CA Lyon, 3e ch. a, 13 mars 2025, n° 20/07272
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 20/07272 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJYH
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 25 novembre 2020
RG : 2018j00968
ch n°
[X]
[W]
S.A.S. PARTENERGIL
C/
S.A.R.L. ALIXIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 13 Mars 2025
APPELANTS :
La société PARTENERGIL
société par action simplifiée, inscrite au RCS de LYON sous le n°820 101 368, prise en la personne de son représentant légal en
exercice,
Sis [Adresse 6]
[Localité 1]
Et
Madame [B] [X]
née le 21 octobre 1969,
de nationalité française,
exerçant la profession d'enseignante,
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Monsieur [H] [W],
né le 13 avril 1961,
de nationalité française,
exerçant la
profession d'entrepreneur
demeurant [Adresse 6]
[Localité 1],
Représentés par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215
INTIMEE :
La Société ALIXIA
Société à responsabilité limitée à associé unique, au capital de 737 669 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 802 177 014, représentée par son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, avocat postulant et de Me Anne-Julie GUIBERTEAU, avocate au barreau de LYON, avocat plaidant
******
Date de clôture de l'instruction : 03 Décembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Janvier 2025
Date de mise à disposition : 13 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Partenergil, dirigée par M. [H] [W], est une société holding qui a pour activités la détention et la prise de participations au capital de toutes sociétés ainsi qu'à l'animation de celles-ci à travers la participation active à la conduite de la politique du groupe.
La SARL Alixia, dirigée par M. [F] [S], est une société holding qui préside la société SRI, spécialisée en éco-équipements, conçus pour les opérations de nettoyage dans les ateliers de maintenance des sociétés industrielles, dont elle détient l'intégralité du capital social.
Au cours de l'année 2017, la cession de la société SRI a été envisagée par ses dirigeants.
À compter du mois de mars 2017, la société Partenergil et Mme [B] [X], associée au projet par M. [W], ont été en pourparlers avec la société Alixia pour le rachat de la totalité des parts de la société SRI.
Le 18 octobre 2017, M. [W] et Mme [X] ont fait parvenir à la société Alixia une « lettre d'intention relative aux conditions et modalités d'acquisition de la totalité des titres de SRI France » pour un prix de cession estimé à 5 250 000 euros. Cette lettre a été contresignée le 26 octobre par M. [F] [S] pour le compte de la société Alixia.
Elle prévoyait la réalisation d'un audit de la société SRI avant le 30 novembre 2017 et le principe d'une garantie d'actif et de passif.
Un projet de protocole de cession a été adressé aux acquéreurs par la société Alixia le 22 novembre 2017 prévoyant qu'une garantie conventionnelle d'actif et de passif serait accordée, au plus tard à la date de réalisation, selon la forme figurant en annexe 2.
Les acquéreurs ont pris acte, par une lettre du 21 décembre 2017, de la fin des négociations et ont sollicité des vendeurs l'indemnisation des frais d'audit qu'ils ont engagés, en invoquant la mauvaise foi de ces derniers.
Le 12 janvier 2018, M. [W] et Mme [X] ont mis en demeure la société Alixia de leur régler la somme de 50 000 euros à ce titre, demande réitérée par une lettre de leur conseil du 2 février 2018.
Le 15 février 2018, le conseil de la société Alixia a répondu à la société Partenergil et à Mme [X] qu'il ne serait pas donné suite à la mise en demeure.
Par acte introductif d'instance du 14 juin 2018, la société Partenergil et Mme [X] ont fait assigner la société Alixia devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'engager sa responsabilité civile et d'obtenir l'indemnisation des frais qu'ils ont exposés en pure perte dans le cadre des négociations, en invoquant sa mauvaise foi et sa légèreté fautive dans la conduite et la fin des négociations et en lui reprochant de ne pas avoir exécuté de bonne foi l'accord de confidentialité du 4 avril 2017 et la lettre d'intention du 20 octobre 2017.
M. [W] est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :
- dit recevable l'action de la société Partenergil,
- débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de leurs demandes, fins et conclusions,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alixia contre Mme [X] et M. [W],
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alixia contre la société Partenergil,
- condamné la société Partenergil et Mme [X] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance,
- condamné la société Partenergil et Mme [X] in solidum à payer à la société Alixia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
'
Par déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2020, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ont interjeté appel de ce jugement, portant sur les chefs de la décision les ayant déboutés de leurs demandes fins et conclusions et ayant condamné la société Partenergil et Mme [X] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance et à payer à la société Alixia une indemnité de procédure de 5 000 euros.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, la présidente de la 3ème chambre A a révoqué l'ordonnance de clôture afin que la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] puisse produire une nouvelle pièce aux débats.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] demandent à la cour, au visa des articles 1112, 1112-1, 1193 et suivants du code civil et 1240 et suivants du même code, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Partenergil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Alixia de ses demandes reconventionnelles,
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
' débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de leurs demandes, fins et conclusions,
' condamné la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance,
' condamné la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] à payer à la société Alixia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- déclarer recevable l'action de la société Partenergil à l'encontre de la société Alixia,
- juger que la société Alixia a manqué de bonne foi et fait preuve, pour le moins, d'une légèreté fautive dans la conduite des négociations entre les parties,
- juger que la société Alixia a manqué à son exécution de bonne foi de l'accord de confidentialité du 4 avril 2017 et de la lettre d'intention du 20 octobre 2017,
- juger que la société Alixia a manqué de bonne foi et fait preuve, pour le moins, d'une légèreté fautive dans la rupture des négociations entre les parties,
- juger que la société Alixia ne démontre pas l'existence de motifs légitimes,
- juger en conséquence qu'elle a engagé sa responsabilité civile à l'égard de M. [W] et Mme [X] et à l'encontre de la société Partenergil,
- condamner la société Alixia à indemniser les frais qu'ils ont exposés en pure perte dans le cadre de ces négociations,
- condamner la société Alixia à les indemniser au regard des trois mois à temps plein consacrés à la cession de la société SRI,
En conséquence,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil, ou subsidiairement à M. [W], la somme de 43 426,20 euros TTC et à Mme [X] la somme de 10 578 euros TTC à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil ou, subsidiairement, à M. [W], la somme de 22 500 euros et à Mme [X] la somme de 22 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil et à Mme [X] la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société Alixia demande à la cour, au visa des articles 31, 122 et 700 du code de procédure civile, des articles 1112, 1112-1 et 1249 du code civil et de l'article L.441-3 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 25 novembre 2020 en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les a condamnés à lui régler 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- le réformer pour le surplus,
- dire qu'elle n'a pas rompu unilatéralement et abusivement les négociations,
- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de bonne foi au cours des négociations,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle dans le cadre de ces négociations,
- dire que la demande indemnitaire de la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] n'est fondée ni dans son montant, ni dans son principe,
- débouter de l'ensemble de leurs demandes et prétentions la société Partenergil, Mme [X] et M. [W],
- dire que les appelants ont manqué à leur obligation de négocier de bonne foi,
- condamner Mme [X] et M. [W] in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de leur mauvaise foi dans la négociation,
- dire que l'appel est abusif,
- condamner la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] in solidum au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la présente procédure,
- condamner la société Partenergil et Mme [X] in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 décembre 2024, les débats étant fixés au 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que les demandes qui tendent à ce qu'elle ' dise et juge', qui ne font que reprendre des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile. En application de l'article 954 du code de procédure civile, il ne sera donc pas statué sur ces « demandes ».
