CA Paris, Pôle 6 - ch. 11, 18 mars 2025, n° 21/07234
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 18 MARS 2025
(n° 2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07234 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGHJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/07736
APPELANTE
S.A.R.L. ACROTERE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Pierre SOMMELET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0494
INTIMEE
Madame [R] [U]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Anne-Eugénie FAURE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0883
PARTIES INTERVENANTES
M [O] [C] (SCP SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de la SARL ACROTERE
[Adresse 1]
[Localité 7]
AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente
Madame Anne HARTMANN, présidente
Madame Catherine VALANTIN, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madadme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise pr le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [R] [U], née en 1979, a été engagée par la SARL Acrotere, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 novembre 2016 en qualité d'assistante de direction, statut cadre, niveau III, position 1, coefficient 360.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003, étendue par arrêté du 6 janvier 2004.
Par avenant à son contrat de travail en date du 1er novembre 2017, elle a été promue assistante de direction chargée d'administration, statut cadre, filière 4, catégorie 3, niveau 1, coefficient 400.
Par un second avenant à son contrat de travail en date du 26 juin 2018, elle a été promue directrice administrative et financière et ressources humaines, statut cadre, filière 4, catégorie 4, niveau 1, coefficient 500.
Par lettre datée du 11 mars 2019, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 18 mars 2019.
Par courrier du 27 mars 2019, la société Acrotere a notifié à Mme [U] son licenciement économique collectif en raison des difficultés financières qu'elle subissait l'ayant contrainte à former une déclaration de cessation de paiement.
La lettre indique « ['] [Le licenciement économique et collectif] est justifié par les faits suivants :
- difficultés économiques et financières,
- perte d'activité,
- rupture et non-renouvellement de nos contrats en cours avec nos clients (notamment projet Egis).
Comme nous l'indiquions le 18 mars dernier lors de votre entretien, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée ['] ».
Le 4 avril 2019, Mme [U] a signé le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle. La relation contractuelle a alors pris fin le 8 avril 2019.
A la date du licenciement, Mme [U] avait une ancienneté de deux ans et cinq mois et la société Acrotere occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Réclamant le paiement d'une créance pour des congés payés, le remboursement de ses notes de frais professionnels, et des dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral en raison d'agissements vexatoires, Mme [U] a saisi le 28 août 2019 le conseil de prud'hommes de Paris.
Le 3 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Acrotere, nommant la SCP Thévenot Partners en qualité d'administrateur en la personne de M. [X] [W], et la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire en la personne de M. [O].
Par jugement du 9 juillet 2021 du conseil de prud'hommes de Paris auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer,
- fixe la créance de Mme [U] au passif de la société Acrotere dont M. [W] est l'administrateur judiciaire, et M. [O] le mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA IDF Ouest, aux sommes suivantes :
- 5321,67 euros au titre de ses congés payés,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective,
- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute Mme [U] du surplus de ses demandes,
- déboute la société Acrotere dont M. [Y] est l'administrateur judiciaire de l'intégralité de ses demandes,
- déclare les créances opposables à l'AGS CGEA dans les limites des articles L 3253-6 et suivants du code du travail,
- dit que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L 622-17 du code de commerce.
Par déclaration du 11 août 2021, la société Acrotere a interjeté appel de cette décision, notifiée le 23 juillet 2021.
Par jugement du 23 septembre 2021, un plan de redressement de la société Acrotere a été approuvé, la société est donc redevenue in bonis et son gérant a été désigné pour procéder à l'exécution du plan.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021 la société Acrotere demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer et ordonné la fixation au passif de la société Acrotere de la somme de 5321,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande au titre d'un remboursement de notes de frais, en conséquence,
Statuant à nouveau,
- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours ;
Subsidiairement :
- déclarer irrecevable et mal fondée Mme [U] en l'ensemble de ses demandes de fixation au passif du redressement judiciaire de la société Acrotere,
- prononcer la nullité du document intitulé « solde de tout compte » en date du 8 avril 2019 établi et signé par Mme [U] pour un montant de 8.873,80 euros,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [U] en fixation au passif au titre « d'un complément de solde de tout compte » pour un montant de 5.321,67 euros qui résulte de documents nuls qui n'ont pas été établis ni signés de la société Acrotere, mais par Mme [U] en l'absence de mandat,
- déclarer mal fondée Mme [U] qui a été réglée de l'intégralité des sommes dues au titre du solde de tout compte de l'employeur pour un montant de 3.552,13 euros et qui a pris 63 jours de congés payés sur la période travaillée, indûment intitulés journée de repos compensateur de récupération auquel elle n'est pas assujettie en raison de son statut de cadre, outre l'interdiction d'effectuer des heures supplémentaires,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 754,96 euros (4 jours x 188,74 euros) à titre de trop perçu pour les jours de congés payés et indus,
- condamner Mme [U], en raison de ses man'uvres dolosives en vue de tromper la juridiction par la production d'un document faux et usage de faux constituant une tentative en l'état d'escroquerie au jugement, au paiement de la somme de 6000 euros à titre de dommages-intérêts,
- déclarer irrecevable et mal fondée la demande de Mme [U] au titre d'un solde de frais professionnels dont elle ne justifie pas la nature professionnelle et qui est exclue du solde de tout compte qu'elle avait rédigé,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 399,10 euros à parfaire, au titre de frais non professionnels indûment perçus par Mme [U],
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 6000 euros à parfaire, à titre de dommages-intérêts pour usage illicite du matériel de l'entreprise et perte de valeur de celui-ci et usage illicite des données de l'entreprise,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 janvier 2022, Mme [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- fixé au passif de la SARL Acrotere la créance de Mme [U] au titre de ses congés payés à la somme de 5.321,67 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Paris et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SARL Acrotere de ses demandes.
