CA Toulouse, 2e ch., 18 mars 2025, n° 22/04408
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Manel (SARL)
Défendeur :
Al 4 As (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Norguet, Mme Moulayes
Avocats :
Me Malet, Me Cohen
Exposé des faits et procédure :
Depuis le 15 novembre 2002, la société Al 4 As est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 7] et [Adresse 3] à [Localité 8].
Le 2 octobre 2006, un bail commercial a été conclu entre la SCI Al 4 As, bailleur, et [J] [Y], preneur, portant sur les locaux du rez-de-chaussée de l'immeuble situés [Adresse 3] à [Localité 8] et de l'ensemble des caves. Le bail a été consenti pour une durée de 9 années à compter, rétroactivement, du 1er septembre 2006.
Par ailleurs, [J] [Y] a créé la société à responsabilité limitée Manel dont l'activité a débuté le 2 janvier 2007 et dont le siège social a été fixé au [Adresse 3] à [Localité 8].
Par acte d'huissier en date du 28 décembre 2016, la société Manel a adressé à la SCI Al 4 As une demande de renouvellement de bail, un contrat de bail conclu entre la sarl Manel et la SCI Al 4 As étant joint à sa demande.
Le bailleur a refusé le renouvellement fondé sur le prétendu bail conclu avec la sarl Manel tout en indiquant qu'il ne s'opposait pas à la conclusion d'un bail commercial avec cette société à la condition que le paiement du loyer soit garanti par le cautionnement de [J] [Y].
Les discussions n'ont pas abouti.
Par acte du 4 février 2020, la société Manel a assigné la société Al 4 As, aux fins de constater d'une part qu'elle est sa locataire commerciale en vertu du bail en date du 2 octobre 2006 et d'autre part que ce bail a été renouvelé le 1er janvier 2017 aux mêmes conditions et de condamner la bailleresse à lui verser des dommages et intérêts.
Par jugement avant dire droit du 18 novembre 2021, le tribunal a ordonné la comparution personnelle des parties afin qu'elles transmettent les originaux des baux du 2 octobre 2006 qu'elles produisent en leur possession.
Par jugement du 24 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
dit que la société Al 4 As était recevable à contester la qualité de locataire,
dit que le bail produit par la demanderesse en pièce 3 au nom de lasociétéManel était un faux,
débouté en conséquence la société Manel de ses demandes
condamné la sarl Manel aux dépens et à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc).
Par déclaration en date du 21 décembre 2022, la Sarl Manel a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :
1°) débouté la Sarl Manel de sa demande tendant à faire juger que la Sci Al 4 As est prescrite à contester la qualité de locataire à la Sarl Manel,
2°) débouté la Sarl Manel de sa demande tendant à faire juger :
'qu'elle est locataire commerciale de la Sci Al 4 As
'qu'elle bénéficie d'un bail de 9 ans aux mêmes conditions que le bail du 2 octobre 2006,
'que ledit bail a été renouvelé le 1er janvier 2017 aux mêmes conditions avec un loyer de 2.381,79 euros par mois indexé sur l'Ilc,
'que les actes d'huissiers signifiés à Monsieur [J] [Y] sont injustifiés et resteront à la charge de la Sci Al 4 As, bailleresse,
3°) débouté la Sarl Manel de sa demande tendant à faire condamner la Sci Al 4 As :
'sous astreinte de 100 euros par jour à remettre les quittances au nom de la Sarl Manel pour les années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, ainsi que de permettre l'accès sans contrainte et permanent aux caves données en location ;
'à 10 000 euros pour défaut de délivrance des caves,
en cas d'impossibilité d'accès aux caves, de réduire le loyer annuel et ce depuis le 1er juillet 2017,
4°) débouté la Sarl Manel de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Sci Al 4 As et de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
5°) débouté la Sarl Manel de sa demande tendant à faire juger qu'il soit fait injonction à la Sci Al 4 As de signer le projet de bail,
6°) débouté la Sarl Manel de sa demande de délai d'apurement des éventuelles dettes,
7°) condamné la Sarl Manel à régler à la Sci Al 4 As une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux dépens.
Par jugement en date du 22 juin 2023, le tribunal de commerce a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la sarl Manel et désigné la selas Egide prise en la personne d' [T] [W] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 28 juillet 2023, la Sci Al 4 As a déclaré sa créance due au titre des loyers au passif de la société Manel à hauteur de 56.927,03 euros, au cas où la cour déciderait que le preneur à bail est la sarl Manel.
