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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 18 mars 2025, n° 24/01842

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 24/01842

18 mars 2025

ARRET N°121

LM/KP

N° RG 24/01842 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HDDW

[B]

C/

[X]

[X]

S.A.S. LE MOULIN

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 18 MARS 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01842 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HDDW

Décision déférée à la Cour : jugement du 05 juillet 2024 rendu(e) par le Juge de l'exécution de [Localité 2].

APPELANT :

Monsieur [O] [Y] membre de la SCP [B] [Y], ès-qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SCI LES TOURELLES DU [Localité 8], fonctions auxquelles il a été désigné en remplacement de Maître [Z] [B] par ordonnance du Vice-Président du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE en date du 8 août 2024

[Adresse 1]

[Localité 2], défaillant

Ayant pour avocat plaidant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS.

INTIMEES :

Madame [C] [A] épouse Veuve [X]

née le 17 Mars 1954 à [Localité 11] (37)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal MOMMEE de l'ASSOCIATION CABINET MOMMÉE-PRÉVOST, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

Madame [J] [X]

née le 22 Avril 1972 à [Localité 10] (44)

[Adresse 4]

[Localité 7]

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal MOMMEE de l'ASSOCIATION CABINET MOMMÉE-PRÉVOST, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

S.A.S. LE MOULIN , Société par Actions Simplifiées, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LA ROCHELLE (17), prise en la personne de son Président, représenté par Monsieur [V] [D], domicilié en cette qualité audit siège social

Lieudit [Localité 8]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Magalie ROUGIER de la SCP MAGALIE ROUGIER - MARION VIENNOIS, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 27 décembre 1985, la sarl Club du [Adresse 9] a vendu à M. [P] [X] et à Mme [C] [A] son épouse la branche night-club bar d'un fonds de commerce à l'enseigne Moulin du [Localité 8], exploités dans des locaux situés lieu-dit [Localité 8], commune de [Localité 3].

Par un deuxième acte authentique du même jour, les époux [X] ont pris à bail commercial pour une durée de 9 années les locaux précités appartenant à la société civile immobilière, dénommée sci Les Tourelles du [Localité 8], ayant son siège social est situé Lieudit [Localité 8] à Saint Georges D'Oléron.

Par jugement du 22 mai 1991, le tribunal de grande instance de Rochefort a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la sci Les Tourelles du [Localité 8], procédure qui a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance de La Rochelle le 11 décembre 1994. Maître [Z] [B] a été nommée mandataire liquidateur.

Le bail conclu le 27 décembre 1985 s'est poursuivi par tacite reconduction à compter du 27 décembre 1994 en l'absence de congé.

Par contrat en date du 22 décembre 2003, Monsieur [X] a donné le fonds de commerce en location-gérance à Madame [U].

Le 28 septembre 2006, Maître [B], ès qualités de mandataire liquidateur, a proposé le renouvellement du bail à compter du mois de novembre 2006 pour un loyer de 2.916,66 euros par mois, soit 35.000 euros par an.

Par exploit du 27 novembre 2006, Monsieur et Madame [X] ont sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2006 pour une durée de 9 années.

Par acte d'huissier de justice du 23 février 2007, Maître [B] ès qualités a délivré à Monsieur et Madame [X] un congé avec refus de renouvellement du bail, fondé sur les dispositions de l'article L 145-1 du code de commerce prévoyant que le statut des baux commerciaux ne s'applique qu'aux commerçants immatriculés au registre du commerce.

Le 5 décembre 2008, les Monsieur et Madame [X] ont fait assigner Maître [B] devant le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-Mer pour voir annuler le congé et dire qu'ils étaient titulaires d'un nouveau bail à compter du 1er décembre 2006.

Par jugement du 13 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Rochefort a annulé le congé, et dit que le bail commercial du 27 novembre 1985 s'était renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du terme d'usage qui a suivi la demande de renouvellement signifiée le 27 novembre 2006.

Par arrêt du 16 novembre 2010, la cour d'appel de Poitiers a confirmé ce jugement.

Par jugement du 17 février 2015, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Madame [U]. Le liquidateur judiciaire, Maître [K], a indiqué son intention de ne pas continuer le contrat de location gérance.