- déclarer irrecevables les demandes de condamnation formées par la SARL Acrotere à l'encontre de Mme [U] au titre d'un remboursement de frais et de dommages et intérêts,
- à titre subsidiaire, en débouter la SARL Acrotere,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes en paiement de :
- 663,83 euros au titre du remboursement de ses notes de frais professionnels,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2.000 euros pour les agissements vexatoires et le préjudice moral causé,
statuant à nouveau :
- condamner la SARL Acrotere à payer à Mme [U] :
- 5.321,67 euros au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de paris,
- 663,83 euros au titre du remboursement de ses notes de frais professionnels,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2.000 euros pour les agissements vexatoires et le préjudice moral causé,
- débouter la SARL Acrotere de l'ensemble de ses demandes,
le cas échéant,
- fixer au passif la SARL Acrotere la créance de Mme [U] :
- 5.321,67 euros au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de paris,
- 663,83 euros au titre du remboursement des frais professionnels
et
- condamner la SARL Acrotere à payer à Mme [U] :
- 1.000 euros à titre de dommages et intérêt pour appel abusif,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France dans la limite de ses obligations légales.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021 l'Unédic délégation AGS-CGEA Ile-de-France ouest demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes,
à défaut :
- le confirmer,
à titre très subsidiaire :
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail,
- exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS,
- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire le jugement opposable dans la limite d'un plafond toutes créances brutes confondues,
- rejeter la demande d'intérêts légaux,
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
En mars 2024, la société Acrotere a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG a été désignée liquidateur judiciaire.
La SCP BTSG a été assignée en intervention forcée le 12 juin 2024, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Acrotere, l'acte ayant été remis à personne morale.
La SCP BTSG, liquidateur judiciaire de la société Acrotere n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 novembre 2024. Le délibéré a été prorogé à deux reprises en raison de l'absence de dépôt par Maître Sommelet du dossier de la SARL Acrotere et ce malgré les nombreux rappels par RPVA.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Acrotere soutient en substance qu'elle a déposé plainte devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris le 18 février 2020 contre Mme [U] pour avoir imité la signature du gérant M. [H] sur le solde de tout compte en date du 8 avril 2019 qu'elle a produit devant le conseil des prud'hommes pour justifier ses prétentions, ce qui constitue un faux et un usage de faux dans l'intention de tromper la juridiction saisie, délit prévu et réprimé par les articles 441-1 à 441-12 du code pénal et pour avoir utilisé les logiciels de l'entreprise afin d'éditer un état récapitulatif de notes de frais en attente de paiement avec le cachet de l'entreprise en date du 11 avril 2019, soit postérieurement à la rupture de son contrat de travail le 8 avril 2019, produit également devant le conseil des prud'hommes, document établi par ses soins en faisant croire qu'il s'agissait d'un document provenant de l'entreprise, ce qui constitue un faux et un usage de faux avec l'intention de tromper la juridiction saisie et une contrefaçon par l'utilisation des outils appartenant à l'entreprise, délit prévu et réprimé par les articles 441-1 à 441-12 du code pénal et par l'article 353-3 du code pénal.
Mme [U] réplique que la plainte de l'employeur est de pure opportunité dans la mesure où les faits qu'il lui reproche sont infondés et quand bien même le seraient-ils, ils n'auraient pas d'incidence sur l'issue du litige devant la juridiction prud'homale qui doit statuer sur l'existence et le nombre de jours de congés payés non pris par la salariée à lui payer au terme de son contrat ; qu'elle a rendu l'ordinateur lors de l'audience de plaidoirie du 9 avril 2021 au conseil de la société Acrotere, ordinateur qui ne contenait aucune donnée de la société.
