CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 14 mars 2025, n° 22/17133
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Gerasco (SAS), Blluets 27 (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Bret, Mme Girard-Alexandre
Avocats :
Me Garnier, Me Porcher, Me Desert, Me Hugot, Me Bonnet
FAITS ET PROCEDURE
Par acte en date du 23 Avril 2019 Monsieur [B] [V], Madame [U] [V] et Madame [U] [K] veuve [V], les consorts [V], ont consenti à la société PROFINA à laquelle s'est ensuite substituée la SCI BLUETS 27, une promesse de vente sur divers biens et droits immobiliers indivis sis à [Adresse 12] .
Les consorts [V] ont confié la gestion des biens vendus à la société SAS Gerasco qui a son siège à [Adresse 6].
Par avenant en date du 19 Juillet 2019, la promesse qui expirait le 23 Juillet 2019 a été prorogée au 16 Septembre 2019.
Le 6 septembre 2019, la société Immo Balzac, syndic de copropriété de l'immeuble sis [Adresse 3], adressait à Madame [U] [V] la convocation à l'Assemblée Générale prévue le 30 septembre 2019 par lettre recommandée avec avis de réception daté du 9 septembre 2019 ainsi libellé : « Madame [V] C/O Gerasco [Adresse 6] »
La vente a été réitérée par acte authentique du 17 Septembre 2019.
Lors de l'Assemblée Générale du 30 septembre 2019, les copropriétaires votaient le ravalement du mur côté cours et désignaient l'entreprise choisie.
Soutenant n'avoir pas été avisés de la tenue de l'assemblée générale en violation des obligations contractuelles incombant aux vendeurs, la SCI Bluets 27 a fait assigner les consorts [V] par actes des 1er, 17 et 29 juillet 2020 devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles d'obtenir leur condamnation à lui payer une somme de 91.747,95 € correspondant :
- à la quote-part des travaux de ravalement prévus d'un montant de 43.747,95 €,
- à la quote-part au titre du « budget prévisionnel » pour un montant de 48.000 €. ( Instance enrôlée sous le n° RG 20/6975)
Par acte du 23 février 2021 les consorts [V] ont fait assigner en intervention forcée et en garantie la société Gerasco gestionnaire du bien indivis aux fins d'obtenir sa garantie au motif qu'elle avait reçu la convocation à l'assemblée générale du 30 septembre 2019 sans la leur transmettre ( Instance enrôlée sous le n°RG 21/3153).
Les deux instances ont été jointes et par jugement en date du 19 septembre 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a :
- Condamné les consorts [V] à payer à la SCI BLUETS 27 les sommes de :
o 40.000 euros à titre de dommages et intérêts
o 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté les consorts [V] de leurs demandes notamment formées à l'encontre de la société GERASCO.
- Condamné les consorts [V] à verser à la société GERASCO la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [V] ont interjeté appel par déclaration reçue au greffe le 5 octobre 2022.