A titre liminaire également, l'intimée se prévaut du caractère déloyal des pièces n°8, 28, 47, 49 et 50 produites par les appelants, dont elle sollicite le rejet et l'irrecevabilité dans le corps de ses écritures, sans toutefois le demander dans le dispositif de celles-ci.
La cour n'est donc saisie d'aucune demande relative aux pièces communiquées.
En outre, la pièce 49 a été retirée du bordereau des pièces communiquées par les appelants.
Sur la recevabilité de l'action dirigée contre la seule société Alixia
Au visa de l'article 31 du code de procédure civile, la société Alixia prétend que l'action dirigée à son encontre est irrecevable au motif qu'elle seule est assignée, à l'exclusion des époux [S], alors que les demandes des appelants reposent sur des fautes que ces derniers auraient prétendument commises et qu'ils échouent à démontrer que ces fautes auraient été commises pour son compte et conformément à son intérêt social.
Elle ne conclut toutefois pas à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre au terme du dispositif de ses conclusions et la cour n'est donc pas saisie de cette fin de non recevoir.
Sur la recevabilité des demandes de la société Partenergil
Dans le corps de ses écritures, la société Alixia prétend que la société Partenergil n'a ni qualité ni intérêt à agir en faisant valoir qu'elle n'était pas partie aux négociations rompues.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions qui comportent 112 pages, elle se contente toutefois de conclure à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes et en ce qu'il les a condamnés à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux entiers dépens, et de le réformer pour le surplus, en sollicitant le débouté de l'ensemble des demandes des appelants.
La cour n'est donc saisie d'aucune fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Partenergil.
Sur les manquements de la société Alixia à son obligation de bonne foi dans les négociations
Les appelants reprochent à la société Alixia d'avoir manqué à son obligation de négocier de bonne foi en dissimulant des informations qu'elle savait essentielles pour la poursuite et la bonne tenue des négociations et en rompant brutalement ces négociations pour un motif dont elle avait connaissance depuis plusieurs mois.
Sur la dissimulation d'informations déterminantes
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] prétendent que la société Alixia a dissimulé des informations déterminantes avant la signature de la lettre d'intention, qui ne leur ont pas été révélées spontanément mais seulement au cours de l'audit, à leur demande et sur leur insistance, ce qui caractérise sa mauvaise foi.
Ils font valoir que la lettre d'intention prévoyait expressément comme condition suspensive à la vente que l'audit ne révèle pas d'anomalie significative d'un montant supérieur à 10 000 euros, seuil bas justifié par les informations rassurantes fournies par l'intimée, et ajoutent que, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, aucun audit industriel n'a été réalisé lors de la phase de négociation de l'opération de rachat et seul un audit en propriété intellectuelle a été effectué, qui n'a pas la même finalité.
Ils contestent l'inexistence des rapports d'audit invoquée par la société Alixia, en se prévalant de la production d'un rapport d'audit comptable en pièce 25 et de plusieurs éléments de la phase d'audit, tels que les échanges avec les époux [S], les correspondances de leurs conseils, les projets de rapport d'audit attestant du travail d'analyse entrepris et les attestations de prestataires, et en estimant que le fait que les recherches effectuées aient ou non donné lieu à un rapport d'audit finalisé n'a pas d'incidence sur la solution du ligitige, dès lors que les découvertes résultant du travail d'audit révèlent les dissimulations volontaires par les vendeurs de certaines informations.
Ils reprochent notamment à la société Alixia d'avoir dissimulé l'existence d'un contentieux de contrefaçon dont l'audit du cabinet Lamy a permis de découvrir l'existence, et qui justifiait l'inscription d'une provision pour risque conséquente, ainsi que l'existence d'une fraude fiscale pouvant donner lieu à redressement qu'elle n'a jamais contestée pendant la procédure, mais également l'existence de litiges sociaux, l'audit du cabinet Eole ayant révélé, qu'en trois ans, la société SRI avait connu 13 départs sur 18 postes alors que la société Alixia n'avait jamais fait mention d'un quelconque turn over, ce qui était une information essentielle.
Ils estiment que la volonté de l'intimée de dissimuler des informations pour convaincre les acquéreurs de l'absence de nécessité d'une garantie d'actif et de passif est patente, le montant des sommes en jeu en cas d'action en contrefaçon étant très supérieur au plafond de 10 000 euros prévu par la lettre d'information.
La société intimée conteste avoir fait preuve de déloyauté au cours des pourparlers et considère que la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ne rapportent pas la preuve qu'elle était tenue de leur communiquer les informations litigieuses préalablement aux audits et qu'elle s'est abstenue de leur communiquer ces informations délibérément.
Elle ajoute que la réalisation des audits avait été prévue dès le départ de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt à dissimuler des éléments qu'ils allaient révéler quelques semaines plus tard, en soulignant qu'aucun risque significatif n'a été révélé lors des audits, ce qui se déduit de la poursuite des discussions, les appelants n'ayant pas renoncé à l'acquisition après la révélation des informations, mais également du résultat des audits qui n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun rapport.
Elle relève que les éléments invoqués par les appelants ont été mis à leur disposition lors des audits, avant toute signature et même négociation du protocole d'acquisition, et que les sujets litigieux avaient été abordés oralement lors des rencontres avec M. [W], avant même le début des audits.
L'article 1112 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, énonce que « L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.»
L'article 1112-1 du même code dispose que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.»
En l'espèce, les appelants prétendent que les omissions et dissimulations volontaires de l'intimée constitutives d'un manquement à son obligation de négocier de bonne foi, les ont contraints à supporter les frais d'un audit plus poussé que celui initialement envisagé.
Il résulte de la lettre d'intention signée le 20 octobre 2017 par le représentant de la société Alixia, M. [W] et Mme [X] que la réalisation de l'opération d'acquisition était subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions, parmi lesquelles un audit de la société, effectué avant le 30 novembre 2017, préalablement à la signature du protocole, notamment dans les domaines comptable, financier, fiscal, juridique, social, contractuel, règlementaire, technologies de l'information et contentieux, l'acquisition étant subordonnée aux conclusions de cet audit qui ne devait pas révéler d'anomalie significative.
Or les informations prétendument dissimulées aux acquéreurs qui relèvent des domaines juridique, contractuel, fiscal et social, et qui leur ont été communiquées à l'occasion de l'audit prévu par la lettre d'intention, n'avaient pas une importance déterminante pour leur consentement puisqu'après révélation de ces informations, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ont maintenu leur décision d'acquérir la société SRI et qu'ils reprochent à la société Alixia d'avoir abusivement rompu les négociations.
