUGER Monsieur [G] [O] responsable du dommage causé à Monsieur [T] ;
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] la somme de 31.500,00 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date du Jugement à intervenir ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
Si la vente n'était pas considérée parfaite, Monsieur [O] aurait a minima manqué à ses obligations contractuelles,
INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 23 mai 2023 en ce qu'il a :
JUGE que Monsieur [G] [O] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [N] [T] en rompant abusivement les pourparlers qui s'étaient engagés entre les parties à propos de la vente d'un bien immobilier ;
En conséquence,
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
DIT que cette somme produira des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente décision ;
DEBOUTE Monsieur [N] [T] du surplus de sa demande indemnitaire ;
REJETTE le surplus des demandes ;
ET, STATUANT A NOUVEAU AU TITRE DE L'APPEL INCIDENT,
JUGER que le refus de Monsieur [O] de signer le compromis de vente était constitutif d'une faute de nature contractuelle,
JUGER Monsieur [G] [O] responsable du dommage causé à Monsieur [T] ;
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] la somme de 31.500,00 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date du Jugement à intervenir ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
Si la cour estimait que les parties n'étaient pas liées par un contrat mais en étaient au stade précontractuel,
CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 23 mai 2023 en ce qu'il a :
JUGE que Monsieur [G] [O] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [N] [T] en rompant abusivement les pourparlers qui s'étaient engagés entre les parties à propos de la vente d'un bien immobilier ;
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une indemnité de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE Monsieur [G] [O] aux dépens de l'instance ;
INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 23 mai 2023 quant au montant des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice subi de ce fait, en ce que le jugement a :
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
ET, STATUANT A NOUVEAU AU TITRE DE L'APPEL INCIDENT,
CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] la somme de 31.500,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au refus fautif de régulariser le compromis de vente, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] la somme de 3.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
DEBOUTER Monsieur [G] [O] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires. »
L'intimé soutient, au visa de l'article 1583 du code civil, que la vente portant sur le bien immobilier en cause était parfaite aux motifs que le prix, ainsi que la chose, éléments essentiels du contrat de vente, sont expressément convenus aux termes de l'accord du 23 mars 2021. Il indique que la signature du compromis ne conditionnait pas l'échange des consentements mais était (comme c'est habituellement le cas) une obligation convenue entre les parties dans le prolongement de la vente. Il ajoute que les travaux restant à réaliser ne concernaient pas la structure même de la chose qui elle était définie, mais les aménagements que Monsieur [T] entendait réaliser dans la maison.
L'intimé fait valoir que Monsieur [O] a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité justifiant l'octroi de dommages et intérêts aux motifs qu'il a brusquement et de façon inattendue décidé de ne plus vendre. Il indique avoir subi un préjudice résultant du refus de signer un compromis alors qu'il avait pris beaucoup de son temps en se déplaçant pour réaliser des devis, qu'il avait fait réaliser plans et était par ailleurs constamment en contact avec l'agence pour la réalisation de cette vente.
A titre subsidiaire, l'intimé soutient, au visa de l'article 1103 du code civil, que la faute contractuelle, en cas d'acceptation de l'offre et de refus de signer le compromis par la suite, aboutit également à l'allocation de dommages et intérêts.
A titre infiniment subsidiaire, l'intimé soutient, au visa de l'article 1112 du code civil, que Monsieur [O] a commis une faute dans la rupture des pourparlers aux motifs qu'il a manqué à l'exigence de bonne foi. Il indique que Monsieur [O] était informé de l'engagement de Monsieur [T] dans le projet, qu'il l'a laissé s'engager et faire réaliser des plans, des devis, passer des commandes qui ont dû être annulées. Il ajoute que la brutalité de la rupture a été absolue aux motifs que Monsieur [O] a cessé toute interaction avec Monsieur [T] mais également avec l'agence, du jour au lendemain. Enfin, il indique que l'argument selon lequel Monsieur [O] connait des difficultés financières n'apparait pas sérieux dès lors qu'il est impossible que la situation financière de Monsieur [O] se soit subitement dégradée, à quelques jours d'intervalle.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Sur la nature de la faute alléguée de Monsieur [O] :
Par jugement en date du 23 mai 2023, la juridiction de première instance a considéré que Monsieur [N] [T] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un manquement de Monsieur [G] [O] dans l'exécution des obligations résultant de l'acte du 29 mars 2021, aux motifs que cet acte, dont les termes sont clairs et non équivoques, ne peut valoir vente parfaite.
