CA Colmar, ch. 2 a, 14 mars 2025, n° 22/01700
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 104/2025
Copie exécutoire
aux avocats
Le 14 mars 2025
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01700 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2NI
Décision déférée à la cour : 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTES sur appel principal et en garantie, intimées sur appels incident ou en garantie :
La S.A.R.L. COMPETENCE GEOTECHNIQUE, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 24] à [Localité 4]
La SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 12] à [Localité 10]
représentées par Me Stéphanie ROTH, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Marie-Laure CARRIERE, avocat à [Localité 18].
INTIMÉES sur appels principal, incident, provoqué, ou en garantie, appelantes sur appel incident, provoqué ou en garantie :
1/ La S.C.I. L'AMIRAL, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 8]
2/ La S.A.R.L. AMEVA, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 8]
1 & 2/ représentées par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour.
3 / La Société CHUUB EUROPEAN GROUP SE, anciennement ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal.
ayant son siège social [Adresse 15] à [Localité 13]
3/ représentée par Me Laetitia RUMMLER, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Fabrice DE COSNAC, avocat à [Localité 18]
4/ La S.A.S. DEKRA INDUSTRIAL prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 23]
5/ La S.A.R.L. SOCIETE DE DROIT ETRANGER SARL XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits de la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, prise en sa qualité d'assureur de la Société DEKRA INDUSTRIAL SAS, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 7] à [Localité 11]
4 & 5/ représentées par Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA, avocat à la cour
Avocat plaidant : Me Claude BEAUDOIRE, avocat à [Localité 18].
6/ La Compagnie d'assurance CAISSE D'ASSURANCES MUTUELLES DU BATIMENT ET DES T RAVAUX PUBLICS (CAMBTP) prise en la personne de son representant legal - es qualités d'assureur de la SAS BESB et de la SARL Constructions [Z]
ayant son siège social [Adresse 2]
7/ La S.A.S. BUREAU DÉTUDES STRUCTURES DU BATIMENT (BESB) prise en la personne de son representant légal,
ayant son siège social [Adresse 20]
6 & 7/ représentées par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN & ASSOCIES, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me FAUROUX, avocat à [Localité 17].
8/ La S.A.R.L. [J] [P] ARCHITECTE, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
9/ La S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5] à [Localité 14]
8 & 9/ représentées par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELALRL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Emmanuelle FREEMANN-HECKER, avocat à [Localité 21]
10/ La S.A.R.L. CONSTRUCTIONS [Z] prise en la personne de son représentant légal,
ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 9]
représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTE, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Nathalie HERY, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Madame Nathalie HERY conseillère
Madame Sophie GINDENSPERGER, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement après prorogation du 23 janvier 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2014, la construction d'un immeuble de 8 logements, dénommé [Adresse 19], a été entreprise sur un terrain situé à Huningue, appartenant à la SCI L'Amiral.
Une police 'tous risques chantiers' a été souscrite auprès de la société de droit anglais ACE European Group Ltd, aux droits de laquelle vient désormais la société Chubb European Group SE.
La maîtrise d''uvre de l'opération a été confiée à la SARL [J] [P], architecte, assurée par la société la société Axa France IARD.
Sont également intervenus à l'opération :
- la société Dekra Industrial, en qualité de contrôleur technique et de coordonnateur SPS, assurée auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurance, devenue XL Insurance Company SE,
- la SAS BESB-[C], bureau d'études technique structure, assurée auprès de la CAMBTP,
- la SARL Constructions [Z], en charge du lot gros-'uvre, assurée auprès de la CAMBTP,
- la société Compétence géotechnique, en tant que bureau d'études géotechniques, assurée auprès de la SMABTP.
Aux termes d'un rapport de juin 2012, le géotechnicien, qui avait été chargé d'une mission d'avant-projet de type G12, avait recommandé la réalisation de fondations de type puits ou micropieux, compte-tenu de la nature des sols rencontrés.
La réalisation d'un radier ayant néanmoins été envisagée, la société Compétence géotechnique s'est vu confier une mission complémentaire et a établi un rapport en date du 24 mars 2014 concluant à la possibilité d'opérer des fondations par radier sous réserve de respecter certaines préconisations précises.
La déclaration d'ouverture de chantier est intervenue le 1er avril 2014.
Un tassement de l'angle sud-ouest du bâtiment de 13 cm ayant été constaté le 3 décembre 2014, la SCI l'Amiral a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse, le 5 mai 2015, l'organisation d'une expertise judiciaire confiée en dernier lieu à M. [S] [B].
Par exploit du 2 mars 2017, la SCI L'Amiral a fait citer la société de droit anglais ACE European Group Ltd, aux droits de laquelle vient désormais la société Chubb European Group, devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de mise en oeuvre de la garantie 'tous risques chantiers'. Cette société a appelé en cause les sociétés Dekra Industrial, CAMBTP, Compétence géotechnique, Axa Corporate Solutions Assurance, SMABTP, Constructions [Z], [J] [P] architecte et Axa France IARD, ainsi que la société BESB [C].
L'expert a déposé son rapport le 8 août 2019 et a conclu que le basculement de l'immeuble était en lien direct avec la présence d'un ancien fossé remblayé et d'un élément dur constitutif du bord du fossé des anciennes fortifications dites '[Localité 22]', induisant une différence de compressibilité des sols. Il a préconisé la démolition de l'immeuble.
Par exploits des 15, 16, 17, 18 et 30 octobre 2019, la SCI L'Amiral a également assigné la SMABTP, les sociétés Dekra Industrial, CAMBTP, Compétence géotechnique, Axa Corporate Solutions Assurance, et BESB-[C].
La SARL Ameva se prévalant de la qualité de maître de l'ouvrage est intervenue volontairement à l'instance, le 23 mars 2021, pour s'associer aux demandes de la SCI L'Amiral.
Les différentes procédures ont été jointes.
Par jugement en date du 5 avril 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire a :
- déclaré recevables l'action en responsabilité de la SARL Ameva ;
- rejeté ses demandes d'indemnisation ;
- déclaré recevable l'action en responsabilité de la SCI l'Amiral ;
- rejeté ses demandes dirigées contre la société BESB-[C] et son assureur la CAMBTP, la société Dekra Industrial et son assureur XL Insurance Company SE, la SARL [J] [P] architecte et Axa France IARD et la SARL Constructions [Z],
- condamné solidairement la société Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SCI L'Amiral les sommes de :
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 3 000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect »
le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- condamné la société Chuub European Group SE à payer à la SCI L'Amiral la somme de 538 469,53 euros sur les sommes, en principal, précitées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 ;
- rejeté la demande de la SCI l'Amiral dirigée contre la société Compétence géotechnique, la SMABTP et la société Chuub European Group SE au titre du poste de demande 'préjudice financier',
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées à son encontre et au bénéfice de la SCI l'Amiral, en principal, intérêts et frais ;
- rejeté les autres demandes de garantie ou constaté qu'elles sont sans objet,
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SARL [J] [P] Architecte la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation pour perte de chance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- rejeté la demande d'indemnisation de la SARL [J] [P] Architecte dirigée contre la SARL Ameva, la SCI L'Amiral, la SAS BESB, la CAMBTP, la SAS Dekra Industrial, et la société XL Insurance Company ;
- condamné la SCI L'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 19 589,83 euros TTC au titre de 2 factures du 20 mars 2017, et d'une facture du 30 janvier 2015, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
- condamné la société de droit étranger la société Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à payer, in solidum, à la SCI l'Amiral la somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, et à la SAS BESB et la CAMBTP de troisième part ;
- condamné la société de droit étranger Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP aux dépens exposés par la SCI l'Amiral incluant ceux de la procédure de référé expertise RG15/94 ;
- condamné la SARL Ameva à supporter ses propres dépens ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva in solidum, à supporter les dépens exposés par les parties mises hors de cause et la société de droit étranger Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP aux dépens de leurs appels en garantie.
Le tribunal a considéré, s'agissant de la recevabilité des demandes de société Ameva et l'Amiral que :
- les prétentions des demanderesses étaient claires, et leur objet déterminé, l'imprécision voire la contradiction sur le ou les fondements des actions respectives ne constituant pas une cause d'irrecevabilité ;
- si la SCI L'Amiral n'était pas le cocontractant des entreprises, n'étant pas encore constituée à la date d'établissement des contrats, elle avait néanmoins qualité à agir puisqu'à la date du dommage, elle avait la personnalité juridique et était propriétaire du sol, de sorte qu'elle pouvait se prévaloir des manquements contractuels des locateurs d'ouvrage qui constituaient à son égard des fautes délictuelles ;
- la demande de la société Ameva, qui était intervenue volontairement le 23 mars 2021, n'était pas prescrite puisque le dommage n'avait été connu dans toute son ampleur et ses conséquences qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise en 2019.
S'agissant des responsabilités, le tribunal a retenu que :
- la société Ameva pouvait agir sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil et la SCI l'Amiral sur celui de l'article 1382 ancien du même code ;
- il n'était pas démontré que la solution de fondation sur radier n'aurait pas été viable en l'absence de point dur ;
- la société Compétence géotechnique avait commis une faute pour avoir manqué de vigilance et autorisé la réalisation d'un radier sans études suffisantes et sans repérer le 'point dur' alors même que le site comportait d'anciens remparts ;
- la responsabilité des sociétés BESB et Dekra n'était pas engagée car la simple validation de la solution du radier n'était pas en elle-même constitutive d'une faute, et il n'était pas démontré qu'elles auraient disposé d'autres informations que celles fournies par la société Compétence géotechnique ;
- la société [Z] était tenue d'une obligation de résultat, mais elle pouvait invoquer une cause étrangère, puisque la société Compétence géotechnique, spécialiste de l'étude des sols, avait validé la viabilité du sol au regard des travaux envisagés, et il n'était pas établi qu'elle ait aggravé le dommage en poursuivant la construction car il n'était pas démontré qu'elle pouvait se rendre compte des tassements en cours de construction ;
- la société [J] [P] architecte avait une mission complète de maîtrise d'oeuvre mais le bureau d'études structure pour les études béton armé et de la charpente était à la charge du maître de l'ouvrage, et il n'était pas établi que le maître d'oeuvre était en mesure de s'apercevoir de la faute de la société Compétence géotechnique, qui avait réalisé deux études de sols.
En ce qui concerne le préjudice, le tribunal a accueilli les seules demandes d'indemnisation de la SCI l'Amiral, rejetant celles de la société Ameva, et lui a alloué différents montants au titre du coût de démolition, des honoraires d'architecte pour la démolition, des dépenses non conservables, d'un préjudice moral, du fait des tracasseries liées aux procédures engagées par des acquéreurs de lots, et a rejeté la demande au titre d'un préjudice financier comme non caractérisé.
Il a enfin retenu la garantie de la société Chuub European Group SE au titre des frais de démolition, des honoraires d'architecte et des dépenses non conservables, écartant toute fausse déclaration intentionnelle de la part de la société Ameva.
* La société Compétence géotechnique et la SMABTP ont interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 28 avril 2022, en toutes ses dispositions, intimant toutes les parties.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 février 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, la société Compétence géotechnique Franche Comté et la SMABTP demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
- déclarer les demandes de la société Ameva irrecevables comme prescrites ;
- déclarer les demandes de la SCI l'Amiral irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
- débouter la société Ameva et la SCI l'Amiral, ou toute autre partie, de leurs demandes en tant que dirigées contre elles ;
- rejeter tous appels incidents ou provoqués formulés à leur encontre,
- juger que la SMABTP ne peut être tenue que dans les limites du contrat souscrit qui prévoit en particulier plafonds et franchises opposables au tiers lésé ;
- condamner in solidum le BESB, son assureur la CAMBTP, la société Constructions [Z] et son assureur la CAMBTP, les sociétés Dekra Industrial, XL Insurance Company, Chuub European Group Limited, [J] [P] et Axa France IARD à les relever et garantir de toute condamnation en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et accessoires qui serait prononcée à leur encontre ;
- condamner la SCI l'Amiral et la société Ameva ou tout succombant à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, la SCI L'Amiral et la SARL Ameva demandent à la cour de :
sur l'appel principal :
- juger les demandes de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP irrecevables, subsidiairement mal fondées, et les débouter de l'intégralité de leurs demandes ;
sur les appels provoqués :
- juger irrecevables, subsidiairement mal fondées, toutes demandes formées à leur encontre par toute partie au titre d'un appel incident ou provoqué et en débouter ces parties.
Elles forment appel incident pour demander à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté en tout ou partie leurs demandes, a limité le quantum des condamnations, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens et demandent à la cour de :
- juger leurs demandes recevables et bien fondées ;
- condamner in solidum toutes les parties à leur payer une somme en principal de 1 185 797,36 euros hors taxes ;
- débouter les sociétés Constructions [Z] et [J] [P] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;
Subsidiairement :
- confirmer la décision entreprise ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum les appelantes et les autres intimés aux entiers frais et dépens, y compris ceux de la procédure de référé expertise RG15/00094 ainsi qu'au paiement d'une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 décembre 2022, la société Chuub European Group SE conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des sociétés Ameva et l'Amiral et en ce qu'il a retenu que sa garantie était partiellement acquise, à la confirmation pour le surplus. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- juger prescrite la demande de la société Ameva à son encontre ;
- juger irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir l'action de la SCI l'Amiral à son encontre ;
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle ;
à défaut,
- prononcer la nullité de la police souscrite par la société Ameva ;
- circonscrire toute éventuelle indemnisation à la seule somme de 80 400 euros au titre des frais de démolition et d'honoraires d'architecte, et débouter la SCI l'Amiral et la société Ameva du surplus de leurs demandes indemnitaires ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Compétence géotechnique et la SMABTP à la garantir ;
y ajoutant,
- condamner les sociétés [J] [P] architecte et son assureur Axa France IARD, Dekra Industrial et son assureur XL Insurance Company, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, BESB et son assureur la CAMBTP, Constructions [Z] et son assureur la CAMBTP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la SCI l'Amiral et/ou la société Ameva ;
- débouter les autres parties de leurs demandes dirigées contre elle ;
- condamner in solidum toutes les appelantes et les autres intimées aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Wahl-Kois-Burkard-Colomb, et à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, la SARL Constructions [Z] demande à la cour de confirmer le jugement et de rejeter les demandes, et les appels incidents et provoqués dirigés contre elle, et de condamner solidairement toutes les appelantes et les autres intimées aux dépens, et à lui payer une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 janvier 2023 la SARL [J] [P] architecte et la société Axa France IARD demandent à la cour de rejeter l'appel principal et les appels incidents de la société Chuub European Group SE et des sociétés Ameva et L'Amiral, confirmer le jugement, débouter les appelantes principales et incidentes de leurs demandes dirigées contre elles, et condamner in solidum la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société Chuub European Group SE, la société Ameva et la SCI l'Amiral aux entiers frais et dépens et à leur payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2023 la société Dekra industrial et XL Insurance Company SE demandent à la cour de rejeter l'appel principal, de confirmer le jugement en ce qu'ils les a mis hors de cause, le réformer en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Ameva et la SCI L'Amiral recevables, et formant appel incident sur ce point, elles demandent à la cour de juger que la société Ameva est prescrite en son action et la SCI l'Amiral dépourvue de qualité à agir. Elles concluent en outre au rejet des appels incidents et provoqués dirigés contre elles, et sollicitent la condamnation in solidum des sociétés Compétence géotechnique, CAMBTP, [J] [P], Axa France, Constructions [Z], SMABTP, BESB [C] à les relever indemnes et garantir de toutes condamnations, ainsi que la condamnation de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP, ou toute autre partie succombante, aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 janvier 2023, la SAS BESB [C] et la CAMBTP, demandent à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Ameva et de la SCI L'Amiral recevables, et formant appel incident, sollicitent l'infirmation du jugement sur ce point. Elles demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action de la société Ameva dirigée contre elles pour indétermination des prétentions et comme prescrite ;
- déclarer irrecevable l'action de la SCI l'Amiral dirigée contre elles pour indétermination des prétentions et défaut de qualité à agir ;
- les débouter ainsi que toutes les autres parties de leurs demandes dirigées contre elles ;
- rejeter les appels incidents et provoqués dirigés contre elles ;
- condamner solidairement les sociétés Constructions [Z], Compétence géotechnique, SMABTP, Dekra Industrial, XL Insurance Company, la société Chuub European Group SE à décharger intégralement la société BESB [C] et son assureur la CAMBTP de toutes condamnations, et aux frais et dépens de l'appel en garantie ;
- déclarer les appels incidents et provoqués de la SCI l'Amiral et la société Ameva irrecevables en raison de l'indétermination de l'auteur des prétentions, les en débouter ;
- condamner toute partie succombante à payer à la société BESB [C] et son assureur la CAMBTP la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties et n'a pas à répondre, dans le dispositif de son arrêt, à des demandes tendant à voir 'dire' 'juger' ou 'constater' qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et sont dépourvues d'effets juridiques.
1 - Sur la recevabilité des demandes respectives de la SCI L'Amiral et de la société Ameva
Il est soutenu par la société BESB [C] et la CAMBTP, au visa des articles 4,5, 30 et 122 du code de procédure civile, que les demandes des sociétés L'Amiral et Ameva, qui ne sont pas individualisées, sont irrecevables, l'objet du litige étant indéterminé, dès lors qu'il n'appartient pas à la juridiction de préciser au profit de quel bénéficiaire les prétentions sont formulées.
A cet égard, la cour fait sienne l'appréciation du tribunal qui a considéré, à juste titre, que bien que les sociétés L'Amiral et Ameva demandent la condamnation des différents intervenants à leur payer les mêmes montants, la demande n'était pas pour autant dépourvue d'objet déterminé, puisque les prétentions de ces sociétés tendent en effet à voir engager la responsabilité des constructeurs ou intervenants à l'opération de construction et de leurs assureurs, et à obtenir indemnisation du préjudice qu'elles prétendent avoir subi. En outre, il relève de l'office du juge d'apprécier, le cas échéant, si chacune des sociétés demanderesses a effectivement subi le préjudice dont elle demande réparation.
C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir.
1-1 sur la recevabilité des demandes de la SCI l'Amiral
Pour demander l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SCI l'Amiral et conclure à l'irrecevabilité de ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, les appelantes principales et incidentes font valoir que cette société n'est pas le maître de l'ouvrage ; qu'elle n'a aucun lien contractuel avec les locateurs d'ouvrages, les contrats les liant ayant été conclus par la société Ameva, alors que la SCI l'Amiral n'avait pas encore d'existence juridique ; que les prestations ont été réglées par la société Ameva ; qu'il importe peu que cette dernière soit l'associée de la SCI l'Amiral, ou qu'il existe une convention de trésorerie entre elles, ce qui ne constitue pas un mode de transmission des contrats opposable aux tiers ; que de même est inopérant le fait qu'elle soit propriétaire du terrain, ce qui en application de l'article 555 du code civil, ne lui confère pas le droit d'agir contre les entreprises mais seulement contre le tiers constructeur, en l'occurrence la société Ameva.
La SCI L'Amiral oppose qu'elle a été immatriculée le 31 janvier 2014, qu'elle est propriétaire du terrain d'assise de l'immeuble, de sorte qu'elle a bien qualité à agir en tant que maître de l'ouvrage, le cas échéant sur le fondement délictuel. Elle souligne qu'elle est bien le souscripteur du contrat d'assurance auprès de la société Chuub European Group SE qui est irrecevable à soulever en appel une irrecevabilité dont elle ne s'était pas prévalue en première instance.
Sur ce :
La cour rappelle que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel, conformément à l'article 123 du code de procédure civile, la société Chuub European Group SE est dès lors recevable à soulever en appel, le défaut de qualité et d'intérêt à agir de la SCI l'Amiral.
Le présent litige concerne des désordres survenus le 3 décembre 2014, au cours des opérations de construction, avant toute réception de l'ouvrage.
Il est constant que le permis de construire a été obtenu le 30 novembre 2012 par la société Ameva et que c'est cette société qui a conclu les contrats avec la société Compétence géotechnique, la société BESB [C], et avec la société [J] [P] architecte, la SCI l'Amiral, dont le capital est détenu à hauteur de 99% par la société Ameva, n'ayant été immatriculée que le 31 janvier 2014. De même, l'acte d'engagement du lot gros oeuvre conclu avec la société Constructions [Z] signé le 12 mars 2014, bien que désignant la SCI l'Amiral comme étant maître de l'ouvrage, a été signé par la société Ameva qui y a apposé son cachet.
Il est de principe que le maître de l'ouvrage est la personne pour le compte de qui les travaux ont été effectués, et que cette qualité bénéficie au propriétaire de l'immeuble, y compris quand la propriété a été acquise par voie d'accession.
Il n'est pas discuté que la SCI l'Amiral est propriétaire de l'immeuble dont s'agit, et qu'elle en était déjà propriétaire au jour de survenance du dommage, de sorte qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, elle a qualité et intérêt à agir, quand bien même n'est-elle pas liée contractuellement aux constructeurs et intervenants à l'opération de construction.
Par ailleurs, si la police 'tous risques chantier' a bien été souscrite par la société Ameva auprès de la société ACE European Group Limited aux droits de laquelle vient désormais, la société Chuub European Group SE, il ressort du 'questionnaire d'étude du chantier' complété par la société Ameva à destination de l'assureur qui le produit en annexe 4, qu'à la rubrique 2.0 'le maître de l'ouvrage (si différent du proposant)', elle avait mentionné la SCI l'Amiral comme étant le maître de l'ouvrage, et de l'attestation d'assurance établie par l'assureur le 6 mars 2014 que la SCI l'Amiral avait souscrit ladite police, ce qui démontre que la société Chuub European Group SE n'avait aucun doute quant à la qualité de maître de l'ouvrage de la SCI l'Amiral.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a déclaré les demandes de la SCI l'Amiral recevables.
