Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 14 mars 2025, n° 21/10144

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/10144

14 mars 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2025

N° 2025/49

Rôle N° RG 21/10144 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHYB5

[G] [Z]

C/

S.C.A. CELLIER LOU BASSAQUET

Copie exécutoire délivrée

le : 14/03/2025

à :

Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(vest 4)

Me Séverine ARTIERES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00733.

APPELANT

Monsieur [G] [Z], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.A. CELLIER LOU BASSAQUET, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Séverine ARTIERES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Florence TREGUIER, Présidente de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller

Madame Muriel GUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2025.

Délibéré prorogé au 14 Mars 2025

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2025,

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [G] [Z] a été embauché par la coopérative CELLIER LOU BASSAQUET en qualité de directeur par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er avril 1984.

La relation de travail a été régie par les dispositions de la convention collective nationale des caves coopératives et leurs unions.et l'accord paritaire National des cadres dirigeants de la coopérative agricole du 21 octobre 1975

Le 22 octobre 1999 les parties ont signé un avenant au contrat de travail doublant le préavis et l'indemnité de licenciement, y compris en cas de faute grave ou lourde en contrepartie de l'obligation du salarié de donner son préavis 12 mois avant son départ et de former son successeur en cas de rupture son intitiative

Le salarié a été placé en arrêt de travail le 18 août 2014.

A l'issue d'une visite médicale organisée par la Médecine du travail, Monsieur [Z] a été déclaré inapte par avis du 18 juin 2015.

Par courrier du 15 juillet 2015, Monsieur [Z] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 27 juillet 2015.

Par courrier en date du 4 août 2015, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, Monsieur [Z] a saisi, par requête du 30 octobre 2015, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral ainsi qu'une indemnité de préavis et de licenciement, outre le paiement d'une somme au titre de l'article 700 et les dépens d'instance.

Par jugement du 7 juin 2021, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a :

- Dit que le licenciement de [Z] [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Z] de ses demandes,

- Condamné [Z] [G] à payer à la coopérative CELLIER LOU BASQUET une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné [Z] [G] aux dépens de l'instance,

- Rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 6 juillet 2021, Monsieur [Z] a interjeté appel du jugement dans chacun des chefs de son dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 29 septembre 2021 par voie électronique, Monsieur [Z] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 7 juin 2021 par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

- Constater que Monsieur [Z] a été victime de harcèlement moral,

- Constater la violation par l'employeur de son obligation de sécurité et de résultat,

- Constater la violation par l'employeur de son obligation de reclassement,

En conséquence,

A titre principal :

- Dire et juger que le licenciement est nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 313 155 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 145 000 € à titre d'indemnité pour préjudice moral,

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 186 200,30 € à titre d'indemnité de préavis selon avenant du 22 octobre 1999,

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 18 620,03 € à titre d'indemnité de congés payés afférents,

A titre subsidiaire :

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 313 155 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

En tout état de cause :

- Condamner la société CELLIER LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 386 635,36 € à titre de complément de l'indemnité de licenciement selon avenant du 22 octobre 1999,

- Condamner la société LOU BASSAQUET à verser à Monsieur [Z] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner à remettre un bulletin de paie conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour à compter de la notification de la décision,

- La condamner aux dépens,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'appelant fait valoir en substance :

' Qu'il était investi d'une délégation de pouvoirs, en qualité de Directeur, pour embaucher et licencier les salariés depuis de nombreuses années,

' Que la dégradation de son état de santé et son inaptitude à son poste résultent du harcelement moral dont il a été victime

Que les faits de harcèlement moral se sont matérialisés par :

- Un retrait de l'autorité de Monsieur [Z] sur le personnel le 21 janvier 2013,

- Un retrait de la responsabilité de la gestion des comptes le 6 août 2013,

- Un nouveau retrait de l'autorité du salarié sur le personnel le 13 septembre 2013,

