CA Versailles, ch. civ. 1-7, 14 mars 2025, n° 25/01428
VERSAILLES
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14C
N°
N° RG 25/01428 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XBX4
( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
Copies délivrées le :
à :
[E] [F]
Me Anna KOENEN
CLINIQUE [3] [Localité 5]
Ministère Public
ORDONNANCE
Le 14 Mars 2025
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous Monsieur David ALLONSIUS, Président, à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assisté de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Madame [E] [F]
actuellement hospitalisée à la Clinique [3] [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparante, assistée par Me Anna KOENEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 35, commis d'office
APPELANTE
ET :
LE DIRECTEUR DE LA CLINIQUE [3] [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Mme [W] [L] [S], munie d'un pouvoir et d'une pièce d'identité
INTIMEE
ET COMME PARTIE JOINTE :
M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES
non représenté à l'audience, ayant rendu un avis écrit
à l'audience publique du 14 Mars 2025 où nous étions Monsieur David ALLONSIUS, Président assisté de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
[E] [F], née le 11 mars 1967 au Viet-Nam, fait l'objet depuis le 18 février 2025 d'une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, à la clinique [3] de [Localité 5], sur décision du directeur d'établissement, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, en cas de péril imminent.
Le 25 février 2025, Monsieur le directeur de la clinique [3] de [Localité 5] a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre afin qu'il soit saisi conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.
Par ordonnance du 27 février 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète.
Appel a été interjeté le 4 mars 2025 par [E] [F], arrivé au greffe de la cour le 7 mars 2025.
Le 11 mars 2025, [E] [F] et la clinique [3] de [Localité 5] ont été convoqués en vue de l'audience.
Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le 12 mars 2025, avis versé aux débats. Il est d'avis de confirmer l'ordonnance querellée.
L'audience s'est tenue le 14 février 2025 en audience publique.
[Z] [H], aide médico-psychologique, a assisté à l'audience.
[E] [F] a été entendue et a dit que : elle attend qu'on lui enlève les soins sans consentement. Elle ne comprend plus du tout la procédure qui l'empêche de rentrer chez elle. Elle ne comprend pas qui décide : le médecin ' le juge ' elle est de plus en plus autonome. Elle fait des tours du parc, les médecins ne voient pas les efforts qu'elle fait. Le médecin lui a dit qu'elle irait en soins de suite. Les médecins croient qu'elle se met en danger mais ce n'est pas le cas. Elle veut plus d'indépendance car la [3] ne lui laisse pas de liberté. Elle prend de la paroxétine, et un médicament injectable. Elle dort et mange. Elle a eu une permission samedi dernier. Ainsi, elle peut aller chez elle et récupérer son courrier.
Sur question du conseil : la [3] précise que pour que Madame [F] sorte en permission il faut obligatoirement la présence d'une auxiliaire de vie. Il faut forcément un accompagnement.
Le conseil de [E] [F], qui a fait parvenir ses conclusions au greffe par courriel, a demandé l'infirmation de l'ordonnance entreprise, la mainlevée de la mesure de soins en hospitalisation complète et a soulevé à cette fin les moyens d'irrégularité suivants :
Irrégularité tirée du caractère illisible et non dactylographié du certificat médical du 7 février 2025
Irrégularité tirée du défaut de caractérisation du péril imminent et de l'hospitalisation 10 jours après de [E] [F], les certificats des 24 et 72 heures n'établissant pas davantage ce péril imminent pour la santé de l'intéressée. Il n'y a pas d'imminence car l'hospitalisation est intervenue 10 jours après.
Madame [F] a des difficultés à comprendre la procédure entre ce qui est médical et ce qui est judiciaire. Elle se demande qui décide. Il faut entendre son besoin d'indépendance. S'il y a des démarches à faire au quotidien il faut envisager une mesure de protection, une mesure de soins sous contrainte n'est pas la réponse.