Il n'est par ailleurs pas établi que la société Alixia a sciemment dissimulé des informations portant sur le contentieux de contrefaçon, la fraude fiscale et l'existence de litiges sociaux, alors qu'elle avait consenti à la réalisation d'un audit complet qui devait permettre aux acquéreurs d'être pleinement informés en matière juridique, fiscale et sociale.
Enfin, la faute reprochée à la société intimée est sans lien de causalité avec le préjudice dont les appelants sollicitent réparation, dès lors que la réalisation des travaux d'audit étaient une condition suspensive à la cession et qu'en outre il n'est pas démontré que le budget inialement prévu pour ces travaux a été dépassé, étant observé que, dès le 27 octobre 2017, M. [W] annonçait par mail aux époux [S] l'intervention de son cabinet d'expertise comptable, de M. [I] et Mme [O] pour l'audit juridique, d'une part, et du cabinet Eole avocats d'autre part.
Le tribunal a donc justement retenu que le manquement de la société Alixia à son obligation de négocier de bonne foi n'était pas caractérisé.
Sur le caractère abusif de la rupture des négociations par la société Alixia
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] reprochent au tribunal d'avoir éludé cette demande et soutiennent que la rupture des négociations est intervenue à l'initiative de la société Alixia, pour un motif qui existait depuis la lettre d'intention du 20 octobre 2017, qui prévoyait que l'audit devait permettre de fixer le montant de la garantie à première demande et de la garantie d'actif et de passif, dont les termes étaient déjà définis dans cette lettre d'intention.
Ils font valoir que la longueur des pourparlers est un critère pouvant participer à la caractérisation de l'abus, que la rupture peut en soi être une manifestation de la mauvaise foi et que la dissimulation d'informations et la rupture motivée par des éléments dont la partie avait connaissance de longue date peuvent caractériser sa mauvaise foi dans la tenue et la rupture des négociations, l'intention de nuire n'étant pas requise pour démontrer le caractère abusif de la rupture.
Ils relèvent, qu'en l'espèce, la société Alixia est incapable de produire le moindre échange concernant la garantie d'actif et de passif et considèrent que la situation de blocage irréductible qu'elle invoque ne repose sur aucun élément, étant incapable de démontrer qu'elle a formulé la moindre contre proposition concernant cette garantie d'actif et de passif.
Ils ajoutent que M. [K], représentant de la société RH Presence, a attesté que la société intimée ne voulait plus vendre en raison de l'existence même d'une garantie d'actif et de passif, ce qui démontre que la société Alixia a refusé de vendre et a stoppé toute négociation au début du mois de décembre 2017, en raison de l'existence d'une garantie d'actif et de passif qui était prévue depuis la lettre d'intention du 20 octobre 2017.
Ils soulignent que l'intimée prétend que la rupture a été justifiée par le non respect du calendrier fixé dans la lettre d'intention mais qu'elle ne produit aucune pièce évoquant ce retard, qui n'était que de quelques jours et justifié par le nombre de sujets de garantie d'actif et de passif révélé par les audits, et alors que le calendrier fixé par la lettre d'intention était mentionné 'à titre indicatif' et dépendait des diligences de l'intimée, de sorte que le retard lui est exclusivement imputable.
Ils estiment que la société Alixia a fait preuve de mauvaise foi en affirmant que la rupture des pourparlers résulte du fait que M. [W] n'aurait pas eu le financement nécessaire à l'opération et qu'il serait à l'origine de la rupture des pourparlers, ce que contredit le témoignage de M. [M] qui atteste de la pleine compétence de M. [W] et Mme [X] pour acquérir, chacun seul, les titres de la société cédée, en ajoutant que les doutes de la société cédante sur la capacité de ces derniers à assurer la pérennisation de l'activité de l'entreprise en France ne sont étayés par aucune pièce et sont contredits par les établissements financiers.
Ils en déduisent qu'aucun des motifs énoncés par l'intimée ne constitue un motif légitime de refus de poursuivre les pourparlers.
La société Alixia conteste avoir rompu les pourparlers qui ont selon elle pris fin en raison du désaccord des parties sur les conditions essentielles de la cession à venir, en rappelant que seule l'absence de bonne foi dans la rupture des négociations est sanctionnée par la jurisprudence.
Elle fait valoir que ce sont les appelants qui ont mis fin aux négociations en ne transmettant pas leurs conditions avant l'expiration du délai prévu dans leur lettre d'intention d'une part, et en refusant de faire un retour sur le projet de protocole d'acquisition malgré ses relances d'autre part, considérant qu'elle était en droit de refuser les conditions anormales de garanties fixées unilatéralement par les appelants, que ces derniers n'étaient pas prêts à négocier.
Elle précise que M. [W] et Mme [X] ont de façon illégitime et inhabituelle souhaité écarter des discussions leurs conseils et souligne que les pourparlers n'étaient pas très avancés lors de la rupture puisqu'il n'existait pas de protocole de cession prêt à être signé.
Elle estime ne pas avoir fait preuve de mauvaise foi dans l'arrêt des pourparlers, pouvant légitimement croire, au regard des circonstances, que les négociations n'aboutiraient pas, le montant de la garantie d'actif et de passif sollicité par les acquéreurs étant très important, injustifié et inacceptable, de sorte que son refus ne peut constituer un abus.
Elle ajoute que l'absence de projet à l'international des repreneurs et la trop courte durée de l'accompagnement prévu, alors que les garanties sollicitées étaient importantes, ont fait obstacle à la réalisation de l'opération.
La lettre d'intention signée par les parties prévoyait expressément qu'un protocole d'accord sous conditions suspensives serait négocié et conclu, au plus tard le 14 décembre 2017, réitérant les termes de l'offre et prévoyant notamment la mise en place, au profit de la société cessionnaire, d'accords de garantie d'actif et de passif comme indiqué ci-dessus, dont les termes auront été arrêtés concomitamment à ceux du protocole, l'objectif étant, dans la mesure du possible, d'avoir levé toutes les conditions suspensives mentionnées au paragraphe B au plus tard le 31 janvier 2018, ce qui permettrait une date effective de réalisation de l'opération le 1er mars 2018 au plus tard.
Or, il résulte du procès-verbal de constat établi le 22 juillet 2024 par Me [C], commissaire de justice à [Localité 7], qui a retranscrit un fichier audio figurant dans le smartphone de M. [W], correspondant à un entretien téléphonique qui a eu lieu le 20 décembre 2017 entre les époux [S], dirigeants de la société SRI, M. [W], Mme [X] et M. [K], salarié de la société RH Présence, enregistré à l'insu de M. et Mme [S], que ce sont les époux [S] qui ont pris l'initiative de la rupture des négociations, étant précisé que la société intimée ne demande pas que cette pièce soit écartée des débats, en dépit de son caractère déloyal, considérant que l'enregistrement constitue un aveu judiciaire de la mauvaise foi des appelants et démontre au contraire la bonne foi des époux [S].
Si, en application de l'article 1112 du code civil, la société Alixia était libre de mettre un terme aux pourparlers pré contractuels, elle engage sa responsabilité si elle commet une faute dans l'exercice de cette liberté.