- La supression de son véhicule de fonction le 9 janvier 2014,

- L'étude d'une proposition de licenciement le 18 février 2014,

- La décision d'effectuer un audit comptable et financier et la suspension des embauches et modifications de contrats sans la validation du conseil d'administration le 17 avril 2014,

Que le médecin du travail a bien spécifié dans son avis que le salarié était apte à un poste équivalent mais dans une autre structure organisationnelle, de sorte que la société CELLIER LOU BASSAQUET était expréssement visée

Qu'il est clairement établi que les troubles psychiques dont le salarié a souffert étaient effectivement liés au comportement de son employeur et ont finalement cessé après qu'il ait retrouvé une vie normale,

'Que la société n'a mis en oeuvre aucune mesure susceptible de faire cesser les agissements dont a été victime le salarié en vue de le protéger,

Que dès lors, le licenciement prononcé en raison de cette inaptitude est nécessairement nul du fait du harcèlement subi ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, pour manque à l'obligation de sécurité de résultat,

' Que plusieurs reproches formulés à l'endroit de Monsieur [Z], lequel est accusé d'entretenir des situations de discorde, sont sans fondement et injustifiés,

- Qu'il n'a effectué aucun chantage au départ mais bien au contraire, sentant que ses conditions de

travail se dégradaient, a fait la proposition d'une rupture conventionnelle,

- Que les salariés attestent des qualités de Monsieur [Z] en sa qualité de directeur,

- Que les membres de sa famille, embauchés par la coopérative, n'ont fait l'objet d'aucun favoritisme par rapport aux autres salariés de l'entreprise, que ce soit en terme de rémunération, d'avantage en nature ou de rupture du contrat de travail,

- Que les prétendues raisons objectives ayant conduit le conseil d'administration à exercer un contrôle sur la gestion comptable de la coopérative, dévolue à Monsieur [Z], ne sont nullement justifiées et sont contestées.

' Que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement,

Qu'en l'espèce, la société ne démontre pas avoir effectué des recherches auprès des structures avec lesquelles elle entretient des liens privilégiés, conformément à l'avis rendu par le médecin du travail,

' Que le salarié dispose d'une ancienneté de 31 ans au sein de la société,

Que les faits de harcèlement moral ont eu pour effet de dégrader son état de santé, le conduisant à être en arrêt maladie et être reconnu en invalidité catégorie 2 par la MSA,

Qu'âgé de 59 ans au moment des faits, il a eu les plus grandes difficultés à retrouver un travail,

Que le 1er novembre 2017, il a été mis à la retraite alors qu'il aurait pu continuer à travailler au sein de la société jusqu'au 1er juillet 2022, lui permettant de bénéficier d'une pension mensuelle de 3 939 €,

' Que conformément à un avenant signé le 22 octobre 1999, le salarié aurait dû percevoir le double de ses indemnités de licenciement et de préavis, peu importe le motif de rupture du contrat de travail,

' Qu'il s'est retrouvé dans un état d'anxiété extrême suite à sa 'mise au placard' et a été mis en invalidité de catégorie 2, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Aux termes de ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2021, la société CELLIER LOU BASSAQUET demande à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 7 juin 2021 en ce qu'il a :

o Dit que le licenciement de Monsieur [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

o Débouté Monsieur [Z] de l'ensemble ses demandes ;

o Condamné Monsieur [Z] à payer à la Coopérative CELLIER LOU BASSAQUET la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

o Condamné Monsieur [Z] aux dépens de l'instance.

En conséquence,

- Constater que la Coopérative justifie des raisons objectives justifiant ses demandes auprès de Monsieur [Z],

- Constater que les allégations de Monsieur [Z] ne sont pas de nature à caractériser une situation de harcèlement moral,

- Constater que l'inaptitude ne prend pas son origine dans un manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- Constater que la Coopérative a parfaitement rempli son obligation de recherche de reclassement,

- Constater que Monsieur [Z] n'a subi aucun préjudice moral,

- Dire et juger que le licenciement n'est pas frappé de nullité,

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- Constater que la délibération du Conseil d'administration du 22 octobre 1999 votant le doublement des indemnités de rupture ne vise que la situation de conflit né du refus du Directeur des apports en raison des administrateurs,