Le 18 juin 2015, Monsieur et Madame [X] ont signifié une demande de renouvellement du bail commercial à Maître [B] ès qualités, pour une durée de 9 ans. Cette dernière n'a pas répondu.

Le 4 juillet 2015, Monsieur et Madame [X] ont donné le fonds en location gérance à la société anonyme simplifiée Le Moulin, moyennant le versement d'une redevance de 3.300 euros ht par mois.

Le 17 septembre 2015, M. [X] a adressé un courrier à Maître [B] ès qualités pour l'informer que dans la nuit du 16 et 17 septembre avait eu lieu une tempête occasionnant des dégâts sur le toit du Moulin du [Localité 8], provoquant des fuites.

Le 5 octobre 2015, la sas Le Moulin s'est plainte auprès de M. [X] d'infiltrations affectant la toiture du moulin, générant des désordres importants sur le bâti, avec chutes de matériaux, ayant nécessité la mise en place d'un périmètre de sécurité.

Par un rapport du 15 octobre 2015, l'APAVE a conclu que la sécurité des personnes n'était pas assurée au sein de l'établissement.

Le 29 octobre 2015, Monsieur et Madame [X] ont mis en demeure Maître [B] ès qualités d'effectuer une déclaration de sinistre auprès de l'assureur. Cette dernière n'a pas répondu. Après assignation en référé, elle a indiqué qu'elle n'avait pas souscrit d'assurance.

Le 8 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle a suspendu le paiement des redevances par la société Le Moulin ainsi que le paiement des loyers par Monsieur et Madame [X] à compter du 8 octobre 2015. Il a également ordonné une mesure d'expertise afin de relever et décrire les désordres affectant les lieux loués, d'en déterminer les causes et origines, fournir tout élément de précision afin de déterminer les responsabilités encourues et indiquer les travaux à réaliser pour remédier à la situation et en évaluer le coût. Il a en outre autorisé le requérant, si urgence ou péril il y a, à faire exécuter les travaux estimés indispensables par l'expert, aux frais de Maître [B] ès qualités.

Le 7 juin 2016, l'expert a donné son accord sur le devis présenté par les époux [X] afin de réaliser les travaux urgents, travaux pour lesquels Maître [B] ès qualités n'a pas donné son accord en dépit de la demande adressée formée le 8 juillet 2016 par les époux.

Le 28 juillet 2016 et le 9 septembre 2016, deux arrêtés ont été pris par le maire afin d'ordonner la fermeture au public de l'établissement le Moulin du [Localité 8].

Le 11 novembre 2016, M. [P] [X] est décédé et c'est sa fille, Mme [J] [X], qui a indiqué intervenir aux opérations d'expertise en qualité d'ayant-droit.

Le 29 août 2018, la société Le Moulin a sommé Madame [J] [X] et Madame [C] [A] (épouse et veuve [X]) de justifier des diligences réalisées pour faire exécuter les travaux urgents indiqués par l'expert, de préciser les raisons les ayant empêché de les réaliser et de finalement les réaliser dans les meilleurs délais. L'expert avait préalablement relevé des désordres importants affectant la toiture de l'établissement donné en location, entraînant des risques de chute d'éléments, des fissures ainsi que des infiltrations d'eau.

Le 14 décembre 2018, Mesdames [X] ont délivré à Maître [B] ès qualités un commandement d'avoir à exécuter les travaux conformément aux conclusions du rapport d'expertise, commandement resté sans effet.

Le 20 et 21 mai 2019, les consorts [X] ont fait assigner la société Le Moulin et Maître [B] ès qualités devant le tribunal de grande instance de La Rochelle en indemnisation des préjudices subis et condamnation sous astreinte à faire procéder aux travaux de remise en état de l'immeuble, tels que préconisés par l'expert judiciaire. Maître [B] ès qualités a quant à elle, demandé de constater la résiliation de plein droit du bail commercial en date du 8 octobre 2015, d'ordonner la libération des lieux, l'expulsion immédiate de tout occupant et à titre subsidiaire le rejet des prétentions des consorts [X]. De son côté, la société Le Moulin a sollicité la condamnation solidaire de Mesdames [X] à indemniser ses divers préjudices.

