Décisions

Cass. com., 19 mars 2025, n° 23-20.418

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Forbo Sarlino (SAS)

Défendeur :

Vallée (SAS), Vallée Atlantique (SAS), Hti esprit & matières (SARL), Peintures agencement revêtement (Sopar) (SAS), Comptoir des revêtements de l'Est (Cdre) (SAS), Établissements Ciolfi (SAS), Groupe Vinet (SAS), Actisol (SAS), Lagarde et Meregnani (SARL), Entreprise de peinture Chauvat (SARL), Gouin décoration (SARL), Lucas Guegen (SARL), Lucas décoration (SARL), Ets Ricordel (SARL), Ringeard décoration (SARL), Compagnie parisienne de linoléum et de caoutchouc (SAS), Compagnie rennaise de linoléum et de caoutchouc (SA), Atlantic sols confort (SAS), Bangui (SAS), Bangui international (SAS), Egpr (SARL), Jcmrs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Michel-Amsellem

Avocats :

SCP Bauer-Violas, SCP Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Piwnica et Molinié

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2023), les sociétés Vallée, Vallée Atlantique, Hti esprit & matières, Peintures agencement revêtement Sopar, Comptoir des revêtements de l'Est, Etablissements Ciolfi, Groupe Vinet, Actisol, Lagarde et Meregnani, Entreprise de peinture Chauvat, Gernogep [Localité 21], Gouin décoration, Lucas [Localité 18], Lucas Guegen, Lucas [Localité 19], Lucas [Localité 20], Lucas décoration, Lucas [Localité 23], Ets Ricordel, Ringeard décoration, Compagnie parisienne de linoléum et de caoutchouc, Compagnie rennaise de linoléum et de caoutchouc, Atlantic sols confort, venant aux droits de la société Atlantique sols et murs, Bangui, Bangui international, Egpr et Jcmrs (les sociétés Vallée e.a.) ont pour activité les travaux de revêtements de sol et de mur et s'approvisionnent notamment auprès de la société Forbo Sarlino (la société Forbo), qui fabrique et commercialise des revêtements de sol en PVC et en linoléums.

2. Par décision définitive n° 17-D-20 du 18 octobre 2017, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a établi que plusieurs sociétés, parmi lesquelles la société Forbo, avaient enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, notamment par la fixation en commun de hausses de prix générales adressées au marché et de prix minimum.

3. Le 15 novembre 2018, les sociétés Vallée e.a. ont assigné la société Forbo pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de l'excédent de facturation illicite que celle-ci leur aurait imposé entre 2001 et 2011.

4. Devant la cour d‘appel, l'audience au cours de laquelle l'affaire a été débattue s'est tenue le 8 mars 2023.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Forbo fait grief à l'arrêt de constater qu'elle a commis des infractions à la libre concurrence constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, de dire que les sociétés appelantes ont subi un préjudice en lien de causalité avec la faute ainsi commise dont elles sont fondées à demander réparation à la société Forbo, et d'ordonner une expertise dont l'arrêt fixe les modalités afin d'évaluer le préjudice subi par chacune des sociétés appelantes résultant de l'entente à laquelle a participé la société Forbo entre le 31 octobre 2001 et le 22 septembre 2011 au titre de l'excédent de facturation et/ou de la perte de chance d'obtenir des prix plus favorables et du préjudice moral, alors :

« 1°/ que le juge est tenu de respecter le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour juger que les sociétés appelantes pouvaient se prévaloir d'une présomption irréfragable de faute pour engager la responsabilité de la société Forbo, sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 avril 2023, [Repsol Comercial de Productos Petrolíferos] (C-25/21), qui retenait, pour la première fois, qu'au regard de la nature et du fonctionnement de l'article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104/UE [du 26 novembre 2014], il convenait, pour décider s'il y avait lieu d'appliquer la présomption irréfragable de faute, de se référer à la date à laquelle la décision de l'autorité nationale de concurrence était devenue définitive, cet arrêt étant pourtant postérieur à l'audience du 8 mars 2023 au cours de laquelle avait été débattue la question de la responsabilité de la société Forbo, la cour d'appel, qui a ainsi relevé d'office un nouveau moyen de droit, sans inviter les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant qu'il y avait lieu de retenir que la présomption prévue par l'article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 était applicable et que la faute civile découlant de la pratique anticoncurrentielle était présumée établie de manière irréfragable, la cour d'appel s'est ainsi fondée, dans les motifs de sa décision, sur le régime spécial de responsabilité prévu par cette directive, lequel repose sur une présomption irréfragable de faute, tout en constatant, dans son dispositif, que la société Forbo avait commis des infractions à la libre concurrence constitutives d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, lequel constitue le fondement de la responsabilité de droit commun et suppose de démontrer l'existence d'une faute ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, les sociétés Vallées e.a. ayant expressément fait valoir, dans leurs écritures d'appel, qu'il y avait lieu d'interpréter le droit national de manière compatible avec la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 en tant qu'elle dispose que la pratique anticoncurrentielle fautive est présumée établie de manière irréfragable par la décision définitive prononcée par l'autorité nationale de concurrence, la cour d'appel n'a, en statuant comme elle a fait, relevé d'office aucun moyen de droit.

8. En second lieu, saisie par les sociétés Vallées e.a. d'une demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de l'article L. 481-2 du code de commerce, lequel assure la transposition de l'article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, mais a interprété l'article 1240 du code civil, qu'elle a appliqué à la lumière de cette disposition de la directive, ne s'est pas contredite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Forbo Sarlino aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Forbo Sarlino et la condamne à payer aux sociétés Vallée, Vallée Atlantique, Hti esprit & matières, Peintures agencement revêtement Sopar, Comptoir des revêtements de l'Est, Etablissements Ciolfi, Groupe Vinet, Actisol, Lagarde et Meregnani, Entreprise de peinture Chauvat, Gernogep [Localité 21], Gouin décoration, Lucas [Localité 18], Lucas Guegen, Lucas [Localité 19], Lucas [Localité 20], Lucas décoration, Lucas [Localité 23], Ets Ricordel, Ringeard décoration, Compagnie parisienne de linoléum et de caoutchouc, Compagnie rennaise de linoléum et de caoutchouc, Atlantic sols confort, venant aux droits de la société Atlantique sols et murs, Bangui, Bangui international, Egpr et Jcmrs la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.