- Constater que la Coopérative ne s'est pas engagée à ce doublement dans un autre cas,

- Dire et juger que l'avenant de Monsieur [Z] en date du 22 octobre 1999 ne peut avoir pour objet d'octroyer ce doublement dans toute situation, compte tenu de cette délibération,

- Débouter Monsieur [Z] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis,

- Débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusion,

Elle expose :

' Que Monsieur [Z] n'a nullement été victime de faits de harcèlement moral ;

Que le désaccord entre le conseil d'administration de la coopérative et son directeur n'est pas de nature à établir un harcèlement moral ou un manquement à l'obligation de sécurité de résulat,

' Que la coopérative a parfaitement respecté ses obligations en matière de préservation de la santé et de la sécurité ;

Qu'il appartenait à Monsieur [Z] d'établir sa pathologie et le lien entre cette pathologie et le comportement fautif de l'employeur ayant conduit à cette pathologie,

Qu'en l'espèce, le salarié souffre de troubles bipolaires, ce que son médecin a relevé dans le cadre de ses arrêts de travail, ce qui a été de nature à entraîner une invalidité de catégorie 2,

' Que Monsieur [Z] a entretenu une situation de discorde et a favorisé le conflit avec le conseil d'administration,

- Qu'il a tenté de faire croire au conseil d'administration qu'il pouvait s'opposer à son contrôle au mépris des statuts de la coopérative et de ses missions, alors que le directeur est très clairement subordonné à la direction, au contrôle et à la surveillance du conseil,

- Qu'il a procédé à un chantage au départ formulé dès novembre 2012 et a confirmé sa volonté de quitter la coopérative à l'automne 2013,

- Que le conseil d'administration n'a jamais retitré le véhicule de fonction du salarié,

- Que des raisons objectives ont conduit le conseil d'administration à exercer un contrôle sur les missions exercées par Monsieur [Z] au sein de la Cave :

- En juin 2012, Monsieur [Z] qui avait mis en oeuvre le départ en CIF de sa fille - [H] [B] lui a accordé une rupture conventionnelle indemnisée à 5 640 €,

- En novembre 2012, il a décidé d'embaucher son fils [Y] [Z] sans autorisation ni information du conseil d'administration et a décidé de modifier ses attributions en septembre 2013, là encore sans l'accord du conseil d'administration,

- En avril 2014, il a procédé à une augmentation de 160 € de son épouse - [E] [Z] - sans autorisation ni information du conseil d'administration,

- Lors de la clôture des comptes 2012/2013, le 31 juillet 2013, Monsieur [Z] ne s'explique pas sur l'absence de comptabilisation des cadeaux,

- Il a fait construire en 2013 une structure de soutien des nouveaux pressoirs installés sans autorisation municipale,

- Il a sciemment engagé la coopérative en 2011 dans un plan d'investissement pour des équipements phovoltaiques sur la base d'un rendement erroné,

- Il s'est octroyé des avantages (prêt de 80 000 € sans intérêts et accompte de 10 000 € sans autorisation)

' Que la coopérative a parfaitement respecté ses obligations en matière de reclassement,

Que la coopérative a été loyale et sincère dans ses démarches puisqu'elle a reçu le médecin pour une étude de poste, contacté le médecin pour obtenir des précisions sur l'aptitude résiduelle, tenté de connaître des souhaits de volontariat au départ au sein de son effectif, cherché des solutions externes bien qu'elle n'y était pas tenue à défaut de permutation possible (Cass. Soc; 16 mars 2016 n°14ème16.931) et a cherché à échanger avec le salarié à ce sujet,

' Que s'agissant du préjudice financier lié à sa pension de vieillesse, le salarié ne justifie pas ses calculs,

' Que le préjudice moral - non justifié - trouve son origine dans sa situation médicale d'ordre psychologique exclusive de tout lien avec une faute de l'employeur,