Le 31 août 2020, le tribunal judiciaire de La Rochelle a notamment débouté Maître [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la sci Les Tourelles du [Localité 8] de sa demande de résiliation du bail commercial, l'a condamnée à prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire et à faire procéder à ces travaux, dans un délai de quatre mois à compter du présent jugement et à défaut, sous astreinte de 100 euros par jour ; il a également condamné le mandataire liquidateur à payer une somme de 1 766 euros ht par mois à compter d'avril 2016 au titre de la perte financière des consorts [X].

Sur appel de Maître [B] ès qualités, par arrêt du 8 février 2022, la cour d'appel de Poitiers a notamment ajouté au jugement sur la réparation du préjudice de jouissance en condamnant Maître [B] ès qualités à verser une somme de 5 880,33 euros au titre des loyers échus du 5 octobre 2015 à janvier 2016 et condamné la même à payer aux consorts [X] une somme de 100 000 euros au titre de leur perte de chance de vendre leur fonds de commerce. La cour d'appel a en outre précisé que l'astreinte de 100 euros par jour de retard assortissant la condamnation prononcée contre Maître [B] ès qualités à prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire et à faire procéder à ces travaux ne courrait qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt et pendant une durée de quatre mois, passé laquelle il serait à nouveau fait droit.

Cet arrêt a été signifié au mandataire liquidateur le 4 mars 2022.

Le 7 avril 2022, Maître [B] ès qualités a formé un pourvoi en cassation mais la radiation a été ordonnée le 23 mars 2023.

Par courriers du 20 avril 2023, la société Le Moulin a mis en demeure Madame [X] et Madame [A] de faire exécuter le jugement, complété par l'arrêt de la cour d'appel.

Constatant que les consorts [X] n'avaient diligenté aucune action à l'encontre de Maître [B] ès qualités aux fins de liquider l'astreinte prononcée par la cour d'appel dans son arrêt du 8 février 2022, la société Le Moulin a attrait les consorts [X] et Maître [B] ès qualités de mandataire judiciaire de la sci Les Tourelles du [Localité 8] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle par actes extra-judiciaires en date des 5,6 et 9 octobre 2023.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Le Moulin a demandé de :

- liquider l'astreinte fixée par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 8 février 2022 à la somme de 12.400 euros pour la période du 6 juillet 2022 au 6 novembre 2022 ;

- condamner Maître [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire à payer aux consorts [X] la somme de 12.400 euros ;

- fixer une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard et jusqu'à complète réalisation des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport ;

- condamner Maître [B] et les consorts [X] à payer in solidum à la société Le Moulin la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [C] [X] et Madame [J] [X] ont demandé de :

- déclarer l'ensemble des demandes de la société Le Moulin, dans le cadre d'une action oblique, irrecevables, et l'en débouter ;

- condamner la société Le Moulin à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [B]-[Y], en la qualité de mandataire liquidateur de la sci Les Tourelles du [Localité 8], à leur payer la somme de 12.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ordonnée par la cour d'appel de Poitiers

- assortir ladite solution par une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, sans limitation de durée de l'astreinte mais à charge pour elles d'en ressaisir la juridiction au fin de liquidation ;

- condamner la société SCP [B]-[Y] à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses demandes, Maître [B] ès qualités a demandé de :

- juger la société Le Moulin irrecevable ou tout du moins mal fondée en son action oblique et toutes ses demandes et l'en débouter ;

- supprimer l'astreinte prononcée ;

- subsidiairement, liquider à l'euro symbolique l'astreinte fixée par l'arrêt de la cour d'appel ;

- juger n'y avoir lieu à fixation d'une nouvelle astreinte à son encontre ;

- débouter Mesdames [X] de leurs demandes contraires aux présentes ;

- dire n'y avoir pas lieu à condamner Maître [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 juillet 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué ainsi :

- déclare recevable la société Le Moulin en son action oblique dirigée à l'encontre de Maître [B], en sa qualité de mandataire liquidateur de la sci Les Tourelles du [Localité 8] ;

- liquide l'astreinte fixée par le jugement en date du 31 août 2020 du tribunal judiciaire de La Rochelle et par arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 8 février 2022, à la somme de 12.000 euros ;

- condamne Maître [B] à payer à Madame [J] [X] et à Madame [C] [X] la somme de 12.000 euros ;

- dit que Maître [B], en sa qualité de mandataire liquidateur, devra prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire à faire procéder à ces travaux, dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement et à défaut sous astreinte de 100 euros par jour, passé ce délai, pendant une durée de six mois ;

- condamne Maître [B], en sa qualité de mandataire liquidateur, à payer à la société Le Moulin la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et à [J] [X] et [C] [X] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamne cette dernière aux dépens.