L'appelant fait valoir que la signature de l'offre d'achat ne pouvait manifestement pas valoir vente puisque le seul engagement pris était de formaliser un avant contrat ; lequel avait précisément vocation à fixer les conditions définitives de la vente. Il ajoute que les modalités de la vente n'avaient pas encore été fixées par les parties, que la rencontre des volontés n'était faite ni sur la chose, et encore moins sur le prix.
L'intimé soutient, au visa de l'article 1583 du code civil, que la vente portant sur le bien immobilier en cause était parfaite aux motifs que le prix, ainsi que la chose, éléments essentiels du contrat de vente, sont expressément convenus aux termes de l'accord du 23 mars 2021. Il indique que la signature du compromis ne conditionnait pas l'échange des consentements mais était (comme c'est habituellement le cas) une obligation convenue entre les parties dans le prolongement de la vente. Il ajoute que les travaux restant à réaliser ne concernaient pas la structure même de la chose qui elle était définie, mais les aménagements que Monsieur [T] entendait réaliser dans la maison.
A titre subsidiaire, l'intimé soutient, au visa de l'article 1103 du code civil, que M. [O] a commis un manquement contractuel aux motifs qu'il s'est retracté en refusant de signer le compromis alors qu'il avait accepté une offre, sans aucune condition suspensive.
Ceci étant exposé,
Vu les articles 1114, 1118, 1121 et 1583 du code civil,
Aux termes du premier texte, l'offre faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.
Selon les dispositions du deuxième texte, l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.
L'article 1121 prévoit que le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue.
Aux termes du dernier, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Il en résulte que l'acceptation d'une offre de vendre ou d'acquérir qui comprend les éléments essentiels du contrat, à savoir la chose et le prix, suffit à former la vente et entraîner le transfert de propriété.
En l'espèce, M. [T] a présenté à M. [O] une offre portant sur l'acquisition d'une « maison individuelle d'une surface habitable d'environ 100 m2, implantée sur une parcelle d'environ 405 m2 + garage 32 m2 portant la référence cadastrale AZ [Cadastre 1], situé [Adresse 2] ». Cette offre a été signée par les deux parties en date du 29 mars 2021.
Cette offre précise que (pièce n°1 intimé) :
« Article 1 - Prix proposé
Le soussigné propose d'acquérir le bien désigné ci-dessus au prix de 315.000 € FAI Trois Cent Quinze Mille Euros, frais d'agence inclus
suivant les modalités qui seront fixées dans l'avant contrat.
[']Article 4 - Régime juridique de l'offre :
Le soussigné déclare avoir été informé que la présente offre n'est pas soumise au délai de rétractation de 14 jours prévu par les articles L 121'18 et suivants du Code de la Consommation, puisqu'elle a uniquement pour objet d'inviter le vendeur a signé un avant-contrat, s'il accepte le prix proposé, qui fixera les conditions de la vente. »
D'une part, le document litigieux est un acte émanant de l'agence immobilière, mandataire de Monsieur [O] (pièce n° 1 de l'intimé) qui a aussi pour objet de justifier de l'intervention du mandataire en prévision de sa rémunération.
Il a été signé le 29 mars 2021 par le potentiel acquéreur, Monsieur [T], puis contresigné par le potentiel vendeur, Monsieur [O], et son mandataire, la SAS MON TI l'AGENCE.
Cette offre d'achat vise clairement le bien immobilier en cause, le prix d'acquisition offert par Monsieur [T]. Elle était valable jusqu'au 15 avril 2021.