Vu l'article 4 du code de procédure pénale
En l'espèce, si la société Acrotere a bien déposé plainte, aucun élément ne justifie de la réalité d'une quelconque enquête ou poursuite. En tout état de cause, rien ne s'oppose à ce que la cour statue.
Il y a donc lieu, à l'instar des premiers juges, de rejeter la demande de sursis à statuer.
La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de nullité du solde de tout compte
La cour constate que la société Acrotere conteste l'authenticité du solde de tout compte du 8 avril 2019. Pour autant, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de ce document, nullité dont le fondement juridique n'est pas précisé par l'appelante, la juridiction prud'homale pouvant librement apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis.
Sur les congés payés
La société Acrotere fait valoir que Mme [U] ne bénéficie pas du régime des heures supplémentaires en sa qualité de cadre dirigeant et ne peut donc pas bénéficier d'un repos compensateur de remplacement ; que le solde de tout compte du 8 avril 2019 est nul comme n'ayant jamais été régularisé par le gérant ; qu'elle a pris 4 jours de congés payés en plus et doit régler la SCP Thevenot Partners la somme de 754,96 euros à titre de trop perçu pour les jours de congés payés et indus.
Mme [U] rétorque qu'elle n'est pas cadre dirigeant de la société ; que le solde de tout compte a été établi par l'expert-comptable de la société, le cabinet HREC qui l'a établi sur la base des éléments dont il disposait, notamment les bulletins de salaire ; qu'elle n'a pas signé son solde de tout compte ; que les heures prises au titre du repos compensateur de remplacement qui ont été validées par l'employeur, donc reconnues, n'ont jamais fait l'objet de réclamation avant la présente procédure et ne peuvent donc constituer des congés payés. ; que ces heures de récupérations ont toujours été approuvées par son employeur qui validait les jours de récupération ; que les documents de pointages mensuels du temps de travail de la salariée ont bien été transmis à l'employeur puisqu'il les produit à la présente procédure à l'appui de ses conclusions, et n'ont jamais fait l'objet de contestation antérieure ; que du fait de la nature de ses fonctions cumulatives et de son contrat de travail, la salariée était soumise à l'horaire collectif de la société pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées et disposait d'une autonomie définie et ponctuelle pour certaines seulement de ses fonctions.
En application de l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les pièces versées aux débats n'établissent nullement que Mme [U] disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps eu égard à l'importance des responsabilités qui lui étaient confiées, qu'elle était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de la société Acrotere, la grille de salaire produite à cet effet n'étant pas convaincante.
La cour retient donc que Mme [U] n'était pas cadre dirigeant mais simplement cadre et qu'en l'absence de convention de forfait, son temps de travail, comme rappelé dans son contrat de travail, était de 35 heures hebdomadaires.
Il résulte des feuilles de présence et de pointage versées aux débats que le temps de travail effectif tel que enregistré par Mme [U] a généré des repos compensateurs de remplacement et ce depuis 2016, ce que la société Acrotere ne peut ignorer puisque c'est elle qui produit des documents. C'est ainsi qu'en 2016, Mme [U] cumulait 16,5 jours de repos compensateurs de remplacement selon le tableau versé aux débats par la société. En outre, la salariée produit des mails du 3 décembre 2018 et du 1er mars 2019 de M. [H], gérant de la société, qui répondait positivement à sa demande de prendre des jours de 'RCR' au mois de mars 2019 et au mois de décembre 2018.
C'est donc à tort que l'employeur croit pouvoir soutenir, sans nullement le démontrer, que les jours pris par la salariée au titre des repos compensateurs étaient en réalité des jours de congés payés et ainsi prétendre qu'elle a été remplie de ses droits et qu'elle doit même restituer un indû pour avoir pris trop de congés.
La cour constate que le dernier bulletin de salaire de Mme [U] de mars 2019, établi par un cabinet d'expert-comptable mentionne un solde de congés de 20,83 jours, sans que l'employeur ne démontre qu'il avait mis la salariée en mesure d'en bénéficier avant la rupture du contrat de travail. En outre, le tableau de présence des salariés au mois d'août 2017 révèle que et contrairement à ce que soutient l'employeur, les salariés ne prenaient pas 4 semaines de congés au mois d'août. Enfin, la société ne justifie nullement qu'elle imposait une semaine de congés au printemps.