' Que la coopérative ne s'est jamais engagée aux indemnités de fin de contrat dans le contexte d'une inaptitude, même en présence d'un conflit ;

' Que le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Vu l'avis fixation du 4 décembre 2024 pour une audience fixée au 8 janvier 2025,

Vu l'ordonnance de clôture fixée au 17 décembre 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I sur la cause du licenciement

A- sur le harcèlement moral

Le contrat de travail de l'appelant le soumet expressément aux dispositions de l'annexe 1 de l'accord paritaire National des cadres dirigeants de la coopérative agricole du 21 octobre 1975 pour la définition de ses pouvoirs rattachés à la fonction de Directeur.

L'annexe 1 sus visée dispose que le directeur Général ou Directeur exerce ses fonctions sous la direction, le contrôle et la surveillance du conseil d'administration qu'il représente vis à vis des tiers dans le cadre des pouvoirs et responsabilité qui lui sont confiés par délibération.

C'est donc dans ce cadre que l'accord donne au directeur autorité sur l'ensemble du personnel et dispose qu'il procède aux embauches comme aux licenciements .

L'accord note d'ailleurs expréssément que le directeur s'engage à ce que son activité puisse être controlée par le conseil d'administration.

Bien que titulaire du pouvoir de direction et de contrôle le conseil d'administration ne saurait pour autant se soustraire aux dispositions des articles 1152-1 du code du travail rappelées par le juge départiteur ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, selon lesquelles le salarié qui se dit victime d'un harcèlement moral établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'apprécier si l'employeur a abusé de son pouvoir de direction, de contrôle et de surveillance en harcelant son salarié.

En l'espèce il n'est pas contestable ni contesté que le conseil d'administration a retiré à M. [Z] à compter de janvier 2013 la gestion du personnel et des comptes de la coopérative qu'il assumait depuis 1990 ainsi qu'il ressort des procès verbaux de réunion non motivés versés par l'appelant aux débats, a décidé la supression d'un véhicule de fonction le 9 janvier 2014, décidé d'examiner la possibilité d'un licenciment dès le 18 février 2014 après que M. [Z] ait demandé à être rétabli dans ses prérogatives et de procéder à un audit financier et comptable le 17 avril 2014; M. [Z] justifie par ailleurs qu'il a été placé en arrêt maladie depuis aout 2014, ces faits pris dans leur ensemble laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'intimée établit toutefois que ses décisions étaient liées:

- au refus de l'appelant de rendre compte des retombées économiques des manifestations organisées dans le caveau et pour partie aux frais de celui-ci par une association dont son épouse était présidente en 2009 (P 62 de l'intimée)

- à l'embauche par M. [Z] de membres de sa famille ( sa fille p 111, son fils [Y], en octobre 2012 sans informer le conseil d'admistration p 37 et 38, de son second fils en 2011, ) amenant le conseil d'administration en décembre 2012 à solliciter d'être avisé des nouvelles embauches afin d'éviter qu'un conflit avec un membre de la famille ne s'étende à d'autres (p22), ce contrôle étant refusé par l'interessé.

- à l'octroi par l'appelant à sa fille en avril 2012 d'une rupture conventionnelle portant une indemnité de 5640 euros non signalée au conseil d'administration ( p 19,109, 110, 111de l'intimé ) alors que cette dernière envisageait à titre personnel une reconversion professionnelle dans le cadre de la mise en oeuvre du CIF.

- à une promotion en juin 2012 puis une augmentation accordée à son épouse en avril 2014 après une tentative de réduction de son temps de travail compensé par une embauche.

-à l'existence d'écarts de stocks (p 21) constatés en novembre 2012 ayant conduit à la décision du conseil d'admistration de confier le comptabilité à un comptable extérieur, décision que la réponse de M. [Z] sur les ' manquants ' justifie pleinement au regard d'une mauvaise organisation de la prise en compte des cadeaux fidélité.