Par courrier du 11 mars 2024, la selarl [C] Avocat prise en la personne de [N] [C] a indiqué révoquer la Scp Franck et Elisabeth et se constituer en ses lieu et place pour le compte de la Sarl Manel et la Selas Egide prise en la personne de Maître [T] [W] en qualité de mandataire judiciaire de la Sarl Manel.
La clôture est intervenue le 18 novembre 2024.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions responsives et d'intervention volontaire en vertu de l'article 554 cpc devant la cour d'appel de Toulouse n°2 notifiées le 30 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Manel et la Selas Egide prise en la personne de Maître [T] [W] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Sarl Manel demandant, au visa des articles 554 du code de procédure civile, 122 et 123 du code de procédure civile, L110-4 I° du code de commerce et 2224 du code civil, 1231-1 du code civil, 1240 du code civil, 700 du code de procédure civile, de :
accueillir l'appel formalisé par la Sarl Manel le 21 décembre 2022 ;
le juger recevable et bien fondé ;
reformer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Toulouse en date du 24 octobre 2022 ;
juger recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la Selas Egide, prise en la personne de Maître [T] [W], mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Sarl Manel, fonctions auxquelles elle a été nommée par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 22 juin 2023,
juger que la demande reconventionnelle de la Sci Al 4 As tendant à faire juger que la Sarl Manel ne serait pas son locataire commercial est prescrite ;
juger que la Sarl Manel est la locataire commerciale de la Sci Al 4 As, et ce depuis 1er septembre 2006 ;
condamner la Sci Al 4 As à remettre à la concluante les quittances des années 2018 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour à compter du 5ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
juger que ce bail a été régulièrement renouvelé le 1er janvier 2017 aux mêmes conditions que le bail commercial initial sauf à fixer un loyer mensuel à la somme de 2.381,79 euros indexé sur l'ilc ;
prononcer la nullité de tous les actes et de tous les commandements délivrés au seul Monsieur [J] [Y] le 3 août 2018, 8 février 2019, 12 avril 2019, 12 mars 2020, 22 juin 2020 ;
juger que du fait de la nullité, ces actes d'Huissier sont sans aucun effet ,
juger qu'ils sont injustifiés et qu'ils resteront à la charge exclusive de la Sci Al 4 As ,
condamner la Sci Al 4 As sous astreinte de 150 euros par jour à compter du 1 5ènne jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir à mettre en 'uvre un accès sans contrainte et permanent aux caves louées ;
condamner la Sci Al 4 As à régler la somme de 10.000 euros à la Sarl Manel plus 500 euros par mois depuis le 24 octobre 2022, date du prononcé du jugement jusqu'à la date de délivrance des caves,
juger que l'arrêté du Mairie du maire du 10 janvier 2019 ne concerne pas le local situé [Adresse 3] à [Localité 8] ;
condamner la Sci Al 4 As à régler la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts à la Sarl Manel ;
débouter la Sci Al 4 As de la totalité de ses demandes,
condamner la Sci Al 4 As à régler à la Sarl Manel la somme de 8.000 euros et ce au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
condamner la Sci Al 4 As aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Scp [C] et ce en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions responsives n°2 notifiées le 6 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SCI Al 4 As demandant de :
à titre principal,
juger les demandes de la société Al4as recevables car non prescrites,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire en date du 24 octobre 2022 en ce qu'il a jugé que le prétendu contrat de bail entre la société Al4as et la société Manel, produit par la société Manel, est un faux,
juger que la société Manel ne peut se prévaloir d'un bail verbal,
débouter la société Manel de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contre la société Al4as ;
à titre subsidiaire,
juger que la société Manel n'a pas respecté les clauses du contrat de bail ;
prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial ;
fixer la créance de la société Al 4 As au passif du redressement judiciaire de la société Manel à la somme de 57 669,98 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance ;
en toute hypothèse,
confirmer le jugement dont appel en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
y ajoutant,
fixer la créance de la société Al 4 As au passif du redressement judiciaire de la société Manel à la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que le montant des entiers dépens.
Motifs de la décision :
La selas Egide, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la sarl Manel, a un intérêt à intervenir en appel dans le litige ; elle est donc recevable en son intervention volontaire en cause d'appel en application de l'article 554 du cpc.
- Sur la prescription soulevée par la sarl Manel :
La sarl Manel soutient que la demande de la SCI Al 4 As tendant à contester la qualité de preneur à bail de la Sarl Manel est une demande reconventionnelle prescrite.