A la date de rupture des négociations, le 20 décembre 2017, les négociations étaient engagées depuis plus de six mois et un projet de protocole d'accord avait été transmis par la société cédante, le 21 novembre 2017, dans le délai imparti par la lettre d'intention, qui n'a pas fait l'objet d'une acceptation ou d'une contre proposition de la part des acquéreurs, alors qu'il prévoyait qu'une garantie conventionnelle d'actif et de passif serait accordée, au plus tard à la date de réalisation, et que les comptes servant à la garantie seraient les comptes clos le 31 décembre 2017, réaffirmant le principe d'une garantie d'actif et de passif dont le montant restait à négocier.
Après l'envoi de ce document, les époux [S] ont continué à répondre aux nombreuses demandes d'informations émanant de M. [W] en date des 22, 23, 28 et 29 novembre 2017, 1er, 6 et 7 décembre 2017, lequel disposait à cette date des conclusions des audits.
Le 21 décembre 2017, M. [W] et Mme [X] ont adressé un courrier recommandé aux dirigeants de la société SRI, leur indiquant que, suite à leur conversation du 20 décembre, ils comprenaient que ces derniers décidaient de mettre fin aux pourparlers en cours à la suite de la lettre d'intention signée le 20 octobre et qu'ils comprenaient que les raisons les conduisant à cette décision avaient trait à la nature et aux montants des risques identifiés lors des audits effectués après la signature de la lettre d'intention, précisant que les montants de garantie d'actif et de passif proposés étaient parfaitement en ligne avec les pratiques du marché, soit 1,2 millions d'euros de garantie, dont 0,6 millions de garantie à première demande pour un prix d'acquisition de 5,2 millions d'euros, en leur reprochant d'avoir décidé de rompre tout échange depuis le 5 décembre 2017.
Les courriels échangés entre les parties, postérieurement au 21 novembre 2017, révèlent que les acquéreurs ont informé les époux [S] du montant de la garantie d'actif et de passif le 14 décembre 2017, les risques fiscal, social et commercial étant évalués par les acquéreurs à 990 000 euros à cette date.
L'enregistrement de l'entretien téléphonique qui a eu lieu le 20 décembre 2017 entre les candidats acquéreurs et les dirigeants de la société SRI confirme que les époux [S] ont décidé de mettre un terme aux pourparlers pré contractuels en raison du montant de la garantie d'actif et de passif et démontre l'existence d'un désaccord persistant des parties sur le montant de cette garantie, M. [W] et Mme [X] ne formulant aucune proposition de négociation de ce montant.
L'attestation établie par M. [N], collaborateur du cabinet Fiducial Legal by Lamy, chargé de l'audit en matière de propriété intellectuelle, ne caractérise pas la mauvaise foi des dirigeants de la société cédante lors de la rupture des négociations, pas plus que celles établies par messieurs [M] et [K], représentant de la société RH Présence qui a assisté M. [W] et Mme [X] durant les négociations, étant observé que le résumé que fait M. [K] de l'entretien téléphonique du 20 décembre 2017, qui a eu lieu en sa présence, est une interprétation très personnelle et subjective de la situation, le témoin indiquant que ce qui posait problème aux époux [S] était l'existence de la garantie d'actif et de passif, ce qui n'est corroboré par aucun des éléments du dossier.
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments, qu'à la date de rupture des pourparlers, les parties n'étaient pas parvenues à s'entendre sur des éléments essentiels de la cession, étant en désaccord persistant sur le montant de la garantie d'actif et de passif à la charge de la société cédante, laquelle justifie ainsi d'un motif légitime pour mettre fin aux négociations, la mauvaise foi reprochée par les appelants n'étant pas caractérisée.
Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes formées contre la société Alixia.
Sur la demande indemnitaire reconventionnelle de la société Alixia au titre de la déloyauté dans les négociations
Au soutien de son appel incident, la société intimée reproche à la société Partenergil, à Mme [X] et à M. [W] d'avoir manqué à leur obligation de négocier de bonne foi en faisant valoir que ces derniers s'étaient engagés à un calendrier dans leur lettre d'intention, qu'ils n'ont pas respecté, empêchant la réalisation de l'opération à la date prévue, qu'ils n'ont pas fait de retour sur le projet de protocole envoyé par son conseil malgré les nombreuses relances qui leur ont été adressées, et que les acquéreurs n'ont jamais eu la capacité réelle de reprendre la société SRI aux conditions initialement engagées.
Elle prétend que ses dirigeants ont passé un temps important sur le dossier et qu'elle a engagé des dépenses dans le cadre des négociations et pour des demandes dépassant son cadre.
Les appelants objectent que la demande indemnitaire formée par la société Alixia ne repose sur aucun élément de preuve et contestent toute déloyauté dans les négociations, faisant valoir que le calendrier prévu par la lettre d'intention était indicatif et qu'il ne pouvait pas être respecté du fait du manque de préparation et de professionnalisme de la société cédante, de ses dissimulations, de son arrêt de communication des informations nécessaires et de la rupture des négociations.
Le manquement des acquéreurs à leur obligation de négocier de bonne foi n'est caractérisé par aucune des pièces produite par la société intimée, le seul non respect d'un calendrier stipulé à titre indicatif n'étant pas suffisant à démontrer la mauvaise foi des appelants dans la conduite des négociations, pas plus que l'absence de retour écrit au projet de protocole de cession, les capacités financières des acquéreurs étant par ailleurs justifiées par les pièces versées aux débats.
Le jugement mérite également d'être confirmé en ce qu'il a débouté la société Alixia de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
La société Alixia reproche aux appelants d'invoquer, au soutien de leur recours, des moyens sans fondement qui constituent des accusations fallacieuses et de produire des attestations partiales ou violant la confidentialité et même le secret professionnel, alors que le jugement du tribunal de commerce de Lyon est particulièrement motivé.
Elle leur fait également grief d'avoir attendu six mois après les arrêts rendus par la Cour de cassation le 22 décembre 2023 pour demander la révocation de la clôture, puis quatre mois pour déposer de nouvelles conclusions, qui comportent des allégations mensongères, notamment en ce qu'elles contestent la réalisation d'un audit industriel qui a bien eu lieu et en ce qu'elle nient que M. [W] avait précédemment tenté en vain d'acquérir une autre société.
A supposer que l'appel de la société Partenergil, de Mme [X] et M. [W] procède d'un abus du droit d'agir en justice, la société intimée ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts en justice, qui sera réparé dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision entreprise sera ainsi confirmée en ce qu'elle a débouté la société Alixia de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais de procédure
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] qui succombent en leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens d'appel.
Il est par ailleurs équitable de mettre à la charge de la société Partenergil et Mme [X] une partie des frais de procédure exposés en appel par la société intimée et non compris dans les dépens.