Par conclusions signifiées le 26 juin 2023 Monsieur [B] [V], Madame [E] [V] et Madame [U] [K] veuve [V] demandent à la cour de :
Vu l'article 1103 et 1991 du Code Civil,
- Réformer le jugement en toute ses dispositions,
A titre principal,
- Débouter la SCI BLUETS 27 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la restitution des fonds versés à la SCI BLUETS 27 et à la société GESRACO sous le bénéfice de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement déféré, ceci avec intérêt au taux légal à compter de la signification des présentes,
A titre subsidiaire,
- Rapporter à l'€uro symbolique l'indemnisation de la perte de chance alléguée qui ne saurait en tout état de cause excéder 10 % du budget des travaux de ravalement votés, soit la somme de 4.375 €uros,
- Condamner la société GERASCO à garantir Monsieur [B] [V] et Mesdames [U] et [E] [V] de toutes les condamnations qui seraient prononcées à leur encontre du chef des prétentions formulées par la SCI BLUETS 27,
Enfin,
- Condamner tous succombants à payer Monsieur [B] [V] et Mesdames [U] et [E] [V] la somme 6.000 €uros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 27 mars 2023 la SCI Bluets 27 demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1112-1, 1199, 1231-1, 1231-2 1240, 1241 et 1993 du Code Civil
Vu l'article 514 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 26.5.4.2 de la promesse unilatérale de vente,
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les pièces versées aux débats
' JUGER la SCI BLUETS 27 recevable et bienfondé en ses demandes ;
' CONFIRMER le jugement du 19 septembre 2022, en ce qu'il a :
o jugé que l'absence de notification de la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires à la SCI BLUETS 27, par Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] constitue une faute ;
o jugé que la faute commise par Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] a privé la SCI BLUETS 27 de la chance de participer à l'assemblée générale des copropriétaires du 30 septembre 2019 et de voter aux travaux ;
o condamné in solidum Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] à verser à la SCI BLUETS 27 les sommes de :
' 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
' 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la SCI BLUETS 27 du surplus de ses demandes indemnitaires, et, statuant à nouveau :
o juger que l'absence de notification de la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires à la SCI BLUETS 27, par Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] constitue une faute qui a privé la SCI BLUETS 27 de la chance de participer à l'assemblée générale des copropriétaires du 30 septembre 2019 et de voter au budget prévisionnel ;
o juger que le préjudice subi par la SCI BLUETS 27 correspond à 90 % de la du budget prévisionnel payé par la SCI BLUETS 27 ;
o condamner in solidum Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] à payer la somme de 43.200 euros à la SCI BLUETS, en réparation de la perte de chance ;
A titre subsidiaire,
' JUGER que Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] ont commis une faute contractuelle ont commis un manquement contractuel consistant à ne pas avoir notifié la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires à la SCI BLUETS 27 conformément aux stipulations de l'article 26 de la Promesse, lequel sanctionnait ce manquement par le paiement des charges du budget prévisionnel et hors prévisionnel au lieu de la SCI BLUETS 27 ;
' CONDAMNER in solidum Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] à verser la somme de 91.747,95 euros correspondant à la quote-part des travaux et du budget prévisionnel payé par la SCI BLUETS et votés lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 septembre 2019 à laquelle elle n'a pas pu se présenter ou se faire représenter ;
En tout état de cause,
' APPRECIER la demande d'appel en garantie de la société GERASCO par les Vendeurs;
' CONDAMNER la société GERASCO à garantir les Vendeurs de toutes les condamnations à l'encontre de la SCI BLUETS 27 à proportion de sa responsabilité éventuellement partagée avec les Vendeurs dans l'hypothèse où la Cour jugerait l'appel en garantie de la société GERASCO par les Vendeurs recevable et fondé en tout ou partie ;
' DEBOUTER Madame [U] [V], Madame [E] [V] et Monsieur [B] [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
' CONDAMNER in solidum la ou les parties succombantes à verser à la SCI BLUETS la somme de 8.128, 69 € euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile (à parfaire).
Par conclusions signifiées le 28 mars 2023 la SAS Gerasco demande à la cour de :
Vu l'article 1231-1 du Code civil,
Vu les pièces versées au débat,
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes des consorts [V] dirigés à l'encontre de la société GERASCO,
- L'INFIRMER pour le surplus
- REJETER l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la société GERASCO,
- CONDAMNER tout succombant à régler à la société GERASCO la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture était prononcée par ordonnance du 3 juillet 2024.
