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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 13 mars 2025, n° 22/03419

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/03419

13 mars 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 13 MARS 2025

N° RG 22/03419 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZOD

[K] [O]

c/

[V] [T]

[Z] [R] épouse [T]

S.C.I. [T] IMMOBILIER ALET IMMOBILIER

Nature de la décision : AU FOND

Copie exécutoire délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : décision rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 20/01576) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2022

APPELANT :

[K] [O]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Jean-jacques CALDERINI de la SELARL TAX TEAM ET CONSEILS SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Marie MARTIN, avocat au barreau de BORDEAUX.

INTIMÉS :

[V] [T]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

[Z] [R] épouse [T]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

S.C.I. [T] IMMOBILIER agissant en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège social sis

demeurant [Adresse 6]

Représentés par Me Caroline MAZERES de la SELARL CAROLINE MAZERES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, présidente,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Bénédicte LAMARQUE, conseiller

Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] [O], M. [V] [T] et Mme [Z] [T], née [R] ont créé la SARL interface Consultants le 1er septembre 1988 afin de développer une activité d'enseignement, de conseil et de formation professionnelle.

Le 16 novembre 1990, ils ont créé ensemble la SCI Interface Immobilier pour faire l'acquisition d'un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 7] afin d'accueillir les locaux de l'exploitation de la SARL Interface Consultants ainsi que la galerie d'art exploitée par Mme [T].

Le capital social tant de la SARL que de la SCI a été réparti pour 40% pour M. [T], 40% pour Mme [T] et 20 % pour M. [O], ce qui dans la SCI correspond à 400 parts chacun pour M. et Mme [T], et 200 parts pour M. [O].

Fin décembre 1999, M. [O] a fait part à ses associés de sa volonté de se retirer de la SARL Interface Consultants sur l'année 2000, étant indiqué qu'il aurait à cette date créé la société Arsis cabinet de conseil, de formation et de coaching professionnel individuel et collectif.

Par courrier du 9 septembre 2016, les époux [T] ont confirmé leur accord de principe en proposant une évaluation des parts sociales sur la base de l'évolution de l'indice INSEE du bâtiment. Les parties ne sont pas parvenus à s'accorder sur les modalités de ce retrait et notamment la valeur de rachat des parts.

Selon procès-verbal de l'assemblée du 17 février 2017 il a été décidé du passage de la SCI en SCI à capital variable, de la modification de l'objet social et de la modification des statuts de la société, permettant de voter le retrait d'un associé à la majorité qualifié et le remboursement de la valeur des parts au jour du retrait pour l'associé qui se retire ainsi.

M. [O] a voté contre ces résolutions.

Une nouvelle assemblée a été convoquée pour le 30 avril 2019, au cours de cette assemblée il a été décidé du retrait de M. [O], du rachat de ses parts conformément aux modalités de calcul de l'article 18 des statuts modifiés lors de la précédente assemblée générale,, du changement de la dénomination sociale de la SCI Interface Immobilier, pour devenir la SCI à Capital Variable [T] Immobilier.

Lors d'une assemblée générale extraordinaire du 19 août 2019, la SCI Interface Immobilier a donc changé de dénomination sociale pour devenir SCI à Capital Variable [T] Immobilier.

Par acte d'huissier du 14 février 2024, M. [O] a fait assigner les époux [T] et la SCI [T] Immobilier devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, d'obtenir la nullité des assemblées générales extraordinaires des 17 février 2017 et 30 avril 2019.