Elle expose que les délais de prescription applicables aux baux commerciaux étant soit de deux ans, à partir du moment où l'action est exercée en vertu du statut des baux commerciaux selon l'article L145-60 du code de commerce, soit de cinq ans lorsque l'action trouve son fondement juridique dans le bail commercial lui-même selon les articles L110-4 I° du code de commerce et 2224 du code civil, la SCI Al 4 As est prescrite en sa contestation a minima depuis le 18 janvier 2012 puisque cette dernière a connu sa qualité d'exploitante commerciale dans les locaux dès le 18 janvier 2007, à la date de la publication de l'adresse du siège social au [Adresse 3] à [Localité 8] de la sarl Manel par mention à son extrait KBIS.
La SCI Al 4 As rétorque qu'elle n'est pas prescrite en ses demandes. Elle précise que le lieu où se situe le siège social d'une société ne correspond pas nécessairement à son lieu d'exploitation de sorte que la publication de l'extrait KBIS de la sarl Manel ne démontre pas qu'elle était titulaire d'un bail commercial. Elle ajoute que le fait que les quittances de loyers aient mentionné la société Manel ne démontre pas sa qualité de preneur, et plus encore les lettres de régularisation des charges locatives visaient Le Manel en tant qu'enseigne et non la sarl Le Manel. Elle considère que ce n'est qu'à partir du moment où la société Manel a revendiqué la qualité de preneur auprès d'elle en lui adressant une demande de renouvellement du bail, soit le 28 décembre 2016, que le délai de prescription a commencé à courir.
En application de l'article 64 du code de procédure civile, « constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ».
L'article 71 du code de procédure civile dispose que « constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ».
Il convient de rappeler que de jurisprudence constante, une défense au fond, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, échappe à la prescription (cf Com. 21 oct. 2014, no 13-21.341 ; Civ. 1re, 31 janv. 2018, no 16-24.092).
La cour constate que contrairement à ce qu'affirme la sarl Manel, la demande de la SCI Al 4 A tendant à contester la qualité de locataire de la sarl Manel constitue une défense au fond et non une demande reconventionnelle et échappe ainsi à la prescription.
Par conséquent, le moyen de la prescription soulevé par la sarl Manel sera écarté et le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur la qualité de preneur à bail commercial revendiquée par la sarl Manel :
Pour justifier de sa qualité de preneur à bail de la SCI Al 4 As, la sarl Manel se prévaut de l'existence d'un bail commercial et à défaut d'un bail verbal.
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'il appartient à la partie qui revendique sa qualité de preneur à bail commercial de l'établir.
Sur l'existence d'un bail commercial écrit entre la SCI Al 4 As et la sarl Manel :
Le premier juge a décidé que le bail en date du 2 octobre 2006 entre la SCI Al 4 As et la sarl Manel produit aux débats en copie par cette dernière était un faux.
En cause d'appel, la sarl Manel ne produit aucun original du dit bail et produit de nouveau une copie de bail dont elle réaffirme qu'il n'y a pas eu de substitution de la première page et de remplacement du nom de Monsieur [J] [Y] par celui de la sarl Manel.
Elle ajoute qu'une condamnation ne peut pas être prononcée à l'encontre d'une partie sur le seul fondement d'une expertise réalisée à la demande de l'une des parties quand bien même ledit rapport d'expertise amiable aurait été soumis à la discussion contradictoire. En outre, elle constate que les conclusions de Madame [E] [Z] ont été faites sans spécimens préalables d'écritures demandées ni à Monsieur [M], ni à sa fille, ni à Monsieur [Y], de sorte que son rapport d'expertise n'est pas opposable. Elle fait valoir qu'aucun original n'est produit par les parties correspondant aux copies des dits baux présentés aux débats.
La SCI Al 4 As maintient que le bail produit par la sarl Manel la mentionnant en qualité de preneur à bail est un faux. L'imitation du paraphe de [S] [M] ressort très clairement sur la première page. De même, l'avis technique d'expertise de madame [E] [Z] (pièce 3-2) indique que la page mentionnant les parties au contrat du bail dont se prévaut la sarl Manel a très vraisemblablement été changée et refaite par un tiers et que le paraphe « GG » figurant en page 1 ne peut être attribué à la main de [S] [M]. Elle produit un original signé mais non daté du contrat de bail commercial la liant au seul [J] [Y] en qualité de preneur à bail.