C'est en vain que l'employeur oppose le bulletin du mois d'avril 2019 qui laisse apparaître que Mme [U] aurait pris tous ses congés, sans cependant produire la demande de prise de congés de la salariée ni justifier de la période durant laquelle elle en aurait bénéficié, étant rappelé que le bulletin de mars 2019 mentionne un solde de 20,83 jours de congés.
En conséquence, eu égard à la somme de 3 552,13 euros déjà perçue, la cour retient que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société Acrotere restait devoir à Mme [U] la somme de 5 321,67 euros au titre des congés payés et ont fixé cette somme au passif de la liquidation de la société sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande en répétition de l'indû présentée par la société.
Sur les frais professionnels
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération.
En l'espèce, à l'instar des premiers juges, au vu des tickets de livraison de repas, notamment à domicile pour une ou deux personnes produits par la salariée, la cour retient que celle-ci ne justifie pas que ces dépenses ont été exposées pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur. C'est donc à juste titre que la salariée a été déboutée de sa demande de remboursement de frais. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive
Pour infirmation de la décision sur ce point, la salariée soutient que c'est de manière abusive que l'employeur a refusé de lui payer les sommes dues en contrepartie de son travail.
La société ne répond pas sur ce point précise.
La cour retient que le seul fait de contester les sommes réclamées par la salariée ne saurait caractériser une résistance abusive. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour agissements vexatoires
La cour retient à l'instar de Mme [U], que le fait pour l'employeur d'avoir accusé sa salariée de faux et usage de faux, alors qu'il n'est versé aux débats aucun élément en ce sens, est constitutif d'un comportement particulièrement vexatoire qui a causé à Mme [U] un préjudice. Par infirmation de la décision entreprise, la cour fixe la créance de sa salariée en réparation de ce préjudice à la somme de 1 000 euros au passif de la liquidation de la société.
Sur les demandes reconventionnelles de la société
Mme [U] fait valoir que la société n'a demandé, ni dans la déclaration d'appel, ni dans ses conclusions, l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, qu'en conséquence, la cour n'est pas saisie de la demande de remboursement de frais ni de la demande de dommages-intérêts.
La société Acrotere ne répond pas sur ce point.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
En vertu de l'article 954 du même code, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions
En l'espèce, la société Acrotere précise dans sa déclaration d'appel :
' Appel en ce que le jugement a fixé la créance de Madame [R] [U] au passif de la société ACROTERE dont Me [X] [W] est l'administrateur judiciaire, et Me [O] le mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA IDF OUEST, aux sommes de 5.321,67 € au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal et 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC'.
Et ses conclusions précisent en son dispositif :
'Il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté de sursis à statuer, ordonné la fixation au passif de la société ACROTERE de la somme de 5321,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés et de le confirmer en ce qu'il a débouté Madame [R] [U] de sa demande au titre d'un remboursement de notes de frais.'
Le conseil de prud'hommes a débouté la société Acrotere de l'intégralité de ses demandes et celle-ci a limité son appel à la fixation de la créance de Mme [U] au tire de l'indemnité de congés payés en demandant l'infirmation de ce chef de jugement, sans pour autant critiquer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles.
En conséquence, la cour retient qu'elle n'est pas saisie de l'appel du chef de jugement déboutant la société Acrotere de l'intégralité de ses demandes.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile
L'exercice d'une action en justice ne constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas d'intention malicieuse, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Si en l'espèce, l'appelante a fait une analyse erronée de la situation, il n'est pas établi que son recours procède d'une intention de nuire à la partie intimée qui sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les frais irrépétibles
Les dépens seront fixés au passif de la société Acrotere. La situation des parties commande qu'il ne soit pas alloué d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la fixation de cette indemnité par les premiers juges étant cependant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,
Dans les limites de sa saisine,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer, en ce qu'il a fixé la créance de Mme [R] [U] au passif de la liquidation de la SARL Acrotere à la somme de 5321,67 euros au titre de ses congés payés et à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Mme [R] [U] de sa demande au titre des frais professionnels et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour agissements vexatoires ;
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la liquidation de la SARL Acrotere la créance de Mme [R] [U] en réparation du préjudice au titre des agissements vexatoires à la somme de 1 000 euros ;
RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu de prononcer la nullité du solde de tout compte ;
DÉBOUTE Mme [R] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
FIXE au passif de la liquidation de la SARL Acrotere les entiers dépens ;
DIT n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
DIT le présent arrêt opposable à l'AGS, dont la garantie sera due dans les limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles et en application des articles L.3253-8, L.3253-17, L.3253-20 et D.3253-5 du code du travail.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 18 MARS 2025
(n° 2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07234 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGHJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/07736
APPELANTE
S.A.R.L. ACROTERE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Pierre SOMMELET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0494
INTIMEE
Madame [R] [U]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Anne-Eugénie FAURE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0883
PARTIES INTERVENANTES
M [O] [C] (SCP SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de la SARL ACROTERE
[Adresse 1]
[Localité 7]
AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente
Madame Anne HARTMANN, présidente
Madame Catherine VALANTIN, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madadme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise pr le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [R] [U], née en 1979, a été engagée par la SARL Acrotere, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 novembre 2016 en qualité d'assistante de direction, statut cadre, niveau III, position 1, coefficient 360.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003, étendue par arrêté du 6 janvier 2004.