La [3] de [Localité 5] est représentée par [W] [L], cadre administratif en charge des secrétariats médicaux et de l'accueil-admission, qui a dit : le certificat n'est pas dactylographié et le docteur [N] a toujours procédé ainsi. S'agissant du péril imminent, au moment du certificat elle ne s'est peut-être pas mise en danger mais il y a une accumulation et il arrive que Madame [F] rejette ses difficultés. Lors d'une permission de sortie en décembre 2024 ou janvier 2025 Madame [F] n'a pas ouvert à l'aide à domicile. Elle a dormi dans son fauteuil. Ensuite, on a retrouvé Madame [F] à la gare après qu'une de ses amies a prévenu la [3]. Il y avait eu une levée de la mesure et il fallait une mise sous contrainte pour qu'elle soit soignée.
[E] [F] a été entendue en dernier et a dit que : si elle n'a pas ouvert la porte c'était à cause de son frère. Maintenant, elle ouvre les portes car elle ne veut pas retourner à la [3]. L'aide à la personne était fatiguée et ensuite elle a dit que sa voiture était en panne. Son amie [T] l'a amenée à la gare et ensuite elle est rentrée seule à la [3].
L'affaire a été mise en délibéré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [E] [F] a été interjeté dans les délais légaux. Il doit être déclaré recevable.
Sur l'irrégularité tirée du caractère illisible et non dactylographié du certificat médical du 7 février 2025
L'article R.3213-3 du code de la santé publique dispose que les certificats et avis médicaux établis en application des dispositions du présent chapitre sont précis et motivés. Ils sont dactylographiés.
Il est constant que l'irrégularité affectant une décision administrative dans le cadre de la présente instance entraîne la mainlevée de la mesure s'il en résulte une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet, en application des dispositions de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le certificat médical initial rédigé par le docteur [M] [N], psychiatre-psychothérapeute, [Adresse 2], en date du 7 février 2025 n'est pas dactylographié. Néanmoins, celui-ci indique : « Je soussigné Dr [M] [N] certifie avoir examiné Mme [E] [F] domiciliée [Adresse 4] à [Localité 5] et avoir constaté ce qui suit :
Patiente suivie de longue date sur le secteur, hospitalisée jusqu'alors sous contrainte pour des troubles du comportement (tentative de suicide) sous tendus par une activité délirante
Malgré une confirmation médicale de maintenir l'hospitalisation sous contrainte, la mesure a été caduque ce qui nécessite la mise en place d'une hospitalisation en SPI
A l'entretien Mme [F] est dans le déni des troubles, très sthénique réclamant sa sortie contre avis médical
Son état représente un péril imminent
Vu l'impossibilité d'obtenir une demande de tiers il convient de l'hospitaliser en application de l'article L 3212-II-2 du code de la santé publique
Tampon et signature »
Il s'ensuit que ce certificat médical est parfaitement lisible. Il n'est donc résulté du caractère non dactylographié de cette pièce aucun grief pour [E] [F]. Le moyen sera par conséquent rejeté.
Sur l'irrégularité tirée du défaut de caractérisation du péril imminent et de l'hospitalisation 10 jours plus tard de [E] [F]
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique :
« I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :
1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ;
2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.
Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts ».
Ainsi, en vertu des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique, le directeur de l'établissement hospitalier peut prononcer l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un tiers et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil.
En l'espèce, le docteur [M] [N] fait état du fait que [E] [F] est suivie de longue date sur le secteur, hospitalisée jusqu'alors sous contrainte pour des troubles du comportement (tentative de suicide) sous tendus par une activité délirante mais également d'un déni de ses troubles par l'intéressée.
Les constatations circonstanciées de ce médecin quant à l'état psychique de [E] [F], associées au déni exprimé par celle-ci, caractérisent bien en l'espèce un péril imminent pour sa santé. Il s'en déduit qu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la malade étant observé que les constats médicaux ultérieurs ont souligné, pour celui du 18 février 2025, que la patiente présente une psychose chronique avec « un tableau clinique de rigidité psychique basé sur des biais cognitifs erronés et dénués de toute logique rationnelle (') elle s'oppose aux soins avec un risque de passage à l'acte » et, pour celui du 21 février 2025, qu'il « persiste ce jour un risque de mise en danger important qui justifie une surveillance en hospitalisation complète ». Ainsi, les certificats médicaux établis les 7, 18 et 21 février 2025 par des médecins différents concluent tous à la nécessité de l'hospitalisation sous contrainte, compte tenu des troubles mentionnés, qui démontrent qu'il existe un risque grave à l'intégrité de [E] [F].