Ils seront ainsi condamnés in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Constate que la cour n'est saisie d'aucune fin de non recevoir,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Lyon,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne in solidum la société Partenergil et Mme [X] à verser à la société Alixia une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 25 novembre 2020
RG : 2018j00968
ch n°
[X]
[W]
S.A.S. PARTENERGIL
C/
S.A.R.L. ALIXIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 13 Mars 2025
APPELANTS :
La société PARTENERGIL
société par action simplifiée, inscrite au RCS de LYON sous le n°820 101 368, prise en la personne de son représentant légal en
exercice,
Sis [Adresse 6]
[Localité 1]
Et
Madame [B] [X]
née le 21 octobre 1969,
de nationalité française,
exerçant la profession d'enseignante,
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Monsieur [H] [W],
né le 13 avril 1961,
de nationalité française,
exerçant la
profession d'entrepreneur
demeurant [Adresse 6]
[Localité 1],
Représentés par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215
INTIMEE :
La Société ALIXIA
Société à responsabilité limitée à associé unique, au capital de 737 669 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 802 177 014, représentée par son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, avocat postulant et de Me Anne-Julie GUIBERTEAU, avocate au barreau de LYON, avocat plaidant
******
Date de clôture de l'instruction : 03 Décembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Janvier 2025
Date de mise à disposition : 13 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Partenergil, dirigée par M. [H] [W], est une société holding qui a pour activités la détention et la prise de participations au capital de toutes sociétés ainsi qu'à l'animation de celles-ci à travers la participation active à la conduite de la politique du groupe.
La SARL Alixia, dirigée par M. [F] [S], est une société holding qui préside la société SRI, spécialisée en éco-équipements, conçus pour les opérations de nettoyage dans les ateliers de maintenance des sociétés industrielles, dont elle détient l'intégralité du capital social.
Au cours de l'année 2017, la cession de la société SRI a été envisagée par ses dirigeants.
À compter du mois de mars 2017, la société Partenergil et Mme [B] [X], associée au projet par M. [W], ont été en pourparlers avec la société Alixia pour le rachat de la totalité des parts de la société SRI.
Le 18 octobre 2017, M. [W] et Mme [X] ont fait parvenir à la société Alixia une « lettre d'intention relative aux conditions et modalités d'acquisition de la totalité des titres de SRI France » pour un prix de cession estimé à 5 250 000 euros. Cette lettre a été contresignée le 26 octobre par M. [F] [S] pour le compte de la société Alixia.
Elle prévoyait la réalisation d'un audit de la société SRI avant le 30 novembre 2017 et le principe d'une garantie d'actif et de passif.
Un projet de protocole de cession a été adressé aux acquéreurs par la société Alixia le 22 novembre 2017 prévoyant qu'une garantie conventionnelle d'actif et de passif serait accordée, au plus tard à la date de réalisation, selon la forme figurant en annexe 2.
Les acquéreurs ont pris acte, par une lettre du 21 décembre 2017, de la fin des négociations et ont sollicité des vendeurs l'indemnisation des frais d'audit qu'ils ont engagés, en invoquant la mauvaise foi de ces derniers.
Le 12 janvier 2018, M. [W] et Mme [X] ont mis en demeure la société Alixia de leur régler la somme de 50 000 euros à ce titre, demande réitérée par une lettre de leur conseil du 2 février 2018.
Le 15 février 2018, le conseil de la société Alixia a répondu à la société Partenergil et à Mme [X] qu'il ne serait pas donné suite à la mise en demeure.
Par acte introductif d'instance du 14 juin 2018, la société Partenergil et Mme [X] ont fait assigner la société Alixia devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'engager sa responsabilité civile et d'obtenir l'indemnisation des frais qu'ils ont exposés en pure perte dans le cadre des négociations, en invoquant sa mauvaise foi et sa légèreté fautive dans la conduite et la fin des négociations et en lui reprochant de ne pas avoir exécuté de bonne foi l'accord de confidentialité du 4 avril 2017 et la lettre d'intention du 20 octobre 2017.
M. [W] est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :
- dit recevable l'action de la société Partenergil,
- débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de leurs demandes, fins et conclusions,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alixia contre Mme [X] et M. [W],
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alixia contre la société Partenergil,
- condamné la société Partenergil et Mme [X] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance,
- condamné la société Partenergil et Mme [X] in solidum à payer à la société Alixia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
'
Par déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2020, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ont interjeté appel de ce jugement, portant sur les chefs de la décision les ayant déboutés de leurs demandes fins et conclusions et ayant condamné la société Partenergil et Mme [X] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance et à payer à la société Alixia une indemnité de procédure de 5 000 euros.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, la présidente de la 3ème chambre A a révoqué l'ordonnance de clôture afin que la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] puisse produire une nouvelle pièce aux débats.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] demandent à la cour, au visa des articles 1112, 1112-1, 1193 et suivants du code civil et 1240 et suivants du même code, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Partenergil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Alixia de ses demandes reconventionnelles,
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
' débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de leurs demandes, fins et conclusions,
' condamné la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] à supporter in solidum les entiers dépens de l'instance,
' condamné la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] à payer à la société Alixia la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- déclarer recevable l'action de la société Partenergil à l'encontre de la société Alixia,
- juger que la société Alixia a manqué de bonne foi et fait preuve, pour le moins, d'une légèreté fautive dans la conduite des négociations entre les parties,
- juger que la société Alixia a manqué à son exécution de bonne foi de l'accord de confidentialité du 4 avril 2017 et de la lettre d'intention du 20 octobre 2017,
- juger que la société Alixia a manqué de bonne foi et fait preuve, pour le moins, d'une légèreté fautive dans la rupture des négociations entre les parties,
- juger que la société Alixia ne démontre pas l'existence de motifs légitimes,
- juger en conséquence qu'elle a engagé sa responsabilité civile à l'égard de M. [W] et Mme [X] et à l'encontre de la société Partenergil,
- condamner la société Alixia à indemniser les frais qu'ils ont exposés en pure perte dans le cadre de ces négociations,
- condamner la société Alixia à les indemniser au regard des trois mois à temps plein consacrés à la cession de la société SRI,
En conséquence,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil, ou subsidiairement à M. [W], la somme de 43 426,20 euros TTC et à Mme [X] la somme de 10 578 euros TTC à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil ou, subsidiairement, à M. [W], la somme de 22 500 euros et à Mme [X] la somme de 22 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Alixia à payer à la société Partenergil et à Mme [X] la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société Alixia demande à la cour, au visa des articles 31, 122 et 700 du code de procédure civile, des articles 1112, 1112-1 et 1249 du code civil et de l'article L.441-3 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 25 novembre 2020 en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les a condamnés à lui régler 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- le réformer pour le surplus,
- dire qu'elle n'a pas rompu unilatéralement et abusivement les négociations,
- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de bonne foi au cours des négociations,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle dans le cadre de ces négociations,
- dire que la demande indemnitaire de la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] n'est fondée ni dans son montant, ni dans son principe,
- débouter de l'ensemble de leurs demandes et prétentions la société Partenergil, Mme [X] et M. [W],
- dire que les appelants ont manqué à leur obligation de négocier de bonne foi,
- condamner Mme [X] et M. [W] in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de leur mauvaise foi dans la négociation,
- dire que l'appel est abusif,
- condamner la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] in solidum au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la présente procédure,
- condamner la société Partenergil et Mme [X] in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 décembre 2024, les débats étant fixés au 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que les demandes qui tendent à ce qu'elle ' dise et juge', qui ne font que reprendre des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile. En application de l'article 954 du code de procédure civile, il ne sera donc pas statué sur ces « demandes ».