Par avenant à son contrat de travail en date du 1er novembre 2017, elle a été promue assistante de direction chargée d'administration, statut cadre, filière 4, catégorie 3, niveau 1, coefficient 400.
Par un second avenant à son contrat de travail en date du 26 juin 2018, elle a été promue directrice administrative et financière et ressources humaines, statut cadre, filière 4, catégorie 4, niveau 1, coefficient 500.
Par lettre datée du 11 mars 2019, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 18 mars 2019.
Par courrier du 27 mars 2019, la société Acrotere a notifié à Mme [U] son licenciement économique collectif en raison des difficultés financières qu'elle subissait l'ayant contrainte à former une déclaration de cessation de paiement.
La lettre indique « ['] [Le licenciement économique et collectif] est justifié par les faits suivants :
- difficultés économiques et financières,
- perte d'activité,
- rupture et non-renouvellement de nos contrats en cours avec nos clients (notamment projet Egis).
Comme nous l'indiquions le 18 mars dernier lors de votre entretien, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée ['] ».
Le 4 avril 2019, Mme [U] a signé le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle. La relation contractuelle a alors pris fin le 8 avril 2019.
A la date du licenciement, Mme [U] avait une ancienneté de deux ans et cinq mois et la société Acrotere occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Réclamant le paiement d'une créance pour des congés payés, le remboursement de ses notes de frais professionnels, et des dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral en raison d'agissements vexatoires, Mme [U] a saisi le 28 août 2019 le conseil de prud'hommes de Paris.
Le 3 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Acrotere, nommant la SCP Thévenot Partners en qualité d'administrateur en la personne de M. [X] [W], et la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire en la personne de M. [O].
Par jugement du 9 juillet 2021 du conseil de prud'hommes de Paris auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer,
- fixe la créance de Mme [U] au passif de la société Acrotere dont M. [W] est l'administrateur judiciaire, et M. [O] le mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA IDF Ouest, aux sommes suivantes :
- 5321,67 euros au titre de ses congés payés,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective,
- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute Mme [U] du surplus de ses demandes,
- déboute la société Acrotere dont M. [Y] est l'administrateur judiciaire de l'intégralité de ses demandes,
- déclare les créances opposables à l'AGS CGEA dans les limites des articles L 3253-6 et suivants du code du travail,
- dit que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L 622-17 du code de commerce.
Par déclaration du 11 août 2021, la société Acrotere a interjeté appel de cette décision, notifiée le 23 juillet 2021.
Par jugement du 23 septembre 2021, un plan de redressement de la société Acrotere a été approuvé, la société est donc redevenue in bonis et son gérant a été désigné pour procéder à l'exécution du plan.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021 la société Acrotere demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer et ordonné la fixation au passif de la société Acrotere de la somme de 5321,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande au titre d'un remboursement de notes de frais, en conséquence,
Statuant à nouveau,
- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours ;
Subsidiairement :
- déclarer irrecevable et mal fondée Mme [U] en l'ensemble de ses demandes de fixation au passif du redressement judiciaire de la société Acrotere,
- prononcer la nullité du document intitulé « solde de tout compte » en date du 8 avril 2019 établi et signé par Mme [U] pour un montant de 8.873,80 euros,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [U] en fixation au passif au titre « d'un complément de solde de tout compte » pour un montant de 5.321,67 euros qui résulte de documents nuls qui n'ont pas été établis ni signés de la société Acrotere, mais par Mme [U] en l'absence de mandat,
- déclarer mal fondée Mme [U] qui a été réglée de l'intégralité des sommes dues au titre du solde de tout compte de l'employeur pour un montant de 3.552,13 euros et qui a pris 63 jours de congés payés sur la période travaillée, indûment intitulés journée de repos compensateur de récupération auquel elle n'est pas assujettie en raison de son statut de cadre, outre l'interdiction d'effectuer des heures supplémentaires,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 754,96 euros (4 jours x 188,74 euros) à titre de trop perçu pour les jours de congés payés et indus,
- condamner Mme [U], en raison de ses man'uvres dolosives en vue de tromper la juridiction par la production d'un document faux et usage de faux constituant une tentative en l'état d'escroquerie au jugement, au paiement de la somme de 6000 euros à titre de dommages-intérêts,
- déclarer irrecevable et mal fondée la demande de Mme [U] au titre d'un solde de frais professionnels dont elle ne justifie pas la nature professionnelle et qui est exclue du solde de tout compte qu'elle avait rédigé,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 399,10 euros à parfaire, au titre de frais non professionnels indûment perçus par Mme [U],
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 6000 euros à parfaire, à titre de dommages-intérêts pour usage illicite du matériel de l'entreprise et perte de valeur de celui-ci et usage illicite des données de l'entreprise,
- condamner Mme [U] à régler à la société Acrotere la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 janvier 2022, Mme [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- fixé au passif de la SARL Acrotere la créance de Mme [U] au titre de ses congés payés à la somme de 5.321,67 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Paris et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SARL Acrotere de ses demandes.