L'acte ne mentionne aucune réserve ni aucune condition suspensive. En revanche, la signature de Monsieur [O] est clairement réalisée sous la mention « pour acceptation de l'offre d'achat » même si celui-ci ne l'a pas ajoutée manuscritement.
Ainsi, les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix dès l'acceptation de l'offre par le vendeur.
La notion d'avant-contrat n'intègre donc pas d'éventuelles négociations sur la chose et sur le prix.
S'agissant de la renonciation au délai de rétractation, l'appelant évoque à tort, comme l'acte le stipule, l'article L. 221-18 du code de la consommation alors qu'en matière de vente immobilière, l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation étant applicable à la vente immobilière.
En tout état de cause, ce délai de rétractation est établi au bénéfice de l'acquéreur non professionnel. Sa renonciation n'établit nullement que l'offre d'achat, acceptée par le vendeur, était imparfaite et ne valait que pour de futures discussions.
Dès lors, l'offre d'achat du 29 mars 2021, dont les termes sont clairs et non équivoques, valait vente parfaite contrairement à l'analyse des premiers juges.
Monsieur [O] a donc bien commis une faute contractuelle en refusant de poursuivre les actes nécessaires à la régularisation de la vente, comprenant un « avant-contrat » dont les caractéristiques ne sont jamais évoquées mais qui pourrait constituer notamment un compromis de vente sous seing privé.
Sur le préjudice subi par Monsieur [T] :
La juridiction de première instance a condamné Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.
L'appelant conteste la demande indemnitaire de M. [T] aux motifs que parties n'ont certainement jamais convenu qu'en cas de rétractation du vendeur une indemnité forfaitaire de 10% du prix de la vente serait dû. Il fait valoir que Monsieur [O] a informé son mandataire de son choix de ne pas donner suite aux pourparlers dès le 7 avril 2021, soit à peine une semaine plus tard, de sorte que le prétendu préjudice de Monsieur [T] a été plus que limité dans le temps. Il ajoute que la plupart des devis produits sont d'ailleurs postérieurs au 7 avril 2021. Enfin, il soutient que M. [T] ne rapporte aucunement la preuve d'un préjudice financier, puisque s'il s'était engagé après signature de devis, il aurait versé aux débats la preuve des acomptes qu'il a déjà payés.
Appelant incident, M. [T] sollicite la condamnation de Monsieur [G] [O] à la somme de 31.500,00€ à titre de dommages et intérêts aux motifs que Monsieur [O] a commis une faute contractuelle. Il indique avoir subi un préjudice résultant du refus de signer un compromis alors qu'il avait pris beaucoup de son temps en se déplaçant pour réaliser des devis, qu'il avait fait réaliser des plans et était par ailleurs constamment en contact avec l'agence pour la réalisation de cette vente.
L'intimé soutient que, par son message SMS, Monsieur [O] a brusquement décidé de ne plus vendre, malgré sa signature apposée sur l'offre d'achat matérialisant son consentement à la vente. La mauvaise foi de Monsieur [O], qui semble ne pas voir en quoi son action aurait été préjudiciable à Monsieur [T] doit être soulignée. Ce dernier a pris beaucoup de son temps en se déplaçant pour réaliser des devis. Il a fait réaliser des plans et était par ailleurs constamment en contact avec l'agence pour la réalisation de cette vente. Le silence soudain de Monsieur [O] auprès de l'agence et de Monsieur [T] a été très surprenant, et particulièrement préjudiciable au regard de l'investissement qui avait été le sien comme le démontrent les échanges qu'il pouvait avoir avec l'agence.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
L'article 1231 du code civil prévoit qu'à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.
Selon les dispositions de l'article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1231-2 prévoit que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
En l'espèce, Monsieur [T] sollicite la réparation des conséquences de l'inexécution de la vente immobilière, résultant de l'acceptation de l'offre d'achat par l'appelant.