A titre liminaire également, l'intimée se prévaut du caractère déloyal des pièces n°8, 28, 47, 49 et 50 produites par les appelants, dont elle sollicite le rejet et l'irrecevabilité dans le corps de ses écritures, sans toutefois le demander dans le dispositif de celles-ci.
La cour n'est donc saisie d'aucune demande relative aux pièces communiquées.
En outre, la pièce 49 a été retirée du bordereau des pièces communiquées par les appelants.
Sur la recevabilité de l'action dirigée contre la seule société Alixia
Au visa de l'article 31 du code de procédure civile, la société Alixia prétend que l'action dirigée à son encontre est irrecevable au motif qu'elle seule est assignée, à l'exclusion des époux [S], alors que les demandes des appelants reposent sur des fautes que ces derniers auraient prétendument commises et qu'ils échouent à démontrer que ces fautes auraient été commises pour son compte et conformément à son intérêt social.
Elle ne conclut toutefois pas à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre au terme du dispositif de ses conclusions et la cour n'est donc pas saisie de cette fin de non recevoir.
Sur la recevabilité des demandes de la société Partenergil
Dans le corps de ses écritures, la société Alixia prétend que la société Partenergil n'a ni qualité ni intérêt à agir en faisant valoir qu'elle n'était pas partie aux négociations rompues.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions qui comportent 112 pages, elle se contente toutefois de conclure à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes et en ce qu'il les a condamnés à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux entiers dépens, et de le réformer pour le surplus, en sollicitant le débouté de l'ensemble des demandes des appelants.
La cour n'est donc saisie d'aucune fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Partenergil.
Sur les manquements de la société Alixia à son obligation de bonne foi dans les négociations
Les appelants reprochent à la société Alixia d'avoir manqué à son obligation de négocier de bonne foi en dissimulant des informations qu'elle savait essentielles pour la poursuite et la bonne tenue des négociations et en rompant brutalement ces négociations pour un motif dont elle avait connaissance depuis plusieurs mois.
Sur la dissimulation d'informations déterminantes
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] prétendent que la société Alixia a dissimulé des informations déterminantes avant la signature de la lettre d'intention, qui ne leur ont pas été révélées spontanément mais seulement au cours de l'audit, à leur demande et sur leur insistance, ce qui caractérise sa mauvaise foi.
Ils font valoir que la lettre d'intention prévoyait expressément comme condition suspensive à la vente que l'audit ne révèle pas d'anomalie significative d'un montant supérieur à 10 000 euros, seuil bas justifié par les informations rassurantes fournies par l'intimée, et ajoutent que, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, aucun audit industriel n'a été réalisé lors de la phase de négociation de l'opération de rachat et seul un audit en propriété intellectuelle a été effectué, qui n'a pas la même finalité.
Ils contestent l'inexistence des rapports d'audit invoquée par la société Alixia, en se prévalant de la production d'un rapport d'audit comptable en pièce 25 et de plusieurs éléments de la phase d'audit, tels que les échanges avec les époux [S], les correspondances de leurs conseils, les projets de rapport d'audit attestant du travail d'analyse entrepris et les attestations de prestataires, et en estimant que le fait que les recherches effectuées aient ou non donné lieu à un rapport d'audit finalisé n'a pas d'incidence sur la solution du ligitige, dès lors que les découvertes résultant du travail d'audit révèlent les dissimulations volontaires par les vendeurs de certaines informations.
Ils reprochent notamment à la société Alixia d'avoir dissimulé l'existence d'un contentieux de contrefaçon dont l'audit du cabinet Lamy a permis de découvrir l'existence, et qui justifiait l'inscription d'une provision pour risque conséquente, ainsi que l'existence d'une fraude fiscale pouvant donner lieu à redressement qu'elle n'a jamais contestée pendant la procédure, mais également l'existence de litiges sociaux, l'audit du cabinet Eole ayant révélé, qu'en trois ans, la société SRI avait connu 13 départs sur 18 postes alors que la société Alixia n'avait jamais fait mention d'un quelconque turn over, ce qui était une information essentielle.
Ils estiment que la volonté de l'intimée de dissimuler des informations pour convaincre les acquéreurs de l'absence de nécessité d'une garantie d'actif et de passif est patente, le montant des sommes en jeu en cas d'action en contrefaçon étant très supérieur au plafond de 10 000 euros prévu par la lettre d'information.
La société intimée conteste avoir fait preuve de déloyauté au cours des pourparlers et considère que la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ne rapportent pas la preuve qu'elle était tenue de leur communiquer les informations litigieuses préalablement aux audits et qu'elle s'est abstenue de leur communiquer ces informations délibérément.
Elle ajoute que la réalisation des audits avait été prévue dès le départ de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt à dissimuler des éléments qu'ils allaient révéler quelques semaines plus tard, en soulignant qu'aucun risque significatif n'a été révélé lors des audits, ce qui se déduit de la poursuite des discussions, les appelants n'ayant pas renoncé à l'acquisition après la révélation des informations, mais également du résultat des audits qui n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun rapport.
Elle relève que les éléments invoqués par les appelants ont été mis à leur disposition lors des audits, avant toute signature et même négociation du protocole d'acquisition, et que les sujets litigieux avaient été abordés oralement lors des rencontres avec M. [W], avant même le début des audits.
L'article 1112 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, énonce que « L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.»
L'article 1112-1 du même code dispose que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.»
En l'espèce, les appelants prétendent que les omissions et dissimulations volontaires de l'intimée constitutives d'un manquement à son obligation de négocier de bonne foi, les ont contraints à supporter les frais d'un audit plus poussé que celui initialement envisagé.
Il résulte de la lettre d'intention signée le 20 octobre 2017 par le représentant de la société Alixia, M. [W] et Mme [X] que la réalisation de l'opération d'acquisition était subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions, parmi lesquelles un audit de la société, effectué avant le 30 novembre 2017, préalablement à la signature du protocole, notamment dans les domaines comptable, financier, fiscal, juridique, social, contractuel, règlementaire, technologies de l'information et contentieux, l'acquisition étant subordonnée aux conclusions de cet audit qui ne devait pas révéler d'anomalie significative.
Or les informations prétendument dissimulées aux acquéreurs qui relèvent des domaines juridique, contractuel, fiscal et social, et qui leur ont été communiquées à l'occasion de l'audit prévu par la lettre d'intention, n'avaient pas une importance déterminante pour leur consentement puisqu'après révélation de ces informations, la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] ont maintenu leur décision d'acquérir la société SRI et qu'ils reprochent à la société Alixia d'avoir abusivement rompu les négociations.
Il n'est par ailleurs pas établi que la société Alixia a sciemment dissimulé des informations portant sur le contentieux de contrefaçon, la fraude fiscale et l'existence de litiges sociaux, alors qu'elle avait consenti à la réalisation d'un audit complet qui devait permettre aux acquéreurs d'être pleinement informés en matière juridique, fiscale et sociale.
Enfin, la faute reprochée à la société intimée est sans lien de causalité avec le préjudice dont les appelants sollicitent réparation, dès lors que la réalisation des travaux d'audit étaient une condition suspensive à la cession et qu'en outre il n'est pas démontré que le budget inialement prévu pour ces travaux a été dépassé, étant observé que, dès le 27 octobre 2017, M. [W] annonçait par mail aux époux [S] l'intervention de son cabinet d'expertise comptable, de M. [I] et Mme [O] pour l'audit juridique, d'une part, et du cabinet Eole avocats d'autre part.
Le tribunal a donc justement retenu que le manquement de la société Alixia à son obligation de négocier de bonne foi n'était pas caractérisé.
Sur le caractère abusif de la rupture des négociations par la société Alixia
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] reprochent au tribunal d'avoir éludé cette demande et soutiennent que la rupture des négociations est intervenue à l'initiative de la société Alixia, pour un motif qui existait depuis la lettre d'intention du 20 octobre 2017, qui prévoyait que l'audit devait permettre de fixer le montant de la garantie à première demande et de la garantie d'actif et de passif, dont les termes étaient déjà définis dans cette lettre d'intention.
Ils font valoir que la longueur des pourparlers est un critère pouvant participer à la caractérisation de l'abus, que la rupture peut en soi être une manifestation de la mauvaise foi et que la dissimulation d'informations et la rupture motivée par des éléments dont la partie avait connaissance de longue date peuvent caractériser sa mauvaise foi dans la tenue et la rupture des négociations, l'intention de nuire n'étant pas requise pour démontrer le caractère abusif de la rupture.
Ils relèvent, qu'en l'espèce, la société Alixia est incapable de produire le moindre échange concernant la garantie d'actif et de passif et considèrent que la situation de blocage irréductible qu'elle invoque ne repose sur aucun élément, étant incapable de démontrer qu'elle a formulé la moindre contre proposition concernant cette garantie d'actif et de passif.
Ils ajoutent que M. [K], représentant de la société RH Presence, a attesté que la société intimée ne voulait plus vendre en raison de l'existence même d'une garantie d'actif et de passif, ce qui démontre que la société Alixia a refusé de vendre et a stoppé toute négociation au début du mois de décembre 2017, en raison de l'existence d'une garantie d'actif et de passif qui était prévue depuis la lettre d'intention du 20 octobre 2017.
Ils soulignent que l'intimée prétend que la rupture a été justifiée par le non respect du calendrier fixé dans la lettre d'intention mais qu'elle ne produit aucune pièce évoquant ce retard, qui n'était que de quelques jours et justifié par le nombre de sujets de garantie d'actif et de passif révélé par les audits, et alors que le calendrier fixé par la lettre d'intention était mentionné 'à titre indicatif' et dépendait des diligences de l'intimée, de sorte que le retard lui est exclusivement imputable.
Ils estiment que la société Alixia a fait preuve de mauvaise foi en affirmant que la rupture des pourparlers résulte du fait que M. [W] n'aurait pas eu le financement nécessaire à l'opération et qu'il serait à l'origine de la rupture des pourparlers, ce que contredit le témoignage de M. [M] qui atteste de la pleine compétence de M. [W] et Mme [X] pour acquérir, chacun seul, les titres de la société cédée, en ajoutant que les doutes de la société cédante sur la capacité de ces derniers à assurer la pérennisation de l'activité de l'entreprise en France ne sont étayés par aucune pièce et sont contredits par les établissements financiers.
Ils en déduisent qu'aucun des motifs énoncés par l'intimée ne constitue un motif légitime de refus de poursuivre les pourparlers.
La société Alixia conteste avoir rompu les pourparlers qui ont selon elle pris fin en raison du désaccord des parties sur les conditions essentielles de la cession à venir, en rappelant que seule l'absence de bonne foi dans la rupture des négociations est sanctionnée par la jurisprudence.
Elle fait valoir que ce sont les appelants qui ont mis fin aux négociations en ne transmettant pas leurs conditions avant l'expiration du délai prévu dans leur lettre d'intention d'une part, et en refusant de faire un retour sur le projet de protocole d'acquisition malgré ses relances d'autre part, considérant qu'elle était en droit de refuser les conditions anormales de garanties fixées unilatéralement par les appelants, que ces derniers n'étaient pas prêts à négocier.
Elle précise que M. [W] et Mme [X] ont de façon illégitime et inhabituelle souhaité écarter des discussions leurs conseils et souligne que les pourparlers n'étaient pas très avancés lors de la rupture puisqu'il n'existait pas de protocole de cession prêt à être signé.
Elle estime ne pas avoir fait preuve de mauvaise foi dans l'arrêt des pourparlers, pouvant légitimement croire, au regard des circonstances, que les négociations n'aboutiraient pas, le montant de la garantie d'actif et de passif sollicité par les acquéreurs étant très important, injustifié et inacceptable, de sorte que son refus ne peut constituer un abus.
Elle ajoute que l'absence de projet à l'international des repreneurs et la trop courte durée de l'accompagnement prévu, alors que les garanties sollicitées étaient importantes, ont fait obstacle à la réalisation de l'opération.
La lettre d'intention signée par les parties prévoyait expressément qu'un protocole d'accord sous conditions suspensives serait négocié et conclu, au plus tard le 14 décembre 2017, réitérant les termes de l'offre et prévoyant notamment la mise en place, au profit de la société cessionnaire, d'accords de garantie d'actif et de passif comme indiqué ci-dessus, dont les termes auront été arrêtés concomitamment à ceux du protocole, l'objectif étant, dans la mesure du possible, d'avoir levé toutes les conditions suspensives mentionnées au paragraphe B au plus tard le 31 janvier 2018, ce qui permettrait une date effective de réalisation de l'opération le 1er mars 2018 au plus tard.
Or, il résulte du procès-verbal de constat établi le 22 juillet 2024 par Me [C], commissaire de justice à [Localité 7], qui a retranscrit un fichier audio figurant dans le smartphone de M. [W], correspondant à un entretien téléphonique qui a eu lieu le 20 décembre 2017 entre les époux [S], dirigeants de la société SRI, M. [W], Mme [X] et M. [K], salarié de la société RH Présence, enregistré à l'insu de M. et Mme [S], que ce sont les époux [S] qui ont pris l'initiative de la rupture des négociations, étant précisé que la société intimée ne demande pas que cette pièce soit écartée des débats, en dépit de son caractère déloyal, considérant que l'enregistrement constitue un aveu judiciaire de la mauvaise foi des appelants et démontre au contraire la bonne foi des époux [S].
Si, en application de l'article 1112 du code civil, la société Alixia était libre de mettre un terme aux pourparlers pré contractuels, elle engage sa responsabilité si elle commet une faute dans l'exercice de cette liberté.