- déclarer irrecevables les demandes de condamnation formées par la SARL Acrotere à l'encontre de Mme [U] au titre d'un remboursement de frais et de dommages et intérêts,
- à titre subsidiaire, en débouter la SARL Acrotere,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes en paiement de :
- 663,83 euros au titre du remboursement de ses notes de frais professionnels,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2.000 euros pour les agissements vexatoires et le préjudice moral causé,
statuant à nouveau :
- condamner la SARL Acrotere à payer à Mme [U] :
- 5.321,67 euros au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de paris,
- 663,83 euros au titre du remboursement de ses notes de frais professionnels,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2.000 euros pour les agissements vexatoires et le préjudice moral causé,
- débouter la SARL Acrotere de l'ensemble de ses demandes,
le cas échéant,
- fixer au passif la SARL Acrotere la créance de Mme [U] :
- 5.321,67 euros au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Acrotere de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de paris,
- 663,83 euros au titre du remboursement des frais professionnels
et
- condamner la SARL Acrotere à payer à Mme [U] :
- 1.000 euros à titre de dommages et intérêt pour appel abusif,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France dans la limite de ses obligations légales.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021 l'Unédic délégation AGS-CGEA Ile-de-France ouest demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes,
à défaut :
- le confirmer,
à titre très subsidiaire :
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail,
- exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS,
- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire le jugement opposable dans la limite d'un plafond toutes créances brutes confondues,
- rejeter la demande d'intérêts légaux,
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
En mars 2024, la société Acrotere a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG a été désignée liquidateur judiciaire.
La SCP BTSG a été assignée en intervention forcée le 12 juin 2024, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Acrotere, l'acte ayant été remis à personne morale.
La SCP BTSG, liquidateur judiciaire de la société Acrotere n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 novembre 2024. Le délibéré a été prorogé à deux reprises en raison de l'absence de dépôt par Maître Sommelet du dossier de la SARL Acrotere et ce malgré les nombreux rappels par RPVA.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Acrotere soutient en substance qu'elle a déposé plainte devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris le 18 février 2020 contre Mme [U] pour avoir imité la signature du gérant M. [H] sur le solde de tout compte en date du 8 avril 2019 qu'elle a produit devant le conseil des prud'hommes pour justifier ses prétentions, ce qui constitue un faux et un usage de faux dans l'intention de tromper la juridiction saisie, délit prévu et réprimé par les articles 441-1 à 441-12 du code pénal et pour avoir utilisé les logiciels de l'entreprise afin d'éditer un état récapitulatif de notes de frais en attente de paiement avec le cachet de l'entreprise en date du 11 avril 2019, soit postérieurement à la rupture de son contrat de travail le 8 avril 2019, produit également devant le conseil des prud'hommes, document établi par ses soins en faisant croire qu'il s'agissait d'un document provenant de l'entreprise, ce qui constitue un faux et un usage de faux avec l'intention de tromper la juridiction saisie et une contrefaçon par l'utilisation des outils appartenant à l'entreprise, délit prévu et réprimé par les articles 441-1 à 441-12 du code pénal et par l'article 353-3 du code pénal.
Mme [U] réplique que la plainte de l'employeur est de pure opportunité dans la mesure où les faits qu'il lui reproche sont infondés et quand bien même le seraient-ils, ils n'auraient pas d'incidence sur l'issue du litige devant la juridiction prud'homale qui doit statuer sur l'existence et le nombre de jours de congés payés non pris par la salariée à lui payer au terme de son contrat ; qu'elle a rendu l'ordinateur lors de l'audience de plaidoirie du 9 avril 2021 au conseil de la société Acrotere, ordinateur qui ne contenait aucune donnée de la société.