SUR QUOI,
LA COUR
1-L'obligation d'information des vendeurs
Le jugement, au visa de l'article 1112-1 du Code civil, au rappel des clauses stipulées dans la promesse de vente du 23 avril 2019 relatives aux charges du budget prévisionnel et hors budget prévisionnel, et de celles de l'acte authentique de vente du 17 septembre 2019 retient que la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires du 30 septembre 2019 a été adressée à bon droit par le syndic au mandataire des promettants le 6 septembre 2019 mais que ni la promesse ni l'acte de vente n'envisagent l'hypothèse de travaux adoptés lors d'une assemblée générale tenue après la signature de l'acte de vente en suite d'une convocation adressée par le syndic aux promettants entre la promesse de vente et la vente, la promesse n'envisageant que l'hypothèse d'une assemblée générale se tenant avant la vente en suite d'une convocation reçue par les promettants entre la promesse et la vente. Il en infère que les dispositions de l'article 26 de la promesse du 23 avril 2019 relatives à la prise en charge par les promettants du paiement de charges en cas de non transmission de la convocation à une assemblée générale se tenant entre la promesse et la vente ne sont donc pas applicables au litige mais retient la responsabilité des consorts [V] au titre de son obligation précontractuelle d'information de transmettre à son futur acquéreur toute convocation à une assemblée générale devant se tenir après la date envisagée pour la vente, cet élément étant déterminant de la levée de l'option et en infère un préjudice lié à la perte d'une chance de négocier un prix différent en considération des travaux à intervenir qu'il évalue à 40 000 euros au vu de la quote-part de travaux de ravalement incombant à la SCI Bluets 27 à hauteur de 43 747,95 euros sans cependant faire droit à la demande au titre de la différence entre les budgets prévisionnels antérieurs et celui voté lors de l'assemblée générale du 30 septembre 2019, aucun préjudice n'étant établi de ce chef.
Les consorts [V] font valoir, au soutien de leur appel, que la notion d'obligation précontractuelle d'information est inapplicable au cas d'espèce dès lors qu'un contrat avait été conclu précisant le champ des obligations des parties et qu'à supposer cette obligation précontractuelle établie, celle-ci ne pourrait être que de moyen supposant que soit démontrée la connaissance de la tenue de cette assemblée générale, preuve non rapportée par la SCI Bluets 27. Ils ajoutent que les premiers juges ont considéré à tort que l'état daté ne fait pas la preuve suffisante de la tenue de cette assemblée générale alors que cette information y était donnée et que la SCI Bluets reconnaissait en avoir pris connaissance ce dont il résulte que celle-ci a pris une part active par son inertie à la réalisation du préjudice qu'elle invoque et que les vendeurs ne sauraient supporter. Très subsidiairement, ils observent que la seule perte de l'éventualité d'une renégociation est loin d'être établie au regard de la valorisation de l'immeuble consécutive à la réalisation de ces travaux et qu'à la supposer constituée, cette perte de chance ne saurait excéder 10 % du budget voté soit 4 375 euros.
La SCI Bluets 27, au soutien de la confirmation du jugement, fait valoir l'application de l'obligation précontractuelle d'information aux vendeurs en vertu de l'article 5 de la promesse de vente reprise par l'article 14 de l'acte de vente, la réception de la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 septembre 2019 par le mandataire des vendeurs, la société Gerasco, induisant nécessairement que les vendeurs avaient connaissance de cette convocation, la société Gerasco ayant transmis la convocation aux vendeurs le 12 septembre 2019. Elle évalue son préjudice à l'aune des huit copropriétaires présents lors de l'assemblée générale représentant 347 tantièmes, elle-même en représentant 413 de sorte que détenant la majorité des voix, elle aurait pu s'opposer au vote des travaux. Elle ajoute que la preuve n'est pas rapportée de la plus-value apportée au bien par ces travaux et qu'en ayant été privée de la possibilité de participer à l'assemblée générale des copropriétaires elle a été privée de la possibilité de discuter chaque poste des dépenses du budget prévisionnel ce qui représente 90 % du prix total des travaux soit 43 200 euros.
La SAS Gerasco observe que le budget prévisionnel pour les années 2020/2021 est d'un montant de 24 000 euros, que la SCI Bluets 27 n'explique pas en quoi elle aurait pu se soustraire au paiement de ses charges ou s'y opposer et n'établit donc aucun préjudice de ce chef cependant que le ravalement est une mesure essentielle pour l'entretien de l'immeuble prévisible et inévitable, que l'état daté contrairement à ce qui a été jugé faisait expressément référence à la tenue de l'assemblée générale fixée au 30 septembre 2019 et que la SCI Bluets 27 par sa légèreté blâmable a donc contribué à son propre préjudice. Elle souligne que la perte de chance n'est pas avérée la question du ravalement ayant été étudiée en amont de l'assemblée générale du 30 septembre 2019 et relève d'un entretien périodique obligatoire.