Par déclaration en date du 23 juillet 2024, Maître [B] a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant Madame [C] [A] (veuve [X]), Madame [J] [X] et la société Le Moulin :

Maître [O] [Y] ès qualités (membre de la société [B]-[Y] et ayant été désigné en remplacement de Maître [Z] [B] par ordonnance du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 8 août 2024), par dernières conclusions transmises le 6 janvier 2025, demande à la cour de :

- donner acte à Maître [O] [Y], membre de la société [B]-[Y], de son intervention volontaire à la procédure d'appel, ès-qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la sci Les Tourelles de [Localité 8], en lieu et place de Maître [B] ;

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 5 juillet 2024 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- juger la société Le Moulin irrecevable ou à tout le moins mal fondée en son action oblique et en toutes ses demandes ;

- supprimer l'astreinte prononcée l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 8 février 2022 ;

- subsidiairement, liquider à l'euro symbolique l'astreinte fixée par l'arrêt ;

- en tout état de cause, juger n'y avoir lieu à fixation d'une nouvelle astreinte à l'encontre de Maître [B], ni à l'encontre de Maître [Y] ;

- débouter la société Le Moulin, Mesdames [C] [A] et [J] [X] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de Maître [B], ès qualités, et de Maître [Y], ès qualités,

- dire n'y avoir à condamnation de Maître [B], ès qualités, ni de Maître [Y], ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tous succombants aux dépens de première instance et d'appel.

Mesdames [J] et [C] [X], par dernières conclusions transmises le 15 janvier 2025, demandent à la cour de :

- sur l'appel incident de Mesdames [J] [X] et [C] [A], réformer la décision du juge de l'exécution de [Localité 2] du 5 juillet 2024 ;

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de la société Le Moulin dans le cadre de son action oblique et l'en débouter ;

- condamner la société Le Moulin à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la débouter de sa propre demande ;

- confirmer la décision du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle du 5 juillet 2024 en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la charge de la société [B]-[Y], ès-qualités, à une somme de 12.000 euros et a prévu une nouvelle astreinte à la charge de celle-ci pour prendre en charge le coût des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire et pour faire procéder à ces travaux dans un délai de six mois ;

- à titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse ou la cour considérerait que la société [B]-[Y] se trouverait dans une impossibilité absolue d'exécuter la décision de la cour d'appel de Poitiers du 8 février 2022, ordonner que la somme correspondant au chiffrage des travaux tel que déterminée par l'expert, augmentée de 20 %, soit un montant de 167.972,84 euros, soit consignée sur le compte CARPA du Conseil de Mesdames [X], à charge pour lui de libérer cette somme sur présentation des factures de travaux et d'en informer le conseil de la société [B]-[Y] ;

- condamner la société [B]-[Y] à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles en première instance et la somme de 4.000 euros pour leurs frais irrépétibles devant la cour ;

- condamner la société Le Moulin et Maître [B] aux dépens.

La société Le Moulin a, par dernières conclusions transmises le 28 novembre 2024, demandé à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 5 juillet 2024 ;

- Y ajoutant, condamner Maître [Y], ès qualités, et Mesdames [J] [X] et [C] [A] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.

MOTIVATION

Sur l'intervention volontaire de Maître [O] [Y]

Par ordonnance du 8 août 2024, Maître [O] [Y], membre de la scp [B] [Y] a été désigné en remplacement de Maître [Z] [B], empêchée pour une durée indéterminée, en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la sci Les Tourelles de [Localité 8].

Son intervention volontaire par conclusions du 12 septembre 2024 est donc recevable.

Sur la recevabilité de l'action oblique

Le mandataire liquidateur prétend que l'action oblique de la société Le Moulin est irrecevable en ce que ses demandes sont identiques à celles de mesdames [X], de sorte qu'il n'y a pas eu de carence de leur part puisqu'elles exercent leurs droits et actions. Il ajoute qu'en outre, une telle action ne peut être exercée par un créancier, ce qui n'est pas le cas de la société Le Moulin dont le contrat de location-gérance a été résilié (soit le 9 septembre 2016, soit le 26 novembre 2023) lui faisant perdre sa qualité de créancier envers les consorts [X].

Mesdames [X] considèrent qu'il ne devrait plus y a pas lieu de revenir sur l'action oblique de la société Le Moulin puisque le juge de l'exécution l'a déclarée 'sans objet' à raison de la reprise des demandes par elles-mêmes ; toutefois, comme le mandataire liquidateur revient sur cette question, elles font valoir que la société Le Moulin ne pouvait se substituer à elles dans le cadre d'une action oblique à défaut d'intérêt à agir puisque cette société n'était plus locataire gérante depuis le 9 septembre 2016 s'il l'on considère que la résiliation du contrat de location gérance était intervenue de plein droit en raison de la notification d'un arrêté de fermeture de l'établissement et depuis le 26 novembre 2023 si cette résiliation de plein droit était contestée, la résiliation étant prononcée à l'échéance contractuelle.

Elles rappellent que le juge de l'exécution peut connaître des contestations même si ces dernières portent sur le fond du droit et aurait pu, et même dû, tenir compte de la rupture du contrat de location-gérance, même si elle ne faisait l'objet d'aucune contestation.

La société Le Moulin rétorque les consorts [X] omettent de rappeler que c'est suite à leurs sommations interpellatives délivrées en 2018, qu'ils ont fait délivré à Maître [B], en sa qualité de liquidateur, un commandement d'avoir à exécuter les travaux et que c'est également la société Le Moulin qui a adressé deux mises en demeure aux fins de faire exécuter les termes du jugement du tribunal judiciaire du 31 août 2020 et de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 8 février 2022, que les deux courriers sont demeurés sans effet, la société Le Moulin ayant alors agi en leur lieu et place en raison de leur inertie fautive.

Sur la prétendue résiliation du contrat de location-gérance, la société Le Moulin considère que les consorts [X] ont fait une interprétation erronée des stipulations de la clause résolutoire alors qu'aucune décision n'a été rendue par une juridiction administrative ou judiciaire afin de prononcer la fermeture de l'établissement mais simplement une 'mesure de police administrative spéciale', la société Le Moulin entendant s'opposer fermement à la 'résiliation de plein droit' dont tente de se prévaloir les consorts [X] trop tardivement , ceci n'ayant jamais fait l'objet d'un débat contradictoire dans le cadre de la procédure au fond et en appel.

En tout état de cause, elle prétend que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour statuer sur la poursuite ou la résiliation de plein droit du contrat de location gérance pas plus que la cour d'appel sur appel de son jugement.

Réponse de la cour d'appel :

Aux termes de l'article 1341-1 du code civil, lorsque la carence du débiteur dans l'exercice des droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.

Le juge de l'exécution est compétent pour liquider une astreinte (Civ. 2e, 12 oct. 2006, n° 05-16.323 ), sauf si le juge qui l'a prononcée demeure saisi de l'affaire (Civ. 2e, 21 févr. 2008, n° 07-17.160).

En l'espèce, la cour d'appel de Poitiers, par un arrêt du 8 février 2022 a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de La Rochelle du 31 août 2020 en ce qu'il a condamné Maître [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la sci Les Tourelles du [Localité 8] à prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire et à faire procéder à ces travaux, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sauf à préciser que le délai pour ce faire ne courrait qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt et pendant une durée de quatre mois, passé laquelle il serait à nouveau fait droit.

Aucune des parties ne conteste que les consorts [X], preneurs à bail commercial des locaux concernés par les travaux de reprise, sont les créanciers directs de cette obligation mise à la charge de Maître [B], ès qualités et que dans le cadre du contrat de location-gérance, la sas Le Moulin, locataire-gérant, est créancière des consorts [X], ce qui l'autoriserait à diligenter une action oblique en cas de carence de ceux-ci, seule la question de la résiliation du contrat de location-gérance qui ferait perdre à la sas Le Moulin son droit à agir en lieu et place de ses co-contractants étant en discussion.

En effet, Maître [Y] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société propriétaire-bailleur et mesdames [X] en leur qualité de preneurs à bail commercial des locaux concernés par les travaux de remise en état contestent la qualité de créancière de la société Le Moulin nécessaire à l'exercice de l'action oblique en soutenant qu'elle n'est plus locataire-gérant des consorts [X], le contrat ayant été résilié de plein droit.

Dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt du 27 janvier 2000, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu'il résulte de l'article L. 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire que le juge de l'exécution n'a pas compétence pour connaître de demandes tendant à remettre en cause un titre exécutoire dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu'il constate (Soc. 27 janv. 2000, Bull. civ. V n 43, n 98-11.297).

Toutefois en l'espèce, ce ne sont pas les droits et obligations de la sas Le Moulin constatés dans le titre exécutoire qu'il s'agit d'exécuter qui sont remis en cause.

Il s'agit ici d'apprécier l'actualité de la qualité de créancière de la sas Le Moulin des consorts [X], au moment où elle a diligenté l'action oblique, ce sur quoi le juge de l'exécution et en conséquence la cour d'appel sur appel de son jugement doivent se prononcer.

Cependant, l'exception d'irrecevabilité soulevée par les consorts [X] et Maître [Y] ès qualités ne pourra prospérer.

Au regard des pièces versées aux débats et des décisions judiciaires déjà intervenues dans le présent litige, une résiliation de plein droit du contrat de location-gérante signé le 4 juillet 2015 entre les consorts [X] et la sas Le Moulin n'aurait pu intervenir que le 26 novembre 2023 suite à la lettre recommandée avec accusé de réception qui a été délivrée à la sas Le Moulin trois mois au moins avant l'échéance conformément aux stipulations contractuelles.

Or, le jour de la délivrance des assignations devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle en dates des 5, 6 et 9 octobre 2023, la date d'échéance annuelle de renouvellement tacite du contrat de location-gérance (soit le 26 novembre 2023) n'était pas encore intervenue, de sorte que la société Le Moulin avait en tout état de cause encore la qualité de créancière des consorts [X], ce qui lui permettait de diligenter une action oblique au motif de la carence de ces derniers, la fin de non recevoir pour défaut d'intérêt à agir soulevée par mesdames [X] et Maître [Y] ès qualités ne pouvant donc être accueillie.

La carence des consorts [X] dans les démarches destinées à faire exécuter la décision de la cour d'appel est caractérisée par la chronologie des faits et les pièces versées aux débats, de sorte que les conditions de l'action oblique étaient remplies au jour de l'assignation même si par la suite, mesdames [X] ont repris l'action intentée par la sas Le Moulin.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action oblique de la sas Le Moulin recevable par substitution de motifs.

Sur les demandes de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte

Maître [Y] demande à titre principal de supprimer l'astreinte prononcée et subsidiairement de la liquider à l'euro symbolique et dire n'y avoir lieu à fixation d'une nouvelle astreinte en faisant valoir que Maître [B] ès qualités était dans l'impossibilité d'exécuter la condamnation à faire procéder aux travaux de reprise prononcée par l'arrêt de la cour d'appel du 8 février 2022 et il en va de même pour Maître [Y] ès qualités puisque ces travaux n'entrent pas dans la mission et les compétences du mandataire liquidateur, l'organisation ne relevant pas de leur activité et n'étant pas non couverte par leur assurance professionnelle.

Il soutient qu'il ne pourra exécuter que la condamnation à prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire, dans les limites des fonds disponibles dans le cadre de la liquidation judiciaire de la sci Les Tourelles du [Localité 8], lorsque les factures de travaux lui auront été transmises et qu'il appartiendra aux consorts [X] de fournir des devis actualisés des travaux en cause.

Les consorts [X] soutiennent que la société [B]-[Y] agit 'ès qualité' de représentant d'une personnes morale dont la personnalité juridique perdure pendant toute la durée de la liquidation et qu'elle est donc compétente pour exécuter les travaux sous astreinte, le défaut d'assurance spécifique des mandataires-liquidateurs n'étant pas opposable au locataire, d'autant plus que la difficulté trouve son origine dans l'absence d'assurance du bien par Maître [B] et que le jugement du tribunal judiciaire de La Rochelle a condamné Maître [B] à faire procéder à ces travaux.

Si la cour accordait du crédit à cette impossibilité pour un mandataire judiciaire liquidateur de liquider et en l'espèce de commander des travaux nécessaires à la réparation et conservation du bien, il conviendrait alors selon elles de condamner la société [B]-[Y] à consigner les sommes correspondant aux travaux - outre une provision complémentaire de 20% du chiffrage de l'expert pour tenir compte de l'écoulement du temps depuis le dépôt du rapport qui est de 2018 - soit 167.972,84 euros, sur le compte CARPA des consort [X].

La société Le Moulin considère que le mandataire s'abrite derrière une impossibilité d'exécuter la condamnation à faire procéder aux travaux de reprise, impossibilité qui n'a été alléguée que tardivement et alors que la Cour de cassation, dans son ordonnance du 13 juin 2014, s'est déjà prononcée sur la prétendue impossibilité d'exécuter du mandataire.

En tout état de cause, elle soutient que la condamnation qu'il s'agit d'exécuter n'est pas une condamnation à effectuer des travaux mais à prendre leur coût en charge.

Réponse de la cour d'appel :

Aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Le juge de l'exécution, et la cour d'appel sur appel de son jugement, ne sauraient revenir sur les décisions du tribunal de La Rochelle et de la cour d'appel de Poitiers en disant que la condamnation de Maître [B] ès qualités n'était pas légalement possible comme ne rentrant pas dans les missions légales d'un mandataire judiciaire, indépendamment de la question de l'assurance de ce dernier qui n'a pas à être prise en compte par la juridiction alors qu'elle ne concerne que les relations entre le mandataire et son assureur.

Maître [Y] ès qualités ne peut donc demander de constater une impossibilité de faire pour ce motif.

Force est donc de constater que Maître [B] en sa qualité de mandataire judiciaire avait pour obligation de :

prendre en charge le coût des travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire et à faire procéder à ces travaux, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt et pendant une durée de quatre mois, passé laquelle il serait à nouveau fait droit

et qu'à ce jour, ces travaux n'ont pas été réalisés sans que le mandataire judiciaire ne démontre les difficultés ou un cas de force majeure qui l'auraient empêché de respecter l'injonction judiciaire.

C'est donc à juste titre que le premier juge a liquidé l'astreinte à hauteur de 12 000 euros correspondant à une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant quatre mois et qu'il a fixé une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de six mois pendant une durée de six mois.

Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il apparaît conforme à l'équité de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a condamné Maître [Z] [B] ès qualité de liquidateur de la sci propriétaire à verser la somme de 1 000 euros à la sci Le Moulin et aux consorts [X] au titre de ses frais irrépétibles.

L'équité commande également de condamner Maître [Y] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière Les Tourelles de [Localité 8] à verser à la société Le Moulin d'une part et à mesdames [X] ensemble, d'autre part la somme de 2 000 euros à chacune au titre de leurs frais non compris dans les dépens.

Les consorts [X] seront déboutés de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la sas Le Moulin.

Maître [Y], membre de la société professionnelle [B] [Y] ès qualités sera débouté de sa propre demande à cet titre et condamné en tous les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître [O] [Y], membre de la société civile professionnelle [B] [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière Les Tourelles de [Localité 8] désigné en remplacement de Maître [Z] [B] par ordonnance du 8 août 2024 ;

Confirme le jugement déféré ;

Et y ajoutant,

Condamne Maître [Y], membre de la société civile professionnelle [B] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière Les Tourelles de [Localité 8] à verser la somme de 2 000 euros à la société anonyme simplifiée Le Moulin d'une part, et la somme de 2 000 euros à mesdames [J] [X] et [C] [A] prises ensemble d'autre part ;

Déboute les parties de leurs autres demandes contraires ou supplémentaires ;

Condamne Maître [Y], membre de la société civile professionnelle [B] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière Les Tourelles de [Localité 8] aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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