1-2 sur la recevabilité des demandes de la société Ameva
Les appelantes principales et incidentes soutiennent que la demande de la société Ameva, est irrecevable comme prescrite puisque le dommage consistant en un basculement d'un bloc de l'immeuble, était connu dès le mois de décembre 2014, que l'affaissement était d'une telle ampleur qu'il a conduit à l'arrêt immédiat du chantier, et que le risque de devoir démolir l'ouvrage avait été envisagé dès cette date, ce que n'a fait que confirmer le rapport d'expertise. Elles soutiennent enfin que la société Ameva, qui n'était pas partie aux opérations d'expertise, ne peut se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription.
La société Ameva fait siens les motifs du jugement et fait valoir que le désordre a été extrêmement complexe à déterminer, ses causes difficiles à établir, de même que les responsabilités des différents intervenants.
Sur ce :
Il est constant que le sinistre, qui s'est produit le 3 décembre 2014, alors que le gros oeuvre était achevé, a consisté en un affaissement de l'angle Sud-Ouest du bâtiment de 13 cm, qui a motivé un arrêt immédiat du chantier sur ordre de l'architecte.
Il résulte des productions qu'une réunion a eu lieu sur site, le 11 décembre 2014, à l'issue de laquelle la société BESB [C] informait le gérant des sociétés l'Amiral et Ameva de la nécessité de procéder à des investigations complémentaires pour rechercher les causes du sinistre, évoquant un risque d'entrée d'eau dans le bâtiment. La nécessité de ces investigations et leur nature étaient détaillées par M. [P], architecte, et par la société Compétence géotechnique, le premier évoquant, le 13 décembre 2024, une éventualité de reprise au niveau des chapes, mais indiquait néanmoins que la reprise du basculement semblait compliquée et serait d'un coût exorbitant d'environ 300 000 euros.
En outre le 13 janvier 2015, le bureau de contrôle Dekra émettait un avis défavorable à une poursuite des travaux quand bien même le tassement semblait stabilisé, en l'absence de certitude quant à son origine, et préconisait, le 19 janvier 2015, de nouvelles investigations pour déterminer les causes du sinistre et si des travaux de redressement du bâtiment devaient où non être entrepris, ces rapports étant adressés au gérant de la société Ameva.
Il résulte donc de l'ensemble de ces constations qu'au plus tard le 19 janvier 2015 la société Ameva avait connaissance du dommage et de son importance.
Or, il est constant que la société Ameva n'a pas pris l'initiative de la procédure de référé-expertise, ni pris part aux opérations d'expertise initiées par la SCI l'Amiral, et n'est intervenue volontairement dans la procédure engagée par cette dernière que le 23 mars 2021, soit plus de cinq ans après avoir eu connaissance du sinistre, de sorte que ses demandes dirigées contre les constructeurs et participants à l'opération de construction sont irrecevables comme prescrites, tant en application de l'article 2224 du code civil que de l'article L.110-4 du code de commerce.
De même, c'est à bon droit que la société Chuub European Group SE se prévaut de la prescription de l'action engagée contre elle par la société Ameva, le délai biennal de l'article L.114-1 du code des assurances étant expiré à la date de son intervention volontaire.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a déclaré recevables les demandes de cette société.
2 - Sur les responsabilités
La SCI L'Amiral recherche la responsabilité de :
- la société Compétence géotechnique, pour n'avoir pas repéré les anciennes fortifications et la présence conjointe d'un fossé, qui ont créé une différence de compressibilité notable entre les deux côtés du bâtiment déséquilibrant sa structure au fur et à mesure de la montée des étages, et pour avoir validé la solution de fondations sur radier en présence d'un point dur, ainsi que pour manquement à son obligation de conseil ;
- la société BESB [C], pour avoir validé la solution du radier proposée par l'entreprise de gros oeuvre, malgré un avis défavorable du bureau de contrôle postérieur au second rapport de la société Compétence géotechnique, et après réalisation d'essais de plaques ayant abouti à des résultats non conformes, ainsi que pour manquement à son obligation de conseil ;
- la société Dekra Industrial, pour avoir transformé ses deux avis suspendus en avis favorables alors que le risque du radier était décelable par elle, et pour avoir omis de préconiser une étude de sol plus approfondie ;
- la société Constructions [Z], pour avoir manqué à son obligation de résultat, celle-ci ne pouvant se prévaloir d'une cause étrangère, et pour manquement à son devoir de conseil dans la mesure où elle a continué à édifier les étages de l'immeuble alors même que la dalle du rez-de-chaussée avait déjà basculé ;
- la société [J] [P] architecte, pour manquement à son obligation de conseil, car elle aurait dû refuser la mise en oeuvre d'un radier compte tenu des avis divergents, et pour ne pas s'être aperçue du tassement dans le cadre de sa mission de suivi de l'exécution des travaux, ne pas avoir pas alerté le maître de l'ouvrage et ordonné la cessation du chantier.
La cour relève qu'en l'absence de tout élément précis quant aux conditions dans lesquelles la SCI l'Amiral est devenue propriétaire de l'ouvrage dont son associée majoritaire, la société Ameva, avait entrepris l'édification, la première de ces sociétés est fondée à agir contre les constructeurs et participants à l'opération de construction avec lesquels elle n'a pas de liens contractuels sur le fondement de la responsabilité délictuelle, et peut se prévaloir des fautes de nature contractuelle éventuellement commises par les locateurs d'ouvrage et les intervenants à l'opération de construction à l'égard de la seconde, lesquelles sont susceptibles de constituer des fautes de nature délictuelle à son égard.
Selon l'expert judiciaire, M. [B], le basculement de l'immeuble est en lien direct avec la présence d'un ancien fossé remblayé et d'un 'élément dur' constitutif du bord du fossé des anciennes fortifications dites '[Localité 22]' enfouies vers le côté Nord du bâtiment, constituant le point de basculement, et trouve son origine dans la différence de compressibilité notable par rapport à celle des sols vers le côté opposé du bâtiment, le basculement ayant été accentué par 'l'effet bras de levier' suivi d'une nouvelle distribution des charges sur une étendue d'impact de plus en plus réduite.
L'expert reproche à la société Compétence géotechnique d'avoir donné son accord à la 'mauvaise solution du radier' et des faiblesses dans son étude initiale au niveau de l'enquête bibliographique. Il estime que sa responsabilité est prépondérante et que la responsabilité du bureau d'études techniques [C] et du contrôleur technique, Dekra, est également susceptible d'être engagée, dans une moindre mesure, pour avoir validé la variante de fondation sur radier.
Selon la société Fondasol, intervenue comme sapiteur de l'expert judiciaire, et chargée d'une mission de diagnostic géotechnique :
- la compacité des remblais mesurée est comparable à celle mesurée par la société Compétence géotechnique, et si un très léger gonflement a pu se produire par apport d'eau, ce phénomène serait d'ampleur négligeable,
- le tassement est survenu pendant la montée des étages, soit à chaque rechargement et n'a pas été brusque,
- les calculs de tassement confirment les valeurs indiquées par la société Compétence géotechnique,
- l'existence de balcons en débord formant un porte à faux, bien que non prise en compte par le sapiteur dans ses calculs, a cependant une incidence et majore les tassements,
- la présence d'un vestige des anciennes fortifications est cohérente avec le plan qui permettait de soupçonner que l'on se situait à cheval entre le fossé et le mur le délimitant,
- la présence du fossé au Sud, associée à l'existence d'un mur de fortification au Nord du bâtiment, a pu conduire à des tassements 'observés' de l'ordre de 7,5 cm, vraisemblablement accentués en sus par la présence de balcons en porte à faux (10 à 20%), et sans prise en compte de la précision des mesures (topographiques) ;
- même si ces causes semblent expliquer la majeure partie des tassements, il demeure un léger delta avec le tassement mesuré qui justifierait des investigations plus 'serrées'.
2-1 sur la responsabilité de la société Compétence géotechnique
La société Compétence géotechnique conteste toute faute de sa part. Elle rappelle qu'elle est tenue d'une obligation de moyens, dans les limites des missions normalisées G12 et G2 AVP qui lui avaient été confiées, lesquelles impliquent des sondages ponctuels.
Elle fait valoir qu'elle avait signalé, dès 2012, la présence possible de maçonneries enterrées du fait de la présence d'anciens remparts, qu'elle avait préconisé la réalisation de puits ou micropieux, souligné le risque de tassements différentiels et émis des recommandations et préconisations à respecter concernant le radier, mais qu'elle n'a jamais eu de mission G2PRO permettant de valider la solution retenue.
Elle critique les conclusions de l'expert et discute les calculs auxquels a procédé la société Fondasol, sapiteur de l'expert, et les résultats des essais réalisés par cette société trois ans après la mise en oeuvre de la plate-forme qui ne sont pas représentatifs des conditions réelles au moment des travaux. Elle met en cause, comme ayant participé à la survenance des désordres, un déficit de compacité de la plate-forme du fait de conditions météorologiques défavorables, ainsi que la découverte tardive du basculement qui aurait pu être décelé plus tôt par des contrôles d'horizontalité et de verticalité.
Sur ce ,
Il convient de rappeler que la responsabilité du géotechnicien doit être appréciée au regard des limites de la mission qui lui a été confiée. À cet égard, la société Compétence géotechnique s'est vu confier tout d'abord une mission géotechnique d'avant projet G12, aux termes de laquelle elle devait fournir un rapport sur les hypothèses géotechniques à prendre en compte au stade de l'avant-projet et sur certains principes généraux de construction.
Dans le cadre de cette mission, elle a déposé un rapport, en date du 13 juin 2012, dans lequel elle soulignait d'emblée que le site du chantier se trouvait au droit d'anciens remparts de la ville, dont le plan était disponible en mairie, évoquait la présence de remblais, et préconisait comme système de fondations soit des puits tubés, soit des micropieux.
La société Compétence géotechnique s'est vu confier ensuite une mission de type G2 AVP en vue de la réalisation d'un radier, visant à définir et comparer les solutions envisageables pour ce projet.
Elle a ainsi établi un second rapport en date du 24 mars 2014, dans lequel elle soulignait que les tassements étaient très élevés et qu'ils étaient soumis à l'appréciation du bureau d'études structure qui devrait rigidifier le radier, et préconisait différentes mesures, dont le contrôle de la couche de forme à l'aide d'essais de plaque devant être réalisés par ses soins, en précisant les valeurs minimales requises de différents coefficients.
Il est par ailleurs acquis aux débats que les essais de plaque de la couche de forme ne lui ont pas été confiés, contrairement à ses préconisations, mais ont été réalisés le 13 mai 2014 par une autre société ; qu'ils ont abouti à des résultats non-conformes sur deux des trois valeurs requises ; que la société Compétence géotechnique en a eu connaissance le 23 mai 2014 et que par courriel du 26 mai 2014 adressé à MM. [Z], [L], et [Y], elle a indiqué qu'il fallait refaire la plate-forme.
En l'état de ces constatations, dont il résulte que la société Compétence géotechnique, qui ne s'est jamais vu confier de mission d'ingénierie, avait dans un premier temps préconisé la réalisation de fondations autres qu'un radier, et signalé l'existence d'anciens remparts, et avait ensuite émis des préconisations précises en cas de réalisation d'un radier, en précisant les caractéristiques mécaniques que devait impérativement présenter la couche de forme, et qui, dès qu'elle a eu connaissance des résultats non conformes des essais à la plaque réalisés sans son concours, avait préconisé de refaire la plate-forme et de procéder à de nouveaux essais, ne peut se voir reprocher d'avoir 'validé' la solution du radier.
En revanche, et quand bien même l'appelante conteste-t-elle les calculs de la société Fondasol et ses conclusions, en considérant que l'effet de levier sur le 'point dur' ne peut à lui seul justifier les amplitudes des tassements totaux et différentiels observés, il n'en demeure pas moins, au vu des conclusions de l'expert et de son sapiteur, que la présence conjointe d'un fossé au Sud et d'un reste de fortification au Nord, qu'elle n'avait pas décelés, constitue à tout le moins une des causes de survenance du sinistre.
Bien qu'ayant fait état dans son premier rapport de la présence d'anciens remparts, la société Compétence géotechnique n'a pas pris en compte cet élément, ni étudié son impact éventuel sur la variante proposée pour les fondations, ni conseillé la réalisation d'investigations précises sur ce point dans le cadre de sa seconde mission, et n'a pas davantage émis la moindre réserve à cet égard. Elle a dès lors commis une faute à l'égard de son cocontractant, la société Ameva, constitutive d'un manquement délictuel, dont la SCI l'Amiral peut se prévaloir.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a retenu que la société Compétence géotechnique avait engagé sa responsabilité à l'égard de la SCI l'Amiral.
2-2 sur la responsabilité de la société Constructions [Z]
Cette société conteste toute faute de sa part et se prévaut d'une cause étrangère résultant de la présence d'un vestige d'une fortification [Localité 22], et souligne que la solution du radier, qui a été étudiée à la demande du maître de l'ouvrage, avait été validée tant par le bureau d'études technique structure, que par le géotechnicien et le contrôleur technique. Elle prétend qu'elle ne pouvait déceler les affaissements minimes, de l'ordre de 1 à 2 cm, en cours de chantier.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que la société Constructions [Z] est tenue d'une obligation de résultat à l'égard de son cocontractant, dont elle ne peut s'exonérer qu'en établissant la preuve d'une cause étrangère laquelle ne peut résulter de fautes commises par d'autres locateurs d'ouvrage.
Ni l'existence de vestiges d'anciennes fortifications, connue de tous les intervenants et signalée, dès l'origine, par le géotechnicien, ni le fait que la proposition de radier ait été validée par le bureau d'études structure et par le contrôleur technique ne constituent une cause étrangère exonératoire.
La SCI l'Amiral est dès lors fondée à se prévaloir du manquement de cette société à l'obligation de résultat dont elle était tenue à l'égard de la société Ameva, qui constitue à son égard une faute de nature délictuelle.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a écarté la responsabilité de la société Constructions [Z], et a rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre elle.
2-3 sur la responsabilité de la société Dekra Industrial
Cette société et son assureur reprochent à l'expert judiciaire une absence d'analyse technique, et considèrent que la responsabilité de la société Compétence géotechnique est engagée car ses deux missions n'ont pas été abouties, le géotechnicien n'ayant pas tiré les conséquences de ses constatations. Elles rappellent les limites de la mission du contrôleur technique qui est normalisée, et soulignent que les études géotechniques ne relèvent jamais de la responsabilité des contrôleurs techniques. Elles soutiennent que si la société Dekra a été amenée à lever ses avis suspendu puis défavorable, c'est sur la base de l'avis technique motivé du bureau d'études techniques BESB [C], et du rapport de la société Compétence géotechnique qui n'avait pas identifié le point dur.
Sur ce,
La responsabilité du contrôleur technique s'apprécie, comme celle du géotechnicien, au regard des limites de sa mission. Il est en effet amené à émettre des avis dans le cadre de sa mission, et ne peut se substituer aux constructeurs, notamment en ce qui concerne l'élaboration des documents techniques, et n'a pas à surveiller les travaux.
En l'occurrence, l'intimée s'était vu notamment confier une mission 'L' relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, visant à prévenir les aléas techniques susceptible de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement indissociables, et une mission 'PS' relative à la sécurité des personnes en cas de séisme.
Dans le cadre de ces missions, la société Dekra a successivement émis :
- le 6 mai 2014 un avis défavorable sur le système de fondations retenu (radier) au regard de l'étude de sol du 13 juin 2012 qui n'envisageait pas cette solution, demandant une étude de sol complémentaire validant la réalisation d'un radier, des précisions quant à la couche de forme sous radier et un procès-verbal d'essai de plaque sur couche de forme ;
- le même jour, après réception de l'étude de sols du 24 mars 2014, un avis suspendu dans l'attente du procès-verbal d'essai de plaque sur couche de forme et de précisions quant à la mise en oeuvre d'un drainage périphérique ;
- le 21 mai 2014, à réception du procès-verbal d'essai de plaque Sorelife, un avis défavorable sur la réalisation de la couche de forme sous radier en l'absence d'avis complémentaire du géotechnicien ;
- le 3 juin 2014, un avis favorable, suite à un courrier du bureau d'études BESB du 2 juin 2014 indiquant avoir vérifié sa note de calcul et que les tassements du radier restaient admissibles avec les valeurs obtenues par l'essai de plaque du fait de la conception et du ferraillage du radier.
Il apparaît ainsi qu'il ne peut être reproché au contrôleur technique de ne pas avoir préconisé d'études de sols complémentaire, ni d'avoir levé son avis défavorable, alors qu'il n'avait pas été destinataire du courriel de la société Compétence géotechnique du 26 mai 2014 et avait reçu du bureau d'études techniques structure en charge de la conception du radier des informations techniques dont il n'est pas soutenu qu'elles n'étaient pas suffisantes pour répondre aux interrogations soulevées.
En l'absence de preuve d'une faute de la société Dekra Industrial, le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes dirigés contre cette société et son assureur.
2- 4 sur la responsabilité de la société BESB [C]
Cette société et son assureur soutiennent qu'elle n'est pas à l'origine de la solution alternative du radier qui était souhaitée, dans un souci d'économie, par le maître de l'ouvrage, qui est notoirement compétent, et qu'elle n'a accepté cette solution alternative qu'à la condition que celle-ci soit préconisée par un géotechnicien et avalisée par un bureau de contrôle. Elle rappelle qu'elle est tenue d'une obligation de moyens et indique avoir exécuté exclusivement l'étude de calculs sur la base des préconisations de la société Compétence géotechnique qui est seule à l'origine du dommage du fait de l'insuffisance de son étude, le principe constructif du radier n'étant pas lui-même en cause. Elle conteste avoir validé cette solution qui a été délibérément voulue par un maître de l'ouvrage notoirement compétent.
Sur ce,
Il est établi que la société BESB [C] qui était chargée d'une mission d'étude béton armé, d'assistance au maître de l'ouvrage pour l'établissement des plans, plans d'exécution et dossiers de consultation des entreprises pour le lot gros oeuvre avait initialement proposé des fondations par pieux avec longrines.
Elle ne démontre pas, comme elle l'affirme, n'avoir accepté d'étudier la solution du radier qu'à certaines conditions.
Contrairement à ce qu'elle prétend, il ne résulte nullement du courrier de la société Compétence géotechnique du 10 mars 2014, adressé à la société Ameva, par lequel elle lui transmettait une offre de prix pour une étude géotechnique pour la réalisation d'un radier, 'suivant les indications fournies par M. [C]', que le géotechnicien aurait validé cette solution constructive, alors que ce courrier évoque des tassements différentiels importants rendant impératifs de nouveaux sondages en cas de maintien du projet.
Suite au rapport de la société Compétence géotechnique du 24 mars 2014, M. [L], dirigeant de la société Ameva, interrogeait, le même jour, M. [Z] et la société BESB [C], en vue de connaître leur décision. Or, si le courriel en réponse du 25 mars 2014 indiquant 'en accord avec M. [C] et Compétence géotechnique, nous validons la solution du radier. Le montant du marché sera donc ramené à 280.000 € HT', émane de M. [Z], et non de la société BESB [C] comme cela est soutenu, celle-ci ne démontre pas avoir contesté cet accord et s'être opposée à cette solution, ni avoir émis la moindre réserve quant à l'existence éventuelle de vestiges d'anciens remparts, alors même qu'elle n'ignorait pas que le projet était localisé au niveau d'anciennes fortifications comme l'avait souligné le géotechnicien, et qu'il lui appartenait d'en tenir compte dans le cadre de la conception des fondations dont elle était chargée, la société Fondasol ayant en effet relevé que 'le plan permettait de soupçonner que l'on se situait à cheval entre le fossé et le mur le délimitant'.
En outre, alors qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance du résultat non conforme des essais à la plaque, et de l'avis défavorable du bureau de contrôle, la société BESB [C] a clairement validé la réalisation du radier dans son courrier du 2 juin 2014, après un nouveau compactage énergique et a fourni à la société Dekra des indications techniques lui ayant permis de lever son avis défavorable, sans tenir compte de l'avis émis par le géotechnicien qui préconisait pourtant, à ce stade, de refaire la plate-forme, ni effectuer de nouveaux essais de plaque.
L'intimée ne peut, dans ces conditions, soutenir avoir accepté cette solution car elle avait été validée par le géotechnicien et le bureau de contrôle.
Par voie de conséquence, en validant un dispositif constructif en dépit des réserves émises par le géotechnicien et sans prendre en considération l'ensemble des éléments d'information dont elle disposait susceptible d'avoir une incidence sur le choix du système de fondations qu'elle était chargée de concevoir, que l'expert judiciaire a qualifié de 'mauvaise solution', la société BESB [C] a fait preuve de négligence et a manqué à son devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage fût-il compétent, les éléments produits révélant que M. [L], dirigeant des sociétés l'Amiral et Ameva, a un diplôme d'ingénieur sans que sa spécialité soit précisée, dès lors que celui-ci lui avait spécifiquement confié la conception des fondations en sa qualité de bureau d'études structure spécialisé.