La cour constate préalablement que l'original du contrat de bail produit aux débats par la SCI Al 4 As ne concerne pas les locaux donnés à bail le 2 octobre 2006 au [Adresse 3] à [Localité 8], objet du litige, mais porte sur des locaux situés au [Adresse 2], et portant notamment en rez de chaussée sur le seul bureau n°1, le local lavabo n°1 + 2 wc et le dégagement situé entre ces deux locaux, qui sont les pièces écartées dans les locaux litigieux décrits dans les baux produits en copie par chacune des parties.
Il n'y a donc aucun original des baux litigieux produits aux débats en cause d'appel.
Par ailleurs, la cour relève que les deux parties au litige s'entendent pour dire que le contrat de bail commercial a été signé entre la SCI Al 4 As et [J] [Y] le 2 octobre 2006. Elles divergent ensuite pour dire qu'un autre contrat écrit aurait été signé entre la SCI Al 4 As et la sarl Manel.
La sarl Manel, à laquelle incombe la charge de la preuve pour établir sa qualité de preneur à bail contestée, produit une copie du dit contrat qui comprend exactement les mêmes stipulations que la copie du bail souscrit entre la SCI Al 4 As et [J] [Y] sauf le nom du preneur sur la première page et avec la même date (pièce 3 de la sarl Manel). Il y est mentionné avant signature sur la dernière page que le contrat a été signé en deux exemplaires originaux.
Il est donc vain de rechercher des similitudes d'une copie de bail à l'autre dès lors que deux exemplaires originaux ont été signés et qu'a priori, un exemplaire original a été remis à chacune des parties.
En revanche, il convient de relever comme l'a fait le premier juge que le paraphe « GG » présent sur la première page de la copie litigieuse produite par la sarl Manel ne ressemble pas du tout à ceux des pages suivantes ni dans leur taille ni dans leur forme de sorte qu'il est incontestable que soit le dit paraphe sur la première page a été imité soit la première page ne correspond pas à la suite du bail souscrit. De plus, la sarl Manel n'a pu intervenir qu'après la souscription du 1er bail commercial signé entre La SCI Al 4 As et [J] [Y] ; or, la date de signature est identique pour les deux baux.
Au regard de ces seuls éléments, la cour d'appel en déduit d'une part que le bail commercial entre la SCI Al 4 As et [J] [Y] a bien été souscrit le 2 octobre 2006 et qu'en revanche, aucune partie ne soutient que ce bail a été résilié.
Elle en déduit d'autre part que la copie du bail commercial produit par la sarl Manel présente les caractères d'un faux sur le paraphe de la première page comportant mention du preneur et sur la date réelle de signature de ce second bail. Cette pièce sera donc écartée et la sarl Manel ne pourra se prévaloir de cette pièce pour justifier de sa qualité de preneur à bail de la SCI Al 4 As. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Enfin, la cour constate que [J] [Y] n'est pas partie au litige, n'a pas été appelé en la cause et qu'il n'est pas allégué de novation du contrat de bail commercial souscrit par [J] [Y] au profit de la sarl Manel au sens de l'article 1329 du code civil.
Dès lors que [J] [Y] a souscrit un bail commercial auprès de la SCI Al 4 As le 2 octobre 2006, que ce bail n'a pas été résilié ni nové au profit d'un autre preneur, la sarl Manel n'est pas fondée à se prévaloir d'un bail commercial conclu entre le seul [J] [Y] et la SCI Al 4 As. Il convient de débouter la sarl Manel de ses demandes au titre du bail commercial écrit.
- Sur l'existence d'un bail commercial verbal entre la SCI Al4 As et la sarl Manel :
La sarl Manel, pour justifier de sa qualité de preneur à bail de la SCI AL 4 AS, soutient qu'il existe un bail verbal entre les parties depuis le 1er septembre 2006.