Par email du 31 mars 2021 relatif à l'achèvement des travaux de la maison (pièce n° 5 intimé), l'agence immobilière a accusé réception des plans de M. [T] et lui a indiqué que :
« Pour ce qui est des aménagements intérieurs (pose des spots, meuble de cuisine en plus pour la machine à café et cloison dans le garage), cela ne devrait pas poser de problème. Par contre pour les dimensions du garage c'est la dalle qui fait 32m2, du coup l'épaisseur des agglo est à retirer de la surface totale [']
En ce qui concerne les aménagements extérieurs, c'est plus compliqué. En effet, la dimension des ouvertures ['] Il en va malheureusement de même pour la piscine [']
Pour le brise vue au niveau du mur mitoyen [']
Pour le portail électrique, le propriétaire prévoit les arrivées ['] »
Le 7 avril 2021, Monsieur [O] a informé qu'il ne souhaitait plus vendre par un SMS adressé à l'agence rédigé en ces termes « Je suis désolé mais ma femme ne veut pas vendre tout de suite car financièrement nous sommes trop juste pour finir la maison » (pièce n°1 appelant).
D'après l'annonce pour la vente de la maison publiée le 17 mars 2021 (pièce n°9 intimé), il est mentionné très clairement un « achèvement des travaux prévu fin mai 2021 ».
Par ailleurs, l'appelant produit un plan masse avec descriptif des travaux à effectuer pour la vente (pièce n°11 appelant) ainsi qu'un devis pour le branchement au tout à l'égout du 19 novembre 2019 (pièce n°12).
Concernant le motif de la rupture du contrat, l'appelant invoque des difficultés financières et produit à ce titre :
Des attestations de paiement CAF pour les mois de décembre 2021 à janvier 2022, de septembre 2022 et de septembre 2023 (pièces n°3 à 5)
Ses avis d'imposition sur les revenus 2021 et 2022 (pièces n°6 et 7).
Il indique qu'en raison d'un manque de trésorerie, ne pouvant solder les situations de son constructeur, il s'est résolu à vendre la maison en l'état (pièces n°9 et 10).
Force est de constater que M. [O] ne rapporte pas la preuve d'une quelconque difficulté financière.
D'une part, les attestations de paiement CAF concernent des prestations perçues postérieurement à la rupture des pourparlers en date du 7 avril 2021, de sorte qu'elles sont inopérantes.
D'autre part, les demandes de règlement des travaux (pièce n°9 appelant) et des taxes d'urbanisme (pièce n°10 appelant) sont antérieurs à la signature de l'acceptation de l'offre d'achat, de sorte qu'il ne s'agit pas d'éléments nouveaux intervenus après la signature du 29 mars 2021.
Il appartient à Monsieur [T] de rapporter la preuve de l'existence et du montant de son préjudice.
Toutefois, l'intimé ne justifie ni de la réalité ni du montant de son préjudice matériel.
En effet, l'acte du 29 mars 2021 ne stipule aucune clause pénale ni aucune sanction spécifique en cas de retard dans l'exécution de l'engagement des parties.
Les seuls préjudices avérés sont donc ceux qui résultent des recherches avancées de Monsieur [T] en prévision de la finition du bien immobilier, constitués par la réception de devis auxquels il n'a pas pu donner suite en raison du refus de poursuivre la vente de l'appelant.
Ainsi, Monsieur [T] a dû passer du temps pour envisager de futurs travaux et obtenir les devis qu'il produit aux débats (pièces N° 4, 5, 8).
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé une indemnisation à Monsieur [T] d'une somme de 3.000,00 euros, correspondant aux actes préparatoires à l'acquisition du bien justifiés par l'intimé.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens :
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Monsieur [O], succombant, supportera les dépens d'appel et de première instance.
L'équité commande en outre de le condamner à payer à l'intimé une indemnité de 2.000,00 euros au titre de ses frais irréptibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, par substitution de motifs ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Monsieur [G] [O] aux dépens de l'appel ;
CONDAMNE Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [T] une indemnité de 2.000,00 euros au titre de ses frais irréptibles d'appel.
Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.