La SCI l'Amiral est dès lors fondée à lui reprocher une faute de nature délictuelle. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre la société BESB [C].
2-5 Sur la responsabilité de société [J] [P] architecte
Cette société et son assureur contestent également toute faute et tout manquement de l'architecte à son obligation de conseil, ou à son obligation de moyens. Elles soulignent que la société Ameva, en la personne de M. [L] qui est ingénieur structure, a assumé un rôle de maître d'oeuvre en sortant de la mission de l'architecte le volet technique sur les questions structurelles, pour le confier au bureau d'études technique [C], qu'elle avait pourtant déconseillé, et qu'elle a assuré le volet DET sur les questions structurelles. La société [J] [P] architecte affirme ne pas avoir été tenue informée des échanges entre le bureau d'études techniques structure, la société Constructions [Z] et le maître de l'ouvrage et ne pas avoir été destinataire des essais de plaques. Elle soutient que dès qu'elle a eu connaissance du problème, elle a tout mis en oeuvre pour trouver une solution et se prévaut d'une immixtion fautive du maître de l'ouvrage, notoirement compétent en la matière, qui l'exonère de sa responsabilité.
Sur ce,
Il est établi que si par contrat du 22 mai 2012, la société Ameva a confié à la société [J] [P] architecte une mission complète de maîtrise d'oeuvre, à charge pour elle de s'adjoindre les compétences de bureaux d'études techniques, par un nouveau contrat annulant le précédent du 24 septembre 2013, elle a modifié sa mission en indiquant : 'le bureau d'études structure pour les études de béton armé et de charpente est à la charge du maître d'ouvrage'.
Par voie de conséquence, et au vu de la mission ci-dessus rappelée dévolue à la société BESB [C], l'architecte n'était pas en charge de la conception du lot gros oeuvre, et donc des fondations.
En revanche, aucune distinction n'est opérée s'agissant de la mission DET qui était confiée en totalité à la société [J] [P] architecte, y compris pour le lot gros oeuvre.
Si cette dernière n'a pas été destinataire de tous les échanges entre les autres parties, elle a néanmoins, contrairement à ce qu'elle prétend, était destinataire du courriel précité de M. [Z] du 25 mars 2014 validant le radier, ainsi que de celui du 23 mai 2014 par lequel il a transmis à M. [L], avec copie à M. [U] [Y] qui était en charge du suivi du chantier au sein de la société [J] [P] architecte, le résultat des essais de plaque, et du courriel de la société Compétence géotechnique du 26 mai 2014, qu'elle a d'ailleurs elle-même fait suivre à la société Ameva (pièce n°21 de Me [M]). Elle avait également connaissance de l'avis défavorable du bureau de contrôle dont il a été fait état lors de la réunion de chantier du 27 mai 2014.
Il ne peut toutefois, lui être reproché un manquement à son devoir de conseil pour n'avoir pas refusé la solution du radier, alors qu'elle n'était pas en charge de la conception des fondations, que tous les éléments d'information avaient été soumis à la société BESB [C] dont c'était la mission, et que celle-ci avait validé la solution, et obtenu la levée de l'avis défavorable du contrôleur technique.
Aucun manquement ne peut par ailleurs lui être reproché dans sa mission de suivi du chantier, puisque dès qu'elle a eu connaissance du basculement de l'immeuble, elle a ordonné la cessation immédiate des travaux et pris les mesures qui s'imposaient. Par ailleurs, comme l'a retenu le tribunal, il n'est nullement établi qu'elle ait pu se rendre compte, en cours d'exécution des travaux de gros oeuvre, d'un basculement progressif de l'immeuble tel qu'envisagé par la société Fondasol, qui indique néanmoins qu'au moment du coulage les dalles devaient être horizontales.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre cette société.
2-6 récapitulatif
Il résulte de ce qui précède que la société Compétence géotechnique, la société BESB [C], et la société Constructions [Z] dont les fautes respectives ont concouru à l'entier dommage doivent être condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la SCI l'Amiral du fait de leur fautes conjuguées.
Le jugement doit donc être infirmé en tant qu'il n'a retenu que la responsabilité de la société Compétence géotechnique.
3- Sur le préjudice
La SCI L'Amiral fait valoir que :
- bien que lui ayant alloué, dans les motifs de son jugement, le coût de démolition, le tribunal a omis cette condamnation dans le dispositif du jugement,
- le montant des dépenses non conservables est supérieur au montant alloué par le tribunal,
- son préjudice financier correspond à l'absence de retour sur investissement, et à sa perte de marge, car du fait de l'augmentation des coûts, la marge envisageable lorsque l'opération sera achevée sera diminuée, ainsi qu'au blocage des fonds de la société Ameva en compte-courant d'associé, qu'elle a dû rémunérer conformément à la convention de trésorerie les liant,
- elle subit un préjudice moral important du fait de l'atteinte portée à son image,
- elle a subi un préjudice indirect, résidant dans les demandes de dommages et intérêts de l'architecte, des entreprises et d'acquéreurs.
Les différents postes de préjudice sont discutés par la société Compétence géotechnique, la societé BESB et la CAMBTP s'associent à ses contestations qu'elles font leurs.
La société Constructions [Z] n'a pas présenté d'observations sur ce point.
3-1 le coût de démolition et les honoraires d'architecte pour la démolition et la reconstruction
Bien qu'ayant alloué à la SCI l'Amiral, dans les motifs de sa décision, la somme de 35 400 euros HT au titre du coût de démolition de l'immeuble, le tribunal a omis de statuer sur ce point dans le dispositif.
Cette demande étant bien fondée, au regard des conclusions expertales selon lesquelles la démolition de l'immeuble s'impose, et étant suffisamment justifiée, il convient d'allouer cette somme à la SCI l'Amiral et de compléter le jugement, peu important que ce coût ait pu être moindre si le chantier avait été arrêté plus tôt ce qui ne peut conduire à minorer l'indemnité allouée au maître de l'ouvrage qui est en droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.
Le tribunal a retenu le montant de 85 000 euros HT, validé par l'expert judiciaire pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre. Ce montant est contesté par la société Compétence géotechnique qui estime que les honoraires pour la démolition doivent être fixés à 8% du coût de démolition, soit 2 832 euros HT, et que le coût de reconstruction estimé à 1 000 000 euros est surévalué, comme le taux des honoraires alors que dans le cadre du projet ce taux était de 6,375 %, et que la reconstruction ne suppose pas que soit confié à l'architecte une mission complète, les missions APS et APD ne se justifiant pas, et les phases suivantes ayant vocation à être réduites. Elle estime à 23 626,08 euros le montant des honoraires pour la phase reconstruction.
La cour relève qu'il n'est pas discuté du principe de la reconstruction qui est admis. Le taux de 8%, qui est conforme, voire inférieur, aux taux usuellement pratiqués pour ce type de chantier, n'est pas critiquable. Par ailleurs, le coût initial des travaux servant de base de calcul pour les honoraires de l'architecte ayant été fixé à 928 066 euros hors taxes, le coût de 1 000 000 euros évoqué au vu de la proposition d'honoraires de la société [J] [P] architecte, pour la reconstruction n'apparaît pas inadapté.
La cour fera sienne l'appréciation de l'expert judiciaire qui a validé la réclamation de la SCI l'Amiral à hauteur de 85 000 euros HT, après avoir retenu un forfait pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre liés à la démolition, considération prise de ce que le nouveau projet, même repris à l'identique, suppose l'obtention d'un nouveau permis de construire et une mise en conformité des plans et prescriptions avec l'évolution de la réglementation.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a retenu ce montant.
3-2 les dépenses non conservables
Il s'agit du coût des travaux et des prestations d'études et de maîtrise d'oeuvre, et de divers frais qui ont été exposés en pure perte du fait de la démolition de l'immeuble, et ne peuvent être réutilisées dans le cadre de la reconstruction.
Le tribunal a pris en considération à ce titre le montant de 552 785,69 euros retenu par M. [T], expert-comptable, sapiteur de l'expert judiciaire, auquel il a ajouté deux factures de la société Ameva totalisant 36 432 euros écartées par le sapiteur, puis a déduit la somme de 1 105,50 euros correspondant aux frais de règlement de copropriété dont il a considéré qu'ils n'avaient pas été exposés en pure perte puisque le projet était maintenu.
La SCI l'Amiral soutient que l'ensemble de ces dépenses totalisent en réalité 647 561,51 euros HT et qu'il convient notamment de prendre en considération les dépenses payées par son actionnaire majoritaire, la société Ameva, en vertu de la convention de trésorerie les liant et refacturées par celle-ci, les factures non encore réglées, puisqu'elle tient une comptabilité d'engagement, ainsi que les frais d'assurance, d'agence immobilière et bancaires ainsi que les frais de gestion de programme réglés à la société Ameva.
La société Compétence géotechnique oppose que certains des frais mis en compte font double emploi avec la réclamation au titre du préjudice financier, que tous les frais, notamment bancaires et d'assurance, n'apparaissent pas intégralement en lien avec des prestations irrécupérables, que les factures de la société Ameva, qui sont en réalité des factures internes ne doivent pas être prises en compte, sauf justification d'un surcoût, et que certaines factures d'entrepreneurs semblent impayées.
Sur ce,
la cour constate que, s'agissant des frais exposés en 2014, les montants de 299 994,10 euros et de 27 917,34 euros validés par M. [T], au titre du coût des travaux et des honoraires d'architecte, comme figurant dans la comptabilité de la SCI l'Amiral, bien que certaines factures soient au nom de la société Ameva, ne sont pas discutés. Il en est de même des frais d'agence immobilière relatifs aux ventes annulées à hauteur de 20 063 euros, et des dépenses engagées par la société Ameva et refacturées à la SCI l'Amiral, limitées par le sapiteur à 24 751,48 euros, dont à déduire 8 349,87 euros d'escompte.
S'agissant des cotisations d'assurances, la cour fait sienne l'appréciation du tribunal qui ne les a pas retenues en l'absence de lien de causalité avec la démolition-reconstruction de l'ouvrage, le tribunal ayant justement relevé que ces cotisations avaient été exposées en pure perte non pas du fait du sinistre mais de la procédure collective ouverte le 8 mai 2018 à l'encontre de la société Alpha Insurance, la SCI l'Amiral admettant d'ailleurs à cet égard que du fait de la liquidation judiciaire de la société Alpha assurance, elle avait dû contracter les assurances obligatoires auprès d'un autre constructeur.
Les frais bancaires correspondant aux commissions sur caution, commission d'engagement et agios ont été admis à juste titre par M. [T] et par le tribunal, ces frais ayant été engagés pour la souscription d'une garantie d'achèvement qui a été résiliée.
De même, les frais de concession, de bureau de contrôle, de géomètre ramenés à 850 euros, et de notaire à hauteur de 4 671,45 euros, doivent être pris en considération comme ayant été exposés en pure perte, déduction faite, s'agissant des frais de notaire, de ceux afférents à la vente [X] qui n'a pas été résolue, et des frais de règlement de copropriété, la nécessité d'établir un nouveau règlement n'étant pas démontrée, quand bien même le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire est-elle nécessaire.
S'agissant des honoraires de gestion des programmes réglés à la société Ameva à hauteur de 36 432 euros, M. [T] les a écartés, évoquant un taux horaire particulièrement élevé, voire arbitraire. C'est toutefois à bon droit que le tribunal a retenu ces factures, nonobstant le fait qu'elles concernent les relations internes entre la société mère et sa filiale, dès lorsqu'elles portent sur des prestations effectivement réalisées dans le cadre de la gestion du chantier par la SCI l'Amiral pour le compte de sa filiale, pour certaines avant même la constitution de celle-ci, et qui lui ont été refacturées.
S'agissant des dépenses engagées en pure perte pour les années 2015 et 2016, les montants retenus par le sapiteur de l'expert judiciaire et le tribunal qui sont justifiés seront retenus. S'agissant des dépenses exposées en 2017, les frais de gestion de la société Ameva - 3 500 euros -, correspondant 'au temps passé sur le dossier' ont été écartés à bon droit par le tribunal, s'agissant en réalité de la gestion du sinistre, de sorte que ces frais ne peuvent être pris en considération au titre des dépenses non conservables.
La SCI l'Amiral conteste l'absence de prise en compte des factures de la société Area immobilier relatives aux ventes passées avec les époux [A] et [G], sans toutefois démontrer que ces ventes n'auraient pas abouti. Elle se contente en effet de verser aux débats, comme en première instance, les contrats de réservation et les courriers d'information adressés aux acquéreurs leur demandant de prendre position sur le maintien ou non du contrat, sans toutefois justifier de la réponse apportée par ces acquéreurs. Le jugement sera donc approuvé en tant qu'il n'a pas pris en compte ces frais.
Le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il a fixé à 588 112,19 euros l'indemnité allouée au titre des dépenses non conservables.
3-3 Sur le préjudice financier
3-3-1 la perte de retour sur investissement
Le tribunal a rejeté la demande de la SCI l'Amiral en paiement d'une somme de 14 041,64 euros au titre de la perte de retour sur investissement, aucun élément suffisant ne permettant d'apprécier le caractère futur et certain de ce préjudice.
La SCI l'Amiral réitère cette demande considérant que l'arrêt du chantier cause nécessairement un tel préjudice entre la date de livraison prévisionnelle avant sinistre et celle après reconstruction, après application au résultat escompté d'un taux de rendement de 1%, et capitalisation.
Si le sapiteur de l'expert judiciaire reprend ce poste de préjudice dans son récapitulatif, il ne l'a pas pour autant validé, comme le soutient la SCI l'Amiral, ayant au contraire soulevé le caractère hasardeux de l'évaluation d'un tel poste de préjudice en l'état des éléments qui lui étaient soumis et des nombreuses incertitudes concernant tant la date des ventes, que celle de livraison du dernier appartement, et des prix actualisés, soulignant que la marge espérée du programme immobilier était seulement retardée mais pas perdue.
Comme l'a retenu le tribunal le caractère certain de ce préjudice futur n'est pas démontré, dans la mesure où non seulement la date d'achèvement de l'immeuble et de livraison du dernier appartement n'est pas précisément déterminée, aucun élément n'étant produit concernant l'achèvement du programme, mais aussi, comme le soulignent à juste titre la société Compétence géotechnique et son assureur, du fait que cette perte potentielle de rendement, liée au retard de perception de la marge escomptée, est susceptible d'être compensée par la hausse des prix sur le marché de l'immobilier, aucun élément de preuve n'étant non plus produit s'agissant de la commercialisation du nouveau projet.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3-3-2 la rémunération des apports en compte courant de la société Ameva
Le tribunal a rejeté cette demande en paiement d'une somme de 55 094,01 euros considérant que les conséquences d'une convention de trésorerie adoptée par les associés d'une SCI ne constituait pas un préjudice.
M. [T] n'a pas examiné ce poste de préjudice qui était présenté comme lié au blocage des fonds de la société Ameva considérant qu'il n'avait pas été subi par la SCI l'Amiral.
Le préjudice invoqué qui résulte non pas du blocage des fonds avancés en compte courant par la société Ameva à sa filiale, mais des intérêts que cette dernière a dû lui verser en application de la convention de trésorerie les liant, a bien été subi par la SCI l'Amiral.
Ce préjudice est en lien direct avec l'arrêt du chantier, puisque la SCI l'Amiral qui n'a pas pu poursuivre la commercialisation du programme et donc rembourser les avances consenties par la société Ameva avec le produit des ventes, a dû les rémunérer en application de la convention de trésorerie les liant.
Le montant sollicité étant justifié par des extraits du [Localité 16] livre des comptes généraux, il sera fait droit à la demande, le jugement étant infirmé sur ce point.
3-3-3 la perte de marge brute
Le tribunal a rejeté la demande présentée à hauteur de 104 948,05 euros considérant que la preuve d'un préjudice futur et certain n'était pas rapportée alors que le surcoût lié au remplacement du radier par un autre système de fondation aurait dû être supporté tel que cela était prévu initialement.
Si M. [B] a évalué à ce montant le surcoût lié au remplacement du radier par des fondations sur pieux, il n'est toutefois pas démontré que ce surcoût restera à la charge de la SCI l'Amiral, puisqu'il a vocation à être intégré dans le prix de vente des appartements, la perte de marge brute susceptible de résulter de ce surcoût, étant par conséquent, en l'état des éléments d'appréciation soumis à la cour, totalement hypothétique.
3-4 Sur le préjudice moral
Le tribunal a alloué 3 000 euros à la SCI l'Amiral qui en sollicite 60 000 euros invoquant l'atteinte à son image, et le fait qu'elle a dû faire face au mécontentement des acquéreurs, à l'annulation de ventes et à des procédures judiciaires l'ayant opposée à certains d'entre eux ainsi qu'à des entreprises dont les contrats ont été suspendus qui lui ont adressé des courriers de mise en demeure.
La société Compétence géotechnique et son assureur s'y opposent indiquant que la SCI l'Amiral n'est pas un 'paramètre essentiel' compte tenu de sa qualité de structure permettant la réalisation du programme sinistré, du fait qu'elle n'assurait pas elle-même la commercialisation des appartements et de ce qu'aucun avis négatif n'a été publié à son encontre sur internet.
La cour constate que l'arrêt du programme, alors même que le gros oeuvre était achevé, a incontestablement eu un impact négatif sur l'image de la SCI l'Amiral, fût-elle une SCI opérationnelle, émanation d'un promoteur immobilier, et a suscité le mécontentement des acquéreurs qui avaient signé des contrats de réservation avec elle, ainsi que des entreprises, dont certains ont engagé des procédures judiciaires à son encontre. Il en résulte une préjudice moral certain qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.
3-5 Sur les frais d'expertise, d'huissier et d'avocats
La SCI l'Amiral sollicite la somme de 59 301,19 euros et celle de 39 699,03 euros au titre des frais d'expertise, de postulation et d'huissier d'une part, d'avocat d'autre part, exposés dans le cadre des procédures judiciaires découlant du sinistre, distincts de ceux de la présente instance.
Le tribunal a rejeté la demande au motif que s'agissant des frais concernant les instances jointes et la procédure de référé, ils relevaient des dépens et frais exclus des dépens, et que pour les autres ils étaient indemnisés au titre des préjudices indirects.
La cour constate que la SCI l'Amiral ne justifie pas que les montants dont elle demande paiement se rapportent à des procédures distinctes de la présente instance et de la procédure de référé expertise l'ayant précédée, les pièces qu'elle produit en annexe 76 à 81 concernant en effet les frais de l'expertise judiciaire, qui relèvent des dépens de la procédure de référé dont elle demande la prise en charge par les constructeurs, ainsi que des notes d'honoraires d'avocat adressées à la société Ameva et non à la SCI l'Amiral.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
3-6 Sur le préjudice matériel indirect
La SCI l'Amiral demande à ce titre une somme totale de 84 751,93 euros au titre des demandes indemnitaires formulées par la société [J] [P] architecte, les consorts [X] et M. [D], acquéreurs, et la société Actea, suite à la rupture des contrats les liant. Le tribunal a accueilli cette demande au vu des décisions de justice produites.
La SCI l'Amiral poursuit la confirmation du jugement sur ce point. La société Compétence géotechnique et son assureur, dont la société BESB [C] et la CAMBTP adoptent l'argumentation, et la société Constructions [Z], bien que concluant au rejet des demandes de la SCI l'Amiral, ne développent aucun moyen pour critiquer le jugement sur ce point, il sera donc confirmé.
4 - Sur la garantie des assureurs
4-1 la garantie de la SMABTP et de la CAMBTP
La SMABTP, assureur de la société Compétence géotechnique, ne conteste pas lui devoir sa garantie mais dans les limites du contrat souscrit.
De même, la CAMBTP ne conteste pas devoir sa garantie à l'égard de la société BESB [C] mais invoque son plafond de garantie de 305 000 euros pour les préjudices immatériels.
Elle indique qu'elle n'a été attraite à la procédure en première instance qu'en qualité d'assureur de la société BESB [C] et non en tant qu'assureur de la société Constructions [Z] dont elle n'assure que la responsabilité décennale, cette garantie n'étant de surcroît pas mobilisable en l'espèce.
Sur ce,
Il n'est pas démontré que la CAMBTP n'aurait été attraite en la cause en première instance qu'en qualité d'assureur de la société BESB [C], alors qu'elle figure au rubrum du jugement également en qualité d'assureur de la société Constructions [Z]. Il est toutefois établi, et non contesté, qu'elle est l'assureur de responsabilité décennale de cette société dont la responsabilité n'est pas recherchée sur ce fondement, de sorte que la demande de la SCI l'Amiral et l'appel en garantie de la société Compétence géotechnique dirigé contre elle, en sa qualité d'assureur de la société Constructions [Z], seront rejetés.
La SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], sont fondées à opposer leurs plafonds de garantie et franchises qui sont opposables aux tiers lésés s'agissant d'une assurance de responsabilité non obligatoire, et seront condamnées in solidum avec leurs assurées et la société Constructions [Z] à indemniser la société l'Amiral, à concurrence des montants susvisés, sous ces limites.
4-2 la garantie de la société Chuub european group SE
Le tribunal a constaté qu'il n'était pas saisi par le dispositif des conclusions de cette société de la nullité du contrat, et qu'en tout état de cause, à la date de souscription du contrat, la solution du radier n'avait pas encore était envisagée de sorte qu'il n'y avait pas de fausse déclaration intentionnelle. Il a considéré que la SCI L'Amiral ayant bien subi un dommage matériel, à savoir la perte de l'ouvrage qui avait été construit et devait être démoli, la garantie était donc due à hauteur des frais de démolition, des honoraires d'architecte, sous réserve des limites de garantie, et du coût des travaux non conservables.
La société Chuub european group SE reproche à la société Ameva une fausse déclaration pour n'avoir pas déclaré le changement de procédé technique utilisé pour les fondations, le questionnaire qu'elle a rempli le 17 février 2014 mentionnant des puits de fondation, alors même que le choix du radier avait déjà été opéré dès janvier 2014. Elle estime que le caractère intentionnel est démontré puisque, parallèlement, la société Ameva mandatait des professionnels pour étudier une variante moins onéreuse. Elle soutient par ailleurs que la police n'est pas mobilisable car seuls les dommages ou pertes matériels sont couverts, or les demanderesses ne demandent pas la réparation d'un dommage matériel mais le remboursement de dépenses non conservables et la réparation de dommages immatériels. Elle oppose diverses exclusions et limites de garantie.
La SCI L'Amiral indique avoir subi un préjudice matériel consistant en la perte de l'ouvrage, et réfute toute fausse déclaration intentionnelle car à la date de la souscription du contrat, le 17 février 2014, la solution du radier n'était pas encore envisagée, pas plus qu'au jour de l'émission de l'attestation d'assurance le 6 mars 2024, la preuve d'une volonté de tromper l'assureur n'étant pas non plus démontrée.
Sur ce,
Il n'est pas établi que le radier était déjà envisagé à la date du 17 février 2014, à laquelle la société Ameva a complété le questionnaire destiné à l'assureur, ni au moment de la souscription du contrat, étant relevé sur ce point que les conditions particulières versées aux débats ne mentionnent aucune date autre que celle de prise d'effet du contrat au 1er mai 2014, mais qu'une attestation d'assurance a été établie dès le 6 mars 2014.
En effet, si la société Constructions [Z] a établi une première offre de prix le 10 janvier 2014, reprise le 12 mars 2014, mentionnant un radier, il ne s'agissait toutefois pas des fondations mais d'un radier sous la fosse d'ascenseur pour 1,274 m3 au prix de 229,32 euros hors taxe, les fondations devant être réalisées en puits tel que prévu par la société BESB [C] dans le dossier de consultation des entreprises, pour un coût total de 51 973,95 euros.
La demande d'annulation du contrat d'assurance sera donc rejetée.
Le sinistre garanti est défini contractuellement comme 'l'ensemble des dommages matériels ou pertes matérielles résultant d'un même fait générateur et atteignant simultanément les biens assurés'.
Sont exclus de la garantie, l'indemnisation du préjudice résultant de la privation de jouissance ou de l'inactivité des biens assurés ainsi que le remboursement de tous dommages indirects et de tous dommages immatériels (article 4, 11° des conditions générales), ainsi que les frais engagés pour rechercher ou supprimer des défauts ou pour rectifier des vices du plan ou de conception et pour mettre les biens objet du contrat en conformité (article 4, 7°), les autres exclusions visées à l'article 4, 3° - pénalités contractuelles -, et 20° - remplacement des pieux et éléments de parois, frais engagés du fait que les pieux et éléments de fondation n'ont pas résisté à l'essai de portance ou n'ont pas atteint la force portante nécessaire -, n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce en l'absence de mise en oeuvre de pieux, et de défaut avéré du radier lui-même.
Comme l'a exactement retenu le tribunal, l'immeuble devant être démoli, la SCI l'Amiral subit un dommage matériel, de sorte que la garantie de l'assureur est due au titre des frais de démolition et des honoraires de maîtrise d'oeuvre afférents, ces derniers dans la limite de 50 000 euros, comme l'admet au demeurant la société Chuub European Group SE. La garantie n'est toutefois pas due pour les dépenses non conservables qui constituent des pertes financières et non matérielles, ainsi que pour les préjudices indirects et immatériels.
Au vu de ce qui précède la garantie de la société Chuub European Group SE n'est donc due qu'à concurrence de la somme de 85 400 (35 400 + 50 000) euros, sous déduction de la franchise de 5 000 euros, soit 80 400 euros. Elle sera donc condamnée à indemniser la SCI l'Amiral in solidum avec la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C], la CAMBTP et la société Constructions [Z] à concurrence de ce montant, le jugement étant infirmé sur ce point.
5- Sur les appels en garantie
5-1 Sur les recours réciproques de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP, de la société BESB [C] et de son assureur, la CAMBTP et contre la société Constructions [Z]
Les coobligés, qui ne sont pas liés contractuellement entre eux, sont fondés à exercer réciproquement des recours en garantie de nature quasi-délictuelle, afin de voir statuer sur leur contribution respective à la condamnation prononcée in solidum. La responsabilité de chacun des constructeurs et intervenants est proportionnelle à la gravité des fautes respectives, le travail de chacun des professionnels dépendant du travail de l'autre.
En considération des fautes respectives ci-dessus évoquées, une part de responsabilité de 20% sera mise à la charge de la société Compétence géotechnique pour n'avoir pas décelé, ni tenu compte de l'existence d'anciennes fortifications dans ses investigations, ni émis de réserves à cet égard dans son second rapport.
Une part de responsabilité à hauteur de 40% sera retenue à la charge de la société BESB [C] pour n'avoir pas précisément vérifié ce point et ne pas l'avoir pris en compte dans le cadre de sa mission de conception des fondations, ainsi que pour n'avoir pas émis de réserves à cet égard, et également pour avoir validé la poursuite des travaux du radier en dépit des réserves émises par le géotechnicien et le bureau de contrôle quant à la conformité de la plate-forme, sans faire procéder à de nouvelles investigations. À cet égard, il sera observé qu'aucun défaut du radier n'a certes été mis précisément en évidence au cours des opérations d'expertise, mais que l'expert a néanmoins estimé que ce dispositif constructif n'était pas adapté, et qu'il ressort également des conclusions ci-dessus rappelées du rapport Fondasol que l'effet de levier lié à l'existence du 'point dur' n'est pas à l'origine de la totalité des tassements, lesquels ont été accentués par d'autres causes. Or, dès lors que la société Fondasol a écarté les causes extérieures aux travaux qui avaient été envisagées, à savoir le nettoyage de canalisations et la présence éventuelle d'une cuve à mazout, seule la compacité de la plate-forme peut être incriminée.
La part de responsabilité de la société Constructions [Z] sera également fixée à 40 %, celle-ci étant spécialisée dans le domaine du gros oeuvre et ayant également validé la solution du radier sans émettre la moindre réserve, ni au stade de la conception, au regard de la particularité du site qu'elle ne pouvait ignorer, ni suite aux préconisations du géotechnicien visant à refaire la plate-forme laquelle ne présentait pas les caractéristiques mécaniques attendues, alors qu'il lui incombait de s'assurer de la portance de celle-ci.
5-2 Sur les appels en garantie dirigés contre la société Chuub European Group SE et formés par cette dernière
Aux termes de la police 'tous risques chantiers', ont la qualité d'assurés : 'le souscripteur, le maître de l'ouvrage, s'il est différent du souscripteur, ainsi que les entreprises intervenant directement sur le chantier'.
La société Chuub European Group SE soutient qu'elle dispose d'un recours contre le maître d'oeuvre, le bureau d'études techniques, le géotechnicien et le bureau de contrôle, qui n'ont pas la qualité d'assurés au titre de la police 'tous risques chantiers', ainsi que contre les assureurs de tous les intervenants à l'acte de construire, y compris celui de l'entreprise, le recours étant maintenu contre les assureurs nonobstant sa renonciation à recours contre le responsable, conformément à l'article 20 des conditions générales. Elle fonde également sa demande de garantie sur les dispositions de l'article 334 du code de procédure civile.
La société Compétence géotechnique et la société BESB [C] revendiquent la qualité d'assurés au sens de la police 'tous risques chantier' étant intervenues directement sur le chantier et sollicitent la garantie de la société Chuub European Group SE.
La société BESB [C] et la CAMBTP relèvent que la société Chuub European Group SE ne dispose d'aucun recours contre ses assurés, et qu'elle ne peut exercer un recours subrogatoire contre leurs assureurs qu'après avoir préalablement indemnisé le maître de l'ouvrage, ce dont elle ne justifie pas, les règles du cumul d'assurances prévu par l'article L.121-4 du code des assurances ayant vocation à s'appliquer.
Sur ce :
Le contrat donne une définition très large de 'l'assuré', puisqu'il vise de manière générale 'les entreprises intervenant sur le chantier', sans la moindre restriction tenant à la nature technique ou intellectuelle de cette intervention, ou à la qualité de constructeur ou de participant à l'acte de construire de ces entreprises intervenantes.
Par voie de conséquence, il doit être considéré que non seulement la société Constructions [Z], entreprise de gros oeuvre, mais également la société Compétence géotechnique et la société BESB [C] ont la qualité d'assurées au sens de la police, de sorte que la société Chuub European Group SE ne peut exercer aucun recours contre elles. Son appel en garantie sera donc rejeté en tant que dirigé contre ces sociétés.
Son recours doit également être rejeté en tant que dirigé d'une part contre les sociétés Dekra Industrial et [J] [P] architecte, et leurs assureurs, dont la responsabilité n'a pas été retenue, et d'autre part contre la CAMBTP, prise en qualité d'assureur de la société Constructions [Z], dont la garantie n'est pas mobilisable ainsi qu'il a été dit plus haut.
La société Chuub European Group SE n'est pas non plus fondée à exercer un recours subrogatoire, tel que prévu par l'article 20 des conditions générales de la police, à l'égard des assureurs des sociétés Compétence géotechnique et BESB [C], dès lors qu'elle ne justifie pas avoir préalablement indemnisé le maître de l'ouvrage.
Elle peut néanmoins, étant tenue à garantie avec d'autres à l'égard du maître de l'ouvrage en sa qualité d'assureur de dommage, exercer une action récursoire, sur le fondement de l'article 334 du code de procédure civile, contre ses coobligés, la SMABTP, et la CAMBTP, assureur de la société BESB [C], à concurrence de la part de responsabilité respectivement mise à la charge des assurées.
La société Compétence géotechnique et la société BESB [C], ayant la qualité d'assurés au sens de la police souscrite auprès de la société Chuub European Group SE par le maître de l'ouvrage, elles sont bien fondées, ainsi que leurs assureurs, à demander la garantie de cette société, dans la limite du montant mis à la charge de celle-ci au titre du préjudice matériel, et dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances.
6- Récapitulatif
En considération de ce qui précède, il y a lieu de condamner in solidum :
- la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 80 400 euros, à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 35 400 euros au titre du coût de démolition,
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, et la société Constructions [Z] à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 10 000 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect » ;
- 55 094,01 euros au titre de la rémunération versée au titre des avances de fonds de la société Ameva.
En considération du partage de responsabilité, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, et la société Constructions [Z], d'autre part seront condamnées à garantir la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence respectivement de 20% et de 40%.
La société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'une part, et la société Constructions [Z], d'autre part, seront condamnées à garantir la société Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence de 40% chacune.
La société Chuub European Group SE sera condamnée à garantir la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'autre part, dans la limite de 80 400 euros, des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la SCI l'Amiral, au titre des frais de démolition et de maîtrise d'oeuvre afférents, dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances
La SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], seront condamnées chacune, à concurrence de la part de responsabilité mise à la charge de son assurée, à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées contre elle au profit de la SCI l'Amiral.
Les demandes et appels en garantie dirigés contre la CAMBTP, en qualité d'assureur de la société Constructions [Z], les sociétés Dekra, [J] [P] architecte, et leurs assureurs seront rejetés, les appels en garantie formés par la société Dekra et son assureur étant déclarés sans objet.
Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il n'a pas statué en ce sens sur les demandes de la SCI l'Amiral et confirmé pour le surplus, dans les limites des dispositions soumises à la cour.
7 - la demande reconventionnelle de Constructions [Z]
Le tribunal a accueilli la demande de cette société en paiement du solde de son marché à hauteur de la somme de 19 589,83 euros.
A hauteur de cour, la SCI l'Amiral soulève la prescription de cette demande formée par conclusions du 18 août 2021, plus de cinq ans après l'émission de la facture du 30 janvier 2015 et au rejet de la demande relative à la facture du 20 mars 2017 comme portant sur des prestations de location de clôtures de chantier non prévues au marché à forfait, le cahier des clauses générales du marché mettant expressément à la charge de l'entreprise de gros oeuvre la garde juridique de ses ouvrages incluant la mise en place des clôtures.
La société Constructions [Z] réplique que la prescription ne peut lui être opposée puisqu'elle a produit ses factures dans le cadre des opérations d'expertise, à l'appui d'un dire du 23 mars 2017, et que leur montant n'a jamais été contesté ni devant l'expert ni devant le tribunal.
Sur ce,
Bien que soulevant la prescription dans les motifs de ses conclusions, et demandant à la cour de juger irrecevables les demandes formées contre elle sur appels incidents ou provoqués, la SCI l'Amiral ne conclut pas, dans le dispositif de ses conclusions, à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société Constructions [Z] mais seulement au rejet de ses prétentions, lesquelles n'ont pas été formées sur appels incidents ou provoqués. La cour qui n'est pas saisie d'une prétention n'a donc pas à se prononcer sur ce moyen.
Au fond, la facture du 20 mars 2017 qui correspond au solde du marché est due puisque les travaux ont été exécutés, la SCI l'Amiral ne justifiant pas du paiement.
Il en est de même de la facture du 30 janvier 2015, correspondant à l'intervention d'un spécialiste pour inspection des canalisations, suite au sinistre, qui n'est pas contestée au fond.
En revanche, la facture du 20 mars 2017 d'un montant de 3 600 euros, au titre d'une location de clôture de chantier, qui porte sur une prestation non prévue au marché forfaitaire, et par ailleurs expressément mise à la charge de l'entreprise de gros oeuvre par l'article 40.14 du cahier des clauses administratives générales, sera rejetée.
La cour statuant par voie d'infirmation, limitera donc la créance de la société Constructions [Z] à la somme de 15 389,83 euros, ladite somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021.
8- Sur les dépens et les frais exclus des dépens
Le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu'il a condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, et à supporter les dépens exposés par ces parties, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société Ameva à supporter ses propres dépens.
En considération de la solution du litige, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, seront condamnés in solidum à supporter les entiers dépens de première instance, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, à l'exception de ceux exposés par la société Ameva, et par la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, dans le cadre de ces instances.
La société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, seront de la même manière condamnées in solidum à supporter les entiers dépens d'appel, à l'exclusion de ceux afférents aux demandes de la SCI l'Amiral et de la société Ameva dirigés contre la SAS Dekra, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, et des dépens afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés, qui seront mis à la charge de la SCI l'Amiral et de la société Ameva, in solidum.
Il sera alloué, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 15 000 euros à la SCI l'Amiral, cette somme étant mise à la charge de la société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, in solidum,
- à la société Dekra et à son assureur, la société XL Insurance Company SE, conjointement, la somme de 6 000 euros, à la charge de la SCI l'Amiral et de la SCI l'Amiral, in solidum,
- à la société [J] [P] architecte et à la société Axa France IARD, conjointement, la somme de 6 000 euros, à la charge de la SCI l'Amiral et de la SCI l'Amiral, in solidum.
Les autres demandes présentées sur ce fondement seront rejetées.
Les sociétés Compétence géotechnique, SMABTP, BESB [C], CAMBTP, Constructions [Z] et Chuub European Group SE seront condamnées à se garantir réciproquement des condamnations prononcées in solidum au titre des dépens et des frais exclus des dépens dans les conditions ci-dessus définies au titre des appels en garantie.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 5 avril 2022 en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action en responsabilité de la SARL Ameva et rejeté ses demandes d'indemnisation ;
- rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre la société BESB-[C] et son assureur la CAMBTP, et contre la SARL Constructions [Z],
- condamné solidairement la société Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SCI L'Amiral les sommes de :
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 3 000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect »
le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- condamné la société Chuub European Group SE à payer à la SCI L'Amiral la somme de 538 469,53 euros sur les sommes, en principal, précitées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 ;
- rejeté la demande de la SCI l'Amiral dirigée contre la société Compétence géotechnique et la SMABTP et la société Chuub European Group SE au titre du poste de demande 'préjudice financier',
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées à son encontre et au bénéfice de la SCI l'Amiral, en principal, intérêts et frais ;
- rejeté la demande de garantie de la société Chuub European Group SE dirigée contre la CAMBTP ;
- rejeté les demandes de garantie de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP ;
- déclaré sans objet les appels en garantie de la société BESB [C] et la CAMBTP ;
- condamné la SCI L'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 19 589,83 euros TTC au titre de 2 factures du 20 mars 2017, et d'une facture du 30 janvier 2015, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens sauf en ce qu'il a :
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, ;
- condamné la SARL Ameva à supporter ses propres dépens ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva, in solidum, à supporter les dépens exposés par la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, d'une part, la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, y compris ceux qu'elles ont exposés dans le cadre de la procédure de référé RG°15/94 ;
CONFIRME, pour le surplus le jugement entrepris, en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
DECLARE recevables les fins de non-recevoir soulevées ;
DECLARE irrecevables comme prescrites les demandes de la SARL Ameva ;
REJETTE la demande de nullité du contrat d'assurance 'tous risques chantier' souscrit auprès de la société de droit étranger Chuub European Group SE ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique, la SMABTP, la SAS BESB [C], la CAMBTP, en qualité d'assureur de la SAS BESB [C], la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite d'un montant total de 80 400 euros, à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 35 400 euros au titre du coût de démolition,
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique, la SMABTP, la SAS BESB [C], la CAMBTP, en qualité d'assureur de la SAS BESB [C], et la SARL Constructions [Z] à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect » ;
- 55 094,01 euros au titre de la rémunération versée au titre des avances de fonds de la société Ameva ;
REJETTE pour le surplus les demandes indemnitaires de la SCI l'Amiral dirigées contre ces parties ;
DIT que dans les rapports entre coobligés les responsabilités seront réparties ainsi qu'il suit :
- la SARL Compétence géotechnique : 20%
- la SAS BESB [C] : 40 %
- la SARL Constructions [Z] :40 % ;
CONDAMNE la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, et la SARL Constructions [Z], d'autre part à garantir la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence respectivement de 20% et de 40% ;
CONDAMNE la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'une part, et la SARL Constructions [Z], d'autre part, à garantir la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral à concurrence de 40%, chacune ;
CONDAMNE la société de droit étranger Chuub European Group SE à garantir la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'autre part, des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la SCI l'Amiral, au titre des frais de démolition et de maîtrise d'oeuvre afférents, dans la limite de la somme totale de 80 400 euros, ainsi que des condamnations ci-après au titre des dépens et frais exclus des dépens, dans la limite de 10 %, dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances ;
CONDAMNE la SMABTP, d'une part et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], d'autre part à garantir la société Chuub European Group SE, chacune, à concurrence respectivement de 20% pour la première et de 40 % pour la seconde, des condamnations prononcées contre cette société, y compris au titre des dépens et des frais exclus des dépens ;
REJETTE les demandes de la SCI l'Amiral, ainsi que les appels en garantie de la SARL Compétence géotechnique et de son assureur, et de la société Chuub European Group SE dirigés contre la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société Constructions [Z] ;
REJETTE les appels en garantie formés par la société BESB [C] et la CAMBTP, d'une part, par la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'autre part et par la société Chuub European Group SE, de troisième part, contre la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, et contre la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD ;
REJETTE l'appel en garantie de la société Chuub European Group SE dirigé contre la SARL Compétence géotechnique ;
DIT que la SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], sont fondées à opposer leurs plafonds de garantie et franchises ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 15 389,83 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique et son assureur la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, à supporter les entiers dépens de première instance, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, à l'exception de ceux exposés par la SARL Ameva, ainsi que par la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, et par la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, dans le cadre de ces instances ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, in solidum, à supporter les entiers dépens d'appel,
à l'exclusion de ceux afférents aux demandes de la SCI l'Amiral et de la société Ameva dirigées contre la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, et de ceux afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la SARL Ameva, in solidum, aux dépens afférents à leurs demandes dirigées contre la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et contre la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part et ceux afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés ;
CONDAMNE la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, in solidum, à payer à la SCI l'Amiral la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la société Ameva in solidum à payer à la SAS Dekra et à la société XL Insurance Company SE, ensemble, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la société Ameva in solidum à payer à la SARL la société [J] [P] architecte et à la SA Axa France IARD, ensemble, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente de chambre,
Copie exécutoire
aux avocats
Le 14 mars 2025
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01700 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2NI
Décision déférée à la cour : 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTES sur appel principal et en garantie, intimées sur appels incident ou en garantie :
La S.A.R.L. COMPETENCE GEOTECHNIQUE, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 24] à [Localité 4]
La SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 12] à [Localité 10]
représentées par Me Stéphanie ROTH, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Marie-Laure CARRIERE, avocat à [Localité 18].
INTIMÉES sur appels principal, incident, provoqué, ou en garantie, appelantes sur appel incident, provoqué ou en garantie :
1/ La S.C.I. L'AMIRAL, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 8]
2/ La S.A.R.L. AMEVA, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 8]
1 & 2/ représentées par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour.
3 / La Société CHUUB EUROPEAN GROUP SE, anciennement ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal.
ayant son siège social [Adresse 15] à [Localité 13]
3/ représentée par Me Laetitia RUMMLER, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Fabrice DE COSNAC, avocat à [Localité 18]
4/ La S.A.S. DEKRA INDUSTRIAL prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 23]
5/ La S.A.R.L. SOCIETE DE DROIT ETRANGER SARL XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits de la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, prise en sa qualité d'assureur de la Société DEKRA INDUSTRIAL SAS, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 7] à [Localité 11]
4 & 5/ représentées par Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA, avocat à la cour
Avocat plaidant : Me Claude BEAUDOIRE, avocat à [Localité 18].
6/ La Compagnie d'assurance CAISSE D'ASSURANCES MUTUELLES DU BATIMENT ET DES T RAVAUX PUBLICS (CAMBTP) prise en la personne de son representant legal - es qualités d'assureur de la SAS BESB et de la SARL Constructions [Z]
ayant son siège social [Adresse 2]
7/ La S.A.S. BUREAU DÉTUDES STRUCTURES DU BATIMENT (BESB) prise en la personne de son representant légal,
ayant son siège social [Adresse 20]
6 & 7/ représentées par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN & ASSOCIES, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me FAUROUX, avocat à [Localité 17].
8/ La S.A.R.L. [J] [P] ARCHITECTE, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
9/ La S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5] à [Localité 14]
8 & 9/ représentées par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELALRL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me Emmanuelle FREEMANN-HECKER, avocat à [Localité 21]
10/ La S.A.R.L. CONSTRUCTIONS [Z] prise en la personne de son représentant légal,
ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 9]
représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTE, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Nathalie HERY, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Madame Nathalie HERY conseillère
Madame Sophie GINDENSPERGER, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement après prorogation du 23 janvier 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2014, la construction d'un immeuble de 8 logements, dénommé [Adresse 19], a été entreprise sur un terrain situé à Huningue, appartenant à la SCI L'Amiral.
Une police 'tous risques chantiers' a été souscrite auprès de la société de droit anglais ACE European Group Ltd, aux droits de laquelle vient désormais la société Chubb European Group SE.
La maîtrise d''uvre de l'opération a été confiée à la SARL [J] [P], architecte, assurée par la société la société Axa France IARD.
Sont également intervenus à l'opération :
- la société Dekra Industrial, en qualité de contrôleur technique et de coordonnateur SPS, assurée auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurance, devenue XL Insurance Company SE,
- la SAS BESB-[C], bureau d'études technique structure, assurée auprès de la CAMBTP,
- la SARL Constructions [Z], en charge du lot gros-'uvre, assurée auprès de la CAMBTP,
- la société Compétence géotechnique, en tant que bureau d'études géotechniques, assurée auprès de la SMABTP.
Aux termes d'un rapport de juin 2012, le géotechnicien, qui avait été chargé d'une mission d'avant-projet de type G12, avait recommandé la réalisation de fondations de type puits ou micropieux, compte-tenu de la nature des sols rencontrés.
La réalisation d'un radier ayant néanmoins été envisagée, la société Compétence géotechnique s'est vu confier une mission complémentaire et a établi un rapport en date du 24 mars 2014 concluant à la possibilité d'opérer des fondations par radier sous réserve de respecter certaines préconisations précises.
La déclaration d'ouverture de chantier est intervenue le 1er avril 2014.
Un tassement de l'angle sud-ouest du bâtiment de 13 cm ayant été constaté le 3 décembre 2014, la SCI l'Amiral a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse, le 5 mai 2015, l'organisation d'une expertise judiciaire confiée en dernier lieu à M. [S] [B].
Par exploit du 2 mars 2017, la SCI L'Amiral a fait citer la société de droit anglais ACE European Group Ltd, aux droits de laquelle vient désormais la société Chubb European Group, devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de mise en oeuvre de la garantie 'tous risques chantiers'. Cette société a appelé en cause les sociétés Dekra Industrial, CAMBTP, Compétence géotechnique, Axa Corporate Solutions Assurance, SMABTP, Constructions [Z], [J] [P] architecte et Axa France IARD, ainsi que la société BESB [C].
L'expert a déposé son rapport le 8 août 2019 et a conclu que le basculement de l'immeuble était en lien direct avec la présence d'un ancien fossé remblayé et d'un élément dur constitutif du bord du fossé des anciennes fortifications dites '[Localité 22]', induisant une différence de compressibilité des sols. Il a préconisé la démolition de l'immeuble.
Par exploits des 15, 16, 17, 18 et 30 octobre 2019, la SCI L'Amiral a également assigné la SMABTP, les sociétés Dekra Industrial, CAMBTP, Compétence géotechnique, Axa Corporate Solutions Assurance, et BESB-[C].
La SARL Ameva se prévalant de la qualité de maître de l'ouvrage est intervenue volontairement à l'instance, le 23 mars 2021, pour s'associer aux demandes de la SCI L'Amiral.
Les différentes procédures ont été jointes.
Par jugement en date du 5 avril 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire a :
- déclaré recevables l'action en responsabilité de la SARL Ameva ;
- rejeté ses demandes d'indemnisation ;
- déclaré recevable l'action en responsabilité de la SCI l'Amiral ;
- rejeté ses demandes dirigées contre la société BESB-[C] et son assureur la CAMBTP, la société Dekra Industrial et son assureur XL Insurance Company SE, la SARL [J] [P] architecte et Axa France IARD et la SARL Constructions [Z],
- condamné solidairement la société Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SCI L'Amiral les sommes de :
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 3 000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect »
le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- condamné la société Chuub European Group SE à payer à la SCI L'Amiral la somme de 538 469,53 euros sur les sommes, en principal, précitées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 ;
- rejeté la demande de la SCI l'Amiral dirigée contre la société Compétence géotechnique, la SMABTP et la société Chuub European Group SE au titre du poste de demande 'préjudice financier',
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées à son encontre et au bénéfice de la SCI l'Amiral, en principal, intérêts et frais ;
- rejeté les autres demandes de garantie ou constaté qu'elles sont sans objet,
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SARL [J] [P] Architecte la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation pour perte de chance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- rejeté la demande d'indemnisation de la SARL [J] [P] Architecte dirigée contre la SARL Ameva, la SCI L'Amiral, la SAS BESB, la CAMBTP, la SAS Dekra Industrial, et la société XL Insurance Company ;
- condamné la SCI L'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 19 589,83 euros TTC au titre de 2 factures du 20 mars 2017, et d'une facture du 30 janvier 2015, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
- condamné la société de droit étranger la société Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à payer, in solidum, à la SCI l'Amiral la somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, et à la SAS BESB et la CAMBTP de troisième part ;
- condamné la société de droit étranger Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP aux dépens exposés par la SCI l'Amiral incluant ceux de la procédure de référé expertise RG15/94 ;
- condamné la SARL Ameva à supporter ses propres dépens ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva in solidum, à supporter les dépens exposés par les parties mises hors de cause et la société de droit étranger Chuub European Group SE, la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP aux dépens de leurs appels en garantie.
Le tribunal a considéré, s'agissant de la recevabilité des demandes de société Ameva et l'Amiral que :
- les prétentions des demanderesses étaient claires, et leur objet déterminé, l'imprécision voire la contradiction sur le ou les fondements des actions respectives ne constituant pas une cause d'irrecevabilité ;
- si la SCI L'Amiral n'était pas le cocontractant des entreprises, n'étant pas encore constituée à la date d'établissement des contrats, elle avait néanmoins qualité à agir puisqu'à la date du dommage, elle avait la personnalité juridique et était propriétaire du sol, de sorte qu'elle pouvait se prévaloir des manquements contractuels des locateurs d'ouvrage qui constituaient à son égard des fautes délictuelles ;
- la demande de la société Ameva, qui était intervenue volontairement le 23 mars 2021, n'était pas prescrite puisque le dommage n'avait été connu dans toute son ampleur et ses conséquences qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise en 2019.
S'agissant des responsabilités, le tribunal a retenu que :
- la société Ameva pouvait agir sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil et la SCI l'Amiral sur celui de l'article 1382 ancien du même code ;
- il n'était pas démontré que la solution de fondation sur radier n'aurait pas été viable en l'absence de point dur ;
- la société Compétence géotechnique avait commis une faute pour avoir manqué de vigilance et autorisé la réalisation d'un radier sans études suffisantes et sans repérer le 'point dur' alors même que le site comportait d'anciens remparts ;
- la responsabilité des sociétés BESB et Dekra n'était pas engagée car la simple validation de la solution du radier n'était pas en elle-même constitutive d'une faute, et il n'était pas démontré qu'elles auraient disposé d'autres informations que celles fournies par la société Compétence géotechnique ;
- la société [Z] était tenue d'une obligation de résultat, mais elle pouvait invoquer une cause étrangère, puisque la société Compétence géotechnique, spécialiste de l'étude des sols, avait validé la viabilité du sol au regard des travaux envisagés, et il n'était pas établi qu'elle ait aggravé le dommage en poursuivant la construction car il n'était pas démontré qu'elle pouvait se rendre compte des tassements en cours de construction ;
- la société [J] [P] architecte avait une mission complète de maîtrise d'oeuvre mais le bureau d'études structure pour les études béton armé et de la charpente était à la charge du maître de l'ouvrage, et il n'était pas établi que le maître d'oeuvre était en mesure de s'apercevoir de la faute de la société Compétence géotechnique, qui avait réalisé deux études de sols.
En ce qui concerne le préjudice, le tribunal a accueilli les seules demandes d'indemnisation de la SCI l'Amiral, rejetant celles de la société Ameva, et lui a alloué différents montants au titre du coût de démolition, des honoraires d'architecte pour la démolition, des dépenses non conservables, d'un préjudice moral, du fait des tracasseries liées aux procédures engagées par des acquéreurs de lots, et a rejeté la demande au titre d'un préjudice financier comme non caractérisé.
Il a enfin retenu la garantie de la société Chuub European Group SE au titre des frais de démolition, des honoraires d'architecte et des dépenses non conservables, écartant toute fausse déclaration intentionnelle de la part de la société Ameva.
* La société Compétence géotechnique et la SMABTP ont interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 28 avril 2022, en toutes ses dispositions, intimant toutes les parties.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 février 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, la société Compétence géotechnique Franche Comté et la SMABTP demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
- déclarer les demandes de la société Ameva irrecevables comme prescrites ;
- déclarer les demandes de la SCI l'Amiral irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
- débouter la société Ameva et la SCI l'Amiral, ou toute autre partie, de leurs demandes en tant que dirigées contre elles ;
- rejeter tous appels incidents ou provoqués formulés à leur encontre,
- juger que la SMABTP ne peut être tenue que dans les limites du contrat souscrit qui prévoit en particulier plafonds et franchises opposables au tiers lésé ;
- condamner in solidum le BESB, son assureur la CAMBTP, la société Constructions [Z] et son assureur la CAMBTP, les sociétés Dekra Industrial, XL Insurance Company, Chuub European Group Limited, [J] [P] et Axa France IARD à les relever et garantir de toute condamnation en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et accessoires qui serait prononcée à leur encontre ;
- condamner la SCI l'Amiral et la société Ameva ou tout succombant à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, la SCI L'Amiral et la SARL Ameva demandent à la cour de :
sur l'appel principal :
- juger les demandes de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP irrecevables, subsidiairement mal fondées, et les débouter de l'intégralité de leurs demandes ;
sur les appels provoqués :
- juger irrecevables, subsidiairement mal fondées, toutes demandes formées à leur encontre par toute partie au titre d'un appel incident ou provoqué et en débouter ces parties.
Elles forment appel incident pour demander à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté en tout ou partie leurs demandes, a limité le quantum des condamnations, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens et demandent à la cour de :
- juger leurs demandes recevables et bien fondées ;
- condamner in solidum toutes les parties à leur payer une somme en principal de 1 185 797,36 euros hors taxes ;
- débouter les sociétés Constructions [Z] et [J] [P] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;
Subsidiairement :
- confirmer la décision entreprise ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum les appelantes et les autres intimés aux entiers frais et dépens, y compris ceux de la procédure de référé expertise RG15/00094 ainsi qu'au paiement d'une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 décembre 2022, la société Chuub European Group SE conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des sociétés Ameva et l'Amiral et en ce qu'il a retenu que sa garantie était partiellement acquise, à la confirmation pour le surplus. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- juger prescrite la demande de la société Ameva à son encontre ;
- juger irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir l'action de la SCI l'Amiral à son encontre ;
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle ;
à défaut,
- prononcer la nullité de la police souscrite par la société Ameva ;
- circonscrire toute éventuelle indemnisation à la seule somme de 80 400 euros au titre des frais de démolition et d'honoraires d'architecte, et débouter la SCI l'Amiral et la société Ameva du surplus de leurs demandes indemnitaires ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Compétence géotechnique et la SMABTP à la garantir ;
y ajoutant,
- condamner les sociétés [J] [P] architecte et son assureur Axa France IARD, Dekra Industrial et son assureur XL Insurance Company, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, BESB et son assureur la CAMBTP, Constructions [Z] et son assureur la CAMBTP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la SCI l'Amiral et/ou la société Ameva ;
- débouter les autres parties de leurs demandes dirigées contre elle ;
- condamner in solidum toutes les appelantes et les autres intimées aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Wahl-Kois-Burkard-Colomb, et à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, la SARL Constructions [Z] demande à la cour de confirmer le jugement et de rejeter les demandes, et les appels incidents et provoqués dirigés contre elle, et de condamner solidairement toutes les appelantes et les autres intimées aux dépens, et à lui payer une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 janvier 2023 la SARL [J] [P] architecte et la société Axa France IARD demandent à la cour de rejeter l'appel principal et les appels incidents de la société Chuub European Group SE et des sociétés Ameva et L'Amiral, confirmer le jugement, débouter les appelantes principales et incidentes de leurs demandes dirigées contre elles, et condamner in solidum la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société Chuub European Group SE, la société Ameva et la SCI l'Amiral aux entiers frais et dépens et à leur payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2023 la société Dekra industrial et XL Insurance Company SE demandent à la cour de rejeter l'appel principal, de confirmer le jugement en ce qu'ils les a mis hors de cause, le réformer en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Ameva et la SCI L'Amiral recevables, et formant appel incident sur ce point, elles demandent à la cour de juger que la société Ameva est prescrite en son action et la SCI l'Amiral dépourvue de qualité à agir. Elles concluent en outre au rejet des appels incidents et provoqués dirigés contre elles, et sollicitent la condamnation in solidum des sociétés Compétence géotechnique, CAMBTP, [J] [P], Axa France, Constructions [Z], SMABTP, BESB [C] à les relever indemnes et garantir de toutes condamnations, ainsi que la condamnation de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP, ou toute autre partie succombante, aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 janvier 2023, la SAS BESB [C] et la CAMBTP, demandent à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Ameva et de la SCI L'Amiral recevables, et formant appel incident, sollicitent l'infirmation du jugement sur ce point. Elles demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action de la société Ameva dirigée contre elles pour indétermination des prétentions et comme prescrite ;
- déclarer irrecevable l'action de la SCI l'Amiral dirigée contre elles pour indétermination des prétentions et défaut de qualité à agir ;
- les débouter ainsi que toutes les autres parties de leurs demandes dirigées contre elles ;
- rejeter les appels incidents et provoqués dirigés contre elles ;
- condamner solidairement les sociétés Constructions [Z], Compétence géotechnique, SMABTP, Dekra Industrial, XL Insurance Company, la société Chuub European Group SE à décharger intégralement la société BESB [C] et son assureur la CAMBTP de toutes condamnations, et aux frais et dépens de l'appel en garantie ;
- déclarer les appels incidents et provoqués de la SCI l'Amiral et la société Ameva irrecevables en raison de l'indétermination de l'auteur des prétentions, les en débouter ;
- condamner toute partie succombante à payer à la société BESB [C] et son assureur la CAMBTP la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties et n'a pas à répondre, dans le dispositif de son arrêt, à des demandes tendant à voir 'dire' 'juger' ou 'constater' qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et sont dépourvues d'effets juridiques.
1 - Sur la recevabilité des demandes respectives de la SCI L'Amiral et de la société Ameva
Il est soutenu par la société BESB [C] et la CAMBTP, au visa des articles 4,5, 30 et 122 du code de procédure civile, que les demandes des sociétés L'Amiral et Ameva, qui ne sont pas individualisées, sont irrecevables, l'objet du litige étant indéterminé, dès lors qu'il n'appartient pas à la juridiction de préciser au profit de quel bénéficiaire les prétentions sont formulées.
A cet égard, la cour fait sienne l'appréciation du tribunal qui a considéré, à juste titre, que bien que les sociétés L'Amiral et Ameva demandent la condamnation des différents intervenants à leur payer les mêmes montants, la demande n'était pas pour autant dépourvue d'objet déterminé, puisque les prétentions de ces sociétés tendent en effet à voir engager la responsabilité des constructeurs ou intervenants à l'opération de construction et de leurs assureurs, et à obtenir indemnisation du préjudice qu'elles prétendent avoir subi. En outre, il relève de l'office du juge d'apprécier, le cas échéant, si chacune des sociétés demanderesses a effectivement subi le préjudice dont elle demande réparation.
C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir.
1-1 sur la recevabilité des demandes de la SCI l'Amiral
Pour demander l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SCI l'Amiral et conclure à l'irrecevabilité de ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, les appelantes principales et incidentes font valoir que cette société n'est pas le maître de l'ouvrage ; qu'elle n'a aucun lien contractuel avec les locateurs d'ouvrages, les contrats les liant ayant été conclus par la société Ameva, alors que la SCI l'Amiral n'avait pas encore d'existence juridique ; que les prestations ont été réglées par la société Ameva ; qu'il importe peu que cette dernière soit l'associée de la SCI l'Amiral, ou qu'il existe une convention de trésorerie entre elles, ce qui ne constitue pas un mode de transmission des contrats opposable aux tiers ; que de même est inopérant le fait qu'elle soit propriétaire du terrain, ce qui en application de l'article 555 du code civil, ne lui confère pas le droit d'agir contre les entreprises mais seulement contre le tiers constructeur, en l'occurrence la société Ameva.
La SCI L'Amiral oppose qu'elle a été immatriculée le 31 janvier 2014, qu'elle est propriétaire du terrain d'assise de l'immeuble, de sorte qu'elle a bien qualité à agir en tant que maître de l'ouvrage, le cas échéant sur le fondement délictuel. Elle souligne qu'elle est bien le souscripteur du contrat d'assurance auprès de la société Chuub European Group SE qui est irrecevable à soulever en appel une irrecevabilité dont elle ne s'était pas prévalue en première instance.
Sur ce :
La cour rappelle que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel, conformément à l'article 123 du code de procédure civile, la société Chuub European Group SE est dès lors recevable à soulever en appel, le défaut de qualité et d'intérêt à agir de la SCI l'Amiral.
Le présent litige concerne des désordres survenus le 3 décembre 2014, au cours des opérations de construction, avant toute réception de l'ouvrage.
Il est constant que le permis de construire a été obtenu le 30 novembre 2012 par la société Ameva et que c'est cette société qui a conclu les contrats avec la société Compétence géotechnique, la société BESB [C], et avec la société [J] [P] architecte, la SCI l'Amiral, dont le capital est détenu à hauteur de 99% par la société Ameva, n'ayant été immatriculée que le 31 janvier 2014. De même, l'acte d'engagement du lot gros oeuvre conclu avec la société Constructions [Z] signé le 12 mars 2014, bien que désignant la SCI l'Amiral comme étant maître de l'ouvrage, a été signé par la société Ameva qui y a apposé son cachet.
Il est de principe que le maître de l'ouvrage est la personne pour le compte de qui les travaux ont été effectués, et que cette qualité bénéficie au propriétaire de l'immeuble, y compris quand la propriété a été acquise par voie d'accession.
Il n'est pas discuté que la SCI l'Amiral est propriétaire de l'immeuble dont s'agit, et qu'elle en était déjà propriétaire au jour de survenance du dommage, de sorte qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, elle a qualité et intérêt à agir, quand bien même n'est-elle pas liée contractuellement aux constructeurs et intervenants à l'opération de construction.
Par ailleurs, si la police 'tous risques chantier' a bien été souscrite par la société Ameva auprès de la société ACE European Group Limited aux droits de laquelle vient désormais, la société Chuub European Group SE, il ressort du 'questionnaire d'étude du chantier' complété par la société Ameva à destination de l'assureur qui le produit en annexe 4, qu'à la rubrique 2.0 'le maître de l'ouvrage (si différent du proposant)', elle avait mentionné la SCI l'Amiral comme étant le maître de l'ouvrage, et de l'attestation d'assurance établie par l'assureur le 6 mars 2014 que la SCI l'Amiral avait souscrit ladite police, ce qui démontre que la société Chuub European Group SE n'avait aucun doute quant à la qualité de maître de l'ouvrage de la SCI l'Amiral.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a déclaré les demandes de la SCI l'Amiral recevables.
1-2 sur la recevabilité des demandes de la société Ameva
Les appelantes principales et incidentes soutiennent que la demande de la société Ameva, est irrecevable comme prescrite puisque le dommage consistant en un basculement d'un bloc de l'immeuble, était connu dès le mois de décembre 2014, que l'affaissement était d'une telle ampleur qu'il a conduit à l'arrêt immédiat du chantier, et que le risque de devoir démolir l'ouvrage avait été envisagé dès cette date, ce que n'a fait que confirmer le rapport d'expertise. Elles soutiennent enfin que la société Ameva, qui n'était pas partie aux opérations d'expertise, ne peut se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription.
La société Ameva fait siens les motifs du jugement et fait valoir que le désordre a été extrêmement complexe à déterminer, ses causes difficiles à établir, de même que les responsabilités des différents intervenants.
Sur ce :
Il est constant que le sinistre, qui s'est produit le 3 décembre 2014, alors que le gros oeuvre était achevé, a consisté en un affaissement de l'angle Sud-Ouest du bâtiment de 13 cm, qui a motivé un arrêt immédiat du chantier sur ordre de l'architecte.
Il résulte des productions qu'une réunion a eu lieu sur site, le 11 décembre 2014, à l'issue de laquelle la société BESB [C] informait le gérant des sociétés l'Amiral et Ameva de la nécessité de procéder à des investigations complémentaires pour rechercher les causes du sinistre, évoquant un risque d'entrée d'eau dans le bâtiment. La nécessité de ces investigations et leur nature étaient détaillées par M. [P], architecte, et par la société Compétence géotechnique, le premier évoquant, le 13 décembre 2024, une éventualité de reprise au niveau des chapes, mais indiquait néanmoins que la reprise du basculement semblait compliquée et serait d'un coût exorbitant d'environ 300 000 euros.
En outre le 13 janvier 2015, le bureau de contrôle Dekra émettait un avis défavorable à une poursuite des travaux quand bien même le tassement semblait stabilisé, en l'absence de certitude quant à son origine, et préconisait, le 19 janvier 2015, de nouvelles investigations pour déterminer les causes du sinistre et si des travaux de redressement du bâtiment devaient où non être entrepris, ces rapports étant adressés au gérant de la société Ameva.
Il résulte donc de l'ensemble de ces constations qu'au plus tard le 19 janvier 2015 la société Ameva avait connaissance du dommage et de son importance.
Or, il est constant que la société Ameva n'a pas pris l'initiative de la procédure de référé-expertise, ni pris part aux opérations d'expertise initiées par la SCI l'Amiral, et n'est intervenue volontairement dans la procédure engagée par cette dernière que le 23 mars 2021, soit plus de cinq ans après avoir eu connaissance du sinistre, de sorte que ses demandes dirigées contre les constructeurs et participants à l'opération de construction sont irrecevables comme prescrites, tant en application de l'article 2224 du code civil que de l'article L.110-4 du code de commerce.
De même, c'est à bon droit que la société Chuub European Group SE se prévaut de la prescription de l'action engagée contre elle par la société Ameva, le délai biennal de l'article L.114-1 du code des assurances étant expiré à la date de son intervention volontaire.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a déclaré recevables les demandes de cette société.
2 - Sur les responsabilités
La SCI L'Amiral recherche la responsabilité de :
- la société Compétence géotechnique, pour n'avoir pas repéré les anciennes fortifications et la présence conjointe d'un fossé, qui ont créé une différence de compressibilité notable entre les deux côtés du bâtiment déséquilibrant sa structure au fur et à mesure de la montée des étages, et pour avoir validé la solution de fondations sur radier en présence d'un point dur, ainsi que pour manquement à son obligation de conseil ;
- la société BESB [C], pour avoir validé la solution du radier proposée par l'entreprise de gros oeuvre, malgré un avis défavorable du bureau de contrôle postérieur au second rapport de la société Compétence géotechnique, et après réalisation d'essais de plaques ayant abouti à des résultats non conformes, ainsi que pour manquement à son obligation de conseil ;
- la société Dekra Industrial, pour avoir transformé ses deux avis suspendus en avis favorables alors que le risque du radier était décelable par elle, et pour avoir omis de préconiser une étude de sol plus approfondie ;
- la société Constructions [Z], pour avoir manqué à son obligation de résultat, celle-ci ne pouvant se prévaloir d'une cause étrangère, et pour manquement à son devoir de conseil dans la mesure où elle a continué à édifier les étages de l'immeuble alors même que la dalle du rez-de-chaussée avait déjà basculé ;
- la société [J] [P] architecte, pour manquement à son obligation de conseil, car elle aurait dû refuser la mise en oeuvre d'un radier compte tenu des avis divergents, et pour ne pas s'être aperçue du tassement dans le cadre de sa mission de suivi de l'exécution des travaux, ne pas avoir pas alerté le maître de l'ouvrage et ordonné la cessation du chantier.
La cour relève qu'en l'absence de tout élément précis quant aux conditions dans lesquelles la SCI l'Amiral est devenue propriétaire de l'ouvrage dont son associée majoritaire, la société Ameva, avait entrepris l'édification, la première de ces sociétés est fondée à agir contre les constructeurs et participants à l'opération de construction avec lesquels elle n'a pas de liens contractuels sur le fondement de la responsabilité délictuelle, et peut se prévaloir des fautes de nature contractuelle éventuellement commises par les locateurs d'ouvrage et les intervenants à l'opération de construction à l'égard de la seconde, lesquelles sont susceptibles de constituer des fautes de nature délictuelle à son égard.
Selon l'expert judiciaire, M. [B], le basculement de l'immeuble est en lien direct avec la présence d'un ancien fossé remblayé et d'un 'élément dur' constitutif du bord du fossé des anciennes fortifications dites '[Localité 22]' enfouies vers le côté Nord du bâtiment, constituant le point de basculement, et trouve son origine dans la différence de compressibilité notable par rapport à celle des sols vers le côté opposé du bâtiment, le basculement ayant été accentué par 'l'effet bras de levier' suivi d'une nouvelle distribution des charges sur une étendue d'impact de plus en plus réduite.
L'expert reproche à la société Compétence géotechnique d'avoir donné son accord à la 'mauvaise solution du radier' et des faiblesses dans son étude initiale au niveau de l'enquête bibliographique. Il estime que sa responsabilité est prépondérante et que la responsabilité du bureau d'études techniques [C] et du contrôleur technique, Dekra, est également susceptible d'être engagée, dans une moindre mesure, pour avoir validé la variante de fondation sur radier.
Selon la société Fondasol, intervenue comme sapiteur de l'expert judiciaire, et chargée d'une mission de diagnostic géotechnique :
- la compacité des remblais mesurée est comparable à celle mesurée par la société Compétence géotechnique, et si un très léger gonflement a pu se produire par apport d'eau, ce phénomène serait d'ampleur négligeable,
- le tassement est survenu pendant la montée des étages, soit à chaque rechargement et n'a pas été brusque,
- les calculs de tassement confirment les valeurs indiquées par la société Compétence géotechnique,
- l'existence de balcons en débord formant un porte à faux, bien que non prise en compte par le sapiteur dans ses calculs, a cependant une incidence et majore les tassements,
- la présence d'un vestige des anciennes fortifications est cohérente avec le plan qui permettait de soupçonner que l'on se situait à cheval entre le fossé et le mur le délimitant,
- la présence du fossé au Sud, associée à l'existence d'un mur de fortification au Nord du bâtiment, a pu conduire à des tassements 'observés' de l'ordre de 7,5 cm, vraisemblablement accentués en sus par la présence de balcons en porte à faux (10 à 20%), et sans prise en compte de la précision des mesures (topographiques) ;
- même si ces causes semblent expliquer la majeure partie des tassements, il demeure un léger delta avec le tassement mesuré qui justifierait des investigations plus 'serrées'.
2-1 sur la responsabilité de la société Compétence géotechnique
La société Compétence géotechnique conteste toute faute de sa part. Elle rappelle qu'elle est tenue d'une obligation de moyens, dans les limites des missions normalisées G12 et G2 AVP qui lui avaient été confiées, lesquelles impliquent des sondages ponctuels.
Elle fait valoir qu'elle avait signalé, dès 2012, la présence possible de maçonneries enterrées du fait de la présence d'anciens remparts, qu'elle avait préconisé la réalisation de puits ou micropieux, souligné le risque de tassements différentiels et émis des recommandations et préconisations à respecter concernant le radier, mais qu'elle n'a jamais eu de mission G2PRO permettant de valider la solution retenue.
Elle critique les conclusions de l'expert et discute les calculs auxquels a procédé la société Fondasol, sapiteur de l'expert, et les résultats des essais réalisés par cette société trois ans après la mise en oeuvre de la plate-forme qui ne sont pas représentatifs des conditions réelles au moment des travaux. Elle met en cause, comme ayant participé à la survenance des désordres, un déficit de compacité de la plate-forme du fait de conditions météorologiques défavorables, ainsi que la découverte tardive du basculement qui aurait pu être décelé plus tôt par des contrôles d'horizontalité et de verticalité.
Sur ce ,
Il convient de rappeler que la responsabilité du géotechnicien doit être appréciée au regard des limites de la mission qui lui a été confiée. À cet égard, la société Compétence géotechnique s'est vu confier tout d'abord une mission géotechnique d'avant projet G12, aux termes de laquelle elle devait fournir un rapport sur les hypothèses géotechniques à prendre en compte au stade de l'avant-projet et sur certains principes généraux de construction.
Dans le cadre de cette mission, elle a déposé un rapport, en date du 13 juin 2012, dans lequel elle soulignait d'emblée que le site du chantier se trouvait au droit d'anciens remparts de la ville, dont le plan était disponible en mairie, évoquait la présence de remblais, et préconisait comme système de fondations soit des puits tubés, soit des micropieux.
La société Compétence géotechnique s'est vu confier ensuite une mission de type G2 AVP en vue de la réalisation d'un radier, visant à définir et comparer les solutions envisageables pour ce projet.
Elle a ainsi établi un second rapport en date du 24 mars 2014, dans lequel elle soulignait que les tassements étaient très élevés et qu'ils étaient soumis à l'appréciation du bureau d'études structure qui devrait rigidifier le radier, et préconisait différentes mesures, dont le contrôle de la couche de forme à l'aide d'essais de plaque devant être réalisés par ses soins, en précisant les valeurs minimales requises de différents coefficients.
Il est par ailleurs acquis aux débats que les essais de plaque de la couche de forme ne lui ont pas été confiés, contrairement à ses préconisations, mais ont été réalisés le 13 mai 2014 par une autre société ; qu'ils ont abouti à des résultats non-conformes sur deux des trois valeurs requises ; que la société Compétence géotechnique en a eu connaissance le 23 mai 2014 et que par courriel du 26 mai 2014 adressé à MM. [Z], [L], et [Y], elle a indiqué qu'il fallait refaire la plate-forme.
En l'état de ces constatations, dont il résulte que la société Compétence géotechnique, qui ne s'est jamais vu confier de mission d'ingénierie, avait dans un premier temps préconisé la réalisation de fondations autres qu'un radier, et signalé l'existence d'anciens remparts, et avait ensuite émis des préconisations précises en cas de réalisation d'un radier, en précisant les caractéristiques mécaniques que devait impérativement présenter la couche de forme, et qui, dès qu'elle a eu connaissance des résultats non conformes des essais à la plaque réalisés sans son concours, avait préconisé de refaire la plate-forme et de procéder à de nouveaux essais, ne peut se voir reprocher d'avoir 'validé' la solution du radier.
En revanche, et quand bien même l'appelante conteste-t-elle les calculs de la société Fondasol et ses conclusions, en considérant que l'effet de levier sur le 'point dur' ne peut à lui seul justifier les amplitudes des tassements totaux et différentiels observés, il n'en demeure pas moins, au vu des conclusions de l'expert et de son sapiteur, que la présence conjointe d'un fossé au Sud et d'un reste de fortification au Nord, qu'elle n'avait pas décelés, constitue à tout le moins une des causes de survenance du sinistre.
Bien qu'ayant fait état dans son premier rapport de la présence d'anciens remparts, la société Compétence géotechnique n'a pas pris en compte cet élément, ni étudié son impact éventuel sur la variante proposée pour les fondations, ni conseillé la réalisation d'investigations précises sur ce point dans le cadre de sa seconde mission, et n'a pas davantage émis la moindre réserve à cet égard. Elle a dès lors commis une faute à l'égard de son cocontractant, la société Ameva, constitutive d'un manquement délictuel, dont la SCI l'Amiral peut se prévaloir.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a retenu que la société Compétence géotechnique avait engagé sa responsabilité à l'égard de la SCI l'Amiral.
2-2 sur la responsabilité de la société Constructions [Z]
Cette société conteste toute faute de sa part et se prévaut d'une cause étrangère résultant de la présence d'un vestige d'une fortification [Localité 22], et souligne que la solution du radier, qui a été étudiée à la demande du maître de l'ouvrage, avait été validée tant par le bureau d'études technique structure, que par le géotechnicien et le contrôleur technique. Elle prétend qu'elle ne pouvait déceler les affaissements minimes, de l'ordre de 1 à 2 cm, en cours de chantier.
Sur ce,
Il n'est pas contesté que la société Constructions [Z] est tenue d'une obligation de résultat à l'égard de son cocontractant, dont elle ne peut s'exonérer qu'en établissant la preuve d'une cause étrangère laquelle ne peut résulter de fautes commises par d'autres locateurs d'ouvrage.
Ni l'existence de vestiges d'anciennes fortifications, connue de tous les intervenants et signalée, dès l'origine, par le géotechnicien, ni le fait que la proposition de radier ait été validée par le bureau d'études structure et par le contrôleur technique ne constituent une cause étrangère exonératoire.
La SCI l'Amiral est dès lors fondée à se prévaloir du manquement de cette société à l'obligation de résultat dont elle était tenue à l'égard de la société Ameva, qui constitue à son égard une faute de nature délictuelle.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a écarté la responsabilité de la société Constructions [Z], et a rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre elle.
2-3 sur la responsabilité de la société Dekra Industrial
Cette société et son assureur reprochent à l'expert judiciaire une absence d'analyse technique, et considèrent que la responsabilité de la société Compétence géotechnique est engagée car ses deux missions n'ont pas été abouties, le géotechnicien n'ayant pas tiré les conséquences de ses constatations. Elles rappellent les limites de la mission du contrôleur technique qui est normalisée, et soulignent que les études géotechniques ne relèvent jamais de la responsabilité des contrôleurs techniques. Elles soutiennent que si la société Dekra a été amenée à lever ses avis suspendu puis défavorable, c'est sur la base de l'avis technique motivé du bureau d'études techniques BESB [C], et du rapport de la société Compétence géotechnique qui n'avait pas identifié le point dur.
Sur ce,
La responsabilité du contrôleur technique s'apprécie, comme celle du géotechnicien, au regard des limites de sa mission. Il est en effet amené à émettre des avis dans le cadre de sa mission, et ne peut se substituer aux constructeurs, notamment en ce qui concerne l'élaboration des documents techniques, et n'a pas à surveiller les travaux.
En l'occurrence, l'intimée s'était vu notamment confier une mission 'L' relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, visant à prévenir les aléas techniques susceptible de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement indissociables, et une mission 'PS' relative à la sécurité des personnes en cas de séisme.
Dans le cadre de ces missions, la société Dekra a successivement émis :
- le 6 mai 2014 un avis défavorable sur le système de fondations retenu (radier) au regard de l'étude de sol du 13 juin 2012 qui n'envisageait pas cette solution, demandant une étude de sol complémentaire validant la réalisation d'un radier, des précisions quant à la couche de forme sous radier et un procès-verbal d'essai de plaque sur couche de forme ;
- le même jour, après réception de l'étude de sols du 24 mars 2014, un avis suspendu dans l'attente du procès-verbal d'essai de plaque sur couche de forme et de précisions quant à la mise en oeuvre d'un drainage périphérique ;
- le 21 mai 2014, à réception du procès-verbal d'essai de plaque Sorelife, un avis défavorable sur la réalisation de la couche de forme sous radier en l'absence d'avis complémentaire du géotechnicien ;
- le 3 juin 2014, un avis favorable, suite à un courrier du bureau d'études BESB du 2 juin 2014 indiquant avoir vérifié sa note de calcul et que les tassements du radier restaient admissibles avec les valeurs obtenues par l'essai de plaque du fait de la conception et du ferraillage du radier.
Il apparaît ainsi qu'il ne peut être reproché au contrôleur technique de ne pas avoir préconisé d'études de sols complémentaire, ni d'avoir levé son avis défavorable, alors qu'il n'avait pas été destinataire du courriel de la société Compétence géotechnique du 26 mai 2014 et avait reçu du bureau d'études techniques structure en charge de la conception du radier des informations techniques dont il n'est pas soutenu qu'elles n'étaient pas suffisantes pour répondre aux interrogations soulevées.
En l'absence de preuve d'une faute de la société Dekra Industrial, le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes dirigés contre cette société et son assureur.
2- 4 sur la responsabilité de la société BESB [C]
Cette société et son assureur soutiennent qu'elle n'est pas à l'origine de la solution alternative du radier qui était souhaitée, dans un souci d'économie, par le maître de l'ouvrage, qui est notoirement compétent, et qu'elle n'a accepté cette solution alternative qu'à la condition que celle-ci soit préconisée par un géotechnicien et avalisée par un bureau de contrôle. Elle rappelle qu'elle est tenue d'une obligation de moyens et indique avoir exécuté exclusivement l'étude de calculs sur la base des préconisations de la société Compétence géotechnique qui est seule à l'origine du dommage du fait de l'insuffisance de son étude, le principe constructif du radier n'étant pas lui-même en cause. Elle conteste avoir validé cette solution qui a été délibérément voulue par un maître de l'ouvrage notoirement compétent.
Sur ce,
Il est établi que la société BESB [C] qui était chargée d'une mission d'étude béton armé, d'assistance au maître de l'ouvrage pour l'établissement des plans, plans d'exécution et dossiers de consultation des entreprises pour le lot gros oeuvre avait initialement proposé des fondations par pieux avec longrines.
Elle ne démontre pas, comme elle l'affirme, n'avoir accepté d'étudier la solution du radier qu'à certaines conditions.
Contrairement à ce qu'elle prétend, il ne résulte nullement du courrier de la société Compétence géotechnique du 10 mars 2014, adressé à la société Ameva, par lequel elle lui transmettait une offre de prix pour une étude géotechnique pour la réalisation d'un radier, 'suivant les indications fournies par M. [C]', que le géotechnicien aurait validé cette solution constructive, alors que ce courrier évoque des tassements différentiels importants rendant impératifs de nouveaux sondages en cas de maintien du projet.
Suite au rapport de la société Compétence géotechnique du 24 mars 2014, M. [L], dirigeant de la société Ameva, interrogeait, le même jour, M. [Z] et la société BESB [C], en vue de connaître leur décision. Or, si le courriel en réponse du 25 mars 2014 indiquant 'en accord avec M. [C] et Compétence géotechnique, nous validons la solution du radier. Le montant du marché sera donc ramené à 280.000 € HT', émane de M. [Z], et non de la société BESB [C] comme cela est soutenu, celle-ci ne démontre pas avoir contesté cet accord et s'être opposée à cette solution, ni avoir émis la moindre réserve quant à l'existence éventuelle de vestiges d'anciens remparts, alors même qu'elle n'ignorait pas que le projet était localisé au niveau d'anciennes fortifications comme l'avait souligné le géotechnicien, et qu'il lui appartenait d'en tenir compte dans le cadre de la conception des fondations dont elle était chargée, la société Fondasol ayant en effet relevé que 'le plan permettait de soupçonner que l'on se situait à cheval entre le fossé et le mur le délimitant'.
En outre, alors qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance du résultat non conforme des essais à la plaque, et de l'avis défavorable du bureau de contrôle, la société BESB [C] a clairement validé la réalisation du radier dans son courrier du 2 juin 2014, après un nouveau compactage énergique et a fourni à la société Dekra des indications techniques lui ayant permis de lever son avis défavorable, sans tenir compte de l'avis émis par le géotechnicien qui préconisait pourtant, à ce stade, de refaire la plate-forme, ni effectuer de nouveaux essais de plaque.
L'intimée ne peut, dans ces conditions, soutenir avoir accepté cette solution car elle avait été validée par le géotechnicien et le bureau de contrôle.
Par voie de conséquence, en validant un dispositif constructif en dépit des réserves émises par le géotechnicien et sans prendre en considération l'ensemble des éléments d'information dont elle disposait susceptible d'avoir une incidence sur le choix du système de fondations qu'elle était chargée de concevoir, que l'expert judiciaire a qualifié de 'mauvaise solution', la société BESB [C] a fait preuve de négligence et a manqué à son devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage fût-il compétent, les éléments produits révélant que M. [L], dirigeant des sociétés l'Amiral et Ameva, a un diplôme d'ingénieur sans que sa spécialité soit précisée, dès lors que celui-ci lui avait spécifiquement confié la conception des fondations en sa qualité de bureau d'études structure spécialisé.
La SCI l'Amiral est dès lors fondée à lui reprocher une faute de nature délictuelle. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre la société BESB [C].
2-5 Sur la responsabilité de société [J] [P] architecte
Cette société et son assureur contestent également toute faute et tout manquement de l'architecte à son obligation de conseil, ou à son obligation de moyens. Elles soulignent que la société Ameva, en la personne de M. [L] qui est ingénieur structure, a assumé un rôle de maître d'oeuvre en sortant de la mission de l'architecte le volet technique sur les questions structurelles, pour le confier au bureau d'études technique [C], qu'elle avait pourtant déconseillé, et qu'elle a assuré le volet DET sur les questions structurelles. La société [J] [P] architecte affirme ne pas avoir été tenue informée des échanges entre le bureau d'études techniques structure, la société Constructions [Z] et le maître de l'ouvrage et ne pas avoir été destinataire des essais de plaques. Elle soutient que dès qu'elle a eu connaissance du problème, elle a tout mis en oeuvre pour trouver une solution et se prévaut d'une immixtion fautive du maître de l'ouvrage, notoirement compétent en la matière, qui l'exonère de sa responsabilité.