Par jugement contradictoire du 23 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté M. [O] de ses demandes aux fins de voir prononcer la nullité des assemblées générales extraordinaires des 17 février 2017 et 30 avril 2019 et des assemblées postérieures ;

- dit, en conséquence, n'y avoir lieu à ordonner la réintégration de M. [O] au sein de la SCI ;

- condamné M. [T], es qualité de gérant de la SCI Interface Immobilier puis de la SCI à capital variable [T] Immobilier à communiquer à M. [O] sous astreinte de 200 euros par jour passé un mois à compter de la signification de la décision et pendant une durée de 2 mois :

- le détail des opérations réalisées sur leur compte-courant associé depuis la création de la société ;

- la copie du registre des assemblées générales de la société ;

- la copie des relevés bancaires de l'ensemble des comptes bancaires de la société depuis sa création ;

- les documents justifiant de l'envoi à l'administration fiscale des liasses fiscales pour les années de 2014 à 2020 ;

- les documents nécessaires à l'évaluation des parts telle que prévue par les statuts modifiés incluant le bénéfice distribuable de l'exercice, diminué des pertes antérieures et augmenté des reports bénéficiaires, ainsi que toutes les sommes portées en réserve ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [O] et pour l'autre moitié par M. [T].

M. [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2022, en ce qu'il a :

- débouté M. [O] de ses demandes aux fins de voir prononcer la nullité des assemblées générales extraordinaires des 17 février 2017 et 30 avril 2019 et des assemblées postérieures ;

- dit, en conséquence, n'y avoir pas lieu à ordonner la réintégration de M. [O] au sein de la SCI ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [O] et pour l'autre moitié par M. [T] ;

- rejeté les autres demandes formulées par M. [O], à savoir :

- rejeté la demande d'annulation de l'acte de cession des parts du 30 avril 2019 ;

- rejeté la demande d'annulation du rachat des parts de M. [O] par les époux [T] ;

- rejeté la demande de restitution à M. [O] des 200 parts lui appartenant dans la SCI Interface Immobilier ;

- rejeté la demande de restitution à M. [O] des dividendes afférents aux 200 parts litigieuses depuis le 30 avril 2019 ;

- rejeté la demande de voir ordonner au dirigeant de la SCI Interface Immobilier de mettre en conformité les statuts avec les dispositions précédentes ;

- rejeté la demande de communication à M. [O] des comptes sociaux de la SCI Interface Immobilier (devenue SCI à capital variable [T] Immobilier) depuis la date de sa constitution ;

- rejeté la demande de condamnation des époux [T] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 5 décembre 2023, les parties ont été enjointes de procéder à une médiation. Le 4 juin 2024, l'avocat des époux [T] et de la SCI [T] Immobilier Alet Immobilier a informé le greffe de l'échec de la médiation.

Par dernières conclusions déposées le 5 juin 2024, M. [O] demande à la cour de :

- recevoir M. [O] en son appel et le dire bien fondé ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

- condamné M. [T], es qualité de gérant de la SCI Interface Immobilier puis de la SCI à capital variable [T] Immobilier à communiquer à M. [O], sous astreinte de 200 euros par jour passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de deux mois :

- le détail des opérations réalisées sur le compte-courant d'associé des époux [T] depuis la création de la société ;

- la copie du registre des assemblées générales de la société ;

- la copie des relevés bancaires de l'ensemble des comptes bancaires de la société depuis sa création ;

- les documents justifiant de l'envoi à l'administration fiscale des liasses fiscales pour les années de 2014 à 2020 ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en qu'il a :

- débouté M. [O] de ses demandes aux fins de voir prononcer la nullité des assemblées générales extraordinaires des 17 février 2017 et 30 avril 2019 et des assemblées postérieures ;

- dit, en conséquence, n'y avoir pas lieu à ordonner la réintégration de M. [O] au sein de la SCI ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [O] au sein de la SCI ;

- rejeté les autres demandes formulées par M. [O], à savoir :

* la demande d'annulation de l'acte de cession des parts au 30 avril 2019 ;

* la demande d'annulation du rachat des parts de M. [O] par les époux [T] ;

* la demande de restitution à M. [O] des 200 parts lui appartenant dans la SCI ;

* la demande de restitution à M. [O] des dividendes afférents aux 200 parts litigieuses depuis le 30 avril 2019 ;

* la demande de voir ordonner au dirigeant de la SCI de mettre en conformité les statuts avec les dispositions précédentes ;

* rejeté la demande de communication à M. [O] des comptes sociaux de la SCI depuis la date de sa constitution ;

* rejeté la demande de condamnation des époux [T] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- prononcer la nullité de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 17 février 2017 et subsidiairement la nullité des résolutions n°2 et n°4 ;

- prononcer la nullité de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 30 avril 2019 ;

- annuler les Assemblées Générales postérieures ;

- annuler l'acte de cession des parts du 30 avril 2019 ;

- annuler le rachat des parts de M. [O] par les époux [T].