Affirmant qu'un écrit peut être valablement combattu par d'autres modes de preuve, elle produit :
pièce 4 : le Kbis de la SARL Manel précisant un début d'activité le 02/01/2007 à l'adresse du [Adresse 3] à [Localité 8]
pièce 5 : le récépissé de la CCI constatant que la déclarant commercial est la SARL Manel
pièce 6 : exemplaire de la copie du bail commercial enregistré aux services de l'urbanisme de la mairie de [Localité 8] le 16/02/2007 et produit par la SCI Al 4 As en première instance
pièce 8 : quittance de loyer du mois de juin adressé à la SARL Manel
pièce 9 : 21 avis d'échéances ou quittances de loyer émis par la SARL Folus Immobilier mandatée par la SCI indiquant que la SARL Manel est la locataire du local
pièce 10 : 13 avis d'échéances ou quittances de loyer émis par la SCI Al 4 As indiquant que la SARL Manel est le locataire du local
pièces 11 et 11 bis : avis de régularisation des charges des années 2015, 2016 et 2017
La SCI Al 4 As conteste l'existence d'un bail verbal conclu avec la société Manel. Elle fait valoir que le seul fait pour la société Manel de régler des loyers ne suffit pas à la qualifier de locataire puisqu'une tierce personne agissant au nom du preneur peut également payer les loyers. Elle indique que la société Manel ne peut se prévaloir des quittances délivrées par la sarl Folus Immobilier car elles indiquent que « cette quittance ne fait pas novation et doit être considérée comme reçu à titre d'indemnité d'occupation si l'occupant n'a pas de titre régulier de location » et que dès lors qu'elle s'est aperçue de son erreur, les autres appels de loyers ont été adressés au seul preneur à bail, [J] [Y]. Elle ajoute que le procès-verbal établi le 22 janvier 2019 qui porte une mention selon laquelle elle est propriétaire d'un local qu'elle a donné à bail à la société Manel, ne lui est pas opposable dès lors qu'il a été rédigé par un tiers.
La cour rappelle qu'à défaut d'établir une cause d'extinction du bail commercial conclu avec [J] [Y] le 2 octobre 2006 existe, ce dernier s'exécute toujours entre les parties à ce jour.
Par ailleurs, elle rappelle que deux baux commerciaux ne peuvent porter simultanément sur le même local. Dès lors, il est inopérant de prétendre à l'existence d'un bail verbal alors que la même partie entend se prévaloir du bail écrit dont elle ne justifie pas de sa résiliation préalable.
La sarl Manel sera alors déboutée de sa demande de reconnaissance d'un bail verbal conclu avec la SCI Al 4 As depuis le 1er septembre 2006.
Le jugement sera confirmé de ce chef également.
- Sur les autres demandes de la sarl Manel :
La SARL Manel demande à la cour de :
condamner la SCI Al 4 As à lui remettre les quittances des années 2018 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour à compter du 5ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
juger que le bail litigieux a été régulièrement renouvelé le 1er janvier 2017 aux mêmes conditions que le bail commercial initial sauf à fixer un loyer mensuel à la somme de 2.381,79 euros indexé sur l'ilc ;
prononcer la nullité de tous les actes et de tous les commandements délivrés au seul Monsieur [J] [Y] le 3 août 2018, 8 février 2019, 12 avril 2019, 12 mars 2020, 22 juin 2020 ;
juger que du fait de la nullité, ces actes d'huissier sont sans aucun effet ,
juger qu'ils sont injustifiés et qu'ils resteront à la charge exclusive de la Sci Al 4 As,
condamner la Sci Al 4 As, sous astreinte de 150 euros par jour à compter du 15 ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, à mettre en 'uvre un accès sans contrainte et permanent aux caves louées ;
condamner la Sci Al 4 As à régler la somme de 10.000 euros à la Sarl Manel plus 500 euros par mois depuis le 24 octobre 2022, date du prononcé du jugement jusqu'à la date de délivrance des caves,
juger que l'arrêté du maire du 10 janvier 2019 ne concerne pas le local situé [Adresse 3] à [Localité 8] ;
condamner la Sci Al 4 As à régler la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts à la Sarl Manel.
La cour relève que l'ensemble de ces demandes relèvent des droits du seul preneur à bail. Cette qualité ne lui ayant pas été reconnue, la sarl Manel sera déboutée de ses demandes. Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur les demandes accessoires :
La sarl Manel succombant en cause d'appel sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel. Les entiers dépens seront passés en frais privilégiés au passif de la procédure collective de la sarl Manel.
Eu égard à la situation respective des parties et aux circonstances du litige, il convient de débouter les parties de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du cpc.
Par ces motifs :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare recevable l'intervention volontaire de la selas Egide, prise en la personne d' [T] [W], en qualité de mandataire judiciaire de la sarl Manel,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la sarl Manel aux dépens et à verser 3000 euros en application de l'article 700 du cpc à la SCI Al 4 As,
Y ajoutant,
- Dit que les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés au passif de la procédure de redressement judiciaire de la sarl Manel.
- Déboute les sociétés SCI Al 4 As et sarl Manel de leurs demandes en première instance et en appel au titre de l'article 700 du cpc.