Sur ce,
Il est établi que si par contrat du 22 mai 2012, la société Ameva a confié à la société [J] [P] architecte une mission complète de maîtrise d'oeuvre, à charge pour elle de s'adjoindre les compétences de bureaux d'études techniques, par un nouveau contrat annulant le précédent du 24 septembre 2013, elle a modifié sa mission en indiquant : 'le bureau d'études structure pour les études de béton armé et de charpente est à la charge du maître d'ouvrage'.
Par voie de conséquence, et au vu de la mission ci-dessus rappelée dévolue à la société BESB [C], l'architecte n'était pas en charge de la conception du lot gros oeuvre, et donc des fondations.
En revanche, aucune distinction n'est opérée s'agissant de la mission DET qui était confiée en totalité à la société [J] [P] architecte, y compris pour le lot gros oeuvre.
Si cette dernière n'a pas été destinataire de tous les échanges entre les autres parties, elle a néanmoins, contrairement à ce qu'elle prétend, était destinataire du courriel précité de M. [Z] du 25 mars 2014 validant le radier, ainsi que de celui du 23 mai 2014 par lequel il a transmis à M. [L], avec copie à M. [U] [Y] qui était en charge du suivi du chantier au sein de la société [J] [P] architecte, le résultat des essais de plaque, et du courriel de la société Compétence géotechnique du 26 mai 2014, qu'elle a d'ailleurs elle-même fait suivre à la société Ameva (pièce n°21 de Me [M]). Elle avait également connaissance de l'avis défavorable du bureau de contrôle dont il a été fait état lors de la réunion de chantier du 27 mai 2014.
Il ne peut toutefois, lui être reproché un manquement à son devoir de conseil pour n'avoir pas refusé la solution du radier, alors qu'elle n'était pas en charge de la conception des fondations, que tous les éléments d'information avaient été soumis à la société BESB [C] dont c'était la mission, et que celle-ci avait validé la solution, et obtenu la levée de l'avis défavorable du contrôleur technique.
Aucun manquement ne peut par ailleurs lui être reproché dans sa mission de suivi du chantier, puisque dès qu'elle a eu connaissance du basculement de l'immeuble, elle a ordonné la cessation immédiate des travaux et pris les mesures qui s'imposaient. Par ailleurs, comme l'a retenu le tribunal, il n'est nullement établi qu'elle ait pu se rendre compte, en cours d'exécution des travaux de gros oeuvre, d'un basculement progressif de l'immeuble tel qu'envisagé par la société Fondasol, qui indique néanmoins qu'au moment du coulage les dalles devaient être horizontales.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre cette société.
2-6 récapitulatif
Il résulte de ce qui précède que la société Compétence géotechnique, la société BESB [C], et la société Constructions [Z] dont les fautes respectives ont concouru à l'entier dommage doivent être condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la SCI l'Amiral du fait de leur fautes conjuguées.
Le jugement doit donc être infirmé en tant qu'il n'a retenu que la responsabilité de la société Compétence géotechnique.
3- Sur le préjudice
La SCI L'Amiral fait valoir que :
- bien que lui ayant alloué, dans les motifs de son jugement, le coût de démolition, le tribunal a omis cette condamnation dans le dispositif du jugement,
- le montant des dépenses non conservables est supérieur au montant alloué par le tribunal,
- son préjudice financier correspond à l'absence de retour sur investissement, et à sa perte de marge, car du fait de l'augmentation des coûts, la marge envisageable lorsque l'opération sera achevée sera diminuée, ainsi qu'au blocage des fonds de la société Ameva en compte-courant d'associé, qu'elle a dû rémunérer conformément à la convention de trésorerie les liant,
- elle subit un préjudice moral important du fait de l'atteinte portée à son image,
- elle a subi un préjudice indirect, résidant dans les demandes de dommages et intérêts de l'architecte, des entreprises et d'acquéreurs.
Les différents postes de préjudice sont discutés par la société Compétence géotechnique, la societé BESB et la CAMBTP s'associent à ses contestations qu'elles font leurs.
La société Constructions [Z] n'a pas présenté d'observations sur ce point.
3-1 le coût de démolition et les honoraires d'architecte pour la démolition et la reconstruction
Bien qu'ayant alloué à la SCI l'Amiral, dans les motifs de sa décision, la somme de 35 400 euros HT au titre du coût de démolition de l'immeuble, le tribunal a omis de statuer sur ce point dans le dispositif.
Cette demande étant bien fondée, au regard des conclusions expertales selon lesquelles la démolition de l'immeuble s'impose, et étant suffisamment justifiée, il convient d'allouer cette somme à la SCI l'Amiral et de compléter le jugement, peu important que ce coût ait pu être moindre si le chantier avait été arrêté plus tôt ce qui ne peut conduire à minorer l'indemnité allouée au maître de l'ouvrage qui est en droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.
Le tribunal a retenu le montant de 85 000 euros HT, validé par l'expert judiciaire pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre. Ce montant est contesté par la société Compétence géotechnique qui estime que les honoraires pour la démolition doivent être fixés à 8% du coût de démolition, soit 2 832 euros HT, et que le coût de reconstruction estimé à 1 000 000 euros est surévalué, comme le taux des honoraires alors que dans le cadre du projet ce taux était de 6,375 %, et que la reconstruction ne suppose pas que soit confié à l'architecte une mission complète, les missions APS et APD ne se justifiant pas, et les phases suivantes ayant vocation à être réduites. Elle estime à 23 626,08 euros le montant des honoraires pour la phase reconstruction.
La cour relève qu'il n'est pas discuté du principe de la reconstruction qui est admis. Le taux de 8%, qui est conforme, voire inférieur, aux taux usuellement pratiqués pour ce type de chantier, n'est pas critiquable. Par ailleurs, le coût initial des travaux servant de base de calcul pour les honoraires de l'architecte ayant été fixé à 928 066 euros hors taxes, le coût de 1 000 000 euros évoqué au vu de la proposition d'honoraires de la société [J] [P] architecte, pour la reconstruction n'apparaît pas inadapté.
La cour fera sienne l'appréciation de l'expert judiciaire qui a validé la réclamation de la SCI l'Amiral à hauteur de 85 000 euros HT, après avoir retenu un forfait pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre liés à la démolition, considération prise de ce que le nouveau projet, même repris à l'identique, suppose l'obtention d'un nouveau permis de construire et une mise en conformité des plans et prescriptions avec l'évolution de la réglementation.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a retenu ce montant.
3-2 les dépenses non conservables
Il s'agit du coût des travaux et des prestations d'études et de maîtrise d'oeuvre, et de divers frais qui ont été exposés en pure perte du fait de la démolition de l'immeuble, et ne peuvent être réutilisées dans le cadre de la reconstruction.
Le tribunal a pris en considération à ce titre le montant de 552 785,69 euros retenu par M. [T], expert-comptable, sapiteur de l'expert judiciaire, auquel il a ajouté deux factures de la société Ameva totalisant 36 432 euros écartées par le sapiteur, puis a déduit la somme de 1 105,50 euros correspondant aux frais de règlement de copropriété dont il a considéré qu'ils n'avaient pas été exposés en pure perte puisque le projet était maintenu.
La SCI l'Amiral soutient que l'ensemble de ces dépenses totalisent en réalité 647 561,51 euros HT et qu'il convient notamment de prendre en considération les dépenses payées par son actionnaire majoritaire, la société Ameva, en vertu de la convention de trésorerie les liant et refacturées par celle-ci, les factures non encore réglées, puisqu'elle tient une comptabilité d'engagement, ainsi que les frais d'assurance, d'agence immobilière et bancaires ainsi que les frais de gestion de programme réglés à la société Ameva.
La société Compétence géotechnique oppose que certains des frais mis en compte font double emploi avec la réclamation au titre du préjudice financier, que tous les frais, notamment bancaires et d'assurance, n'apparaissent pas intégralement en lien avec des prestations irrécupérables, que les factures de la société Ameva, qui sont en réalité des factures internes ne doivent pas être prises en compte, sauf justification d'un surcoût, et que certaines factures d'entrepreneurs semblent impayées.
Sur ce,
la cour constate que, s'agissant des frais exposés en 2014, les montants de 299 994,10 euros et de 27 917,34 euros validés par M. [T], au titre du coût des travaux et des honoraires d'architecte, comme figurant dans la comptabilité de la SCI l'Amiral, bien que certaines factures soient au nom de la société Ameva, ne sont pas discutés. Il en est de même des frais d'agence immobilière relatifs aux ventes annulées à hauteur de 20 063 euros, et des dépenses engagées par la société Ameva et refacturées à la SCI l'Amiral, limitées par le sapiteur à 24 751,48 euros, dont à déduire 8 349,87 euros d'escompte.
S'agissant des cotisations d'assurances, la cour fait sienne l'appréciation du tribunal qui ne les a pas retenues en l'absence de lien de causalité avec la démolition-reconstruction de l'ouvrage, le tribunal ayant justement relevé que ces cotisations avaient été exposées en pure perte non pas du fait du sinistre mais de la procédure collective ouverte le 8 mai 2018 à l'encontre de la société Alpha Insurance, la SCI l'Amiral admettant d'ailleurs à cet égard que du fait de la liquidation judiciaire de la société Alpha assurance, elle avait dû contracter les assurances obligatoires auprès d'un autre constructeur.
Les frais bancaires correspondant aux commissions sur caution, commission d'engagement et agios ont été admis à juste titre par M. [T] et par le tribunal, ces frais ayant été engagés pour la souscription d'une garantie d'achèvement qui a été résiliée.
De même, les frais de concession, de bureau de contrôle, de géomètre ramenés à 850 euros, et de notaire à hauteur de 4 671,45 euros, doivent être pris en considération comme ayant été exposés en pure perte, déduction faite, s'agissant des frais de notaire, de ceux afférents à la vente [X] qui n'a pas été résolue, et des frais de règlement de copropriété, la nécessité d'établir un nouveau règlement n'étant pas démontrée, quand bien même le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire est-elle nécessaire.
S'agissant des honoraires de gestion des programmes réglés à la société Ameva à hauteur de 36 432 euros, M. [T] les a écartés, évoquant un taux horaire particulièrement élevé, voire arbitraire. C'est toutefois à bon droit que le tribunal a retenu ces factures, nonobstant le fait qu'elles concernent les relations internes entre la société mère et sa filiale, dès lorsqu'elles portent sur des prestations effectivement réalisées dans le cadre de la gestion du chantier par la SCI l'Amiral pour le compte de sa filiale, pour certaines avant même la constitution de celle-ci, et qui lui ont été refacturées.
S'agissant des dépenses engagées en pure perte pour les années 2015 et 2016, les montants retenus par le sapiteur de l'expert judiciaire et le tribunal qui sont justifiés seront retenus. S'agissant des dépenses exposées en 2017, les frais de gestion de la société Ameva - 3 500 euros -, correspondant 'au temps passé sur le dossier' ont été écartés à bon droit par le tribunal, s'agissant en réalité de la gestion du sinistre, de sorte que ces frais ne peuvent être pris en considération au titre des dépenses non conservables.
La SCI l'Amiral conteste l'absence de prise en compte des factures de la société Area immobilier relatives aux ventes passées avec les époux [A] et [G], sans toutefois démontrer que ces ventes n'auraient pas abouti. Elle se contente en effet de verser aux débats, comme en première instance, les contrats de réservation et les courriers d'information adressés aux acquéreurs leur demandant de prendre position sur le maintien ou non du contrat, sans toutefois justifier de la réponse apportée par ces acquéreurs. Le jugement sera donc approuvé en tant qu'il n'a pas pris en compte ces frais.
Le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il a fixé à 588 112,19 euros l'indemnité allouée au titre des dépenses non conservables.
3-3 Sur le préjudice financier
3-3-1 la perte de retour sur investissement
Le tribunal a rejeté la demande de la SCI l'Amiral en paiement d'une somme de 14 041,64 euros au titre de la perte de retour sur investissement, aucun élément suffisant ne permettant d'apprécier le caractère futur et certain de ce préjudice.
La SCI l'Amiral réitère cette demande considérant que l'arrêt du chantier cause nécessairement un tel préjudice entre la date de livraison prévisionnelle avant sinistre et celle après reconstruction, après application au résultat escompté d'un taux de rendement de 1%, et capitalisation.
Si le sapiteur de l'expert judiciaire reprend ce poste de préjudice dans son récapitulatif, il ne l'a pas pour autant validé, comme le soutient la SCI l'Amiral, ayant au contraire soulevé le caractère hasardeux de l'évaluation d'un tel poste de préjudice en l'état des éléments qui lui étaient soumis et des nombreuses incertitudes concernant tant la date des ventes, que celle de livraison du dernier appartement, et des prix actualisés, soulignant que la marge espérée du programme immobilier était seulement retardée mais pas perdue.
Comme l'a retenu le tribunal le caractère certain de ce préjudice futur n'est pas démontré, dans la mesure où non seulement la date d'achèvement de l'immeuble et de livraison du dernier appartement n'est pas précisément déterminée, aucun élément n'étant produit concernant l'achèvement du programme, mais aussi, comme le soulignent à juste titre la société Compétence géotechnique et son assureur, du fait que cette perte potentielle de rendement, liée au retard de perception de la marge escomptée, est susceptible d'être compensée par la hausse des prix sur le marché de l'immobilier, aucun élément de preuve n'étant non plus produit s'agissant de la commercialisation du nouveau projet.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3-3-2 la rémunération des apports en compte courant de la société Ameva
Le tribunal a rejeté cette demande en paiement d'une somme de 55 094,01 euros considérant que les conséquences d'une convention de trésorerie adoptée par les associés d'une SCI ne constituait pas un préjudice.
M. [T] n'a pas examiné ce poste de préjudice qui était présenté comme lié au blocage des fonds de la société Ameva considérant qu'il n'avait pas été subi par la SCI l'Amiral.
Le préjudice invoqué qui résulte non pas du blocage des fonds avancés en compte courant par la société Ameva à sa filiale, mais des intérêts que cette dernière a dû lui verser en application de la convention de trésorerie les liant, a bien été subi par la SCI l'Amiral.
Ce préjudice est en lien direct avec l'arrêt du chantier, puisque la SCI l'Amiral qui n'a pas pu poursuivre la commercialisation du programme et donc rembourser les avances consenties par la société Ameva avec le produit des ventes, a dû les rémunérer en application de la convention de trésorerie les liant.
Le montant sollicité étant justifié par des extraits du [Localité 16] livre des comptes généraux, il sera fait droit à la demande, le jugement étant infirmé sur ce point.
3-3-3 la perte de marge brute
Le tribunal a rejeté la demande présentée à hauteur de 104 948,05 euros considérant que la preuve d'un préjudice futur et certain n'était pas rapportée alors que le surcoût lié au remplacement du radier par un autre système de fondation aurait dû être supporté tel que cela était prévu initialement.
Si M. [B] a évalué à ce montant le surcoût lié au remplacement du radier par des fondations sur pieux, il n'est toutefois pas démontré que ce surcoût restera à la charge de la SCI l'Amiral, puisqu'il a vocation à être intégré dans le prix de vente des appartements, la perte de marge brute susceptible de résulter de ce surcoût, étant par conséquent, en l'état des éléments d'appréciation soumis à la cour, totalement hypothétique.
3-4 Sur le préjudice moral
Le tribunal a alloué 3 000 euros à la SCI l'Amiral qui en sollicite 60 000 euros invoquant l'atteinte à son image, et le fait qu'elle a dû faire face au mécontentement des acquéreurs, à l'annulation de ventes et à des procédures judiciaires l'ayant opposée à certains d'entre eux ainsi qu'à des entreprises dont les contrats ont été suspendus qui lui ont adressé des courriers de mise en demeure.
La société Compétence géotechnique et son assureur s'y opposent indiquant que la SCI l'Amiral n'est pas un 'paramètre essentiel' compte tenu de sa qualité de structure permettant la réalisation du programme sinistré, du fait qu'elle n'assurait pas elle-même la commercialisation des appartements et de ce qu'aucun avis négatif n'a été publié à son encontre sur internet.
La cour constate que l'arrêt du programme, alors même que le gros oeuvre était achevé, a incontestablement eu un impact négatif sur l'image de la SCI l'Amiral, fût-elle une SCI opérationnelle, émanation d'un promoteur immobilier, et a suscité le mécontentement des acquéreurs qui avaient signé des contrats de réservation avec elle, ainsi que des entreprises, dont certains ont engagé des procédures judiciaires à son encontre. Il en résulte une préjudice moral certain qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.
3-5 Sur les frais d'expertise, d'huissier et d'avocats
La SCI l'Amiral sollicite la somme de 59 301,19 euros et celle de 39 699,03 euros au titre des frais d'expertise, de postulation et d'huissier d'une part, d'avocat d'autre part, exposés dans le cadre des procédures judiciaires découlant du sinistre, distincts de ceux de la présente instance.
Le tribunal a rejeté la demande au motif que s'agissant des frais concernant les instances jointes et la procédure de référé, ils relevaient des dépens et frais exclus des dépens, et que pour les autres ils étaient indemnisés au titre des préjudices indirects.
La cour constate que la SCI l'Amiral ne justifie pas que les montants dont elle demande paiement se rapportent à des procédures distinctes de la présente instance et de la procédure de référé expertise l'ayant précédée, les pièces qu'elle produit en annexe 76 à 81 concernant en effet les frais de l'expertise judiciaire, qui relèvent des dépens de la procédure de référé dont elle demande la prise en charge par les constructeurs, ainsi que des notes d'honoraires d'avocat adressées à la société Ameva et non à la SCI l'Amiral.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
3-6 Sur le préjudice matériel indirect
La SCI l'Amiral demande à ce titre une somme totale de 84 751,93 euros au titre des demandes indemnitaires formulées par la société [J] [P] architecte, les consorts [X] et M. [D], acquéreurs, et la société Actea, suite à la rupture des contrats les liant. Le tribunal a accueilli cette demande au vu des décisions de justice produites.
La SCI l'Amiral poursuit la confirmation du jugement sur ce point. La société Compétence géotechnique et son assureur, dont la société BESB [C] et la CAMBTP adoptent l'argumentation, et la société Constructions [Z], bien que concluant au rejet des demandes de la SCI l'Amiral, ne développent aucun moyen pour critiquer le jugement sur ce point, il sera donc confirmé.
4 - Sur la garantie des assureurs
4-1 la garantie de la SMABTP et de la CAMBTP
La SMABTP, assureur de la société Compétence géotechnique, ne conteste pas lui devoir sa garantie mais dans les limites du contrat souscrit.
De même, la CAMBTP ne conteste pas devoir sa garantie à l'égard de la société BESB [C] mais invoque son plafond de garantie de 305 000 euros pour les préjudices immatériels.
Elle indique qu'elle n'a été attraite à la procédure en première instance qu'en qualité d'assureur de la société BESB [C] et non en tant qu'assureur de la société Constructions [Z] dont elle n'assure que la responsabilité décennale, cette garantie n'étant de surcroît pas mobilisable en l'espèce.
Sur ce,
Il n'est pas démontré que la CAMBTP n'aurait été attraite en la cause en première instance qu'en qualité d'assureur de la société BESB [C], alors qu'elle figure au rubrum du jugement également en qualité d'assureur de la société Constructions [Z]. Il est toutefois établi, et non contesté, qu'elle est l'assureur de responsabilité décennale de cette société dont la responsabilité n'est pas recherchée sur ce fondement, de sorte que la demande de la SCI l'Amiral et l'appel en garantie de la société Compétence géotechnique dirigé contre elle, en sa qualité d'assureur de la société Constructions [Z], seront rejetés.
La SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], sont fondées à opposer leurs plafonds de garantie et franchises qui sont opposables aux tiers lésés s'agissant d'une assurance de responsabilité non obligatoire, et seront condamnées in solidum avec leurs assurées et la société Constructions [Z] à indemniser la société l'Amiral, à concurrence des montants susvisés, sous ces limites.
4-2 la garantie de la société Chuub european group SE
Le tribunal a constaté qu'il n'était pas saisi par le dispositif des conclusions de cette société de la nullité du contrat, et qu'en tout état de cause, à la date de souscription du contrat, la solution du radier n'avait pas encore était envisagée de sorte qu'il n'y avait pas de fausse déclaration intentionnelle. Il a considéré que la SCI L'Amiral ayant bien subi un dommage matériel, à savoir la perte de l'ouvrage qui avait été construit et devait être démoli, la garantie était donc due à hauteur des frais de démolition, des honoraires d'architecte, sous réserve des limites de garantie, et du coût des travaux non conservables.
La société Chuub european group SE reproche à la société Ameva une fausse déclaration pour n'avoir pas déclaré le changement de procédé technique utilisé pour les fondations, le questionnaire qu'elle a rempli le 17 février 2014 mentionnant des puits de fondation, alors même que le choix du radier avait déjà été opéré dès janvier 2014. Elle estime que le caractère intentionnel est démontré puisque, parallèlement, la société Ameva mandatait des professionnels pour étudier une variante moins onéreuse. Elle soutient par ailleurs que la police n'est pas mobilisable car seuls les dommages ou pertes matériels sont couverts, or les demanderesses ne demandent pas la réparation d'un dommage matériel mais le remboursement de dépenses non conservables et la réparation de dommages immatériels. Elle oppose diverses exclusions et limites de garantie.
La SCI L'Amiral indique avoir subi un préjudice matériel consistant en la perte de l'ouvrage, et réfute toute fausse déclaration intentionnelle car à la date de la souscription du contrat, le 17 février 2014, la solution du radier n'était pas encore envisagée, pas plus qu'au jour de l'émission de l'attestation d'assurance le 6 mars 2024, la preuve d'une volonté de tromper l'assureur n'étant pas non plus démontrée.
Sur ce,
Il n'est pas établi que le radier était déjà envisagé à la date du 17 février 2014, à laquelle la société Ameva a complété le questionnaire destiné à l'assureur, ni au moment de la souscription du contrat, étant relevé sur ce point que les conditions particulières versées aux débats ne mentionnent aucune date autre que celle de prise d'effet du contrat au 1er mai 2014, mais qu'une attestation d'assurance a été établie dès le 6 mars 2014.
En effet, si la société Constructions [Z] a établi une première offre de prix le 10 janvier 2014, reprise le 12 mars 2014, mentionnant un radier, il ne s'agissait toutefois pas des fondations mais d'un radier sous la fosse d'ascenseur pour 1,274 m3 au prix de 229,32 euros hors taxe, les fondations devant être réalisées en puits tel que prévu par la société BESB [C] dans le dossier de consultation des entreprises, pour un coût total de 51 973,95 euros.
La demande d'annulation du contrat d'assurance sera donc rejetée.
Le sinistre garanti est défini contractuellement comme 'l'ensemble des dommages matériels ou pertes matérielles résultant d'un même fait générateur et atteignant simultanément les biens assurés'.
Sont exclus de la garantie, l'indemnisation du préjudice résultant de la privation de jouissance ou de l'inactivité des biens assurés ainsi que le remboursement de tous dommages indirects et de tous dommages immatériels (article 4, 11° des conditions générales), ainsi que les frais engagés pour rechercher ou supprimer des défauts ou pour rectifier des vices du plan ou de conception et pour mettre les biens objet du contrat en conformité (article 4, 7°), les autres exclusions visées à l'article 4, 3° - pénalités contractuelles -, et 20° - remplacement des pieux et éléments de parois, frais engagés du fait que les pieux et éléments de fondation n'ont pas résisté à l'essai de portance ou n'ont pas atteint la force portante nécessaire -, n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce en l'absence de mise en oeuvre de pieux, et de défaut avéré du radier lui-même.
Comme l'a exactement retenu le tribunal, l'immeuble devant être démoli, la SCI l'Amiral subit un dommage matériel, de sorte que la garantie de l'assureur est due au titre des frais de démolition et des honoraires de maîtrise d'oeuvre afférents, ces derniers dans la limite de 50 000 euros, comme l'admet au demeurant la société Chuub European Group SE. La garantie n'est toutefois pas due pour les dépenses non conservables qui constituent des pertes financières et non matérielles, ainsi que pour les préjudices indirects et immatériels.
Au vu de ce qui précède la garantie de la société Chuub European Group SE n'est donc due qu'à concurrence de la somme de 85 400 (35 400 + 50 000) euros, sous déduction de la franchise de 5 000 euros, soit 80 400 euros. Elle sera donc condamnée à indemniser la SCI l'Amiral in solidum avec la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C], la CAMBTP et la société Constructions [Z] à concurrence de ce montant, le jugement étant infirmé sur ce point.
5- Sur les appels en garantie
5-1 Sur les recours réciproques de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP, de la société BESB [C] et de son assureur, la CAMBTP et contre la société Constructions [Z]
Les coobligés, qui ne sont pas liés contractuellement entre eux, sont fondés à exercer réciproquement des recours en garantie de nature quasi-délictuelle, afin de voir statuer sur leur contribution respective à la condamnation prononcée in solidum. La responsabilité de chacun des constructeurs et intervenants est proportionnelle à la gravité des fautes respectives, le travail de chacun des professionnels dépendant du travail de l'autre.
En considération des fautes respectives ci-dessus évoquées, une part de responsabilité de 20% sera mise à la charge de la société Compétence géotechnique pour n'avoir pas décelé, ni tenu compte de l'existence d'anciennes fortifications dans ses investigations, ni émis de réserves à cet égard dans son second rapport.
Une part de responsabilité à hauteur de 40% sera retenue à la charge de la société BESB [C] pour n'avoir pas précisément vérifié ce point et ne pas l'avoir pris en compte dans le cadre de sa mission de conception des fondations, ainsi que pour n'avoir pas émis de réserves à cet égard, et également pour avoir validé la poursuite des travaux du radier en dépit des réserves émises par le géotechnicien et le bureau de contrôle quant à la conformité de la plate-forme, sans faire procéder à de nouvelles investigations. À cet égard, il sera observé qu'aucun défaut du radier n'a certes été mis précisément en évidence au cours des opérations d'expertise, mais que l'expert a néanmoins estimé que ce dispositif constructif n'était pas adapté, et qu'il ressort également des conclusions ci-dessus rappelées du rapport Fondasol que l'effet de levier lié à l'existence du 'point dur' n'est pas à l'origine de la totalité des tassements, lesquels ont été accentués par d'autres causes. Or, dès lors que la société Fondasol a écarté les causes extérieures aux travaux qui avaient été envisagées, à savoir le nettoyage de canalisations et la présence éventuelle d'une cuve à mazout, seule la compacité de la plate-forme peut être incriminée.
La part de responsabilité de la société Constructions [Z] sera également fixée à 40 %, celle-ci étant spécialisée dans le domaine du gros oeuvre et ayant également validé la solution du radier sans émettre la moindre réserve, ni au stade de la conception, au regard de la particularité du site qu'elle ne pouvait ignorer, ni suite aux préconisations du géotechnicien visant à refaire la plate-forme laquelle ne présentait pas les caractéristiques mécaniques attendues, alors qu'il lui incombait de s'assurer de la portance de celle-ci.
5-2 Sur les appels en garantie dirigés contre la société Chuub European Group SE et formés par cette dernière
Aux termes de la police 'tous risques chantiers', ont la qualité d'assurés : 'le souscripteur, le maître de l'ouvrage, s'il est différent du souscripteur, ainsi que les entreprises intervenant directement sur le chantier'.
La société Chuub European Group SE soutient qu'elle dispose d'un recours contre le maître d'oeuvre, le bureau d'études techniques, le géotechnicien et le bureau de contrôle, qui n'ont pas la qualité d'assurés au titre de la police 'tous risques chantiers', ainsi que contre les assureurs de tous les intervenants à l'acte de construire, y compris celui de l'entreprise, le recours étant maintenu contre les assureurs nonobstant sa renonciation à recours contre le responsable, conformément à l'article 20 des conditions générales. Elle fonde également sa demande de garantie sur les dispositions de l'article 334 du code de procédure civile.
La société Compétence géotechnique et la société BESB [C] revendiquent la qualité d'assurés au sens de la police 'tous risques chantier' étant intervenues directement sur le chantier et sollicitent la garantie de la société Chuub European Group SE.
La société BESB [C] et la CAMBTP relèvent que la société Chuub European Group SE ne dispose d'aucun recours contre ses assurés, et qu'elle ne peut exercer un recours subrogatoire contre leurs assureurs qu'après avoir préalablement indemnisé le maître de l'ouvrage, ce dont elle ne justifie pas, les règles du cumul d'assurances prévu par l'article L.121-4 du code des assurances ayant vocation à s'appliquer.
Sur ce :
Le contrat donne une définition très large de 'l'assuré', puisqu'il vise de manière générale 'les entreprises intervenant sur le chantier', sans la moindre restriction tenant à la nature technique ou intellectuelle de cette intervention, ou à la qualité de constructeur ou de participant à l'acte de construire de ces entreprises intervenantes.
Par voie de conséquence, il doit être considéré que non seulement la société Constructions [Z], entreprise de gros oeuvre, mais également la société Compétence géotechnique et la société BESB [C] ont la qualité d'assurées au sens de la police, de sorte que la société Chuub European Group SE ne peut exercer aucun recours contre elles. Son appel en garantie sera donc rejeté en tant que dirigé contre ces sociétés.
Son recours doit également être rejeté en tant que dirigé d'une part contre les sociétés Dekra Industrial et [J] [P] architecte, et leurs assureurs, dont la responsabilité n'a pas été retenue, et d'autre part contre la CAMBTP, prise en qualité d'assureur de la société Constructions [Z], dont la garantie n'est pas mobilisable ainsi qu'il a été dit plus haut.
La société Chuub European Group SE n'est pas non plus fondée à exercer un recours subrogatoire, tel que prévu par l'article 20 des conditions générales de la police, à l'égard des assureurs des sociétés Compétence géotechnique et BESB [C], dès lors qu'elle ne justifie pas avoir préalablement indemnisé le maître de l'ouvrage.
Elle peut néanmoins, étant tenue à garantie avec d'autres à l'égard du maître de l'ouvrage en sa qualité d'assureur de dommage, exercer une action récursoire, sur le fondement de l'article 334 du code de procédure civile, contre ses coobligés, la SMABTP, et la CAMBTP, assureur de la société BESB [C], à concurrence de la part de responsabilité respectivement mise à la charge des assurées.
La société Compétence géotechnique et la société BESB [C], ayant la qualité d'assurés au sens de la police souscrite auprès de la société Chuub European Group SE par le maître de l'ouvrage, elles sont bien fondées, ainsi que leurs assureurs, à demander la garantie de cette société, dans la limite du montant mis à la charge de celle-ci au titre du préjudice matériel, et dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances.
6- Récapitulatif
En considération de ce qui précède, il y a lieu de condamner in solidum :
- la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 80 400 euros, à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 35 400 euros au titre du coût de démolition,
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- la société Compétence géotechnique, la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, et la société Constructions [Z] à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 10 000 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect » ;
- 55 094,01 euros au titre de la rémunération versée au titre des avances de fonds de la société Ameva.
En considération du partage de responsabilité, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, et la société Constructions [Z], d'autre part seront condamnées à garantir la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence respectivement de 20% et de 40%.
La société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'une part, et la société Constructions [Z], d'autre part, seront condamnées à garantir la société Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence de 40% chacune.
La société Chuub European Group SE sera condamnée à garantir la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'autre part, dans la limite de 80 400 euros, des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la SCI l'Amiral, au titre des frais de démolition et de maîtrise d'oeuvre afférents, dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances
La SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], seront condamnées chacune, à concurrence de la part de responsabilité mise à la charge de son assurée, à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées contre elle au profit de la SCI l'Amiral.
Les demandes et appels en garantie dirigés contre la CAMBTP, en qualité d'assureur de la société Constructions [Z], les sociétés Dekra, [J] [P] architecte, et leurs assureurs seront rejetés, les appels en garantie formés par la société Dekra et son assureur étant déclarés sans objet.
Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il n'a pas statué en ce sens sur les demandes de la SCI l'Amiral et confirmé pour le surplus, dans les limites des dispositions soumises à la cour.
7 - la demande reconventionnelle de Constructions [Z]
Le tribunal a accueilli la demande de cette société en paiement du solde de son marché à hauteur de la somme de 19 589,83 euros.
A hauteur de cour, la SCI l'Amiral soulève la prescription de cette demande formée par conclusions du 18 août 2021, plus de cinq ans après l'émission de la facture du 30 janvier 2015 et au rejet de la demande relative à la facture du 20 mars 2017 comme portant sur des prestations de location de clôtures de chantier non prévues au marché à forfait, le cahier des clauses générales du marché mettant expressément à la charge de l'entreprise de gros oeuvre la garde juridique de ses ouvrages incluant la mise en place des clôtures.
La société Constructions [Z] réplique que la prescription ne peut lui être opposée puisqu'elle a produit ses factures dans le cadre des opérations d'expertise, à l'appui d'un dire du 23 mars 2017, et que leur montant n'a jamais été contesté ni devant l'expert ni devant le tribunal.
Sur ce,
Bien que soulevant la prescription dans les motifs de ses conclusions, et demandant à la cour de juger irrecevables les demandes formées contre elle sur appels incidents ou provoqués, la SCI l'Amiral ne conclut pas, dans le dispositif de ses conclusions, à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société Constructions [Z] mais seulement au rejet de ses prétentions, lesquelles n'ont pas été formées sur appels incidents ou provoqués. La cour qui n'est pas saisie d'une prétention n'a donc pas à se prononcer sur ce moyen.
Au fond, la facture du 20 mars 2017 qui correspond au solde du marché est due puisque les travaux ont été exécutés, la SCI l'Amiral ne justifiant pas du paiement.
Il en est de même de la facture du 30 janvier 2015, correspondant à l'intervention d'un spécialiste pour inspection des canalisations, suite au sinistre, qui n'est pas contestée au fond.
En revanche, la facture du 20 mars 2017 d'un montant de 3 600 euros, au titre d'une location de clôture de chantier, qui porte sur une prestation non prévue au marché forfaitaire, et par ailleurs expressément mise à la charge de l'entreprise de gros oeuvre par l'article 40.14 du cahier des clauses administratives générales, sera rejetée.
La cour statuant par voie d'infirmation, limitera donc la créance de la société Constructions [Z] à la somme de 15 389,83 euros, ladite somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021.
8- Sur les dépens et les frais exclus des dépens
Le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu'il a condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, et à supporter les dépens exposés par ces parties, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société Ameva à supporter ses propres dépens.
En considération de la solution du litige, la société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, seront condamnés in solidum à supporter les entiers dépens de première instance, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, à l'exception de ceux exposés par la société Ameva, et par la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, dans le cadre de ces instances.
La société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, seront de la même manière condamnées in solidum à supporter les entiers dépens d'appel, à l'exclusion de ceux afférents aux demandes de la SCI l'Amiral et de la société Ameva dirigés contre la SAS Dekra, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, et des dépens afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés, qui seront mis à la charge de la SCI l'Amiral et de la société Ameva, in solidum.
Il sera alloué, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 15 000 euros à la SCI l'Amiral, cette somme étant mise à la charge de la société Compétence géotechnique et la SMABTP, la société BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la société Constructions [Z], et la société Chuub European Group SE, cette dernière à concurrence de 10%, in solidum,
- à la société Dekra et à son assureur, la société XL Insurance Company SE, conjointement, la somme de 6 000 euros, à la charge de la SCI l'Amiral et de la SCI l'Amiral, in solidum,
- à la société [J] [P] architecte et à la société Axa France IARD, conjointement, la somme de 6 000 euros, à la charge de la SCI l'Amiral et de la SCI l'Amiral, in solidum.
Les autres demandes présentées sur ce fondement seront rejetées.
Les sociétés Compétence géotechnique, SMABTP, BESB [C], CAMBTP, Constructions [Z] et Chuub European Group SE seront condamnées à se garantir réciproquement des condamnations prononcées in solidum au titre des dépens et des frais exclus des dépens dans les conditions ci-dessus définies au titre des appels en garantie.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 5 avril 2022 en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action en responsabilité de la SARL Ameva et rejeté ses demandes d'indemnisation ;
- rejeté les demandes de la SCI l'Amiral dirigées contre la société BESB-[C] et son assureur la CAMBTP, et contre la SARL Constructions [Z],
- condamné solidairement la société Compétence géotechnique et la SMABTP à payer à la SCI L'Amiral les sommes de :
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 3 000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect »
le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;
- condamné la société Chuub European Group SE à payer à la SCI L'Amiral la somme de 538 469,53 euros sur les sommes, en principal, précitées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 ;
- rejeté la demande de la SCI l'Amiral dirigée contre la société Compétence géotechnique et la SMABTP et la société Chuub European Group SE au titre du poste de demande 'préjudice financier',
- condamné solidairement la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP à garantir la société Chuub European Group SE des condamnations prononcées à son encontre et au bénéfice de la SCI l'Amiral, en principal, intérêts et frais ;
- rejeté la demande de garantie de la société Chuub European Group SE dirigée contre la CAMBTP ;
- rejeté les demandes de garantie de la société Compétence géotechnique et de la SMABTP ;
- déclaré sans objet les appels en garantie de la société BESB [C] et la CAMBTP ;
- condamné la SCI L'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 19 589,83 euros TTC au titre de 2 factures du 20 mars 2017, et d'une facture du 30 janvier 2015, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens sauf en ce qu'il a :
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva à payer, in solidum, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Dekra Industrial et à XL Insurance Company SE, d'une part, à la SARL [J] [P] Architecte et à la SA Axa France IARD, d'autre part, ;
- condamné la SARL Ameva à supporter ses propres dépens ;
- condamné la SCI l'Amiral et la SARL Ameva, in solidum, à supporter les dépens exposés par la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, d'une part, la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, y compris ceux qu'elles ont exposés dans le cadre de la procédure de référé RG°15/94 ;
CONFIRME, pour le surplus le jugement entrepris, en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
DECLARE recevables les fins de non-recevoir soulevées ;
DECLARE irrecevables comme prescrites les demandes de la SARL Ameva ;
REJETTE la demande de nullité du contrat d'assurance 'tous risques chantier' souscrit auprès de la société de droit étranger Chuub European Group SE ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique, la SMABTP, la SAS BESB [C], la CAMBTP, en qualité d'assureur de la SAS BESB [C], la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite d'un montant total de 80 400 euros, à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 35 400 euros au titre du coût de démolition,
- 85 000 euros au titre des honoraires de l'architecte pour la démolition et la reconstruction,
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique, la SMABTP, la SAS BESB [C], la CAMBTP, en qualité d'assureur de la SAS BESB [C], et la SARL Constructions [Z] à payer à la SCI l'Amiral les sommes de :
- 588 112,19 euros au titre des dépenses non conservables,
- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 84 751,93 euros au titre du poste « préjudice matériel indirect » ;
- 55 094,01 euros au titre de la rémunération versée au titre des avances de fonds de la société Ameva ;
REJETTE pour le surplus les demandes indemnitaires de la SCI l'Amiral dirigées contre ces parties ;
DIT que dans les rapports entre coobligés les responsabilités seront réparties ainsi qu'il suit :
- la SARL Compétence géotechnique : 20%
- la SAS BESB [C] : 40 %
- la SARL Constructions [Z] :40 % ;
CONDAMNE la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, et la SARL Constructions [Z], d'autre part à garantir la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral, à concurrence respectivement de 20% et de 40% ;
CONDAMNE la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'une part, et la SARL Constructions [Z], d'autre part, à garantir la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, des condamnations en principal, intérêts, accessoires et frais prononcées au profit de la SCI l'Amiral à concurrence de 40%, chacune ;
CONDAMNE la société de droit étranger Chuub European Group SE à garantir la SARL Compétence géotechnique et la SMABTP, d'une part, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, d'autre part, des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la SCI l'Amiral, au titre des frais de démolition et de maîtrise d'oeuvre afférents, dans la limite de la somme totale de 80 400 euros, ainsi que des condamnations ci-après au titre des dépens et frais exclus des dépens, dans la limite de 10 %, dans les conditions de l'article L.121-4 du code des assurances ;
CONDAMNE la SMABTP, d'une part et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], d'autre part à garantir la société Chuub European Group SE, chacune, à concurrence respectivement de 20% pour la première et de 40 % pour la seconde, des condamnations prononcées contre cette société, y compris au titre des dépens et des frais exclus des dépens ;
REJETTE les demandes de la SCI l'Amiral, ainsi que les appels en garantie de la SARL Compétence géotechnique et de son assureur, et de la société Chuub European Group SE dirigés contre la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société Constructions [Z] ;
REJETTE les appels en garantie formés par la société BESB [C] et la CAMBTP, d'une part, par la société Compétence géotechnique et la SMABTP, d'autre part et par la société Chuub European Group SE, de troisième part, contre la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, et contre la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD ;
REJETTE l'appel en garantie de la société Chuub European Group SE dirigé contre la SARL Compétence géotechnique ;
DIT que la SMABTP et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la société BESB [C], sont fondées à opposer leurs plafonds de garantie et franchises ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral à payer à la SARL Constructions [Z] la somme de 15 389,83 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2021 ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique et son assureur la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, à supporter les entiers dépens de première instance, y compris ceux de la procédure de référé RG n°15/94, à l'exception de ceux exposés par la SARL Ameva, ainsi que par la SAS Dekra Industrial et la société XL Insurance Company SE, et par la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, dans le cadre de ces instances ;
CONDAMNE in solidum la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, in solidum, à supporter les entiers dépens d'appel,
à l'exclusion de ceux afférents aux demandes de la SCI l'Amiral et de la société Ameva dirigées contre la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part, et de ceux afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la SARL Ameva, in solidum, aux dépens afférents à leurs demandes dirigées contre la SAS Dekra Industrial, la société XL Insurance Company SE, d'une part, et contre la SARL [J] [P] Architecte et la SA Axa France IARD, d'autre part et ceux afférents aux appels en garantie formés par ces sociétés ;
CONDAMNE la SARL Compétence géotechnique et son assureur, la SMABTP, la SAS BESB [C] et son assureur, la CAMBTP, la SARL Constructions [Z], et la société de droit étranger Chuub European Group SE, cette dernière dans la limite de 10%, in solidum, à payer à la SCI l'Amiral la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la société Ameva in solidum à payer à la SAS Dekra et à la société XL Insurance Company SE, ensemble, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI l'Amiral et la société Ameva in solidum à payer à la SARL la société [J] [P] architecte et à la SA Axa France IARD, ensemble, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente de chambre,