A la date de rupture des négociations, le 20 décembre 2017, les négociations étaient engagées depuis plus de six mois et un projet de protocole d'accord avait été transmis par la société cédante, le 21 novembre 2017, dans le délai imparti par la lettre d'intention, qui n'a pas fait l'objet d'une acceptation ou d'une contre proposition de la part des acquéreurs, alors qu'il prévoyait qu'une garantie conventionnelle d'actif et de passif serait accordée, au plus tard à la date de réalisation, et que les comptes servant à la garantie seraient les comptes clos le 31 décembre 2017, réaffirmant le principe d'une garantie d'actif et de passif dont le montant restait à négocier.
Après l'envoi de ce document, les époux [S] ont continué à répondre aux nombreuses demandes d'informations émanant de M. [W] en date des 22, 23, 28 et 29 novembre 2017, 1er, 6 et 7 décembre 2017, lequel disposait à cette date des conclusions des audits.
Le 21 décembre 2017, M. [W] et Mme [X] ont adressé un courrier recommandé aux dirigeants de la société SRI, leur indiquant que, suite à leur conversation du 20 décembre, ils comprenaient que ces derniers décidaient de mettre fin aux pourparlers en cours à la suite de la lettre d'intention signée le 20 octobre et qu'ils comprenaient que les raisons les conduisant à cette décision avaient trait à la nature et aux montants des risques identifiés lors des audits effectués après la signature de la lettre d'intention, précisant que les montants de garantie d'actif et de passif proposés étaient parfaitement en ligne avec les pratiques du marché, soit 1,2 millions d'euros de garantie, dont 0,6 millions de garantie à première demande pour un prix d'acquisition de 5,2 millions d'euros, en leur reprochant d'avoir décidé de rompre tout échange depuis le 5 décembre 2017.
Les courriels échangés entre les parties, postérieurement au 21 novembre 2017, révèlent que les acquéreurs ont informé les époux [S] du montant de la garantie d'actif et de passif le 14 décembre 2017, les risques fiscal, social et commercial étant évalués par les acquéreurs à 990 000 euros à cette date.
L'enregistrement de l'entretien téléphonique qui a eu lieu le 20 décembre 2017 entre les candidats acquéreurs et les dirigeants de la société SRI confirme que les époux [S] ont décidé de mettre un terme aux pourparlers pré contractuels en raison du montant de la garantie d'actif et de passif et démontre l'existence d'un désaccord persistant des parties sur le montant de cette garantie, M. [W] et Mme [X] ne formulant aucune proposition de négociation de ce montant.
L'attestation établie par M. [N], collaborateur du cabinet Fiducial Legal by Lamy, chargé de l'audit en matière de propriété intellectuelle, ne caractérise pas la mauvaise foi des dirigeants de la société cédante lors de la rupture des négociations, pas plus que celles établies par messieurs [M] et [K], représentant de la société RH Présence qui a assisté M. [W] et Mme [X] durant les négociations, étant observé que le résumé que fait M. [K] de l'entretien téléphonique du 20 décembre 2017, qui a eu lieu en sa présence, est une interprétation très personnelle et subjective de la situation, le témoin indiquant que ce qui posait problème aux époux [S] était l'existence de la garantie d'actif et de passif, ce qui n'est corroboré par aucun des éléments du dossier.
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments, qu'à la date de rupture des pourparlers, les parties n'étaient pas parvenues à s'entendre sur des éléments essentiels de la cession, étant en désaccord persistant sur le montant de la garantie d'actif et de passif à la charge de la société cédante, laquelle justifie ainsi d'un motif légitime pour mettre fin aux négociations, la mauvaise foi reprochée par les appelants n'étant pas caractérisée.
Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes formées contre la société Alixia.
Sur la demande indemnitaire reconventionnelle de la société Alixia au titre de la déloyauté dans les négociations
Au soutien de son appel incident, la société intimée reproche à la société Partenergil, à Mme [X] et à M. [W] d'avoir manqué à leur obligation de négocier de bonne foi en faisant valoir que ces derniers s'étaient engagés à un calendrier dans leur lettre d'intention, qu'ils n'ont pas respecté, empêchant la réalisation de l'opération à la date prévue, qu'ils n'ont pas fait de retour sur le projet de protocole envoyé par son conseil malgré les nombreuses relances qui leur ont été adressées, et que les acquéreurs n'ont jamais eu la capacité réelle de reprendre la société SRI aux conditions initialement engagées.
Elle prétend que ses dirigeants ont passé un temps important sur le dossier et qu'elle a engagé des dépenses dans le cadre des négociations et pour des demandes dépassant son cadre.
Les appelants objectent que la demande indemnitaire formée par la société Alixia ne repose sur aucun élément de preuve et contestent toute déloyauté dans les négociations, faisant valoir que le calendrier prévu par la lettre d'intention était indicatif et qu'il ne pouvait pas être respecté du fait du manque de préparation et de professionnalisme de la société cédante, de ses dissimulations, de son arrêt de communication des informations nécessaires et de la rupture des négociations.
Le manquement des acquéreurs à leur obligation de négocier de bonne foi n'est caractérisé par aucune des pièces produite par la société intimée, le seul non respect d'un calendrier stipulé à titre indicatif n'étant pas suffisant à démontrer la mauvaise foi des appelants dans la conduite des négociations, pas plus que l'absence de retour écrit au projet de protocole de cession, les capacités financières des acquéreurs étant par ailleurs justifiées par les pièces versées aux débats.
Le jugement mérite également d'être confirmé en ce qu'il a débouté la société Alixia de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
La société Alixia reproche aux appelants d'invoquer, au soutien de leur recours, des moyens sans fondement qui constituent des accusations fallacieuses et de produire des attestations partiales ou violant la confidentialité et même le secret professionnel, alors que le jugement du tribunal de commerce de Lyon est particulièrement motivé.
Elle leur fait également grief d'avoir attendu six mois après les arrêts rendus par la Cour de cassation le 22 décembre 2023 pour demander la révocation de la clôture, puis quatre mois pour déposer de nouvelles conclusions, qui comportent des allégations mensongères, notamment en ce qu'elles contestent la réalisation d'un audit industriel qui a bien eu lieu et en ce qu'elle nient que M. [W] avait précédemment tenté en vain d'acquérir une autre société.
A supposer que l'appel de la société Partenergil, de Mme [X] et M. [W] procède d'un abus du droit d'agir en justice, la société intimée ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts en justice, qui sera réparé dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision entreprise sera ainsi confirmée en ce qu'elle a débouté la société Alixia de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais de procédure
La société Partenergil, Mme [X] et M. [W] qui succombent en leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens d'appel.
Il est par ailleurs équitable de mettre à la charge de la société Partenergil et Mme [X] une partie des frais de procédure exposés en appel par la société intimée et non compris dans les dépens.
Ils seront ainsi condamnés in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Constate que la cour n'est saisie d'aucune fin de non recevoir,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Lyon,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Partenergil, Mme [X] et M. [W] aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne in solidum la société Partenergil et Mme [X] à verser à la société Alixia une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE