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Décisions

CA Metz, 3e ch., 13 mars 2025, n° 23/01793

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 23/01793

13 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/01793 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GAZP

Minute n° 25/00077

E.A.R.L. DES ROLLES

C/

[A], [A], [M], [W], [W], [W], [W], [A], G.A.E.C. D'[Adresse 25]

Jugement Au fond, origine TJ de METZ, décision attaquée en date du 29 Juin 2023, enregistrée sous le n° 13/02100

COUR D'APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE - TI

ARRÊT DU 13 MARS 2025

APPELANTE :

E.A.R.L. DES ROLLES représentée par son représentant légal

[Adresse 8]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [V] [A]

[Adresse 20]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Madame [S] [A]

[Adresse 5]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Madame [P] [M]

[Adresse 21]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Monsieur [U] [W]

[Adresse 1]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Madame [R] [W]

[Adresse 24]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Monsieur [N] [W]

[Adresse 12]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

Madame [C] [A] épouse [Z]

[Adresse 25]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

G.A.E.C. D'[Adresse 25] Pris en la personne de son représentant légal.

[Adresse 25]

Représenté par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Vanessa KEYSER, avocat plaiant au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. MICHEL, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller

Mme DUSSAUD, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme BAJEUX, Greffier

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, et par Mme BAJEUX, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er janvier 2000, M. [V] [A] s'est associé avec M. [B] [Y] au sein du GAEC des Rolles devenu l'EARL des Rolles à compter du 1er mars 2007.

Par deux conventions du 23 octobre 2000, il a mis à disposition du GAEC des Rolles des terres situées à [Localité 28] dont il disposait en tant que propriétaire pour une surface de 7 hectares 98 ares 82 centiares, et en qualité de locataire pour une surface de 51 ares 28 ares 21 centiares, comprenant des terrains lui appartenant en indivision avec Mme [C] [A] épouse [Z], Mme [S] [A] et Mme [P] [M] (ci-après l'indivision [A]) et d'autres appartenant en indivision à MM. [U], [J] et [N] [W] et Mme [R] [W] (ci-après l'indivision [W]).

Par courrier du 8 juillet 2011, Mme [C] [Z], indiquant être désignée porte fort de l'indivision [A], a fait part à l'EARL des Rolles de la résiliation d'un commun accord des baux à ferme dont bénéficiait M. [V] [A] respectivement sur les parcelles de l'indivision [A] situées au lieu-dit [Localité 27] pour une surface de 21ha 44a 80ca et sur les terrains de l'indivision [W] pour une surface de 7ha 38a et 7ca.

Par actes d'huissier signifiés les 6, 7 et 15 mai 2013, l'EARL des Rolles a fait citer devant le tribunal de grande instance de Metz M. [V] [A], Mme [P] [M], Mme [C] [A] épouse [Z], le GAEC d'[Adresse 25], M. [U] [W], M. [J] [W], Mme [R] [W] et M. [N] [W] et au dernier état de la procédure elle a demandé au tribunal de :

- dire et juger qu'elle est titulaire d'un bail rural sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 28], cadastrées après remembrement comme suit :

' indivision [W] : section [Cadastre 9] n°[Cadastre 18] (3 parcelles) d'une superficie totale de 7ha 38a 12ca

' M. [V] [A] : section [Cadastre 9] n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 17] le [Localité 26] (6 parcelles) d'une superficie totale de 8ha 42a 84ca et section n°[Cadastre 18] le [Localité 26] (3 parcelles) d'une superficie totale de 7ha 38a 12 ca

'indivision [A] : section [Cadastre 9] n°[Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16] [Localité 27] (20 parcelles) et section [Cadastre 11] n°[Cadastre 23] le [Localité 26] (1 parcelle) d'une superficie totale de 32ha 16a 55ca

- constater que le GAEC d'[Adresse 25] est occupant sans droit ni titre de ces parcelles et le condamner à libérer les parcelles sus-indiquées dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et au besoin prononcer son expulsion

- condamner solidairement les défendeurs à lui verser au titre du préjudice d'exploitation subi par elle jusqu'à la restitution des parcelles, la somme de 1.040.949 euros avec intérêts légaux à compter de la signification du jugement à intervenir

- condamner les défendeurs aux dépens et à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les défendeurs ont demandé au tribunal de :

- dire et juger irrecevable l'EARL des Rolles en ses demandes, celles-ci étant prescrites à l'exception de la demande de reconnaissance d'un bail rural sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 9] n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 6]

- débouter l'EARL des Rolles de toutes ses prétentions

- la condamner à payer à chacun d'eux la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 juin 2023, le tribunal judiciaire de Metz à :

- déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de l'EARL des Rolles tendant à la reconnaissance d'un bail rural sur :

' les parcelles de l'indivision [W] pour 7ha 38a 12ca

' les parcelles mentionnées comme étant la propriété de M. [A] cadastrées en section [Cadastre 9] n°[Cadastre 22] et [Cadastre 19] pour 9ha 96a 64ca

' les parcelles de l'indivision [A] pour 32ha 16a 55 ca

- débouté l'EARL des Rolles de sa demande tendant à la reconnaissance d'un bail rural sur les parcelles de M. [V] [A] section [Cadastre 9] n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 6] pour 8ha 32a

- débouté l'EARL des Rolles de ses demandes plus amples tendant à l'expulsion du GAEC d'[Adresse 25] et en dommages et intérêts pour préjudice d'exploitation

- débouté M. [V] [A], Mme [C] [Z], Mme [P] [M], le GAEC d'[Adresse 25], M. [U] [W], M. [J] [W], Mme [R] [W], M. [N] [W] et Mme [S] [A] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné l'EARL des Rolles à payer aux défendeurs la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 'a déboutée de sa demande à ce titre

- condamné l'EARL des Rolles aux dépens sans distraction au profit de l'avocat.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 1er septembre 2023, l'EARL des Rolles a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 novembre 2024, elle demande à la cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes plus amples et tendant à obtenir des dommages et intérêts et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner solidairement, en tous les cas in solidum, M. [V] [A], Mme [C] [A], Mme [S] [A], Mme [P] [M], le GAEC d'[Adresse 25], M. [U] [W], M. [J] [W], Mme [R] [W] et M. [N] [W] à lui payer la somme de 1.049.949 euros

- subsidiairement ordonner avant dire droit une expertise comptable aux fins de chiffrer son préjudice suite à la perte de la possibilité d'exploiter les parcelles objet des baux dont M. [V] [A] s'était engagé à lui mettre à disposition ainsi que de la perte de possibilité d'exploiter les parcelles propriété de l'indivision [W] louées par bail direct et enfin au titre de l'impossibilité d'accéder aux parcelles appartenant à M. [V] [A] louées selon les critères de la convention du 7 février 2002

- en toute hypothèse lui réserver le droit de compléter ou affiner le chiffrage de son préjudice

- débouter les intimés de leurs prétentions

- les condamner solidairement, en tous les cas in solidum, aux entiers frais et dépens et à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante indique que dans le cadre de l'appel, elle n'entend reprendre que sa demande indemnitaire fondée sur le non-respect de la convention de mise à disposition, qui n'est pas l'accessoire de la demande tendant à reconnaître l'existence de baux ruraux sur les parcelles litigieuses contrairement à ce qu'a estimé le premier juge. Elle précise que la responsabilité des intimés est engagée tant sur le fondement contractuel que subsidiairement sur le fondement délictuel, faisant valoir que les baux n'arrivaient à échéance qu'en 2017 ou 2018 et que M. [V] [A] n'avait pas de raison d'y renoncer sauf à vouloir favoriser Mme [C] [A], sa s'ur, qui voulait les reprendre au sein du GAEC d'[Adresse 25]. Elle ajoute que la mauvaise foi de M. [A] s'évince des circonstances de la rupture, celle-ci étant intervenue sans motifs légitimes et pratiquement au même moment pour tous les baux et souligne que le même procédé a été utilisé en 2012 pour la parcelle section [Cadastre 11] n°[Cadastre 23] sur laquelle était situé un hangar, concluant que le principe de la faute doit être retenu.

Sur le préjudice, elle expose avoir procédé à de nombreux investissements pour assurer l'exploitation de toutes les terres dont elle disposait depuis le 23 octobre 2000, mis aux normes les bâtiments, installé des stabulations, investi dans du matériel supplémentaire, augmenté le nombre de bêtes et conservé à sa charge le passif apporté par M. [A]. Les baux venant à expiration en 2017, elle soutient être fondée à réclamer une perte d'exploitation calculée sur la base d'une marge brute de 1.673 euros à l'hectare sur 10 ans, majorée de 10% pour déséquilibre d'exploitation et de la somme de 360 euros à l'hectare du chef des fumures et arrières fumures. Le préjudice arrêté au 10 avril 2021 est chiffré aux sommes de 603.605 euros pour les parcelles de l'indivision [A], 138.469 euros pour celles de l'indivision [W] et 186.997 euros pour celles de M. [A] louées à l'EARL des Rolles, auxquelles doivent être ajoutées les sommes de 101.878 euros du chef de la privation des terrains que M. [A] a mis initialement à sa disposition et 10.000 euro au titre de la perte de jouissance du hangar sur la parcelle section [Cadastre 11] n°[Cadastre 23]. Subsidiairement, elle sollicite une expertise comptable.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 25 novembre 2024, M. [V] [A], Mme [C] [A], Mme [S] [A], Mme [P] [M], le GAEC d'[Adresse 25], M. [U] [W], M. [J] [W], Mme [R] [W] et M. [N] [W] demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, débouter en tout état de cause l'EARL des Rolles de toutes ses demandes et la condamner à payer à chacun d'eux la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent que le tribunal a considéré à juste titre que la demande indemnitaire de l'appelante au titre de son préjudice d'exploitation, n'était qu'accessoire à ses demandes principales tendant à la reconnaissance de l'existence d'un bail rural sur les parcelles objet du litige, en sorte que celles-ci ayant été déclarées irrecevables comme prescrites ou rejetées, la demande indemnitaire doit elle-même être rejetée, concluant à la confirmation du jugement.

Ils exposent que M. [Y] a décidé de 'couler' l'EARL des Rolles pour ne pas avoir à racheter les parts sociales de son co-associé M. [A], qu'il a cessé de mettre ses bâtiments à la disposition de cette société puis décidé de supprimer la production de lait et qu'il fait exploiter tous ses actifs par une nouvelle entité, l'EARL du Carbonne Vert qu'il a créée le 12 février 2015 dont il est le seul associé. Ils précisent que M. [A] a travaillé pour le compte de l'EARL des Rolles pendant 11 ans et que la reprise de son passif a été largement amortie alors que M. [Y], gérant unique qui a vendu seul tout le troupeau, a encaissé des sommes importantes en faisant ainsi disparaître une grande partie de l'actif social. Ils ajoutent que M. [A] devait quitter l'EARL à la fin de l'année 2011, que des négociations ont été engagées à cette période pour la cession de ses parts à M. [Y] qui n'a pas donné suite en exigeant d'autres avantages et que depuis lors les parties sont en conflit, l'appelant profitant de ce délai pour organiser l'insolvabilité de la société, imposant des pertes colossales à son associé dont le solde du compte courant ne cesse de s'aggraver en raison du compte d'exploitation largement déficitaire.

Au visa de l'article L.411-37 du code rural, les intimés font valoir que la résiliation des baux était inévitable en raison de la cessation d'exploitation du preneur du fait de son départ de l'EARL des Rolles laquelle n'a pris aucune disposition pour anticiper les aménagements nécessaires. Ils contestent l'avoir brutalement mise devant le fait accompli en soulignant que son départ a fait l'objet de négociations durant plusieurs mois et que 'la cessation laitière' était elle aussi décidée depuis des mois afin d'anticiper la disparition des quotas laitiers en 2014. S'agissant plus précisément des terres appartenant à M. [A], ils soulignent qu'en vertu de la convention du 23 octobre 2000, elles ont été mises à disposition pour une durée de 9 ans, renouvelable par tacite reconduction à durée indéterminée et qu'il y a été mis fin par lettre du 30 avril 2017 à effet du 1er décembre 2017, conformément aux dispositions de la convention.

Ils soutiennent que les préjudices allégués ne sont pas démontrés, l'EARL des Rolles ne versant au débat aucun élément de comptabilité, ne transmettant aucune donnée pour les années postérieures à 2012 et ne produisant pas les marges moyennes du secteur. Ils ajoutent que la marge brute globale n'est absolument pas significative, que le préjudice est chiffré sur une base de 39 hectares alors que l'appelante n'a jamais été bénéficiaire du droit d'exploiter une telle surface qui comprend des parcelles qui ne sont pas concernées par une des conventions et une durée de 10 ans, au delà même de la durée d'un bail, alors qu'une mise à disposition, accessoire de la qualité d'associé, ne répond à aucune règle spécifique quant à sa durée. Ils font enfin valoir que les conventions de mise à disposition, seuls contrats liant les parties, retiraient tout droit à l'EARL dès lors que l'associé, M. [V] [A], ne maintenait pas cette mise à disposition et qu'il y a été mis fin en bonne et due forme, ajoutant que l'appelante n'étant bénéficiaire d'aucun bail, aucune indemnisation au titre d'un quelconque préjudice ne peut valablement être demandée. Enfin ils s'opposent à la demande d'expertise judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la reconnaissance d'un bail rural, l'expulsion du GAEC d'[Adresse 25]

Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu'un bordereau récapitulatif des pièces annexé. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Si l'EARL des Rolles a interjeté appel de toutes les dispositions du jugement, il est constaté que ses conclusions ne contiennent aucune critique ni prétention du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande tendant à la reconnaissance d'un bail sur certaines parcelles, l'a déboutée de sa demande tendant à la reconnaissance d'un bail rural sur les autres parcelles et la déboutée de sa demande tendant à l'expulsion du GAEC d'[Adresse 25], l'appelante indiquant expressément ne critiquer le jugement qu'en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire. En conséquence ces dispositions sont confirmées.

Eu égard à l'absence d'appel incident et de moyen et prétention présentés par l'appelante à l'encontre de la disposition du jugement ayant débouté les intimés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle-ci est également confirmée.

Sur la demande indemnitaire

L'ancien article 1147 du code civil (devenu article 1231-1) applicable au litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la responsabilité des intimés est recherchée à titre principal sur un fondement contractuel, en raison du non respect des conventions de mise à disposition. Le fait qu'en première instance, l'EARL des Rolles ait sollicité dans le dispositif de ses dernières conclusions l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un préjudice d'exploitation en suite de sa demande tendant à voir juger qu'elle était titulaire d'un bail rural sur les parcelles litigieuses, n'est pas de nature à faire échec à ses prétentions indemnitaires fondées à hauteur d'appel sur la violation des dites conventions, étant rappelé qu'en application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Le manquement invoqué à l'appui des demandes indemnitaires porte sur la rupture des conventions du 23 octobre 2000, laquelle est intervenue dans des circonstances différentes pour chacune d'entre elles.

La convention relative aux terrains dont M. [A] est propriétaire, dérogatoire au statut du fermage sur le fondement de l'article L.411-2 du code rural, a été consentie 'pour une durée de 9 ans à compter du 1er décembre 1999, renouvelable par tacite reconduction sauf opposition notifiée par l'une des parties à l'autre, 6 mois au moins avant l'expiration de la période en cours' (article 2). Il est constant qu'à l'issue d'une première période de neuf ans (1er décembre 2008), elle a été renouvelée par tacite reconduction pour arriver à expiration le 1er décembre 2017. Il résulte des pièces que le propriétaire a informé l'EARL des Rolles qu'il mettait fin à la convention par lettre recommandée datée du 30 avril 2017 à effet du 1er décembre 2017. La convention a donc été rompue à son échéance et à l'issue du délai de préavis qu'elle prévoit, en sorte que l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun manquement de ce chef. Il n'est pas démontré qu'avant cette échéance, M. [A] a supprimé l'accès à une partie des parcelles faisant l'objet de la convention. Le constat d'huissier en date du 26 mars 2014 produit à cet effet qui relève l'existence d'un accès de 3,50m de largeur avec une 'assez forte pente qui peut rendre l'accès difficile notamment en cas de forte pluie', n'établit à lui seul ni qu'il s'agit du seul chemin, ni qu'il est inadapté à la destination des parcelles, ni même que le propriétaire s'est engagé à faire un passage permettant d'accéder en tracteur et en moissonneuse, ces deux derniers points ne ressortant que des déclarations de M. [Y], gérant de l'appelante. Il est relevé en outre que le plan cadastral versé au débat révèle que chacune des parcelles de M. [A] est bordée d'un chemin rural. La violation de la convention relative aux terrains en propriété n'est donc pas démontrée et l'existence d'une faute délictuelle, invoquée à titre subsidiaire, n'est pas davantage établie.

S'agissant de la convention relative aux terrains en location de M. [A], il résulte de l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable au litige (antérieure à la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014) qu'à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

Conformément à ce texte, la convention prévoit que la durée de la mise à disposition ne peut être supérieure à celle des baux. En revanche, comme les dispositions légales, elle n'impose pas au preneur de poursuivre ces baux jusqu'à leur échéance et n'interdit pas non plus leur résiliation anticipée. Dès lors, les intimés ne peuvent être incriminés du seul fait que les baux ont été 'abandonnés' avant leur échéance, la convention indiquant d'ailleurs expressément que l'autorisation d'exploiter cesse de plein droit en cas de 'résiliation anticipée' du bail, en sorte que nécessairement l'anticipation n'est pas prohibée. C'est également en vain que l'appelante fait valoir que la résiliation est dépourvue de motifs légitimes. Il ressort en effet de ses écritures que M. [A] a 'abandonné' l'exploitation du GAEC avant sa transformation en EARL en 2007 pour se faire embaucher dans une entreprise de travaux publics et dès lors, en application de l'article L.411-37 précité, faute de participation effective et permanente du preneur aux travaux de l'exploitation, la résiliation était en tout état de cause encourue depuis des années. Elle apparaît d'autant plus fondée qu'elle est concomitante aux démarches entreprises par M. [A] pour se retirer de l'EARL des Rolles ainsi qu'en atteste le projet d'acte prévoyant la cession de ses parts à effet du 31 décembre 2011 et en conséquence, indépendamment du sort des baux, ce retrait entraînait de plein droit la cessation de la mise à disposition ainsi que le précise expressément la convention. Il n'est par ailleurs établi par aucune pièce que l'appelante s'est trouvée privée 'du jour au lendemain' des parcelles litigieuses comme elle le soutient. Il ressort en revanche de ses écritures qu'elle a été informée au début de l'année 2011 de la volonté de l'indivision [A] de récupérer ces terrains et il apparaît au regard des termes de la lettre adressée au mois de juillet 2011, qu'il lui a été laissé jusqu'à la fin de l'année culturale pour libérer ces terrains ainsi que ceux de l'indivision [W].

Il s'en déduit que la preuve d'un manquement de M. [A] à la convention de mise à disposition des terrains en location au détriment de l'EARL des Rolles n'est pas établie. L'existence d'une faute délictuelle tenant notamment à une collusion, commise par les propriétaires indivis des parcelles louées ou encore par le GAEC d'[Adresse 25] et sa gérante Mme [A] épouse [Z], est d'autant moins prouvée que comme il l'a été exposé ci-avant, ceux-ci pouvaient valablement se prévaloir de la résiliation des baux bien avant l'année 2011, faute de participation effective de M. [A] à l'exploitation.

Il est relevé enfin qu'indépendamment du non respect des conventions, les demandes indemnitaires de l'appelante portent également sur la privation de parcelles appartenant à M. [A] qui ne figurent dans aucune de ces conventions (parcelles section [Cadastre 9] n°[Cadastre 22] et [Cadastre 19] [Localité 27]) ainsi que d'un hangar (section [Cadastre 11] plan [Cadastre 23] ). Toutefois, les circonstances et conditions dans lesquelles ces terres et ce bâtiment ont été mis à sa disposition puis récupérés ne sont ni justifiées, ni même expliquées, en sorte qu'elles ne peuvent fonder l'allocation d'une indemnisation.

A défaut de preuve d'une faute commise par M. [A] et les membres des deux indivisions, leur responsabilité contractuelle ou délictuelle n'est pas engagée et dès lors, il n'y pas lieu d'ordonner une expertise aux fins de chiffrer le préjudice invoqué par l'EARL des Rolles. Celle-ci est donc déboutée de sa demande d'expertise et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires.

Sur les autres dispositions

Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu'un bordereau récapitulatif des pièces annexé. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, les intimés ne critiquant pas le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et ne reprenant pas cette demande en appel, la disposition du jugement est confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

L'appelante, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à verser la somme de 2.000 euros à l'ensemble des intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. Elle est déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

DÉBOUTE l'EARL des Rolles de sa demande d'expertise ;

CONDAMNE l'EARL des Rolles aux dépens d'appel;

DÉBOUTE l'EARL des Rolles de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE l'EARL des Rolles à payer au GAEC d'[Adresse 25], à Mme [C] [A] épouse [Z], M. [V] [A], M. [J] [W], M. [U] [W], Mme [R] [W], M. [N] [W], Mme [P] [M] et Mme [S] [A], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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