En conséquence :

- ordonner la restitution à M. [O] des 200 parts lui appartenant dans la SCI Interface Immobilier dont la dénomination est à ce jour SCI à Capital Variable [T] Immobilier ;

- prononcer la réintégration de M. [O] en tant qu'associé de la SCI Interface Immobilier ;

- condamner les époux [T] à restituer à M. [O] les dividendes afférents aux 200 parts litigieuses depuis le 30 avril 2019 ;

- ordonner au dirigeant de la SCI Interface Immobilier de mettre les statuts en conformité avec les dispositions précédentes.

En tout état de cause :

- condamner les époux [T] à payer à M. [O] la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de l'appel ;

- condamner M les époux [T] au paiement des entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 10 janvier 2023, les époux [T] et la SCI à Capital Variable [T] Immobilier demandent à la cour de :

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 juin 2022 ;

- constater que M. [T] a satisfait à la demande de communication de pièces sollicitée par le jugement du 23 juin 2023 ;

- condamner M. [O] à payer à la SCI [T] Immobilier et aux époux [T] la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 30 janvier 2025.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour n'est saisie que de l'infirmation du jugement qui a débouté M. [O] de ses demandes en annulation des assemblées générales extraordinaires du 17 février 2017 et 30 avril 2019 en raison de leur nullité.

L'appelant dans ses conclusions sollicite toutefois qu'il soit fait droit à sa demande de communication des comptes sociaux que le jugement déféré a rejeté, sans que cette demande soit reprise au dispositif des conclusions. Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, soulevé office par la cour à l'audience, selon lequel elle 'ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion', il convient de constater la cour n'est pas saisie de cette demande.

I - Sur la demande en nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 17 février 2017

L'appelant soutient que l'assemblée générale ne pouvait adopter à la majorité des 2/3 sans rechercher l'unanimité de ses membres l'adoption de la clause de variabilité du capital qui augmentait ses engagements, notamment en ce que l'associé qui cesse de faire partie de la société reste tenu pendant 5 ans envers les autres associés et envers les tiers de toutes les obligations existant au moment de son départ, ni de la clause d'exclusion d'un associé sans son consentement.

Il soulève également la nullité de la clause adoptée le même jour à la majorité des 2/3 qui prive l'associé qui se retire de tout droit dans les réserves dès lors qu'il n'a jamais pu bénéficier de dividendes en cours de vie sociale, comme étant léonine. En ne lui reconnaissant que la valeur nominale de ses parts, M. [O] soutient qu'il perd ainsi tout droit dans les réserves de la société qui n'ont jamais été distribuées ainsi que tout droit sur l'augmentation éventuelle de la valeur des actifs détenus par la SCI.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il soutient qu'ayant été exclu de la SCI et en l'absence de communication des comptes sociaux, il ne peut solliciter a posteriori sa part éventuelle sur les résultats.

Les intimés venant en confirmation du jugement soutiennent que tant la modification des statuts que l'insertion d'une clause de retrait d'un associé à la majorité des 2/3 était possible sans le vote à l'unanimité des associés, conformément à l'article 27 des statuts et dès lors que ces modifications n'ont conduit ni à une augmentation des engagements financiers des associés, ni à une atteinte à leur liberté de commerce et d'industrie.

Ils contestent la qualification de l'article relatif à l'évaluation de la valeur des parts de l'associé partant de clause léonine dès lors qu'elle ne prive pas l'associé du droit aux bénéfices et aux réserves distribuables de la société. Selon eux, M [O] pouvait à tout moment, conformément à l'article 23 des statuts, provoquer la délibération des associés sur la distribution des bénéfices et réserves. En tout état de causes, elle soutient que la SCI n'a enregistré aucune recette de 2014 à 2019, ne pouvant donc procéder à aucune distribution de dividendes.

- Sur les modifications statutaires prises à la majorité

Aux termes des articles 1836 et 1852 du code civil, hormis la limite de l'augmentation de l'engagement d'un associé qui suppose toujours son consentement, ce n'est qu'en l'absence de dispositions statutaires plus souples que la règle de l'unanimité doit être respectée pour modifier les statuts d'une SCI.

En l'espèce, l'article 27 du statut de la SCI prévoyait que 'les décisions extraordinaires ont pour objet la modification des statuts dans toutes leurs dispositions, étaient prises et adoptées par les associés représentant au moins les 2/3 du capital social. Toutefois, toute mesure emportant (...) augmentation de la responsabilité des associés à l'égard des tiers doit être prises à l'unanimité.'

L'article 16 de ces mêmes statuts prévoyait que le retrait d'un associé était possible par décision extraordinaire de l'assemblée générale à la majorité qualifiée des 3/4 du capital social.

La modification des statuts s'est accompagnée d'une modification de l'article 16, prévoyant le retrait d'un associé 'par décision extraordinaire de l'assemblée générale à la majorité qualifiée de l'article 27, en application de l'article L. 231-6 du code de commerce', soit la majorité des 2/3.

Dès lors, les associés représentant 80 % du capital social pouvaient modifier les statuts de la SCI à condition de ne pas augmenter les engagements de M. [O] qui avait voté contre la résolution de transformation en SCI à capital variable.

Dès lors que la clause d'exclusion d'un associé sans recours à l'unanimité était déjà prévue dans les statuts initiaux, il était possible d'en apporter modification sur la règle de la majorité requise des 2/3 au lieu des 3/4, ce qui n'avait pas d'effet à l'égard de M. [O] dès lors que les époux [T] détenaient ensemble 80% des parts sociales, soit plus des 2/3 et plus des 3/4.

De même, l'obligation en cas de cession des parts par un associé de rester responsable des dettes de la société pendant encore 5 ans est identique à l'obligation mentionnée à l'alinéa 3 de l'article L. 231-6 du code de commerce, de sorte que la soumission de la SCI à capital variable aux nouvelles dispositions du code de commerce n'a pas augmenté les engagements de M. [O].

M. [O] échoue à démontrer que l'insertion de la clause de variabilité du capital sociale en cours de vie sociale ne pouvait être prise à la majorité statutaire des 2/3, sans lui porter préjudice.

La transformation de la SCI a donc été adoptée conformément aux règles de majorité telles que prévues dans les statuts de la SCI.

- Sur l'adoption d'une clause privant l'associé qui se retire de tout droit dans les réserves

Selon l'article 1844-1 du code civil, 'la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.

Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.'

L'évaluation des parts en cas de retrait d'un associé était prévue à l'article 15 des statuts originaires sans faire de référence à une valeur proprement dite, mais en renvoyant à la désignation d'un expert en cas de valeur ni déterminée ni déterminable et en cas de contestation, conformément à l'article 1843-4 du code civil. Contrairement à ce que soutient M. [O], il n'était donc pas fait référence à une valeur vénale dans les statuts initiaux.

Le nouvel article 18 des statuts adoptés lors de cette assemblée générale sur l'évaluation de la valeur des parts précise que cette évaluation s'effectue en fonction de la 'valeur nominale de la part à la constitution de la société ou à la date fixée pour chaque augmentation ou diminution de capital, actualisée selon la valeur de l'indice INSEE du coût de la construction'.

L'article 31 relatif à l'affectation et à la répartition des résultats est resté inchangé. Il prévoit que le bénéficie de l'exercice, diminué des pertes antérieures et augmenté des reports bénéficiaires ainsi que toutes les sommes portées en réserve est distribué sous forme de dividendes proportionnellement au nombre de parts possédées par chacun des associés.

La modification de l'article relatif à la valeur des parts sociales s'inscrit dans les nouveaux statuts de la SCI à capital variable, conformément à l'article L. 231-1 du code du commerce aux termes duquel 'il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n'ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports «effectués».

L'article L. 231-1 du code de commerce prévoit ainsi la reprise des apports par l'associé, sans précision de la base sur laquelle doit être effectué le remboursement des droits sociaux du retrayant. Il revient donc aux statuts de fixer les règles d'évaluation, étant précisé qu'en cas de modification statutaire, ce sont les conditions en vigueur au moment de la décision de retrait de l'associé qui s'appliquent.

Ce n'est donc qu'à défaut de fixation dans les statuts des règles d'évaluation que l'article 1869 du code civil trouve application lorsqu'il prévoit que l'associé d'une société civile à capital variable qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d'accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l'article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l'apport effectué mais ne s'y réduisant pas obligatoirement (Com., 8 novembre 2023, pourvoi n° 22-11.766)

Il résulte de l'article 1843-4 du code civil qu'en l'absence de dispositions statutaires prévoyant une autre date, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra ou, le cas échéant, est intervenu en application des statuts

Ce texte permet de limiter les droits des associés sortants d'une société à capital variable à la reprise de leurs apports en s'opposant à la valeur réelle de la société, étant rappelé que l'article 31 des statuts ne limite pas la vocation bénéficiaire de l'associé retrayant.

Cette clause ne saurait être léonine dès lors que la SCI Interface Immobilier qui avait pour objet l'acquisition du bien immobilier servant à l'exploitation de la SARL Interface Immobilier et la galerie d'art de Mme [T] justifiant n'avoir enregistré aucune recette de 2014 à 2019, ne pouvait donc procéder à aucune distribution de dividendes ni n'a pu constituer de réserves.

En tout état de cause, contrairement à ce que soutien M. [O], même exclu de la SCI, il ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux, comprenant les décisions de mise en réserve.

La modification de la clause d'évaluation de la valeur des parts sociales en cas de retrait d'un associé en 2017 n'était donc pas une clause léonine en ce qu'elle était intégrée dans les nouveaux statuts de la SCI à capital variable et qu'elle était combinée avec l'article 31 prévoyant effectivement le bénéfice pour l'associé sortant, dans les règles des cinq années suivant son éviction, et que la SCI justifie de l'absence de bénéfice entre 2000 et 2019.

La demande de M. [O] en annulation de l'assemblée générale du 17 février 2017 sera rejetée et le jugement déféré confirmé.

II - Sur la demande en nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2019

L'appelant soulève quatre causes de nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2019 au cours de laquelle il a été exclu de la SCI et il lui a été fait la proposition de rachat des parts à leur valeur nominale :

- la cour n'ayant pas annulé l'assemblée générale du 17 février 2017 ayant permis la modification des statuts de la SCI avec capital variable, le moyen de nullité tiré du défaut de base statutaire pour adopter les résolutions votées lors de l'assemblée générale du 30 avril 2019 ne peut être accueillie.

- sur l'absence d'ordre du jour suffisamment détaillé dans la convocation à l'assemblée générale.

L'article 40 alinéa 1 du décret 78-704 stipule en son alinéa 1 que les associés sont convoqués au moins 15 jours avant la réunion de l'assemblée par lettre recommandée. Celle ci indique l'ordre du jour de telle sorte que le contenu et la portée des questions qui y sont inscrites apparaissent clairement sans qu'il y ait lieu de se reporter à d'autres documents.

En l'espèce, la convocation adressé le 19 février 2019, soit 2 mois avant la tenue de l'assemblée générale indique dans un premier paragraphe le lieu de l'assemblée générale, le jour et l'heure. A partir du 2ème paragraphe, il est précisé 'l'ordre du jour sera le suivant : vote par les 3 associés des 3 résolutions proposées par la gérance et notifiée ci-dessous :

'RESOLUTION 1 : RETRAIT D'UN ASSOCIE

Sur proposition du gérant, les associés proposent le fait que Monsieur [M] [O] cesse de faire partie ce jour 30 avril 2019 de la Société Civile Immobilière à Capital Variable INTERFACE IMMOBILIER en application de l'article 16 alinéa 2 des statuts actuels, relatif au retrait d'un associé.

Avec le rappel de l'alinéa 2 de l'article 16

RESOLUTION 2 : RACHAT DES PARTS DE MONSIEUR [K] [O]

La gérance propose le rachat par Madame [Z] [T] et par Monsieur [V] [T], associés majoritaires, des parts de l'associé qui se retire, Monsieur [M] [O] selon les modalités de calculs fixées à l'article 18 des statuts actuels.

Avec le rappel de l'article 18

Valeur des parts à l'origine : 3 054 euros

Valeur actualisée des parts au 30 04 2019 : 3 054 x 1,87 = 5 117 euros

Les statuts de la société seront modifiés et actualisés en conséquence.

RESOLUTION 3 : ACTUALISATION ET MODIFICATIONS DES STATUTS DE LA SOCIETE

La gérance propose à la suite du vote des 2 résolutions précédentes nécessitant une modification des statuts, d'actualiser et modifier les autres articles des statuts actuels et d'approuver leur rédaction définitive en conformité avec l'exemplaire des nouveaux statuts ci-joints'.

M. [O] ne peut soutenir que la convocation ne comportait pas un ordre du jour suffisamment clair et précis des points qui y seraient abordés, mentionnant même la valeur nominale des parts sociales au jour de l'envoi de la convocation.

Ce moyen de nullité sera rejeté.

- Sur l'absence de justes motifs expliquant le vote de son éviction de la société.

M. [O] soutient que le seul désintérêt retenu par le tribunal ne saurait valoir juste motif.

ll résulte de l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce qu'est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion (Com. 9 nov. 2022, FS-B, n° 21-10.540).

En l'absence de précision dans la clause statutaire d'exclusion des associés les motifs possibles une telle mesure doivent être justifiées par une raison grave. A défaut, l'exclusion est considérée comme abusive et même sans intention de nuire.

L'abus peut être caractérisé au regard de l'intérêt social, des finalités de l'entreprise, d'une éventuelle intention de nuire ou d'absence de motif légitime.

Il appartient dont à la cour de vérifier que l'exclusion de M.[O] n'était pas abusive.

En l'espèce, le PV de l'assemblée générale reprend le résumé de la délibération : 'n'ayant eu aucune nouvelle de M. [K] [O] pendant 2 ans ni aucune demande d'information, ce qui manifeste son désintérêt total pour l'entreprise, les associés majoritaires ont décidé de transformer la SCI à capital variable Immobilier en SCI familiale à capital variable afin de préparer leur succession et de faciliter le transfert des parts sociales à leurs enfants'.

Il n'est pas contesté que M. [O] a cessé dès 1999 de s'impliquer dans la SARL Interface consultants et dans la SCI Interface Immobilier qui a permis d'acquérir le bien immobilier accueillant notamment les locaux d'exploitation de la SARL; qu'il a créé en janvier 2000 une société concurrente, date à partir de laquelle les associés ont été en mésentente portant sur le départ soudain de M. [O] ayant eu impact sur le chiffre d'affaires de la SARL mais également sur la captation d'une partie de la clientèle et du marché par M. [O]. Depuis cette date, les associés n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les modalités de départ de M. [O], notamment en raison de la valeur des parts sociales. Pour autant, ce dernier n'a jamais sollicité l'attribution d'un bénéfice ou des informations sur d'éventuelles réserves de la SCI. A aucun moment, M [O] n'a sollicité la désignation d'un expert pour faire évaluer ses parts sociales et il n'a pas répondu aux propositions faites par courrier du 20 mars 2002.

A partir de 2000, il n'est pas contesté que M. [O] n'a plus participé au remboursement du prêt immobilier de la SCI, ni au financement des travaux d'un des deux lots du bien immobilier en vue de sa location.

Informé des éléments juridiques et financiers de la SCI depuis 2000 par M. [T], et par courrier de réponse du 27 septembre 2016, il faisait part de son projet de rester dans la SCI souhaitant s'engager aux côtés des époux [T] pour toute augmentation de capital. Toutefois, il relevait dans ce même courrier la vision 'à la fois patrimoniale et affective' de la SCI dès sa création.

Plus récemment, il n'a engagé aucune action immédiatement après la modification des statuts de la SCI en date du 17 février 2017, malgré son vote contre, les autres résolutions ayant été votées malgré son abstention, a refusé de participer à l'assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2019, se positionnant de fait en qualité d'associé 'totalement inactif' et déniant l'intérêt social de la SCI.

Cette mésentente depuis plus de 19 ans qui s'est traduit par son désaccord sur les conditions de son retrait, l'incertitude dans laquelle il a laissé la SCI depuis 2000 et d'autant plus en 2016 il revenait sur sa décision au vu des projets menés par les époux [T] seuls dans la SCI, doit s'apprécier au regard de l'intérêt de la société, la majorité des 2/3 des associés ayant fait le choix de transformer la SCI à capital variable en SCI familiale à capital variable, dans l'intérêt de la société et aux fins de sa pérennisation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le retrait de M. [O] ainsi voté par les associés suivant la règle de vote statutaire ne constitue pas un abus de droit de M. et Mme [T], associés majoritaires demeurés dans la SCI familiale à capital variable.

Le moyen de nullité sera rejeté.

- Sur l'absence de respect du contradictoire pour procéder à son éviction.

M. [O] soutient ne pas avoir été invité à formuler des observations à la décision de l'évincer de la SCI, l'ordre du jour étant trop lacunaire et ne lui permettant pas d'en connaître les motifs.

La procédure d'exclusion doit respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire, si bien que l'associé devra être entendu préalablement. La participation à la séance de délibération matérialise ainsi le respect de la procédure du contradictoire. Aucune obligation n'est faite au gérant de la SCI de préciser dans la convocation les motifs du retrait envisagé.

En l'espèce, les règles de convocation 15 jours avant la tenue d'assemblée générale ont été respectées puisque adressée à M. [O] 2 mois avant sa tenue. Par courrier du 19 avril 2019, les conseils de M [O] ont fait savoir à la SCI qu'il s'opposaient à la tenue de cette assemblée générale, souhaitant que soit annulée l'assemblée générale du 17 février 2018 et qu'il ne pourrait pas être présent le 30 avril 2019.

Par ailleurs, la clause de retrait d'un associé prévoyait valablement le vote de la majorité des 2/3 des parts sociales, sans prévoir la nécessité du vote de tous les associés. Elle ne prévoyait pas l'interdiction pour l'associé dont l'exclusion était envisagée de prendre part au vote.

Au regard de la précision de la convocation et de l'ordre du jour qui n'avait pas à mentionner les raisons de l'éviction alors qu'il était demandeur de la matérialisation de son départ depuis 1999 et de son opposition à assister à l'assemblée générale extraordinaire qui lui aurait permis de faire valoir sa position, le principe du contradictoire a bien été respecté. Ce moyen sera rejeté.

III - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en son recours, M. [O] en supportera les entiers dépens, et sera équitablement condamné à payer à M. et Mme [T] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Constate que la cour n'est pas saisie de la demande de communication de pièces par M. [O],

Condamne M. [O] à verser à M. et Mme [T] la somme totale de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [O] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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