Vu l'article 4 du code de procédure pénale
En l'espèce, si la société Acrotere a bien déposé plainte, aucun élément ne justifie de la réalité d'une quelconque enquête ou poursuite. En tout état de cause, rien ne s'oppose à ce que la cour statue.
Il y a donc lieu, à l'instar des premiers juges, de rejeter la demande de sursis à statuer.
La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de nullité du solde de tout compte
La cour constate que la société Acrotere conteste l'authenticité du solde de tout compte du 8 avril 2019. Pour autant, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de ce document, nullité dont le fondement juridique n'est pas précisé par l'appelante, la juridiction prud'homale pouvant librement apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis.
Sur les congés payés
La société Acrotere fait valoir que Mme [U] ne bénéficie pas du régime des heures supplémentaires en sa qualité de cadre dirigeant et ne peut donc pas bénéficier d'un repos compensateur de remplacement ; que le solde de tout compte du 8 avril 2019 est nul comme n'ayant jamais été régularisé par le gérant ; qu'elle a pris 4 jours de congés payés en plus et doit régler la SCP Thevenot Partners la somme de 754,96 euros à titre de trop perçu pour les jours de congés payés et indus.
Mme [U] rétorque qu'elle n'est pas cadre dirigeant de la société ; que le solde de tout compte a été établi par l'expert-comptable de la société, le cabinet HREC qui l'a établi sur la base des éléments dont il disposait, notamment les bulletins de salaire ; qu'elle n'a pas signé son solde de tout compte ; que les heures prises au titre du repos compensateur de remplacement qui ont été validées par l'employeur, donc reconnues, n'ont jamais fait l'objet de réclamation avant la présente procédure et ne peuvent donc constituer des congés payés. ; que ces heures de récupérations ont toujours été approuvées par son employeur qui validait les jours de récupération ; que les documents de pointages mensuels du temps de travail de la salariée ont bien été transmis à l'employeur puisqu'il les produit à la présente procédure à l'appui de ses conclusions, et n'ont jamais fait l'objet de contestation antérieure ; que du fait de la nature de ses fonctions cumulatives et de son contrat de travail, la salariée était soumise à l'horaire collectif de la société pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées et disposait d'une autonomie définie et ponctuelle pour certaines seulement de ses fonctions.
En application de l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les pièces versées aux débats n'établissent nullement que Mme [U] disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps eu égard à l'importance des responsabilités qui lui étaient confiées, qu'elle était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de la société Acrotere, la grille de salaire produite à cet effet n'étant pas convaincante.
La cour retient donc que Mme [U] n'était pas cadre dirigeant mais simplement cadre et qu'en l'absence de convention de forfait, son temps de travail, comme rappelé dans son contrat de travail, était de 35 heures hebdomadaires.
Il résulte des feuilles de présence et de pointage versées aux débats que le temps de travail effectif tel que enregistré par Mme [U] a généré des repos compensateurs de remplacement et ce depuis 2016, ce que la société Acrotere ne peut ignorer puisque c'est elle qui produit des documents. C'est ainsi qu'en 2016, Mme [U] cumulait 16,5 jours de repos compensateurs de remplacement selon le tableau versé aux débats par la société. En outre, la salariée produit des mails du 3 décembre 2018 et du 1er mars 2019 de M. [H], gérant de la société, qui répondait positivement à sa demande de prendre des jours de 'RCR' au mois de mars 2019 et au mois de décembre 2018.
C'est donc à tort que l'employeur croit pouvoir soutenir, sans nullement le démontrer, que les jours pris par la salariée au titre des repos compensateurs étaient en réalité des jours de congés payés et ainsi prétendre qu'elle a été remplie de ses droits et qu'elle doit même restituer un indû pour avoir pris trop de congés.
La cour constate que le dernier bulletin de salaire de Mme [U] de mars 2019, établi par un cabinet d'expert-comptable mentionne un solde de congés de 20,83 jours, sans que l'employeur ne démontre qu'il avait mis la salariée en mesure d'en bénéficier avant la rupture du contrat de travail. En outre, le tableau de présence des salariés au mois d'août 2017 révèle que et contrairement à ce que soutient l'employeur, les salariés ne prenaient pas 4 semaines de congés au mois d'août. Enfin, la société ne justifie nullement qu'elle imposait une semaine de congés au printemps.