Réponse de la cour
La responsabilité des vendeurs
Selon les dispositions de l'article 1112-1 du Code civil : Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Cet article est un additif à l'article 1112 du même code qui traite sous la sous-section 1 Les négociations de la section 1 la conclusion du contrat, de la liberté, de l'initiative, du déroulement et de la rupture des négociations précontractuelles, sous réserve de satisfaire aux exigences de la bonne foi.
Or, les intimés soulèvent avec raison l'inapplicabilité de ce texte dès lors qu'un contrat lie les parties, en l'occurrence la promesse unilatérale de vente signée le 23 avril 2019, le litige les opposant sur la portée de l'obligation d'information des vendeurs ne relevant plus des négociations mais des suites de la promesse convenue.
Ce n'est donc pas au titre de sa responsabilité précontractuelle mais de sa responsabilité contractuelle que l'obligation d'information des vendeurs doit être analysée à l'aune des clauses de la promesse de vente.
L'applicabilité de l'article 26-5-4-2 de la promesse de vente au litige
Les consorts [V] concluent pour le surplus des moyens à la confirmation du jugement qui a rejeté les prétentions indemnitaires du chef du budget prévisionnel et celles relatives à l'application de l'article 26-5-4-2 alinéa 3 de la promesse de vente au motif que ces dispositions ne s'appliquent pas aux charges votées après la régularisation de la vente intervenue le 17 septembre 2019.
La SCI Bluets à titre subsidiaire, au rappel de l'article 26-5-4-2 de la promesse de vente qui traite de la répartition des charges, soutient que dans le cas où le promettant ne respecte pas l'une quelconque de ses obligations il sera tenu de supporter les charges y afférentes. Elle ajoute que les contrats tiennent lieu de loi entre les parties et s'interprètent dans le doute contre le créancier et en faveur du débiteur. Elle en infère que dès lors que la promesse stipule une obligation pour les vendeurs de notifier toute convocation à la SCI Bluets 27, le défaut de transmission de la convocation lui a causé un préjudice lié à la possibilité de se faire représenter et observe que la mention figurant à l'acte authentique relative à l'absence de connaissance par les vendeurs de la tenue d'une assemblée générale au cours des trois dernières années est mensongère dès lors qu'ils avaient reçu une convocation à une assemblée générale du 30 septembre 2019. Elle affirme que contrairement à ce qui a été jugé, elle a droit à des dommages et intérêts compensatoires à raison de la charge financière inconnue tant à la date de substitution de la promesse, qu'à la date de la signature de l'acte authentique et à l'absence de possibilité de voter le budget prévisionnel de sorte qu'elle n'a pu négocier le prix d'acquisition à un montant inférieur et a dû utiliser une trésorerie qu'elle aurait pu affecter à d'autres fins.
La société Gerasco estime la demande fondée sur l'article 26-564-2 non fondée dans la mesure où cette clause met à la charge du bénéficiaire de la promesse toute provision du budget prévisionnel exigible postérieurement à la signature de vente et ou la SCI n'explique pas pour quelles raisons elle aurait pu se soustraire aux charges dues ou s'y opposer étant observé que les charges du budget prévisionnel ne sont pas définitivement fixées ce qui fait obstacle à la caractérisation d'un préjudice certain.
Réponse de la cour
Aux termes de son article 26-5-4-2 Charges hors budget prévisionnel, de la promesse de vente :
« Les Parties déclarent avoir une parfaite connaissance du fait que le trop ou le moins perçu sur les provisions au titre des charges hors budget provisionnel de la copropriété révélé par l'approbation des comptes de la copropriété sera porté au crédit ou au débit de celui qui sera propriétaire des biens immobiliers lors de cette approbation et que toute convention contraire n'aura d'effet qu'entre les parties. Les conventions ci-dessous s'appliqueront aux charges afférentes à tous travaux et plus généralement à toute charge hors budget prévisionnel de la copropriété.
Le Promettant supportera les charges afférentes aux travaux votés avec approbation d'un budget avant la signature de l'Acte.
Concernant les charges afférentes aux travaux qui seraient votés avec approbation d'un budget après la signature de l'Acte, mais avant la signature de l'Acte de vente, il est convenu ce qui suit.
Le Promettant s'engage à notifier sans délai au Bénéficiaire toute convocation ( et les documents joints à cette convocation) qui lui serait adressée à l'assemblée générale des copropriétaires.
Le Bénéficiaire aura alors la faculté de notifier ses consignes de vote au Promettant qui seul aura le pouvoir de se présenter et de voter lors de cette assemblée en respectant les consignes de vote du Bénéficiaire.
Que le Bénéficiaire ait donné ou non ses consignes de vote au Promettant, les charges afférentes aux travaux qui auront été votés ( le cas échéant) avec approbation d'un budget, lors de cette assemblée générale, seront à la charge du Bénéficiaire.
Toutefois, dans le cas où le Promettant n'aurait pas respecté l'une quelconque de ses obligations au titre du présent article il sera tenu de supporter les charges.
Le Promettant déclare n'avoir reçu, à la Date de la signature, aucune convocation à une prochaine assemblée.
Les charges afférentes aux travaux qui auraient été ou seront votés sans approbation d'un budget, avant ou après la signature de l'Acte, seront en tout état de cause supportées par le Bénéficiaire. »
Il résulte de ces dispositions et particulièrement du préambule que la partie propriétaire du bien immobilier au jour de l'approbation des comptes de la copropriété au titre des charges hors budget provisionnel, est celle qui en supporte les charges ou s'en voit attribuer le crédit.
Selon les dispositions de l'article 1189 du Code civil : Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. Lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci.
Si en l'espèce, ainsi que le relève le jugement, aucune clause ne stipule l'hypothèse du vote des charges afférentes aux travaux avec approbation d'un budget, après la signature de l'acte authentique, c'est au regard du principe rappelé au préambule selon lequel le propriétaire du bien immobilier lors de l'approbation des comptes de la copropriété, supporte à son crédit ou à son débit le trop ou le moins perçu au titre des charges hors budget prévisionnel révélées par l'approbation des comptes.
Il en résulte logiquement que les charges hors budget prévisionnel afférentes aux travaux votés avec approbation d'un budget, après l'acte de vente, incombent à l'acquéreur, en l'occurrence la SCI Bluets 27, sous réserve du respect par le Promettant de son engagement à notifier sans délai au Bénéficiaire toute convocation ( et les documents joints à cette convocation) qui lui serait adressée à l'assemblée générale des copropriétaires.
Cette obligation de notification de la convocation, stipulée à la promesse de vente dans l'hypothèse d'un vote de travaux hors budget prévisionnel entre la promesse de vente et l'acte authentique de vente, s'interprète a fortiori comme une obligation incombant au Promettant également dans l'hypothèse d'une convocation à l'assemblée générale, intervenue entre la promesse de vente et la vente, dont l'approbation des comptes hors budget prévisionnel intervient après la conclusion de la vente.
Elle est cohérente avec la commune intention des parties de donner au Bénéficiaire de la promesse la possibilité de notifier ses consignes de vote au Promettant ayant le pouvoir de se présenter et de voter lors de cette assemblée, en respectant les consignes de vote du Bénéficiaire, dans l'hypothèse où le transfert de propriété n'est pas encore intervenu et s'applique nécessairement à l'hypothèse de l'envoi d'une convocation entre la promesse de vente et la vente, en vue d'une assemblée générale postérieure à la vente.
Par conséquent la SCI Bluets 27 est fondée à se prévaloir des dispositions de cet article et de la sanction qu'il prévoit, faisant supporter au Promettant le paiement des charges afférentes aux travaux votés avec approbation d'un budget lors de cette assemblée générale, au cas où le Promettant n'aurait pas respecté son obligation de notifier la convocation au Bénéficiaire de la promesse, dans la mesure cependant où il est démontré que la SCI Bluets n'a pas reçu notification de cette convocation.
L'état daté annexé à l'acte authentique de vente a été établi le 10 septembre 2019 et mentionne en page 10/20 à la rubrique
« C) ASSEMBLEE GENERALE :
Date de la dernière assemblée générale : 06/12/2018
Date ou période de la prochaine assemblée générale : 30/09/2019
Joindre si possible les deux derniers procès-verbaux d'assemblée générale »
Cette mention sommaire ne fait pas référence à l'ordre du jour de l'assemblée générale et ne met pas l'acquéreur en mesure de notifier ses consignes de vote afférentes à des travaux dont la nature n'est au demeurant pas précisée. Elle ne saurait en tout état de cause exonérer le vendeur de son obligation expressément stipulée à la promesse de vente par la clause précitée, de notifier sans délai à l'acquéreur toute convocation à l'assemblée générale des copropriétaires et les documents joints à cette convocation qui lui serait adressée.
En l'espèce les consorts [V] ne justifient pas avoir adressé à la SCI Bluets la convocation à l'assemblée générale du 30 septembre 2019 qui a été adressée par le syndic de copropriété de l'immeuble du [Adresse 3] à leur mandataire la société Gerasco par lettre recommandée du 6 septembre 2019 dont l'avis de réception a été signé le 9 septembre 2019, cette justification ne pouvant s'évincer, ainsi qu'il a été vu plus haut, de la mention figurant sur l'état daté.
Ainsi le jugement doit être infirmé en ce qu'il n'a pas fait application de la clause article 26-5-4-2 de la promesse unilatérale de vente du 23 avril 2019 laquelle sanctionne le non-respect par le Promettant de son obligation de notifier la convocation à l'assemblée générale.
Par conséquent la SCI Bluets 27 est fondée à se prévaloir des dispositions de cet article et de la sanction qu'il prévoit, faisant supporter au Promettant le paiement des charges afférentes aux travaux votés avec approbation d'un budget hors prévisionnel lors de cette assemblée générale, au cas où le Promettant n'aurait pas respecté son obligation de notifier la convocation au Bénéficiaire de la promesse, puisqu'il est établi que la SCI Bluets n'a pas reçu notification de cette convocation.
1.2. Le préjudice subi par l'acquéreur
Le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 septembre 2019 mentionne entre autres résolution le vote à l'unanimité des huit copropriétaires représentant 347/347 tantièmes la Résolution 25 Travaux de ravalement de la façade sur cour incluant la verrière les différents devis établis et au point 25-1 l'engagement des travaux de ravalement de la façade cour ( choix du ou des prestataires) la décision de réaliser les travaux selon devis de la société Sevdalis n°2019/1447/06 du 6 juin 2019 de 96 029,45 euros TTC annexé à la convocation incluant en option les murs voisins côté 25 et 29 dont les montants s'élèvent respectivement à 10 299,85 euros TTC et 1 885,95 euros TTC, les travaux de la verrière devant être votés à la prochaine assemblée générale se tenant au mois de février 2020.
La quote-part de tantième de copropriété de la SCI Bluets représentant 413 tantièmes s'élève à la somme de 43 747,95 euros à la charge des consorts [V], en application de la clause article 26-5-4-2 que ceux-ci doivent être en conséquence, sur infirmation du jugement, condamnés in solidum à lui régler.
La prise en charge intégrale du coût des travaux votés au prorata des tantièmes de copropriété ne fait pas obstacle à l'examen de la demande de la SCI Bluets 27 au titre de la perte de chance de s'opposer au vote du budget prévisionnel à hauteur de 90 % défaut d'avoir pu participer au vote du montant du budget prévisionnel, par comparaison avec le montant des sommes engagées au titre des budgets prévisionnels antérieurs.
Cependant il échet de relever que cette comparaison aurait été inopérante dans la mesure où la dépense litigieuse concerne des travaux hors budget prévisionnel et où surtout, la SCI Bluets n'établit pas en quoi il eût été légitime qu'elle s'opposât à ces dépenses qui relèvent de l'entretien courant et de la conservation de l'immeuble et ont, en l'occurrence, été votées à l'unanimité des copropriétaires présents.
Par conséquent la SCI Bluets 27 sera déboutée de sa demande d'indemnisation au titre du budget prévisionnel le jugement étant confirmé de ce chef.
2- La garantie de la société Gerasco
Le jugement retient qu'à défaut pour les consorts [V] de verser aux débats le mandat conclu avec la société Gerasco, le tribunal n'est pas en mesure de vérifier l'étendue des pouvoirs et les obligations de cette dernière pour rejeter les demandes dirigées à son encontre.
La société Gerasco conclut à sa mise hors de cause au motif que la SCI Bluets connaissait parfaitement la date de la tenue de la prochaine assemblée générale au regard de l'état daté annexé à l'acte authentique de vente. Elle ajoute avoir adressé à Madame [U] [V] par courrier du 12 septembre 2019 la convocation à l'assemblée générale litigieuse et conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté l'appel en garantie.
La SCI Bluets 27 s'en remet à l'appréciation de la cour s'agissant de l'appel en garantie de la société Gerasco.
Les consorts [V] dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de la SCI Bluets 27 font valoir que devant le premier juge la société Gerasco n'a pas contesté l'étendue de ses pouvoirs et obligations et n'excipait d'aucune disposition particulière dont seraient convenu mandants et mandataires. Cependant produisant le mandat daté du 23 janvier 1985, elle rappelle que son mandataire avait l'obligation de les représenter aux assemblées générales et de leur transmettre les convocations aux fins de recueillir leurs intentions de vote. A défaut de justifier de cette transmission et alors que le mandataire n'a jamais contesté leur devoir cette information, ils concluent donc à la garantie de la société Gerasco.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 1992 du Code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Il est admis que l'inexécution de l'obligation contractée par le mandataire et le préjudice qui en est résulté pour le mandant font présumer la faute du mandataire, hors cas fortuit.
La société Gerasco a reçu mandat selon contrat de gestion immobilière signé le 23 janvier 1985 aux termes duquel : « Le mandataire représentera valablement le mandant aux assemblées générales de syndicats de copropriétaires et de sociétés immobilières dans lesquelles le mandant est copropriétaire ou associé et relatives aux biens et droits immobiliers ci-dessus énumérés, avec faculté de substitution en cas d'empêchement résultant de la qualité de syndic du mandataire.
Le mandataire rendra compte au mandant de sa gestion à échéance trimestrielle et au moins une fois par an. »
La cour relève que cette stipulation ni aucune des autres clauses du mandant, ne contient l'obligation d'adresser au mandant les convocations reçues aux fins d'instruction de vote mais la société Gerasco ne contestant pas être débitrice de cette obligation, indique y avoir satisfait par la transmission à Madame [U] [V], par courrier du 12 septembre 2019, de la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires pour l'immeuble visé en objet [Adresse 3].
Il ne résulte pas du mandat que les parties aient convenu de modalités spécifiques de transmission des documents de sorte que les consorts [V], qui ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause l'efficacité probatoire de l'envoi de cette lettre simple, ne sauraient être suivis en leur demande en garantie, au vu de la justification apportée par le mandataire de l'information délivrée relativement à la convocation à l'assemblée générale adressée par le syndic de l'immeuble pour le 30 septembre 2019.
Le jugement qui les a déboutés de leur demande en garantie sera donc confirmé.
3-Les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les consorts [V] aux dépens et au règlement à la SCI Bluets 27 et à la société Gerasco d'une somme de 3 000 euros, chacune, au titre des frais irrépétibles.
Y ajoutant les consorts [V] seront condamnés à régler à la SCI Bluets 27 et à la société Gerasco une somme de 3 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement excepté en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la SCI Bluets 27 au titre du budget prévisionnel, l'appel en garantie à l'encontre de la SAS Gerasco, la demande la demande en paiement pour procédure abusive, et statué sur la charge des frais irrépétibles et des dépens ;
Statuant à nouveau du chef de la responsabilité des vendeurs,
CONDAMNE Madame [U] [V], Madame [E] [V], Monsieur [P] [V] in solidum à régler à la SCI Bluets 27 la somme de 43 747,95 euros au titre du manquement à leur obligation contractuelle d'information ;
Ajoutant au jugement
CONDAMNE Madame [U] [V], Madame [E] [V], Monsieur [P] [V] in solidum à régler les sommes de : 3 000 euros à la SCI Bluets 27 et 3 000 euros à la SAS Gerasco au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de la procédure d'appel.