Enfin l'intimée reconnait que l'appelant bénéficiait depuis 2007 d'un véhicule de fonction mais soulignequ'il ne le faisait pas apparaitre comme avantage en nature sur ses bulletins de salaire contrairementaux obligations fiscales pesant sur la cave .Elle indique qu'elle a donc envisagé la supression de cet avantage mais que suite à sa plainte déposée pour usurpation d'identité dans le cadre de la vente de ce véhicule M. [Z] est resté en sa possession qu'il a été mentionné sur les buleltins de salaires de l'appelant à partir de février 2014 puis restitué à l'issue de la rupture du contrat (ce que démontre la pièce 42 de l'intimée).

Par ailleurs il est établi que l'appelant faisait régulièrement état de sa volonté de rupture de son contrat de travail ainsi que de celui de son épouse ce qui explique la proposition d'examiner la possibilité d'un licenciement notée dans le PV du conseil d'administration du 18 février 2014;

Enfin la cour adopte les motifs du juge départiteur sur l'origine de l'inaptitude de M. [Z], L'arrët de travail produit aux débats mentionne en effet l'existence de troubles bipolaires et l'employeur justifie d'arrêts maladie antérieurs importants ayant entrainé une reprise a mi temps thérapeutique courant 2011 .A défaut d'explications de l'appelant de ce chef, le lien de causalité entre l'inaptitude et le comportement de l'employeur n'est en rien établi.

Pour le surplus l'argumentation de l'employeur est sans rapport avec les griefs qui lui sont imputés par M. [Z] au titre du harcèlement moral et ne sont pas utiles aux débats dès lors que le licenciement contesté n'est pas fondé sur une faute de l'appelant mais sur une inaptitude médicalement constatée.

Ainsi, comme l'a justement retenu le juge départiteur, les faits dénoncés par M. [Z] comme constitutifs de harcèlement moral manifestent en réalité l'exercice de son pouvoir de direction, de contrôle et de surveillance par le conseil d'administration et dans ces conditions la cour, susbstituant ses motifs à ceux du juge départiteur, confime le jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'existence du harcèlement moral allégué par l'appelant et l'a débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice moral, manquement à l'obligation de sécurité et nullité de son licenciement.

B- sur l'éxécution de l'obligation de reclassement

La cour adopte les motifs du juge départiteur, la coopérative justifiant avoir recherché, en collaboration avec le médecin du travail, à reclasser son salarié par aménagement de son poste ou attribution d'un poste au sein de l'entreprise y compris en télétravail mais s'être heurtée à un avis négatif sur la compatibilité des postes proposés avec l'état de santé du salarié

Il est constant que le périmètre de l'obligation de reclassement ne s'étendait pas à d'autres entités en l'absence d'autres établissements ou de groupe en l'espèce, les critiques de l'appelant sur les postes recherchés par l'employeur hors de l'entreprise sont donc dénuées de fondement.

II sur les conséquences financière du licenciement

A/ sur la demande au titre du préavis

Il est constant que lorsque le licenciement repose, comme en l'espèce, sur l'inaptitude du salarié à l'exercice de son emploi, l'indemnité de préavis n'est pas due . L'avenant au contrat conclu entre les parties se réfère sur ce point à l'indemnité légalement due ce qui exclut en l'espèce l'indemnité de préavis en cas d'inpatitude ; Le jugement est confirmé de ce chef

B/ sur la demande au titre de l'indemnité de licenciement

Aux termes de l'avenant du 22 octobre 1999 au contrat de travail l'intimée s'est engagée à doubler l'indemnité de licenciement en cas de rupture même fautive .

Ces dispositions claires et exprimées en des termes généraux alors que le débat du conseil d'administration s'est focalisé d'abord sur les apports altérés puis de manière plus générale sur la situation du Directeur parfois amené à pénaliser ses propres administrateurs visent à accorder une large protection au directeur de la cave en cas de rupture de son contrat et ne necessitent aucune interprétation. Elles n'excluent pas le doublement de l'indemnité en cas de rupture pour inaptitude ainsi que l'a justement retenu le juge départiteur.

L'appelant soutient que le juge départiteur a outrepassé ses pouvoirs en qualifant la clause de clause pénale soumise à son pouvoir de modération.

La cour retient effectivement que les conclusions de première instance déposées par l'intimée se bornaient à soulever l'interprétation de la clause sans inviter le juge a examiner son caractère exorbitant.

Le juge départiteur a donc soulevé d'office le moyen tiré de la qualification de clause pénale de la disposition litigieuse sans le soumettre au débat contradictoire .

Il n'en demeure pas moins que l'intimée, qui peut soulever tout moyen nouveau en cause d'appel, s'approprie ce motif qu'elle soumet à la cour.

S'il est jugé ( Soc. 14 mai 1987, Bull. Civ. V no 320 - Soc. 22 février 1995, Bull. Civ. V,no 65 ) que lorsque l'indemnité de licenciement est fixée par la convention collective,les juges ne peuvent pas en réduire le montant au motif qu'ils la trouveraient excessive, il est au contraire admis (Soc. 17 mars 1998, Bull. Civ V, n°142 - Soc. 21 février 2007, n°0448103 - Soc. 5 juin 2008, n° 0645316) que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif.

En l'espèce le juge départiteur a parfaitement caractérisé en quoi l'indemnité contactuellement prévue présente un caractère excessif au regard du bilan de la cave à la date de la rupture du contrat de travail de l'appelant.

Néanmoins la cour retient que, hors application des dispositions contractuelles, l'indemnité de licenciement est définie par l'article 14 du protocole du 21 Octobre 1975 qui sert de base au calcul présenté par l'appelant.

Elle est fixée à un demi mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 4 ans

1 mois de salaire par année d'ancienneté au delà de 4 ans majoré de 30% pour les cadre agés de plus de 50 ans et avec un plafond total de 18 mois de salaires.

Le montant de la rémunération et l'ancienneté de l'appelant ne sont pas contestés par l'intimée.

M. [Z] qui est né le 1 octobre 1955 pouvait donc prétendre au titre du Protocole à :

(8463,65 /2) x4 soit euros soit 16927,30 euros au titre de ses 4 première années d'ancienneté du 1 avril 1984 AU 1 avril 1988

8463,65 du premier avril 1988 au 1 octobre 2005 date de ses cinquante ans soit pendant 17 ans et 6 mois 148 113,82 euros

au delà jusqu'à la date le la rupture le 4 aout 2015 de 11 002,74 euros par an pendant 9 ans et 10 mois soit 108 193,61

Soit au total 273 234,73 au titre de l'indemnité hors majoration au titre de l'avenant ramenée au plafond de 18 mois de salaires soit 152 229,58 euros.

Or il n'est pas contesté que l'appelant a perçu en l'espèce une somme de 138 110,14 euros.

Ainsi en réduisant l'indemnité contractuelle à néant et en déboutant M. [Z] de la totalité de sa demande au titre du complément d'indemnité de licenciement le juge départiteur a fixé l'indemnité à une somme inférieure à l'indemnité conventionnelle alors que la commune intention des parties était au contraire d'allouer à l'appelant une protection supérieure. Le jugement est donc infirmé sur le rappel d'indemnité de licenciement que la cour fixe à 50 000 euros ;

En l'absence de rappel de salaire, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de bulletins de paie rectifiés.

M. [Z] qui succombe au principal sur la cause du licenciement est condamné à payer à la coopérative la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa propre demande à ce titre.

Il est également condamné aux dépens.

La demande d'éxécution provisoire est sans objet en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande au titre du complément d'indemnité de licenciement.

L'infirme de ce chef et statuant à nouveau;

Condamne la coopérative LOU BASSAQUET à payer à M. [Z] la somme de 50 000 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.

et y ajoutant

Condamne M. [Z] à payer à la la coopérative LOU BASSAQUET la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le déboute de sa propre demande de ce chef.

Déclare la demande d'éxécution provisoire sans objet.

Condamne M. [Z] aux dépensde l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site