C'est en vain que l'employeur oppose le bulletin du mois d'avril 2019 qui laisse apparaître que Mme [U] aurait pris tous ses congés, sans cependant produire la demande de prise de congés de la salariée ni justifier de la période durant laquelle elle en aurait bénéficié, étant rappelé que le bulletin de mars 2019 mentionne un solde de 20,83 jours de congés.
En conséquence, eu égard à la somme de 3 552,13 euros déjà perçue, la cour retient que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société Acrotere restait devoir à Mme [U] la somme de 5 321,67 euros au titre des congés payés et ont fixé cette somme au passif de la liquidation de la société sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande en répétition de l'indû présentée par la société.
Sur les frais professionnels
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération.
En l'espèce, à l'instar des premiers juges, au vu des tickets de livraison de repas, notamment à domicile pour une ou deux personnes produits par la salariée, la cour retient que celle-ci ne justifie pas que ces dépenses ont été exposées pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur. C'est donc à juste titre que la salariée a été déboutée de sa demande de remboursement de frais. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive
Pour infirmation de la décision sur ce point, la salariée soutient que c'est de manière abusive que l'employeur a refusé de lui payer les sommes dues en contrepartie de son travail.
La société ne répond pas sur ce point précise.
La cour retient que le seul fait de contester les sommes réclamées par la salariée ne saurait caractériser une résistance abusive. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour agissements vexatoires
La cour retient à l'instar de Mme [U], que le fait pour l'employeur d'avoir accusé sa salariée de faux et usage de faux, alors qu'il n'est versé aux débats aucun élément en ce sens, est constitutif d'un comportement particulièrement vexatoire qui a causé à Mme [U] un préjudice. Par infirmation de la décision entreprise, la cour fixe la créance de sa salariée en réparation de ce préjudice à la somme de 1 000 euros au passif de la liquidation de la société.
Sur les demandes reconventionnelles de la société
Mme [U] fait valoir que la société n'a demandé, ni dans la déclaration d'appel, ni dans ses conclusions, l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, qu'en conséquence, la cour n'est pas saisie de la demande de remboursement de frais ni de la demande de dommages-intérêts.
La société Acrotere ne répond pas sur ce point.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
En vertu de l'article 954 du même code, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions
En l'espèce, la société Acrotere précise dans sa déclaration d'appel :
' Appel en ce que le jugement a fixé la créance de Madame [R] [U] au passif de la société ACROTERE dont Me [X] [W] est l'administrateur judiciaire, et Me [O] le mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA IDF OUEST, aux sommes de 5.321,67 € au titre de ses congés payés avec intérêts au taux légal et 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC'.
Et ses conclusions précisent en son dispositif :
'Il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté de sursis à statuer, ordonné la fixation au passif de la société ACROTERE de la somme de 5321,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés et de le confirmer en ce qu'il a débouté Madame [R] [U] de sa demande au titre d'un remboursement de notes de frais.'
Le conseil de prud'hommes a débouté la société Acrotere de l'intégralité de ses demandes et celle-ci a limité son appel à la fixation de la créance de Mme [U] au tire de l'indemnité de congés payés en demandant l'infirmation de ce chef de jugement, sans pour autant critiquer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles.
En conséquence, la cour retient qu'elle n'est pas saisie de l'appel du chef de jugement déboutant la société Acrotere de l'intégralité de ses demandes.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile
L'exercice d'une action en justice ne constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas d'intention malicieuse, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Si en l'espèce, l'appelante a fait une analyse erronée de la situation, il n'est pas établi que son recours procède d'une intention de nuire à la partie intimée qui sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les frais irrépétibles
Les dépens seront fixés au passif de la société Acrotere. La situation des parties commande qu'il ne soit pas alloué d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la fixation de cette indemnité par les premiers juges étant cependant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,
Dans les limites de sa saisine,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer, en ce qu'il a fixé la créance de Mme [R] [U] au passif de la liquidation de la SARL Acrotere à la somme de 5321,67 euros au titre de ses congés payés et à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Mme [R] [U] de sa demande au titre des frais professionnels et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour agissements vexatoires ;
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la liquidation de la SARL Acrotere la créance de Mme [R] [U] en réparation du préjudice au titre des agissements vexatoires à la somme de 1 000 euros ;
RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu de prononcer la nullité du solde de tout compte ;
DÉBOUTE Mme [R] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
FIXE au passif de la liquidation de la SARL Acrotere les entiers dépens ;
DIT n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
DIT le présent arrêt opposable à l'AGS, dont la garantie sera due dans les limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles et en application des articles L.3253-8, L.3253-17, L.3253-20 et D.3253-5 du code du travail.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE