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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 18 mars 2025, n° 22/06198

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/06198

18 mars 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 18 MARS 2025

(n° 2025/ , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06198 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6Q6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11468

APPELANT

Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374

INTIMEE

S.A.S.U. DB CARGO FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Angéline DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0092

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Stéphanie BOUZIGE, Présidente de chambre et de la formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Stéphanie BOUZIGE, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogé à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Stéphanie BOUZIGE, Présidente de chambre, et par Anjelika PLAHOTNIK, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [H] a été engagé par la société Euro Cargo Rail, devenue Db cargo France, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 1er août 2008 avec une reprise d'ancienneté au 1er mars 2004, en qualité de secrétaire général.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la branche ferroviaire.

La société Db cargo France occupait à titre habituel plus de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Un avenant au contrat de travail a été conclu le 3 août 2015 prévoyant les modalités d'une expatriation de M. [H] de trois ans aux Emirats Arabes Unis, soit jusqu'au 31 août 2018.

M. [H] y a exercé les fonctions de directeur commercial.

A l'issue de la période d'expatriation et en exécution d'une promesse de l'employeur du 7 septembre 2018, M. [H] a été réintégré le 10 septembre 2018 sur le poste de responsable business développement, statut cadre dirigeant, classification OFK3.

Le 30 octobre 2018, Monsieur [H] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail, lequel a été reconnu comme étant un accident du travail.

Le 19 mars 2019, M. [H] a été de nouveau en arrêt de travail.

Le 21 mars 2019, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 avril suivant.

Par lettre recommandée du 9 avril 2019, M. [H] a été licencié pour les motifs suivants exactement reproduits :

' Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 5 avril 2019, auquel vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [X] [M], responsable Méthodes et membres suppléant du Comité Social et Economique d'EURO CARGO RAIL.

Les explications fournies lors de cet entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour les raisons

suivantes :

Vous avez été embauché par la Société Euro Cargo Rail (ECR), sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité de Secrétaire Général à compter du 1er août 2008 puis vous avez été expatrié aux Emirats-Arabes-Unis du 1er septembre 2015 au 31 août 2018 sur la base d'un contrat de travail local (votre contrat de travail initial ayant été suspendu pendant cette période), avec maintien et mise en place de divers avantages liés à votre expatriation. A l'issue de votre expatriation, vous avez été réintégré au sein d'ECR, à compter du 1er septembre 2018, au poste de Responsable Business Développement, statut cadre dirigeant, classé en catégorie OFK3.

En cette qualité, vous étiez chargé d'assister le Président de la Société dans ses missions et notamment être force de proposition dans la détermination et la gestion de la politique opérationnelle et commerciale à mener. Vous deviez également initier et mettre en place une stratégie de développement permettant à la Direction de déterminer les orientations futures de l'entreprise permettant d'assurer sa croissance et de lui amener des nouvelles parts de marché. A ce titre vous étiez notamment en charge des équipes du service informatique, juridique, régulation et Pôle Projet et Performance.

Fin 2016, compte tenu des difficultés économiques rencontrées, la Société a été contrainte de mettre en place une réorganisation importante qui s'est traduite par la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) d'envergure impactant plus de 30% des effectifs. La mise en 'uvre de ce PSE touche aujourd'hui à sa fin mais la situation économique d'ECR reste comme vous le savez très préoccupante.

Dans ce contexte difficile aux enjeux importants pour l'avenir d'ECR, votre rôle en tant que Responsable Business Développement était essentiel et nous étions en droit d'attendre de votre part compte tenu de votre statut de cadre dirigeant et votre positionnement au plus haut niveau de classification (OFK3) un véritable engagement et une collaboration sans faille.

Or, nous avons constaté depuis plusieurs mois maintenant de véritables manquements dans l'exercice de vos fonctions et dans le soutien que vous êtes tenu d'apporter à vos équipes, résultante de votre attitude d'opposition systématique vis-à-vis de l'entreprise depuis votre réintégration au sein de ECR.

En effet, à diverses reprises, nous avons constaté de votre part un manque de management, de soutien et d'accompagnement évident à l'égard de vos collaborateurs dans l'accomplissement de leur mission caractéristique d'une profonde désinvolture dans l'exercice de vos fonctions.

A titre d'exemple, les 3 et 4 janvier 2019, à la suite de la coupure informatique DB Systel qui a gravement entravé le fonctionnement de la Société du fait de l'impossibilité pour les collaborateurs de se connecter à leur boîte mail et aux applications pendant deux jours, vous avez laissé le Directeur Informatique, Monsieur [C] [Z], alors que vous êtes son N+1, s'expliquer seul face au Président de la Société sur les raisons de cette coupure informatique, manifestant ainsi un profond désintérêt quant à ces sujets pourtant cruciaux pour l'entreprise.

Egalement, à deux reprises, le 17 octobre et le 26 novembre 2018, sans prévenir la responsable de projet, à savoir [E] [A] et sans vous assurez préalablement d'un alignement des positions à tenir, vous êtes arrivé avec plus de 2 heures de retard ou êtes parti prématurément de rendez-vous fixés avec des auditeurs, laissant la responsable de projet, seule et sans directives, mener ces rendez-vous, ce qui l'a mise dans une situation délicate et a clairement nuit à l'image d'ECR.

En outre, nous avons constaté que vous alliez parfois à l'encontre des recommandations de vos équipes comme cela a été le cas par exemple pour l'audit EPS où vous avez pris la décision de signer le rapport à l'encontre de la position du Directeur de la production et du Directeur d'IT qui craignaient qu'ECR n'ait plus de visibilité sur les développements ce qui est malheureusement le cas. En effet. la signature du rapport de clôture de l'audit permet à notre fournisseur DB Systel de considérer être délié de toute

obligation contractuelle envers ECR.

En outre, vous avez attendu plus de 6 mois (jusque début mars 2019) pour organiser des réunions mensuelles du Business développement (réunions mensuelles mises en place par votre prédécesseur), pourtant indispensables à un bon management de vos équipes et à l'avancée des projets !

Alors que vous refusez vous-même d'accepter une délégation de pouvoir, ce qui est surprenant au regard de votre niveau de responsabilité, nous avons constaté à l'inverse que vous déléguiez de manière excessive certaines tâches et responsabilités qui vous sont propres, à certains de vos collaborateurs sans cohérence, sans instructions précises et sans considération de leur charge de travail.

A titre d'illustration, vous avez refusé au dernier moment de devenir membre du Decision Board (organe restreint de décision au sein de ECR) au motif que vous ne souhaitiez pas vous charger de la préparation et des comptes rendus de ces réunions pourtant stratégiques pour ECR. Vous avez donc délégué votre participation au Decision Board à Monsieur [S] [O], Responsable du Pôle Projets et Performance, alors qu'il est déjà en charge de la préparation et des comptes rendus des réunions du CoDir ainsi que de la préparation des réunions MEG devenues PRM (anciennement gérées par votre prédécesseur) que là non plus vous n'avez pas souhaité reprendre.

A titre d'illustration encore, par emails des 20 février et 1er mars 2019, vous n'avez pas hésité à demander à la Directrice Juridique et Assurance de ECR, Madame [L] [T], qu'elle challenge la stratégie commerciale et assure la cohérence commerciale des contrats dans le dossier Transfesa alors même que cela ne relève aucunement du périmètre de responsabilité d'une Directrice Juridique mais bel et bien du Responsable Business Développement.

Par ailleurs, nous avons également constaté des carences dans le suivi et l'avancement de certains dossiers en cours comme, par exemple, dans le cadre du projet Léon, à savoir le déménagement des locaux de ECR. En effet, alors que vous êtes en charge du projet depuis le mois d'octobre 2018, ce n'est que le 21 février 2019, que vous vous êtes enquis de connaitre l'effectif du siège, information pourtant essentielle pour cette recherche. Ce manque de précision sur les effectifs et votre laxisme a fait perdre à ECR une opportunité de location de locaux basés à [Localité 6] pour lesquels l'entreprise était très intéressée.

Ce manque de management, de soutien et d'accompagnement de vos collaborateurs et vos carences sont révélateurs d'une profonde désinvolture dans l'exercice de vos fonctions.

En outre, votre opposition systématique avec l'entreprise visant, depuis votre réintégration au sein de ECR en France, à multiplier les écrits et lettres recommandées AR sur des sujets insignifiants, infondés ou sur lesquels nous avons déjà répondu alors que votre positionnement au sein de ECR vous permet un contact facile et fluide avec le Président et la Direction de l'entreprise, est révélateur de votre volonté de monter un dossier de toute pièce contre ECR dans une logique de départ (pour rejoindre votre famille installée en Allemagne) et une perspective contentieuse.

Vos manquements et votre attitude ne sauraient plus longuement perdurer au regard des enjeux importants pour l'avenir auxquels ECR est confrontée et sur lesquels nous devons concentrer nos efforts.

En effet, la situation préoccupante d'ECR implique de pouvoir collaborer étroitement et en toute confiance avec ses cadres dirigeants et en particulier avec vous en votre qualité de Responsable Business

Développement (dont le rôle est fondamental dans le fonctionnement de l'entreprise) et suppose que vous soyez pleinement investi dans vos fonctions, ce qui n'est absolument pas le cas.

Il est évident que ce manque d'investissement, de soutien et de coopération, dans un contexte difficile, n'est pas conforme à votre niveau de responsabilité et d'expérience et rend impossible votre maintien dans l'entreprise.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif personnel.(...)'

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 décembre 2019 lequel, par jugement du 6 mai 2022, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, a :

- fixé le salaire à 16.051 euros bruts,

- dit le licenciement de M. [H] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Euro Cargo Rail devenue Db Cargo France à régler à M. [H], les sommes suivantes :

* 96.306 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Euro Cargo Rail devenue Db Cargo France au remboursement à pôle emploi des sommes versées dans la limite de six mois de salaires,

- dit qu'à l'expiration du délai d'appel, la copie certifiée conforme de la présente décision sera transmise à pôle emploi par le secrétariat greffe du conseil de prud'hommes,

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Euro Cargo Rail devenue Db Cargo France de sa demande reconventionnelle,

- condamné la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

M. [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2022.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de requalification du licenciement en licenciement nul, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

En conséquence,

- requalifier le licenciement de M. [H] en licenciement nul.

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 577.836 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement nul.

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 64.204 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

A titre subsidiaire

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande à hauteur de 208.663 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- requalifier le licenciement de M. [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 208.663 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Db Cargo France à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées dans la limite de 6 mois de salaires.

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande relative au rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, de sa demande de régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux, de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande relative à la remise du certificat de travail pour la période d'août 2008 à août 2015.

En conséquence,

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 23.777,6 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- condamner la société Db Cargo France à régulariser la situation de M. [H] auprès des organismes sociaux.

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 96.306 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- condamner la société Db Cargo France à verser à M. [H] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société Db Cargo France au remboursement des indemnités de chômage versées à M. [H] dans la limite de six mois.

- condamner la société Db Cargo France aux entiers dépens.

- ordonner la remise du certificat de travail pour la période d'août 2008 à août 2015.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2024 , auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Db Cargo France demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 6 mai 2022 en ce qu'il a:

fixé la rémunération mensuelle de M. [H] à 16.051 euros bruts, jugé que le licenciement de M. [H] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société Db Cargo France à verser à M. [H] les sommes suivantes : 96.306 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, assortis ces condamnations de l'intérêt au taux légal, condamné la société Db Cargo France à rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] dans la limite de six mois de salaires, condamné la société Db Cargo France aux entiers dépens et débouté la société Db Cargo France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a constaté que la société Db Cargo France a rempli ses obligations de reclassement à l'issue de la période d'expatriation en proposant des postes conformes à ceux occupés antérieurement par M. [H], constaté que M. [H] ne présente aucun élément probant démontrant qu'il a subi des agissements liés à un harcèlement moral, jugé que le harcèlement moral n'est pas constitué, débouté M. [H] du surplus de ses demandes.

En conséquence :

- constater que le licenciement de M. [H] est parfaitement justifié et procède bien d'une cause réelle et sérieuse (motif personnel).

- constater que le supposé harcèlement moral, la prétendue discrimination et violation de la liberté d'expression de M. [H] fondant ses demandes au titre d'un prétendu licenciement nul et d'un prétendu préjudice moral dans le présent litige ne sont aucunement établis.

- constater l'absence de reliquat au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- constater l'absence de travail dissimulé de M. [H].

- constater la régularité de la situation de M. [H] auprès des organismes sociaux.

- débouter M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- débouter M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

- débouter M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

- débouter M. [H] de sa demande de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- débouter M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

- débouter M. [H] du surplus de ses demandes.

A titre reconventionnel : condamner M. [H] à 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile afférent à la présente procédure d'appel.

En tout état de cause :

- fixer le salaire de référence de M. [H] à 10.584,84 euros bruts.

- rejeter toute demande au titre des dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la nullité du licenciement

M. [H] soutient que son licenciement est nul en ce qu'il s'inscrit dans le cadre d'un harcèlement moral débuté à l'été 2018, qu'il est discriminatoire en raison de son état de santé et qu'il vient sanctionner l'exercice légitime de sa liberté d'expression.

1. Sur le harcèlement moral

Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l'article L.1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1, le salarié présente des éléments de fait, appréciés dans leur ensemble, laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ainsi, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [H] invoque les faits suivants :

- un rapatriement en France au mois de septembre 2018 traité de manière déloyale par son employeur.

- une différence de traitement et des conditions de travail dégradées par rapport à d'autres salariés de la société.

- des agissements humiliants s'inscrivant dans un processus de mise à l'écart et d'érosion de son statut de cadre dirigeant.

- des reproches injustifiés à propos notamment de son refus non fautif d'une délégation de pouvoir et d'un entretien annuel 2019 bâclé.

- une violation constante de l'obligation de sécurité à la suite de ses différentes alertes.

- une altération de sa santé connue de l'employeur.

- un licenciement injustifié et nul en ce qu'il s'inscrit dans ce contexte de harcèlement, discriminatoire eu égard à son état de santé dégradé et à ses alertes et attentatoire à sa liberté d'expression.

Sur le rapatriement en France en septembre 2018

M. [H] fait valoir que le 4 février 2015, les ressources humaines du groupe - en les personnes de M. [G] et de Mme [B] - ont pris l'engagement, à l'issue de son expatriation, de le réintégrer au sein de l'entité allemande ' Db Schenker Rail ou bien dans le groupe ' ; alors qu'il a présenté sa démission le 31 mai 2018, l'employeur a attendu le dernier moment, soit le 24 août 2018, pour évoquer avec lui sa réintégration et lui proposer un poste, ce qui démontre la déloyauté avec laquelle la société Db Cargo France a entendu mettre en 'uvre son obligation de réintégration ; il conteste la suppression de son précédant poste de secrétaire général lors du plan de sauvegarde de l'emploi, lequel avait été pourvu par son n-1, M. [O] ; mis devant le fait accompli et sans autre proposition, il a accepté, le 10 septembre 2018, de signer la promesse de réintégration sur le poste de responsable business développement lequel était potentiellement visé par le plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligeant à postuler à nouveau sur ce poste qui lui avait été 'promis ' trois semaines plus tôt ; il avait présenté huit candidatures entre le 21 mai et le 5 septembre 2018, dont deux figuraient sur la liste des cinq postes proposés par l'employeur et qui n'ont pas été soutenues ; ce retour d'expatriation particulièrement mal géré par les ressources humaines du groupe et de Db Cargo explique la dégradation de ses conditions de travail concomitante à son retour en France.

M. [H] produit :

- un courrier du 4 février 2015 de Mme [B] et de M. [G] qui indique : ' 4. Nous nous efforcerons de vous proposer, à votre retour de la joint-venture, une fonction correspondant à votre niveau de contrat dans le secteur d'activité Db Schenker Rail ou dans le groupe. Nous vous contacterons en temps utile avant la fin de votre détachement de trois ans dans la joint-venture Etihad Rail afin de discuter des perspectives. Nous vous assurons qu'à cette occasion, nous examinerons avec vous en particulier les options au sein du groupe en Allemagne. Cette disposition s'applique également au cas où votre engagement au sein de la joint-venture prendrait fin prématurément'.

- sa démission du contrat émirien présentée le 31 mai 2018 avec effet au 1er septembre 2018.

- un courrier du 23 août 2018 de M. [P], adressé par courriel à M. [H] le 24 août 2018, ayant pour objet ; 'proposition d'embauche' et formulant une proposition de réintégration en qualité de 'head'.

- son courriel en réponse du 31 août 2018 dans lequel il indique : ' Par ailleurs, cette «promesse de réintégration ne correspond pas à ce qui a été stipulé dans la lettre du 04 février 2015 rédigée en allemand et signée avant mon expatriation par le DRH du groupe Db Schenker Rail Db Cargo, Mme [B], ainsi que par le responsable HR pour les cadres supérieurs, M. [G]. En effet, à ce jour, aucune proposition concrète de poste pour un retour en Allemagne à un niveau OFK ne m'a été faite comme cela aurait pourtant dû être le cas '.

- le profil Linkedin de M. [O] indiquant un poste de 'secrétaire général' depuis juin 2019.

- son courriel du 10 septembre 2018 dans lequel il rappelle l'irrespect de l'engagement ferme de lui proposer des postes pour un retour en Allemagne et évoque les candidatures pour des postes allemands réalisés au courant de l'année 2018 ainsi que les échanges avec les interlocuteurs allemands pour tenter d'étudier les possibilités de réintégration en Allemagne.

- la promesse de réintégration signée le 10 septembre 2018 dans le poste de responsable de business développements, le courriel de l'employeur du 14 septembre 2018 indiquant la liste des postes vacants et invitant les salariés à postuler et son courriel du 28 septembre 2018 portant sa candidature au poste de responsable de business développements.

- son courriel du 12 novembre 2018 dans lequel il souligne l' « absence totale de suivi / de réponse des RH quant à [sa] candidature du 28 septembre 2018 au poste de Responsable Business Development », le courriel en réponse de l'employeur du 3 décembre 2018, son courriel en réponse du 11 décembre 2018 et le courriel en réponse de l'employeur du 18 mars 2019.

Ces éléments permettent d'établir la matérialité des faits suivant : une assurance d'examiner avec M. [H], à son retour d'expatriation, les options de postes au sein du groupe en Allemagne ; une proposition tardive de réintégration de l'employeur adressée le 24 août 2018 alors que M. [H] avait présenté sa démission le 31 mai 2028 avec effet au 1er septembre 2018 ; le poste de secrétaire général, poste précédemment occupé par M. [H] avant son expatriation, a été occupé par M. [O] ; alors qu'il avait accepté la proposition du poste de responsable business développement le 10 septembre 2018, M. [H] a dû postuler à nouveau sur ce poste du 28 septembre 2018, comme les autres salariés de la société ; il avait présenté huit candidatures, entre le 21 mai et le 5 septembre 2018, dont deux figuraient sur la liste des cinq postes proposés par l'employeur et n'ont pas été pourvus.

Sur la différence de traitement et les conditions de travail dégradées au sein de la société Db Cargo France

M. [H] fait valoir que, du fait des atermoiements des directions des ressources humaines à son retour d'expatriation, il a fait le choix le 20 août 2018 et alors qu'il n'avait pas reçu d'offre de réintégration, de scolariser ses enfants à [Localité 5] où sa femme réside également et ce n'est qu'une fois qu'il avait installé sa famille en Allemagne qu'il a été informé qu'il serait réintégré en France ; qu'il compare sa situation à celle de Mme [W] dont la situation familiale avait été prise en compte et qui avait été autorisée à n'être présente que trois jours physiquement dans les locaux français, ce qui ne lui a pas été accordé ; les questions relatives à la santé et la prévoyance, notamment en lien avec les soins que sa famille restée en Allemagne, n'avaient pas été prises en considération et il a dû avancer les nombreux frais de santé de sa famille en 2018 ; M. [P] a invoqué son autonomie de travail dans le cadre d'un 'forfait jour annuel' alors qu'il était un cadre dirigeant non soumis à un forfait ; il a encore reçu un traitement différent par rapport à Mme [W], de nationalité allemande, membre du Codir et qui occupait le même poste, pour mieux tenter de pointer ses carences relatives à l'organisation supposée de réunions par Mme [W].

M. [H] produit :

- son courriel du 10 septembre 2018 dans lequel il indique : « J'espère que vous tiendrez compte de ma situation familiale tout comme vous l'avez fait pour Madame [W], situation familiale qui est due au fait de mon retour d'expatriation mal anticipé par les RH».

- des frais de santé avancés par M. [H] en 2018.

- le courriel de M. [P] du 3 décembre 2018 dans lequel il indique : « Par ailleurs, tu es cadre et tu disposes d'une autonomie de travail dans le cadre de ton forfait jour annuel ».

- son courrier de contestation de son licenciement du 18 avril 2019 dans lequel il indique: 'Je précise en outre que j'ai bien fait des points hebdomadaires avec mes n-1 et que, contrairement à Mme [W] qui, elle, ne comptait que 3 jours de présence effective par semaine à ECR, j'ai été pour ma part présent et disponible 5 jours par semaine pour mes équipes dans les locaux d'ECR à [Localité 7]. Je rappelle à ce sujet que Mme [W], qui était de nationalité allemande et membre du CODIR comme moi a, contrairement à moi, pu bénéficier de la possibilité de travailler quelques jours par semaine en Allemagne. En dépit de mes demandes, je n'ai pu avoir d'explications satisfaisantes concernant cette différence de traitement'.

- son courrier du 11 décembre 2018 dans lequel il écrit : ' VI. Flexibilité géographique. Suite à ton e-mail du 3 décembre 2018 concernant ma demande pour la flexibilité géographique, je fais référence à mon e-mail du 12 novembre 2018, lequel résume bien que vous n'appliquez pas les mêmes règles à tous les salariés d'ECR. Je te rappelle également que ma situation familiale est la conséquence directe de la gestion déplorable de mon retour d'expatriation de la part des RH d'ECR/Db et qu'il ne s'agit aucunement d'un choix personnel. En conséquence, la raison pour laquelle je ne peux pas profiter d'une flexibilité géographique pour mieux équilibrer ma vie professionnelle et privée reste mystérieuse et j'interprète ce refus comme une nouvelle action qui vise à compliquer ma vie professionnelle en créant de la confusion ainsi qu'un sentiment d'injustice et d'insécurité'.

Ces éléments établissent la matérialité des faits suivants : ses demandes tendant à ce que soit examinée sa situation familiale et à bénéficier d'une flexibilité géographique pour mieux équilibrer sa vie professionnelle et sa vie privée par comparaison avec la situation de Mme [W] ; une appréciation erronée de la situation de M. [H] par son employeur qui invoque l'existence d'une rémunération au forfait alors que le salarié est cadre dirigeant ; l'absence de prise en charge par l'employeur des frais de santé et de prévoyance pour la famille de M. [H].

Sur des agissements humiliants, la mise à l'écart progressive et l'érosion de son statut de cadre dirigeant

M. [H] invoque des situations qu'il considère comme humiliantes : l'absence de reconnaissance de son statut de cadre dirigeant ; l'absence d'officialisation du poste occupé au retour d'expatriation en 2018, un tel traitement caractérisant sa mise à l'écart ; l'employeur a conditionné sa présence au 'Decision Board' à sa reprise des tâches de préparation de la réunion, l'écriture du compte-rendu et le suivi de la mise en 'uvre des décisions, pratique humiliante puisque Mme [W] participait aux réunions sans avoir à s'occuper de ces tâches de secrétariat ; en qualité de responsable du business développement, il n'avait plus comme subordonnée la Directrice juridique ; lors de la visite de M. [G], directeur des ressources humaines groupe le 30 janvier 2019, aucune rencontre n'a été organisée avec lui contrairement à d'autres cadres placés dans une situation semblable ; alors qu'au mois de mars 2019, il préparait le retour de sa famille en France, il a reçu le 12 mars 2019 un mail qui était destiné à l'avocat de l'employeur et dont l'objet était intitulé « Eléments [I] [H] » qui démontre que l'employeur collectait des preuves contre lui.

M. [H] produit :

- ses bulletins de salaire sur lesquels sont mentionné l'existence d'un forfait, son courrier du 11 décembre 2018 dans lequel il indique : ' Je ne saisis absolument pas pour quelles raisons vous avez intentionnellement refusé à plusieurs reprises de confirmer «officiellement » que ma candidature avait été acceptée. Bien évidemment, ces pratiques restent obscures pour moi et ce, tout particulièrement, lorsque plusieurs de mes collaborateurs directs ont, eux aussi, présenté leur candidature pour ce poste. Ce manque de transparence n'est pas bon pour l'entreprise. En outre, j'interprète ce refus comme une nouvelle action qui vise à compliquer ma vie professionnelle en créant de la confusion ainsi qu'un sentiment d'injustice et d'insécurité. Pour éviter tout malentendu, je vous demande de bien vouloir faire une communication officielle comme quoi ma candidature a été acceptée, de m'informer également sur les différents avantages que cela implique (niveau OFK3 et retraite supplémentaire. hauteur du bonus, etc.) et de me fournir les règles du groupe Db concernant le bonus pour l'OFK3'.

- son courriel du 22 janvier 2019 dans lequel il indique : 'Dans ton e-mail du 17.01.2019, tu m'as demandé de continuer à participer à la réunion "Decision Board" en reprenant les tâches de préparation de la réunion, l'écriture du compte-rendu et le suivi de la mise en ceuvre des décisions de [S] ou bien de tout déléguer à [S]. Comme discuté maintes fois et comme déjà répondu le 14.01.2019 à [N], je souhaite continuer de participer à la réunion "Decision Board" afin de donner mon avis stratégique concernant les décisions importantes pour le développement de l'entreprise, une tâche que je ne peux bien évidemment pas déléguer.En revanche, j'ai proposé que [S] continue de se charger de la préparation et du compte-rendu de la réunion "Decision Board". Ceci, afin d'assurer continuité et cohérence dans la gestion des sujets lors les réunions transversales chez ECR (Codir, Copil, Decision Board) par le pôle projet. Bien sûr, je superviserai la préparation de la réunion, je m'assurerai que le compte-rendu est complet et correct et je vérifierai le suivi des actions, si tu le souhaites. De ce que je comprends, cela correspond tout à fait aux pratiques habituelles des entreprises du groupe Db et d'ECR. (...) Par ailleurs, ces tâches sont en principe réservées aux assistantes, aux jeunes managers. En résumé, je ne saisis pas bien les raisons pour lesquelles tu m'as demandé de bien vouloir changer subitement nos pratiques' .

- son courrier du 25 février 2019 qui indique : 'le 30.01.2019, j'étais extrêmement surpris d'apprendre, par hasard, que M. [G], Responsable du développement des cadres dirigeants chez Db Cargo, était venu à ECR le jour-même pour une visite de deux jours et qu'il avait programmé des rendez-vous avec des collaborateurs du management et des collègues allemands pour discuter de leur développement de carrière. En ce qui me concerne, en revanche, je n'ai pas été informé de sa visite et il ne m'a malheureusement pas contacté pour un entretien afin de discuter de mes perspectives de carrière.(...)'.

- un courriel de Mme [D], juriste droit social de la société Db Cargo France, qui lui a été adressé par erreur et qui était destiné à l'avocate de la société, dont l'objet est intitulé 'éléments [I] [H]' et qui indique : « Un mail qui pourrait être utilisé qui montre clairement le manque de motivation de [I] pour venir travailler chez Db Cargo ».

- un courrier de l'employeur du 18 mars 2019 qui indique : « Tout porte à croire que vous tentez ['] de construire un dossier de toute pièce dans une perspective contentieuse » et le courrier du 1er avril 2019 que son conseil a adressé à la société Bd Cargo France et qui fait état de l'impact de cette situation sur l'état de santé de son client qui a été contraint d'être placé en arrêt de travail à compter du 19 mars 2019.

Ces éléments établissent la matérialité des faits constitutifs de décisions humiliantes du fait d'une absence de reconnaissance du statut de cadre dirigeant de M. [H], d'une absence d'officialisation de son poste, d'une mise à l'écart des réunions du 'Decision board'; d'une obligation d'accomplir des tâches de tâches de secrétariat dont sa prédécesseur n'avait pas la charge, d'une absence d'information de la visite de M. [G] le 30 janvier 2019, de la collecte par l'employeur d'éléments de preuve à l'encontre de M. [H] et communiqués à l'avocat de la société et du reproche de construire un dossier dans une perspective contentieuse.

Sur les reproches injustifiés

[H] invoque des reproches lapidaires effectués lors de son entretien annuel et professionnel qu'il a mal vécus et qu'il a contestés ; son employeur lui a reproché son refus pourtant légitime d'accepter la délégation de pouvoirs très large qu'on tentait de lui imposer dans un contexte conflictuel.

M. [H] produit : son entretien annuel et professionnel 2019 signés par Monsieur [F], son courrier du 25 février 2019 comportant une contestation de cette évaluation qui indique: 'troisièmement, vu la situation actuelle et la nature de nos relations, je crains fort qu'une délégation de pouvoirs si générale puisse être utilisée contre moi afin de trouver des "fautes professionnelles". Et les reproches non factuels quant à mon comportement faits lors de mon ELA (cf. paragraphe III.) viennent confirmer ce risque. C'est la raison pour laquelle je ne peux accepter une telle délégation de pouvoir en l'état. En revanche, je suis ouvert à la mise en place d'une délégation moins large et plus précise'.

Ces éléments établissent la matérialité des faits de reproches formulés par l'employeur lors de l'entretien annuel et professionnel 2019, la contestation de M. [H] et son refus de signer une délégation de pouvoir.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [H] invoque une agression verbale en réunion intervenue le 12 novembre 2018 ayant entraîné un accident du travail et un arrêt de travail ; sa demande auprès de son employeur de résoudre cette situation ; sa dénonciation d'un harcèlement moral le concernant et la dégradation de ses conditions de travail ; l'absence de réponse de l'employeur qui n'a pas mis en 'uvre les dispositions légales et jurisprudentielles, rappelées d'ailleurs par son avocate à la fin de l'année 2018, pour faire cesser cette situation de harcèlement moral ; si les mots «harcèlement moral » n'ont pas été explicitement employés, la récurrence de ses alertes relatives à sa souffrance au travail et ses arrêts de travail aurait dû entraîner une réaction de l'employeur ; aucune mesure relative aux risques psychosociaux n'est explicitée et le document unique d'évaluation des risques n'est pas fourni aux débats.

M. [H] produit : son courriel du 12 novembre 2018, dans lequel il indique : ' Après mon malaise du 30 octobre dernier au bureau d'Db Cargo et pendant mon arrêt maladie, j'ai réfléchi à ma situation professionnelle et mes conditions de travail qui me stressent depuis plusieurs mois. Le fait que ma santé soit aujourd'hui impactée constitue un nouvel élément qui est bien évidemment de nature à m'alerter puisque il est lié à la dégradation de mes conditions de travail'; son courriel du 30 novembre 2018 dans lequel il évoque la « gravité de [sa] situation et la nécessité de la résoudre rapidement » ; son courriel du 25 février 2019 dans lequel il revient sur les faits 'd'agression verbale lors du Codir du 30 janvier 2019" ; le courriel en réponse de M. [P] qui conteste l'existence d'une agression verbale et toute stratégie ou tentative de déstabilisation sur la personne de M. [H] ; le courrier de son conseil du 1er avril 2019, dans lequel il évoque la situation professionnelle de M. [H], les irrégularités de la relation de travail, la dégradation de ses conditions de travail et invoque explicitement l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur au titre de l'article L.4121-1 du code du travail; la déclaration d'accident du travail suite à l'accident du 30 octobre 2018 ; un arrêt de travail au titre d'un accident du travail ; un avis d'arrêt de travail à compter du 19 mars 2019 ; un certificat médical du docteur [U] faisant état de 'symptômes vertigineux invalidants dans la journée du 30/10/2018".

Ces éléments établissent la matérialité des faits d'alertes réitérées de la part de M. [H] et de son conseil quant à la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé dans le cadre de l'article L.4121-1 du code du travail et que l'altération de l'état de santé du salarié était connue de l'employeur.

M. [H] présente des éléments de fait qui, appréciés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe donc à la société Db Cargo France de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur les conditions de rapatriement en France

La société Db Cargo France conteste toute déloyauté en ce qu'elle n'a pas pris d'engagement de rapatrier M. [H] sur un poste en Allemagne à l'issue de son expatriation ; elle a respecté ses engagements à ce titre par des recherches engagées dès le mois de mars 2018 dans le périmètre allemand et il a été proposé à M. [H] cinq postes basés en Allemagne ; M. [H] n'a postulé sur aucun des postes et a déclaré qu'il considérait son rapatriement en France comme son 'plan B' ; de nombreux échanges oraux et écrits ont eu lieu entre les parties et le 24 août 2018, M. [P] a proposé à M. [H] un poste classé OFK3 ; M. [H] a bénéficié d'un accompagnement privilégié, poussé et individualisé ; si la société a été contrainte de solliciter de la part de M. [H] sa candidature au poste de responsable business developpement, c'est en raison des mesures sociales prévues dans le cadre du PSE mis en place en 2017/2018, comme cela a été expliqué à M. [H] comme le fait que ce poste lui était néanmoins réservé.

La société Db Cargo France produit : le courrier du 4 février 2015, l'avenant au contrat de travail du 3 août 2015, le courriel de Mme [K] du 3 septembre 2018 adressé à M. [P] dans lequel elle liste les cinq postes situés en Allemagne qui ont été proposés à M. [H] depuis le mois de mars 2018 ; le courriel de M. [H] du 2 juillet 2018 à M. [F] l'informant qu'il était 'en cours de recrutement à Db immobilien' et qu' 'au cas où cela ne fonctionnerait pas' qu'il aimerait 'discuter d'un plan B pour (sa) mission à partir de septembre' ; les courriels de M. [P] adressés à M. [H] des 2 et 24 août 2018, les lettres que la société a adressées à M. [H] les 18 mars 2018, 29 mai 2018 et 21 septembre 2018 et le mail du 21 septembre 2018 qui précise ' En outre, comme tu es salarié d'ECR, il est normal que tu reçoives les communications internes d'ECR, notamment celles relatives à la publication des postes régulièrement faite au sein d'ECR. Dans le contexte de PSE, les postes proposés à tous les salariés, pour un reclassement éventuel ou pour des mobilités internes. Sur la nécessité de postuler nous t'avons expliqué, [J] et moi même, dans mon bureau, les raisons qui visaient à t'inscrire dans ce processus.'.

* * *

Si la société Db Cargo France justifie de la nécessité pour M. [H] de présenter une candidature officielle pour le poste responsable business développement en raison des nécessités de la procédure du plan de sauvegarde de l'emploi, il n'est pas établi que cette circonstance ait été explicitée préalablement au salarié, lequel a été placé dans une situation d'incertitude quant à la pérennité de son engagement sur le poste. De même, l'employeur ne justifie pas de façon objective le fait que le poste précédemment occupé par M. [H] de secrétaire général a été attribué à M. [O].

De même, la société Db Cargo France s'est bien engagée envers M. [H] à examiner avec lui, à son retour d'expatriation, les options de postes au sein du groupe en Allemagne. Si, à compter de mars 2018, la société a proposé à M. [H] cinq postes situés en Allemagne, M. [H] avait lui-même présenté huit candidatures, entre le 21 mai et le 5 septembre 2018, dont deux postes étaient sur la liste des postes proposés par son employeur et la société Db Cargo France ne justifie pas des raisons objectives pour lesquelles ces candidatures n'ont pas été retenues.

Sur la différence de traitement et les conditions de travail dégradées au sein de la société Db Cargo

La société Db Cargo France fait valoir que M. [H] ne peut se comparer à Mme [W] dans la mesure où elle était salariée de la société Deutsch Bahn, expatriée en France au sein de la société Db Cargo France alors que M. [H] était salarié français de la société Db Cargo France placé dans les mêmes conditions de travail que les autres salariés de la société qui ne pratique pas le télétravail et que sa présence dans les locaux était requise eu égard à son poste de direction qui excluait tout traitement de faveur ; M. [H] a pris de sa propre initiative la décision d'installer sa famille en Allemagne alors qu'aucune proposition ferme de poste ne lui avait été faite en Allemagne ; elle a examiné immédiatement la situation de M. [H] concernant son affiliation à une mutuelle et à une assurance complémentaire et a expliqué au salarié que le contrat de mutuelle n'avait pas été résilié mais que sa famille ne pouvait en bénéficier dès lors qu'elle résidait en Allemagne et que l'assurance complémentaire était limitée au temps de l'expatriation.

La société Db Cargo France verse :

- son courriel du 3 décembre 2018 qui indique : 'Comme déjà invoqué, le poste est basé à [Localité 7], dans le cadre d'un contrat de droit Français. Par ailleurs, tu es cadre et tu disposes d'une autonomie de travail dans le cadre de ton forfait jour annuel. D'un point de vue organisationnel et travail en équipe, [V] a déjà eu l'occasion de t'expliquer, qu'il souhaitait, par expérience des mois passés, que ses équipes dirigeantes soient présentes sur le site pour faciliter le collaboratif et le travail en équipe et pour gagner en efficacité. La comparaison sélective que tu faisais avec [Y] [W], notamment, était mal appropriée, en ce qu'elle avait un contrat d'expatriation et que par ailleurs, elle était 'parent isolée avec 3 enfants à charge'. Pour les autres cas, ils sont effectivement "originaires d'Allemagne", comme tu le mentionnes, et expatriés pour l'essentiel, mais [V] leur a demandé la même présence chez ECR. Il est trop facile, désormais d'accuser quiconque sur la situation personnelle dans laquelle tu te trouves et de trouver prétexte à cette occasion de refaire l'histoire de ton retour chez ECR à [Localité 7] et du positionnement volontaire et à ton initiative, de ta famille à Berlin.'.

- son courrier du 3 décembre 2018 qui indique : 'Nous avons fait un point avec le service paie suite à ton mail du 28 novembre dernier.A ce stade je te confirme que nous n'avons pris aucune initiative sur les problématiques dont tu nous accuses au sujet de l'assurance maladie de ta famille. Nous n'avons rien annulé pour le dire autrement.Le service RH/Paie ne gère pas les assurances pour les expatriés. Au contraire, lors de ton retour chez ECR, nous avons tout mis en oeuvre pour que ta couverture sociale, comme salarié ECR, demeurant en France, soit établie en bonne et due forme pour toi notamment au travers de nos contrats collectifs de Prévoyance et Santé. De ce point de vue là, tout est clair pour ton dossier et tu bénéficies bien d'une mutuelle au sens ECR du terme, Mutuelle dont ton épouse et tes enfants ne peuvent bénéficier puisqu'ils ne sont pas domiciliés en France.Toutetois, merci de nous dire si tu as fait une éventuelle demande de prolongation de ton assurance auprès d'Axa lors de ton retour d'expatriation, en leur précisant explicitement ta situation personnelle et professionnelle, c'est à dire : salarié français, vivant en France mais avec ta Famille, (femme et enfants) demeurant en Allemagne' As tu fais également des démarches auprès de Ethiad avant ton retour chez ECR ''.

- son courrier du 29 mai 2019.

* * *

Alors que Mme [W] était la prédécesseure de M. [H] sur le poste et donc soumise aux mêmes exigences, contraintes organisationnelles et responsabilités que celles de M. [H], le fait que Mme [W] ait été dans une situation d'expatriation ne constitue pas un élément objectif susceptible de justifier que la flexibilité dans l'organisation du travail et dans la présence en France a été accordée à Mme [W] en raison de sa situation familiale dès lors que M. [H], qui occupait le même poste et était également confronté à une situation familiale équivalente à celle de Mme [W] en ce qu'il était séparé de sa femme et de ses enfants.

Par ailleurs, si la société Db Cargo indique avoir répondu à M. [H] concernant son affiliation à une mutuelle et à une assurance complémentaire, elle ne justifie pas, par des pièces de la matérialité de ses affirmations.

Sur des agissements humiliants, la mise à l'écart progressive et l'érosion de son statut de cadre dirigeant

La société Db Cargo France fait valoir que M. [F] a annoncé officiellement le 12 septembre 2018 lors de la réunion du Codir la prise de poste de responsable business développement par M. [H], ce qui a été confirmé par courriel de M. [F] à M. [H] du 21 septembre 2018; M. [H] n'a pas été empêché d'assister aux réunion du 'Decision board' ; la situation de M. [H], pérenne depuis cinq mois impliquait qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un entretien avec M. [G], lequel devait se consacrer aux situations des salariés concernés par le PSE.

La société Db Cargo France produit

- son courrier du 18 mars 2018 dans lequel elle indique : ' En conséquence, lors de la réunion Codir du 12 septembre 2018, nous avons annoncé officiellement votre prise de poste en qualité de responsable de Business développement de l'époque et moi-même, nous avons fait le point sur les différents sujets qui vous seraient dorénavant dévolus dans le cadre de la 'passation' qui s'effectuait entre vous et Madame [W]'.

- son courriel du 21 septembre 2018 dans lequel elle rappelle la promesse d'embauche sur le poste de responsable de Business développement et indique que ' Pour faciliter la compréhension des autres managers, lors du 1er Codir auquel tu participais, comme nous le faisons habituellement, nous avons annoncé ton arrivée sur le poste de [Y] et pour son remplacement, sans ambiguité en expliquant, qu'il y aurait une phase d'intérim, le temps de passer les dossiers. C'est une information transparente pour les membres du Codir et pour te permettre de d'installer dans le poste avec toute la mesure et le temps nécessaire à la prise des dossiers et pour les autres managers de savoir qui fait quoi' Et jusqu'à quand'. Ces points ont été précisés à cette occasion. Compte tenu de ces éléments, je ne vois pas ce qui te fait craindre pour ton avenir'.

- son courriel du 21 septembre 2018 dans lequel elle indique : 'nous ne comprenons pas ce nouveau point de contestation dans la mesure où un entretien particulier n'avait lieu d'être dès lors que vous avez bénéficié d'une expatriation à l'étranger d'une durée de 3 ans et que vous avez été intégré au sein d'ECR le 1er septembre 2018 au poste de Responsable Business Development, statut OFK3 comme convenu. D'autres cadres au sein d'ECR sont en attente de propositions de postes et d'évolution de carrière au sein du Groupe et doivent également pouvoir bénéficier de la même attention de celle qui vous a été accordée'.

* * *

Ces éléments ne permettent pas de justifier objectivement les raisons pour lesquelles il a été fait obligation à M. [H] d'accomplir des tâches de secrétariat dont sa prédécesseur n'avait pas la charge et qui ont été dénoncées par M. [H] comme étant attentatoires à son statut de cadre dirigeant.

Alors que les entretiens avec M. [G] ont été menés avec des collaborateurs du management et des collègues allemands pour discuter de leur développement de carrière, la société Db Cargo France ne justifie pas, par des éléments objectifs autres que ses propres allégations écrites dans ses courriers, que les entretiens ont été limités à l'examen des situations de salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi ou de cadres en attente de propositions de postes.

Enfin, la société Db Cargo France ne répond pas au fait qu'elle a procédé à une collecte d'éléments de preuve à l'encontre de M. [H] et communiqués à son avocat .

Sur les reproches injustifiés

La société Db Cargo France fait valoir que les griefs énoncés dans les entretiens d'évaluation sont justifiés ; M. [H] n'était pas le seul concerné par la délégation de pouvoirs, que tous les n-1 du président de la société s'étaient vus imposer une telle délégation similaire et que seul M. [H] a refusé ; cette délégation était conforme aux missions et responsabilités de M. [H] et d'une durée définie.

La société Db Cargo France produit son courrier du 18 mars 2019.

* * *

Outre le fait qu'il n'est pas produit de pièce justifiant des reproches formulés dans l'entretien d'évaluation de M. [H], la société Db Cargo France ne justifie pas davantage ses affirmations selon lesquelles tous les salariés n-1 du président de la société s'étaient vus imposer une telle délégation similaire et que seul M. [H] a refusé.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

La société Db Cargo France fait valoir que M. [H] n'a pas dénoncé de faits de harcèlement moral et qu'elle n'avait donc pas à diligenter une enquête à ce sujet ; elle a réagi en cherchant à instaurer un dialogue constructif avec son salarié malgré les reproches infondés qu'il proférait à l'encontre de son employeur ; M. [H] n'invoque d'ailleurs pas de manquements précis.

La société Db Cargo France produit son courrier du 18 mars 2019 et son courriel du 21 septembre 2018.

* * *

Alors que M. [H], ou son conseil, a alerté, au cours de l'exécution de son contrat de travail et de façon explicite, la société Db Cargo France de sa 'situation professionnelle et mes conditions de travail qui me stressent depuis plusieurs mois' du fait que sa ' santé soit aujourd'hui impactée constitue un nouvel élément qui est bien évidemment de nature à m'alerter puisque il est lié à la dégradation de mes conditions de travail', de la ' gravité de [sa] situation et la nécessité de la résoudre rapidement ' et d'une 'd'agression verbale lors du Codir du 30 janvier 2019", la société Db Cargo France ne justifie pas des mesures concrètes qu'elle a mises en oeuvre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié.

* * *

Il en résulte que la société Db Cargo échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [H] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les éléments, notamment médicaux produits, démontrent une dégradation des conditions de travail du salarié qui a porté atteinte à sa dignité et a altéré sa santé physique et mentale.

Le harcèlement moral est établi.

Dès lors que des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont constitutifs ou liés aux faits de harcèlement moral (refus de consentir à une délégation de pouvoir, délégation de la tâche de préparation administrative des réunions du 'Décision Board', reproche d'une opposition systématique avec l'entreprise depuis sa réintégration et son attitude à multiplier les écrits et lettres recommandées AR, lesquels étaient motivés par le signalement de la part du salarié de faits de harcèlement moral), le licenciement intervenu dans ce contexte est nul en application de l'article L.1152-3 du code du travail, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres fondements de nullité du licenciement soulevés par M. [H].

En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (51 ans), de son ancienneté (15 ans), de sa qualification, de sa rémunération (16.051 euros ), des circonstances de la rupture mais également du fait qu'il ne justifie que d'une période d'inscription à pôle emploi (du 11 juillet 2019 au 7 septembre 2021) sans établir de versements d'indemnités de chômage, il convient d'accorder à M. [H] une indemnité pour licenciement nul d'un montant de 160.000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral

M. [H] fait valoir qu'il n'a reçu que des réponses floues, des critiques et reproches quant à ces réclamations pourtant légitimes ; alors que ses correspondances n'engendraient ni réponse rapide ni ouverture d'une enquête interne, il s'est aperçu que la société Db Cargo préparait un « dossier contentieux » pour le licencier, fait d'autant plus humiliant que ce dossier était monté en collaboration avec Maître Duffour, avocat avec qui il avait eu l'occasion de travailler.

La société Db Cargo conteste les énonciations du salarié et demande de rejeter la demande de dommages-intérêts.

* * *

Il est établi que M. [H] a subi des faits de harcèlement moral qu'il a dénoncés au cours de l'exécution du contrat de travail sans que la société Db Cargo ne justifie de mesures qu'elle a mises en oeuvre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié.

Par ailleurs, les éléments du dossier démontrent que la société Db Cargo était, dès le mois de mars 2019, en train de rassembler des éléments constituant des griefs à l'encontre de M. [H] qui ont été adressés à l'avocat de la société pour lequel M. [H] démontre qu'il a été amené à collaborer avec lui (pièce 38).

Dans ces conditions, M. [H] a subi un préjudice moral qu'il convient d'indemniser par la somme de 10.000 euros.

Sur la demande de rappel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

M. [H] fait valoir que l'indemnité conventionnelle de licenciement a été calculée sur la seule base des salaires reçus en France depuis septembre et non sur les douze derniers mois précédant le licenciement, la période ayant été omise pour ne pas intégrer le salaire reçu au titre de l'expatriation et le bonus reçu en août, ce qui porte son salaire moyen à 16.051 euros. Cette omission génère un manque à gagner de 23.777,60 euros.

La société Db Cargo France fait valoir que, dès lors que M. [H] a été réintégré au sein de la société mère, l'indemnité de licenciement ne peut être calculée en prenant en compte les salaires perçus pendant la période d'expatriation.

* * *

Sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, le calcul de l'indemnité de licenciement d'un salarié qui a été expatrié est effectué conformément aux dispositions de l'article R. 1234-1 du Code du travail.

Ainsi, la part « locale » de la rémunération versée au salarié expatrié doit être prise en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement lui revenant.

Par ailleurs, le salarié ne peut cumuler pour une même période de travail les indemnités versées par la filiale avec celles qu'il pourrait obtenir de la société mère à la suite de son licenciement.

La société mère ne doit verser que la différence entre les sommes qui auront été versées par la filiale au titre d'indemnités de rupture et celles qui seront dues pour l'ancienneté globale au titre de la législation française.

En l'espèce, à l'issue de la période d'expatriation, M. [H] a été réintégré au sein de la société Db Cargo suite à sa démission auprès de son employeur saoudien et n'a pas perçu d'indemnité de licenciement.

Par ailleurs, l'article 23 de la convention collective nationale de la branche ferroviaire dispose:

« A compter de 1 an d'ancienneté continue chez le même employeur, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée bénéficient d'une indemnité de licenciement lorsque leur licenciement n'est pas motivé par une faute grave ou lourde.

Le montant de cette indemnité est fixé comme suit :

- entre 1 et 9 ans d'ancienneté : 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise ;

- entre 10 et 19 ans d'ancienneté : 2/5 de mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise ;

- à partir de 20 ans d'ancienneté : ¿ mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise. »

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est déterminé conformément au code du travail. ».

Dans ces conditions, la demande de M. [H] tendant à calculer l'indemnité de licenciement sur la base des douze derniers mois précédant le licenciement et non uniquement des salaires reçus en France depuis septembre, est fondée en son principe et en son montant, lequel est non strictement contesté par l'employeur.

Il convient donc de condamner la société Db Cargo Franceà verser à M. [H] la somme de 23.777,60 euros à titre de rappel de l'indemnité de licenciement.

Sur la demande de régularisation de la situation de M. [H] auprès des organismes sociaux

M. [H] fait valoir que les déclarations sociales fiscales et sociales ont connu différentes irrégularités au cours de ses dernières années passées au sein de la société. Ainsi, un bonus, versé en mai 2013, n'aurait été régularisé auprès des organismes sociaux que le 13 janvier 2016 et malgré la déclaration sur l'honneur d'y avoir procédé, ce versement n'apparaît pas dans les relevés de sa situation individuelle. L'employeur a indiqué, dans l'attestation destinée à Pôle emploi, des salaires de référence à compter de septembre 2018 alors que la société avait l'obligation de cotiser contre le risque de perte d'emploi pour Monsieur [H] tout au long de son expatriation. Les cotisations relatives à l'assurance vieillesse dues à la Caisse des Français de l'Etranger n'avaient pas été acquittées en totalité depuis le 1er juillet 2018.

La société Db Cargo France réplique que M. [H] ne saurait lui reprocher une éventuelle carence des organismes de retraite dès lors qu'elle a accompli ses obligations en la matière. De même, l'avertissement de la Caisse des Français de l'Etranger selon lequel les cotisations n'avaient pas été acquittées en totalité depuis le 1er juillet 2018 résulterait d'une erreur de la caisse.

* * *

Concernant le bonus 2012 versé au salarié en 2013, il ressort des éléments du dossier que la société Db Cargo France se contente de produire des attestations sur l'honneur du responsable administratif et financier établies en 2013 et 2016, l'attestation de 2013 étant erronée a nécessité l'élaboration d'une attestation rectifiée en 2016. De simples attestations que l'employeur se délivre, comportant par ailleurs des erreurs, n'ont pas de valeur probante suffisante pour justifier de l'exécution de son obligation surtout que le versement n'apparaît pas dans les relevés de la situation individuelle de M. [H] édité par la caisse de retraire (pièce 24). La société Db Cargo France devra donc régulariser la situation du salarié auprès de la caisse de retraite concernant le bonus perçu en 2023.

De plus, selon l'article L. 5422-13 du Code du travail dispose "Sauf dans les cas prévus à l'article L. 5424-1, dans lesquels l'employeur assure lui-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance, tout employeur assure contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés".L'adhésion au régime d'assurance ne peut être refusée".

En l'espèce, il ressort de l'attestation établie par l'employeur destinée à France Travail (à l'époque dénommée pôle emploi) que la société Db Cargo France a mentionné les salaires perçus par M. [H] à compter de sa réintégration au sein de la société en septembre 2018, soit sept mois de salaire. Compte tenu de l'obligation légale pesant sur l'employeur au titre de la charge des cotisations d'assurance chômage, la société Db Cargo France devra donc régulariser la situation du salarié auprès de France travail.

Par contre, s'il ressort du courrier du 11 novembre 2018 qu'il a été indiqué à M. [H] que les cotisations au titre de l'assurance vieillesse dues à la caisse des français de l'étranger n'auraient pas été acquittées en totalité, il ressort d'un courrier du 15 mars 2019 de cette même caisse que les cotisations ont bien été acquittées jusqu'au 31 août 2018. Dans ces conditions, il n'y a lieu à régularisation.

Sur la demande d'indemnité au titre d'un travail dissimulé

M. [H] fait valoir que la société Db Cargo France a indiqué des salaires de référence à compter de septembre 2018 alors qu'elle avait l'obligation de cotiser contre le risque de perte d'emploi le concernant tout au long de son expatriation et qu'il a dénoncé d'autres irrégularités comme mentionné supra.

La société Db Cargo France indique qu'elle s'est acquittée de l'ensemble des cotisations au titre de l'assurance vieillesse concernant M. [H] et a réglé l'ensemble des cotisations pôle emploi, comme le démontrent les pièces qu'elle produit de sorte que l'intention frauduleuse n'est pas caractérisée.

* * *

L'article L 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige,' prévoit: « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

L'article L 8223-1 du code du travail prévoit qu' en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, si M. [H] fait état d'irrégularités relatives aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales, il ne justifie pas que celles-ci résultent d'une soustraction intentionnelle de la part de la société Db Cargo.

La demande sera donc rejetée.

Sur la demande au titre du remboursement à pôle emploi des indemnités de chômage

Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, 'dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de l'opérateur France Travail ou la personne qu'il désigne au sein de l'opérateur France Travail peut, pour le compte de l'opérateur France Travail, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire'.

Il convient donc de condamner la société Db Cargo France à rembourser à France travail les indemnités de chômage perçues par M. [H] dans la limite de six mois. Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de pôle emploi, conformément aux dispositions de l'article R. 1235-1 du code du travail.

La société Db Cargo France devra remettre à M. [H] un certificat de travail pour la période d'août 2008 à août 2015.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la société Db Cargo France à payer à M. [H] la somme de 4.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la société Db Cargo France, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnité pour travail dissimulé, au remboursement des indemnités à France Travail, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

L'infirme sur les autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que le licenciement de M. [I] [H] est nul,

Condamne la société Db Cargo France à payer à M. [I] [H] les sommes de :

- 160.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 23.777,60 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Ordonne la régularisation de la situation de M. [I] [H] auprès des organismes sociaux à savoir :

- auprès de la caisse de retraite concernant le bonus perçu en 2013,

- auprès de France Travail concernant l'indication des salaires perçus par M. [H] au cours des douze derniers précédant la rupture du contrat de travail comprenant la période d'expatriation,

Dit que la société Db Cargo France devra remettre à M. [I] [H] un certificat de travail pour la période d'août 2008 à août 2015,

Y ajoutant,

Condamne la société Db Cargo France à payer à M. [I] [H] la somme de 4.000 euros au titr de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Db Cargo France aux dépens de l'appel.

La greffière La présidente

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