Par ailleurs, il sera rappelé qu'aux termes des dispositions combinées de l'article L. 3212-1 II 2° et 1° 3ème alinéa du code de la santé publique, ci-dessus rappelées, la décision d'admission en cas de péril imminent se fait sur la base d'un certificat médical établi par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil et prise en charge datant de moins de 15 jours ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il a été établi par un médecin psychiatre de ville le 7 février 2025 soit moins de 15 jours avant l'admission de [E] [F] qui a été décidée le 18 février 2025 à 11h11.
Par conséquent, à défaut de grief caractérisé, les conditions légales relatives à l'hospitalisation en péril imminent ayant été respectées, le moyen sera rejeté.
Sur le fond
Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».
Le certificat médical initial du 7 février 2025 et les certificats suivants des 18 et 21 février 2025 détaillent avec précision les troubles dont souffre [E] [F].
Le certificat du 13 mars 2025 du Docteur [C] [X] indique :
« Patiente psychotique chronique hospitalisée au long cours sous contrainte opposante aux soins.
Refusant toutes prises en charges médicales ou psychiatriques dans un but de chantage car elle souhaite un retour à domicile.
Ayant mis tous les projets de retour à domicile en échec par son comportement car se met en danger par suite de son déni des troubles.
A du mal à entendre qu'elle est incapable de vivre à seule à son domicile malgré des aides mises en place.
Madame [F] est dépendante dans tous les actes de la vie quotidienne ».
Ce médecin conclut que les soins psychiatriques doivent être maintenus à temps complet.
Cet avis médical récent est suffisamment précis et circonstancié pour justifier les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de [E] [F], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis, les troubles mentaux dont souffre [E] [F] nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de [E] [F] sous la forme d'une hospitalisation complète toute autre forme de soins étant, à ce stade, impossible à envisager.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l'appel de [E] [F] recevable,
Confirmons l'ordonnance entreprise,
Et, y ajoutant,
Rejetons les moyens d'irrégularité soulevés,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14C
N°
N° RG 25/01428 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XBX4
( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
Copies délivrées le :
à :
[E] [F]
Me Anna KOENEN
CLINIQUE [3] [Localité 5]
Ministère Public
ORDONNANCE
Le 14 Mars 2025
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous Monsieur David ALLONSIUS, Président, à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assisté de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Madame [E] [F]
actuellement hospitalisée à la Clinique [3] [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparante, assistée par Me Anna KOENEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 35, commis d'office
APPELANTE
ET :
LE DIRECTEUR DE LA CLINIQUE [3] [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Mme [W] [L] [S], munie d'un pouvoir et d'une pièce d'identité
INTIMEE
ET COMME PARTIE JOINTE :
M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES
non représenté à l'audience, ayant rendu un avis écrit
à l'audience publique du 14 Mars 2025 où nous étions Monsieur David ALLONSIUS, Président assisté de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
[E] [F], née le 11 mars 1967 au Viet-Nam, fait l'objet depuis le 18 février 2025 d'une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, à la clinique [3] de [Localité 5], sur décision du directeur d'établissement, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, en cas de péril imminent.
Le 25 février 2025, Monsieur le directeur de la clinique [3] de [Localité 5] a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre afin qu'il soit saisi conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.
Par ordonnance du 27 février 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète.
Appel a été interjeté le 4 mars 2025 par [E] [F], arrivé au greffe de la cour le 7 mars 2025.
Le 11 mars 2025, [E] [F] et la clinique [3] de [Localité 5] ont été convoqués en vue de l'audience.
Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le 12 mars 2025, avis versé aux débats. Il est d'avis de confirmer l'ordonnance querellée.
L'audience s'est tenue le 14 février 2025 en audience publique.
[Z] [H], aide médico-psychologique, a assisté à l'audience.
[E] [F] a été entendue et a dit que : elle attend qu'on lui enlève les soins sans consentement. Elle ne comprend plus du tout la procédure qui l'empêche de rentrer chez elle. Elle ne comprend pas qui décide : le médecin ' le juge ' elle est de plus en plus autonome. Elle fait des tours du parc, les médecins ne voient pas les efforts qu'elle fait. Le médecin lui a dit qu'elle irait en soins de suite. Les médecins croient qu'elle se met en danger mais ce n'est pas le cas. Elle veut plus d'indépendance car la [3] ne lui laisse pas de liberté. Elle prend de la paroxétine, et un médicament injectable. Elle dort et mange. Elle a eu une permission samedi dernier. Ainsi, elle peut aller chez elle et récupérer son courrier.
Sur question du conseil : la [3] précise que pour que Madame [F] sorte en permission il faut obligatoirement la présence d'une auxiliaire de vie. Il faut forcément un accompagnement.
Le conseil de [E] [F], qui a fait parvenir ses conclusions au greffe par courriel, a demandé l'infirmation de l'ordonnance entreprise, la mainlevée de la mesure de soins en hospitalisation complète et a soulevé à cette fin les moyens d'irrégularité suivants :
Irrégularité tirée du caractère illisible et non dactylographié du certificat médical du 7 février 2025
Irrégularité tirée du défaut de caractérisation du péril imminent et de l'hospitalisation 10 jours après de [E] [F], les certificats des 24 et 72 heures n'établissant pas davantage ce péril imminent pour la santé de l'intéressée. Il n'y a pas d'imminence car l'hospitalisation est intervenue 10 jours après.
Madame [F] a des difficultés à comprendre la procédure entre ce qui est médical et ce qui est judiciaire. Elle se demande qui décide. Il faut entendre son besoin d'indépendance. S'il y a des démarches à faire au quotidien il faut envisager une mesure de protection, une mesure de soins sous contrainte n'est pas la réponse.
La [3] de [Localité 5] est représentée par [W] [L], cadre administratif en charge des secrétariats médicaux et de l'accueil-admission, qui a dit : le certificat n'est pas dactylographié et le docteur [N] a toujours procédé ainsi. S'agissant du péril imminent, au moment du certificat elle ne s'est peut-être pas mise en danger mais il y a une accumulation et il arrive que Madame [F] rejette ses difficultés. Lors d'une permission de sortie en décembre 2024 ou janvier 2025 Madame [F] n'a pas ouvert à l'aide à domicile. Elle a dormi dans son fauteuil. Ensuite, on a retrouvé Madame [F] à la gare après qu'une de ses amies a prévenu la [3]. Il y avait eu une levée de la mesure et il fallait une mise sous contrainte pour qu'elle soit soignée.
[E] [F] a été entendue en dernier et a dit que : si elle n'a pas ouvert la porte c'était à cause de son frère. Maintenant, elle ouvre les portes car elle ne veut pas retourner à la [3]. L'aide à la personne était fatiguée et ensuite elle a dit que sa voiture était en panne. Son amie [T] l'a amenée à la gare et ensuite elle est rentrée seule à la [3].
L'affaire a été mise en délibéré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [E] [F] a été interjeté dans les délais légaux. Il doit être déclaré recevable.
Sur l'irrégularité tirée du caractère illisible et non dactylographié du certificat médical du 7 février 2025
L'article R.3213-3 du code de la santé publique dispose que les certificats et avis médicaux établis en application des dispositions du présent chapitre sont précis et motivés. Ils sont dactylographiés.
Il est constant que l'irrégularité affectant une décision administrative dans le cadre de la présente instance entraîne la mainlevée de la mesure s'il en résulte une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet, en application des dispositions de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le certificat médical initial rédigé par le docteur [M] [N], psychiatre-psychothérapeute, [Adresse 2], en date du 7 février 2025 n'est pas dactylographié. Néanmoins, celui-ci indique : « Je soussigné Dr [M] [N] certifie avoir examiné Mme [E] [F] domiciliée [Adresse 4] à [Localité 5] et avoir constaté ce qui suit :
Patiente suivie de longue date sur le secteur, hospitalisée jusqu'alors sous contrainte pour des troubles du comportement (tentative de suicide) sous tendus par une activité délirante
Malgré une confirmation médicale de maintenir l'hospitalisation sous contrainte, la mesure a été caduque ce qui nécessite la mise en place d'une hospitalisation en SPI
A l'entretien Mme [F] est dans le déni des troubles, très sthénique réclamant sa sortie contre avis médical
Son état représente un péril imminent
Vu l'impossibilité d'obtenir une demande de tiers il convient de l'hospitaliser en application de l'article L 3212-II-2 du code de la santé publique
Tampon et signature »
Il s'ensuit que ce certificat médical est parfaitement lisible. Il n'est donc résulté du caractère non dactylographié de cette pièce aucun grief pour [E] [F]. Le moyen sera par conséquent rejeté.
Sur l'irrégularité tirée du défaut de caractérisation du péril imminent et de l'hospitalisation 10 jours plus tard de [E] [F]
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique :
« I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :
1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ;
2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.
Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts ».
Ainsi, en vertu des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique, le directeur de l'établissement hospitalier peut prononcer l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un tiers et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil.
En l'espèce, le docteur [M] [N] fait état du fait que [E] [F] est suivie de longue date sur le secteur, hospitalisée jusqu'alors sous contrainte pour des troubles du comportement (tentative de suicide) sous tendus par une activité délirante mais également d'un déni de ses troubles par l'intéressée.
Les constatations circonstanciées de ce médecin quant à l'état psychique de [E] [F], associées au déni exprimé par celle-ci, caractérisent bien en l'espèce un péril imminent pour sa santé. Il s'en déduit qu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la malade étant observé que les constats médicaux ultérieurs ont souligné, pour celui du 18 février 2025, que la patiente présente une psychose chronique avec « un tableau clinique de rigidité psychique basé sur des biais cognitifs erronés et dénués de toute logique rationnelle (') elle s'oppose aux soins avec un risque de passage à l'acte » et, pour celui du 21 février 2025, qu'il « persiste ce jour un risque de mise en danger important qui justifie une surveillance en hospitalisation complète ». Ainsi, les certificats médicaux établis les 7, 18 et 21 février 2025 par des médecins différents concluent tous à la nécessité de l'hospitalisation sous contrainte, compte tenu des troubles mentionnés, qui démontrent qu'il existe un risque grave à l'intégrité de [E] [F].
Par ailleurs, il sera rappelé qu'aux termes des dispositions combinées de l'article L. 3212-1 II 2° et 1° 3ème alinéa du code de la santé publique, ci-dessus rappelées, la décision d'admission en cas de péril imminent se fait sur la base d'un certificat médical établi par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil et prise en charge datant de moins de 15 jours ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il a été établi par un médecin psychiatre de ville le 7 février 2025 soit moins de 15 jours avant l'admission de [E] [F] qui a été décidée le 18 février 2025 à 11h11.
Par conséquent, à défaut de grief caractérisé, les conditions légales relatives à l'hospitalisation en péril imminent ayant été respectées, le moyen sera rejeté.
Sur le fond
Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».
Le certificat médical initial du 7 février 2025 et les certificats suivants des 18 et 21 février 2025 détaillent avec précision les troubles dont souffre [E] [F].
Le certificat du 13 mars 2025 du Docteur [C] [X] indique :
« Patiente psychotique chronique hospitalisée au long cours sous contrainte opposante aux soins.
Refusant toutes prises en charges médicales ou psychiatriques dans un but de chantage car elle souhaite un retour à domicile.
Ayant mis tous les projets de retour à domicile en échec par son comportement car se met en danger par suite de son déni des troubles.
A du mal à entendre qu'elle est incapable de vivre à seule à son domicile malgré des aides mises en place.
Madame [F] est dépendante dans tous les actes de la vie quotidienne ».
Ce médecin conclut que les soins psychiatriques doivent être maintenus à temps complet.
Cet avis médical récent est suffisamment précis et circonstancié pour justifier les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de [E] [F], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis, les troubles mentaux dont souffre [E] [F] nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de [E] [F] sous la forme d'une hospitalisation complète toute autre forme de soins étant, à ce stade, impossible à envisager.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l'appel de [E] [F] recevable,
Confirmons l'ordonnance entreprise,
Et, y ajoutant,
Rejetons les moyens d'irrégularité soulevés,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,