CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 19 mars 2025, n° 21/07617
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 19 MARS 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07617 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIR6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02135
APPELANTE
UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 8], représentée par sa Directrice, dûment habilitée [T] [K],
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
INTIMES
Monsieur [J] [U]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647
Société [N] PANSIOT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, Messieurs [O] et [S] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent CARETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0413
S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES prise en la personne de ME [Z] Es qualité de mandataire judiciaire et « Commissaire à l'exécution du plan » de la « EARL [N] PANSIOT»
[Adresse 4]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er avril 2006, M. [J] [U] a été embauché par la société [N] Pansiot, qui emploie 10 salariés et est spécialisée dans le domaine viticole, en qualité de voyageur, représentant et placier (VRP) multicartes, moyennant une rémunération composée de commissions au taux de 6 % appliqué sur le chiffre d'affaires HT des ordres directs et indirects.
La relation contractuelle était soumise à l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers.
A compter du mois de juillet 2018, M. [U] a sollicité auprès de la société [N] Pansiot le paiement de ses commissions.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juin 2019, le salarié a mis en demeure son employeur de lui verser les commissions dues depuis le mois de décembre 2016.
La société [N] Pansiot a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 7 février 2020.
Par acte du 11 mars 2020, M. [U] a assigné la société [N] Pansiot, la société MJ & associés ainsi que l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) CGEA de [Localité 8] devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner son employeur à régler ses commissions et condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle à adapter.
Un plan de redressement par voie de continuation a été adopté par jugement définitif du 4 juin 2021, désignant Me [C] [Z], mandataire judiciaire, en qualité de commissaire à l'exécution du plan par ce même jugement.
Par jugement du 19 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société.
- Fixe la créance de M. [J] [U] au passif de la société EARL [N]-Pansiot représentée par Me [C] [Z], en sa qualité de mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA de [Localité 8], aux sommes suivantes :
* 25 566,54 euros à titre de rappel de commissions
* 2 556,65 euros à titre des congés payés afférents
* 1665 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 166,50 euros au titre des congés payés afférents
* 3 330 à titre de commissions de retour sur échantillonnages
* 3 330 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
* 13 320 euros à titre d'indemnité de clientèle
* 5 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Ordonne la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du solde de tout compte à M. [U];
- Déboute M. [J] [U] du surplus de ses demandes;
- Déclare les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail;
- Fixe les dépens au passif de la société.
A compter du mois de février 2022, la société [N] Pansiot a adopté la forme d'une société civile d'exploitation agricole (SCEV).
Par déclaration du 26 août 2021, l'AGS CGEA de [Localité 8] a interjeté appel de ce jugement, intimant M. [U], la société [N] Pansiot et la société MJ & associés représenté par Me [Z], en qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société [N] Pansiot.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2021, l'AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :
A titre principal,
- Infirmer le jugement entrepris,
- Débouter [J] [U] de ses demandes,
A défaut,
- Fixer la date de résiliation judiciaire au 19 juillet 2021,
Vu l'article L 3253-8 du code du travail,
- Dire les indemnités de rupture non garantie par l'AGS,
A titre subsidiaire,
Vu l'article L 1235-3 du code du travail,
- Limiter à 3 mois le montant de l'indemnité pour indemnité injustifiée,
- Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- Dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail, à défaut de fonds disponibles en raison de l'adoption du plan de redressement,
Vu l'article L 3253-8 du code du travail,
- Exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS,
- Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail, dire le jugement opposable dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues,
Vu l'article L 621-48 du code de commerce,
- Rejeter la demande d'intérêts légaux,
- Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- Déclarer L'AGS CGEA de [Localité 8] mal fondée en son appel
- Déclarer également la société [N] Pansiot mal fondée en sa demande d'infirmation du jugement
En conséquence,
- Les en débouter
- Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a :
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts et griefs exclusifs de la société [N] Pansiot
Fixé la créance de M. [U] au passif de la société [N] Pansiot au paiement des sommes suivantes :
25 566,54 euros à titre de rappel de commissions sauf à parfaire;
2556,65 euros à titre de congés payés afférents sauf à parfaire;
Déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] la décision à intervenir s'agissant des créances de commissions et de congés payés afférents, dans les limites de sa garantie
Y ajoutant
- Fixer la date de la rupture au jour de l'arrêt à intervenir;
Vu le plan de redressement par voie de continuation adopté le 4 juin 2021,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif du redressement judiciaire les créances indemnitaires;
Statuant à nouveau, il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
- Condamner la société [N] Pansiot au paiement des sommes suivantes :
* 1 665 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 166,50 euros à titre de congés afférents
* 3 330 euros à titre de commissions de retour sur échantillonnages
* 3 330 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
* 13 320 euros à titre d'indemnité de clientèle
* 5000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance;
Y ajoutant
- Condamner la société [N] Pansiot au paiement de la somme de :
* 4418,96 euros à titre de rappel de commissions affèrent à la période du second trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022
* 441,89 euros à titre de congés afférents
* 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions
3000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de la procédure d'appel
Avec intérêts de droit à compter du jugement
- Ordonner la remise de l'attestation Pole Emploi, d'un certificat de travail et du solde de tout compte sous astreinte définitive de 30 euros, par document et par jour de retard, à compter d'un délai de 15 jours suivant la date de prononcé de l'arrêt
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2024, la société [N] Pansiot demande à la cour de :
A titre liminaire,
- Sursoir à statuer tant que M. [U] ne s'explique pas sur sa volonté contradictoire de maintien du contrat de travail et de demande de confirmation de résiliation judiciaire,
A titre principal,
- Infirmer en totalité le jugement critiqué,
- En constatant la déclaration de créance de M. [U] à un euro non remise en cause dans le cadre du plan de redressement de l'EARL [N] Pansiot,
- Juger irrecevable et non fondé M. [U] en toutes ses demandes,
À titre subsidiaire,
- Juger opposable à l'AGS l'intégralité des demandes qui seraient retenues au bénéfice de M. [U] contre l'EARL [N] Pansiot et condamner l'AGS à payer au salarié toutes les sommes qui seraient retenues au bénéfice de M. [J] [U].
- En tout cas condamner M. [J] [U] à payer 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'EARL [N] Pansiot au titre de la procédure de première instance et 3 000,00 euros au même titre pour la procédure d'appel,
- Condamner, M. [J] [U] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Les dernières conclusions de l'appelante ont été signifiées à la société MJ & associés représentée par Me [Z], mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société [N] Pansiot intimée défaillante, le 2 novembre 2021.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande de sursis à statuer :
La société [N] Pansiot sollicite un sursis à statuer au motif que M. [U] ne s'explique pas sur sa volonté contradictoire de maintien du contrat de travail et de demande de confirmation de résiliation judiciaire.
Toutefois, d'une part, l'existence d'une éventuelle contradiction dans les écritures d'une partie ne justifie pas le prononcé d'une telle mesure, régie par les articles 108 et suivants et 378 et suivants du code de procédure civile.
D'autre part, en tout état de cause, il sera observé que le salarié sollicite la confirmation de la résiliation judiciaire avec fixation de la date de la rupture au jour du prononcé de l'arrêt, et non, comme l'indique la société, la poursuite du contrat de travail.
Sur la demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail :
L'AGS soutient que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, dès lors que le salarié ne démontre pas la réalité des manquements allégués. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le conseil de prud'hommes aurait dû fixer la date du prononcé de la résiliation.
La société [N] Pansiot fait valoir que M. [U] n'est pas fondé à solliciter la confirmation de la résiliation judiciaire dans la mesure où la relation contractuelle s'est poursuivie, à sa demande, après le jugement, et qu'il forme des demandes au titre de cette exécution. Elle se prévaut du principe « nemo auditur propiam turpitudinem allegans ».
M. [U] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la rupture du contrat aux torts de l'employeur mais demande que la date de la résiliation judiciaire soit fixée au jour de l'arrêt à intervenir, compte tenu de la poursuite de la relation contractuelle postérieurement au jugement. Il se prévaut des manquements de l'employeur consistant en l'absence de paiement des commissions et d'envoi du nouveau tarif millésime 2021.
D'une part, la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie après cette décision.
Dès lors, un salarié qui, comme en l'espèce, a vu son contrat de travail résilié, à sa demande, par la juridiction prud'homale, demeure en droit, lorsque le contrat de travail s'est poursuivi en raison de l'appel formé à l'encontre du jugement, de solliciter à la fois la confirmation de la résiliation judiciaire et la fixation de cette résiliation à la date de l'arrêt de la cour d'appel.
D'autre part, aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, les juges du fond étant tenus d'examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire, et ce quelle que soit leur ancienneté.
En cas de doute sur la réalité des faits allégués, il profite, en principe, à l'employeur.
En l'espèce, M. [U] se prévaut notamment, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, de l'absence de paiement des commissions, qui s'élèvent pour la période allant du 1er semestre 2017 jusqu'au 1er trimestre 2021 à la somme totale de 25 566,54 euros.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, le contrat de travail prévoit à son article 5 qu'en rémunération de ses services, « M. [U] recevra, à titre de salaires, une commission de 6% sur toutes commandes directes ou indirectes provenant de quelque manière que ce soit de son secteur, sans exception ni réserve ».
L'article 6 stipule que « Les commissions seront calculées sur le montant des ordres passés et acceptés par l'EARL (') », tout ordre « non formellement refusé dans un délai de huit jours » étant « réputé accepté » et le règlement des commissions devant être « effectué chaque trimestre sur les factures réglées ».
Le salarié produit, au soutien de ses allégations relatives à l'absence de paiement des commissions du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021, les factures et relevés de commissions afférents aux commandes ainsi qu'un tableau récapitulatif des sommes demandées et les réclamations adressées à l'employeur.
La société ne produit aucun élément de nature à contester le bien-fondé des montants litigieux et ne justifie d'aucun paiement.
Le manquement allégué est ainsi établi, et, compte tenu de sa gravité, justifie à lui seul le prononcé de la résiliation.
Cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard de ces éléments et de la circonstance que l'exécution du contrat de travail a été poursuivie postérieurement au jugement, celui-ci sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation, dont la date sera fixée au jour du présent arrêt.
Sur les demandes financières :
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'employeur :
La société soutient que les demandes du salarié sont irrecevables dès lors qu'il ne justifie pas de sa déclaration de créance dans les délais légaux pour les sommes alléguées dues antérieures au jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 7 février 2020. Elle relève que M. [U] a déclaré sa créance à titre provisionnel pour 1 euro à titre super-privilégié alors qu'il aurait dû attendre l'arrêt de la cour d'appel et le cas échéant, conforter sa déclaration de créance par une déclaration de créance définitive.
Il résulte toutefois de l'article L. 622-24 du code de commerce que les salariés n'ont pas à déclarer au représentant des créanciers les créances résultant d'un contrat de travail.
Par suite, la société ne peut utilement se prévaloir d'une déclaration de créance irrégulière de la part du salarié.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
Il résulte de ce qui précède que les sommes réclamées par le salarié pour la période allant jusqu'à la date du présent arrêt, date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, ont trait à l'exécution du contrat de travail.
Sur les rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 :
Il résulte des développements qui précèdent que la demande formée par le salarié à hauteur de 25 566,54 euros est fondée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette créance, outre la somme, non contestée dans son principe, de 2 556,65 euros au titre des congés payés correspondants.
Sur la demande au titre du rappel de commissions affèrent à la période du deuxième trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022 :
Le salarié sollicite à ce titre la somme de 4 418,96 euros outre 441,89 euros au titre des congés afférents.
Au regard des relevés de commissions et de facturations produits et en l'absence de justification de tout paiement de la part de la société, cette demande est fondée.
Sur les rappels de commissions de retours sur échantillonnage :
Le salarié sollicite l'octroi d'une somme de 3 330 euros correspondant à six mois de la moyenne mensuelle des dernières commissions par lui perçues et se prévaut, pour justifier de cette durée, des usages.
Il soutient qu'il appartient à l'employeur de fournir les justificatifs des ordres ainsi passés et le chiffre d'affaires en résultant aux fins de définir le montant des commissions revenant au VRP et qu'à défaut, son droit s'apprécie de manière forfaitaire.
L'employeur réplique que le salarié ne fournit aucun justificatif au soutien de cette demande.
Aux termes de l'article L. 7313-11du code du travail, quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat
Ces commissions, dues dans tous les cas de rupture du contrat de travail et qui ont le caractère d'un salaire, ont pour objet de rétribuer le travail de prospection accompli par le VRP avant l'expiration de son contrat de travail et dont elles sont la suite directe.
Il résulte de l'article 1315 devenu 1353 du code civil que c'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a effectivement payé au représentant les commissions qu'il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
En l'espèce, dès lors que société se borne à soutenir que le salarié ne justifie pas de la créance invoquée et qu'elle ne conteste pas l'usage allégué, c'est à juste titre que le jugement a reconnu l'existence de cette créance à hauteur de 3 330 euros.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de perte de commissions :
Le salarié sollicite une somme de 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en faisant valoir que depuis le début de l'année 2023, il n'a plus en capacité de prendre des commandes dans la mesure où son employeur s'est refusé à lui adresser le nouveau tarif millésime 2021, nonobstant ses demandes réitérées. Il fait valoir qu'il appartient à l'employeur qui a rendu impossible toute exécution normale du contrat de travail d'assurer sa rémunération, a minima jusqu'au terme de l'année 2024, par l'allocation d'une indemnité compensatrice de commissions calculée en considération de la dernière année de commissions effectivement payée, soit une moyenne de 555 euros par mois au titre de l'année 2016, dernière année au titre de laquelle il a été effectivement rémunéré.
La société réplique que cette demande nouvelle est irrecevable et non justifiée.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En revanche, l'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la demande tendant à l'octroi d'une indemnité compensatrice de la perte de commissions tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre de l'obligation de l'employeur de verser au salarié une rémunération en exécution du contrat de travail. Cette demande est donc recevable.
S'agissant du bien-fondé de la demande, il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des demandes réitérées de M. [U] et de la poursuite du contrat de travail après le jugement de première instance, la société ne lui a pas communiqué les informations lui permettant d'informer les clients afin de réaliser les commandes en attente.
Il s'ensuit que l'intimé est fondé à demander l'octroi d'une somme de 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en réparation du préjudice causé entre le mois de janvier 2023 et le mois de décembre 2024.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat :
Le salarié soutient que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail en s'abstenant de lui verser une rémunération en contrepartie de son travail, ce qui a rendu impossible l'exécution de ses missions.
La société réplique que la poursuite du contrat de travail notamment du fait de la volonté expresse du salarié exclut tout exécution déloyale.
L'AGS fait valoir que le salarié ne démontre pas l'intention déloyale de son employeur, ni aucunement son préjudice.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut.
Au regard des circonstances de l'espèce, l'absence de versement de rémunération à l'intimé caractérise un manquement de l'employeur à l'obligation de loyauté.
Toutefois, dans la mesure où le non-respect de l'obligation de paiement de l'employeur a déjà donné lieu à une indemnisation, et où M. [U] ne justifie d'aucun préjudice distinct, celui-ci ne peut prétendre à l'octroi de dommages et intérêts sur ce fondement.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
Sur la demande au titre de l'indemnité de clientèle :
Le salarié sollicite la confirmation du jugement ayant fixé à 13 320 euros sa créance au titre de l'indemnité de clientèle. Il soutient qu'il a personnellement apporté et développé la clientèle et le chiffre d'affaires de son secteur.
La société soutient que du fait du maintien du contrat de travail, la demande d'indemnité de clientèle est irrecevable et non fondée.
L'AGS fait valoir que le salarié ne démontre pas la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre ou en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
En premier lieu, la circonstance que le contrat de travail a été maintenu postérieurement au jugement rendu par la juridiction prud'homale n'est pas de nature à rendre irrecevable la demande du salarié.
En second lieu, selon l'article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Ces dispositions s'appliquent en cas de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur.
Il en résulte que la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur peut ouvrir droit, pour le VRP, payé en tout ou partie à la commission, à une indemnité de clientèle visant à réparer le préjudice qu'il subit en perdant pour l'avenir le bénéfice de la clientèle qu'il a créée, apportée ou développée.
Il incombe toutefois au salarié qui forme une demande relative à l'indemnité de clientèle de prouver qu'il a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur.
En l'espèce, faute pour M. [U] de rapporter une telle preuve en l'absence de tout élément produit à cet égard, la demande n'est pas fondée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté et fixé à son profit une créance de 13 320 euros.
Sur les sommes afférentes à la rupture du contrat de travail :
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui, comme en l'espèce, dispose d'une ancienneté de 18 années à la date de la rupture, peut prétendre à une indemnité comprise, compte tenu de l'effectif de la société, entre 2,5 et 14,5 mois de salaire brut.
Au regard des éléments du dossiers, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a évalué cette indemnité à hauteur de 5 000 euros.
Sur l' indemnité compensatrice de préavis :
Il résulte des dispositions de l'article L. 7313-9 qu'au regard de son ancienneté dans l'entreprise, M. [U] est fondé à obtenir la somme exactement retenue par les premiers juges à hauteur de 1 665 euros, équivalente à trois mois de rémunération, outre 166,50 euros au titre des congés payés correspondants.
Sur l'incidence de la procédure collective :
M. [U] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les créances au passif du redressement judiciaire, en dehors de celles relatives aux rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 et aux des congés payés correspondants.
S'agissant, d'une part, des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 7 février 2020, les dispositions de l'article L. 622-7 du code du commerce prévoient que ce jugement emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement.
En application de l'article L. 622-21 du code de commerce les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective.
Il en résulte que les juges du fond doivent se borner à se prononcer sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci.
S'agissant en revanche, d'autre part, des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 7 février 2020, l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
M. [U] est donc fondé, s'agissant de ces créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, à solliciter la condamnation de la société.
Sur la garantie de l'AGS :
L'AGS demande à la Cour de dire les indemnités de rupture non garanties par elle, de dire le jugement opposable dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail, à défaut de fonds disponibles en raison de l'adoption du plan de redressement, dans la limite du plafond 6 applicable toutes créances brutes confondues, et d'exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS.
La société sollicite à titre subsidiaire que soit jugée opposable à l'AGS l'intégralité des demandes qui seraient retenues au bénéfice de M. [U] et demande la condamnation de l'AGS à payer au salarié toutes les sommes qui seraient retenues à son bénéfice.
M. [U] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] la décision à intervenir s'agissant des créances de commissions et de congés payés afférents, dans les limites de sa garantie.
Selon le 1° de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail. Il en résulte que toutes les créances, tant salariales qu'indemnitaires, dès lors qu'elles sont nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, en raison d'une inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail, sont garanties par l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) dans les conditions prévues à l'article L. 3253-6 du code du travail.
Il résulte en revanche de l'article L.3253-8 du code du travail que la garantie de l'AGS ne s'applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l'absence de prononcé d'une liquidation judiciaire.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt est opposable dans les limites légales et réglementaires à l'AGS, laquelle devra sa garantie dans les mêmes limites, à hauteur de 20 535 euros outre 2 053,50 euros au titre des rappels de commissions dus pour la période allant du 1er janvier 2017 au 7 février 2020, date du jugement d'ouverture.
En revanche, la garantie de l'AGS ne s'exerce qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D.3253-1 à D.3253-5 du code du travail, et aucune condamnation directe ne peut intervenir à son encontre.
La demande de la société à cet égard ne peut donc qu'être rejetée.
Sur les autres demandes :
L'employeur devra remettre au salarié les documents conformes au présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par l'intimé.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur l'absence de condamnation de la société aux dépens et aux frais irrépétibles mais confirmé sur le montant accordé au salarié au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société [N]-Pansiot ;
REJETTE les fins de non-recevoir opposées par la société [N]-Pansiot ;
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- fixé la créance de M. [J] [U] au titre des rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 à la somme de 25 566,54 euros outre la somme de 2 556,65 euros au titre des congés payés correspondants ;
- déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE la date de la résiliation judiciaire à la date du présent arrêt ;
REJETTE la demande de M. [J] [U] au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;
REJETTE la demande de M. [J] [U] au titre de l'indemnité de clientèle ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot à payer à M. [J] [U] les sommes de :
- 4 418,96 euros à titre de rappel de commissions concernant la période du deuxième trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022, outre la somme de 441,89 euros au titre des congés payés correspondants ;
- 3 330 euros à titre de rappels de commissions de retours sur échantillonnage :
- 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en réparation du préjudice causé entre le mois de janvier 2023 et le mois de décembre 2024 ;
- 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 665 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 166,50 euros au titre des congés payés correspondants ;
ENJOINT à la société [N]-Pansiot de remettre à M. [J] [U] les documents sociaux - solde de tout compte, attestation France travail, certificat de travail - conformes au présent arrêt ;
REJETTE la demande de la société [N]-Pansiot tendant à la condamnation de l'AGS à payer à M. [J] [U] toutes les sommes retenues à son bénéfice ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot à payer à M. [J] [U] les sommes de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et de 2 000 euros sur ce fondement en cause d'appel ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot aux dépens de première instance et d'appel ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA [Localité 8] qui devra sa garantie dans les conditions légales, et à hauteur de la somme de 20 535 euros outre 2 053,50 euros s'agissant des rappels de commissions dus entre le 1er janvier 2017 et le 7 février 2020 ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente de chambre
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 19 MARS 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07617 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIR6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02135
APPELANTE
UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 8], représentée par sa Directrice, dûment habilitée [T] [K],
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
INTIMES
Monsieur [J] [U]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647
Société [N] PANSIOT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, Messieurs [O] et [S] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent CARETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0413
S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES prise en la personne de ME [Z] Es qualité de mandataire judiciaire et « Commissaire à l'exécution du plan » de la « EARL [N] PANSIOT»
[Adresse 4]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er avril 2006, M. [J] [U] a été embauché par la société [N] Pansiot, qui emploie 10 salariés et est spécialisée dans le domaine viticole, en qualité de voyageur, représentant et placier (VRP) multicartes, moyennant une rémunération composée de commissions au taux de 6 % appliqué sur le chiffre d'affaires HT des ordres directs et indirects.
La relation contractuelle était soumise à l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers.
A compter du mois de juillet 2018, M. [U] a sollicité auprès de la société [N] Pansiot le paiement de ses commissions.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juin 2019, le salarié a mis en demeure son employeur de lui verser les commissions dues depuis le mois de décembre 2016.
La société [N] Pansiot a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 7 février 2020.
Par acte du 11 mars 2020, M. [U] a assigné la société [N] Pansiot, la société MJ & associés ainsi que l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) CGEA de [Localité 8] devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner son employeur à régler ses commissions et condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle à adapter.
Un plan de redressement par voie de continuation a été adopté par jugement définitif du 4 juin 2021, désignant Me [C] [Z], mandataire judiciaire, en qualité de commissaire à l'exécution du plan par ce même jugement.
Par jugement du 19 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société.
- Fixe la créance de M. [J] [U] au passif de la société EARL [N]-Pansiot représentée par Me [C] [Z], en sa qualité de mandataire judiciaire, et en présence des AGS CGEA de [Localité 8], aux sommes suivantes :
* 25 566,54 euros à titre de rappel de commissions
* 2 556,65 euros à titre des congés payés afférents
* 1665 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 166,50 euros au titre des congés payés afférents
* 3 330 à titre de commissions de retour sur échantillonnages
* 3 330 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
* 13 320 euros à titre d'indemnité de clientèle
* 5 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Ordonne la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du solde de tout compte à M. [U];
- Déboute M. [J] [U] du surplus de ses demandes;
- Déclare les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail;
- Fixe les dépens au passif de la société.
A compter du mois de février 2022, la société [N] Pansiot a adopté la forme d'une société civile d'exploitation agricole (SCEV).
Par déclaration du 26 août 2021, l'AGS CGEA de [Localité 8] a interjeté appel de ce jugement, intimant M. [U], la société [N] Pansiot et la société MJ & associés représenté par Me [Z], en qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société [N] Pansiot.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2021, l'AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :
A titre principal,
- Infirmer le jugement entrepris,
- Débouter [J] [U] de ses demandes,
A défaut,
- Fixer la date de résiliation judiciaire au 19 juillet 2021,
Vu l'article L 3253-8 du code du travail,
- Dire les indemnités de rupture non garantie par l'AGS,
A titre subsidiaire,
Vu l'article L 1235-3 du code du travail,
- Limiter à 3 mois le montant de l'indemnité pour indemnité injustifiée,
- Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- Dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail, à défaut de fonds disponibles en raison de l'adoption du plan de redressement,
Vu l'article L 3253-8 du code du travail,
- Exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS,
- Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail, dire le jugement opposable dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues,
Vu l'article L 621-48 du code de commerce,
- Rejeter la demande d'intérêts légaux,
- Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- Déclarer L'AGS CGEA de [Localité 8] mal fondée en son appel
- Déclarer également la société [N] Pansiot mal fondée en sa demande d'infirmation du jugement
En conséquence,
- Les en débouter
- Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a :
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts et griefs exclusifs de la société [N] Pansiot
Fixé la créance de M. [U] au passif de la société [N] Pansiot au paiement des sommes suivantes :
25 566,54 euros à titre de rappel de commissions sauf à parfaire;
2556,65 euros à titre de congés payés afférents sauf à parfaire;
Déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] la décision à intervenir s'agissant des créances de commissions et de congés payés afférents, dans les limites de sa garantie
Y ajoutant
- Fixer la date de la rupture au jour de l'arrêt à intervenir;
Vu le plan de redressement par voie de continuation adopté le 4 juin 2021,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif du redressement judiciaire les créances indemnitaires;
Statuant à nouveau, il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
- Condamner la société [N] Pansiot au paiement des sommes suivantes :
* 1 665 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 166,50 euros à titre de congés afférents
* 3 330 euros à titre de commissions de retour sur échantillonnages
* 3 330 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
* 13 320 euros à titre d'indemnité de clientèle
* 5000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance;
Y ajoutant
- Condamner la société [N] Pansiot au paiement de la somme de :
* 4418,96 euros à titre de rappel de commissions affèrent à la période du second trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022
* 441,89 euros à titre de congés afférents
* 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions
3000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de la procédure d'appel
Avec intérêts de droit à compter du jugement
- Ordonner la remise de l'attestation Pole Emploi, d'un certificat de travail et du solde de tout compte sous astreinte définitive de 30 euros, par document et par jour de retard, à compter d'un délai de 15 jours suivant la date de prononcé de l'arrêt
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2024, la société [N] Pansiot demande à la cour de :
A titre liminaire,
- Sursoir à statuer tant que M. [U] ne s'explique pas sur sa volonté contradictoire de maintien du contrat de travail et de demande de confirmation de résiliation judiciaire,
A titre principal,
- Infirmer en totalité le jugement critiqué,
- En constatant la déclaration de créance de M. [U] à un euro non remise en cause dans le cadre du plan de redressement de l'EARL [N] Pansiot,
- Juger irrecevable et non fondé M. [U] en toutes ses demandes,
À titre subsidiaire,
- Juger opposable à l'AGS l'intégralité des demandes qui seraient retenues au bénéfice de M. [U] contre l'EARL [N] Pansiot et condamner l'AGS à payer au salarié toutes les sommes qui seraient retenues au bénéfice de M. [J] [U].
- En tout cas condamner M. [J] [U] à payer 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'EARL [N] Pansiot au titre de la procédure de première instance et 3 000,00 euros au même titre pour la procédure d'appel,
- Condamner, M. [J] [U] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Les dernières conclusions de l'appelante ont été signifiées à la société MJ & associés représentée par Me [Z], mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société [N] Pansiot intimée défaillante, le 2 novembre 2021.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande de sursis à statuer :
La société [N] Pansiot sollicite un sursis à statuer au motif que M. [U] ne s'explique pas sur sa volonté contradictoire de maintien du contrat de travail et de demande de confirmation de résiliation judiciaire.
Toutefois, d'une part, l'existence d'une éventuelle contradiction dans les écritures d'une partie ne justifie pas le prononcé d'une telle mesure, régie par les articles 108 et suivants et 378 et suivants du code de procédure civile.
D'autre part, en tout état de cause, il sera observé que le salarié sollicite la confirmation de la résiliation judiciaire avec fixation de la date de la rupture au jour du prononcé de l'arrêt, et non, comme l'indique la société, la poursuite du contrat de travail.
Sur la demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail :
L'AGS soutient que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, dès lors que le salarié ne démontre pas la réalité des manquements allégués. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le conseil de prud'hommes aurait dû fixer la date du prononcé de la résiliation.
La société [N] Pansiot fait valoir que M. [U] n'est pas fondé à solliciter la confirmation de la résiliation judiciaire dans la mesure où la relation contractuelle s'est poursuivie, à sa demande, après le jugement, et qu'il forme des demandes au titre de cette exécution. Elle se prévaut du principe « nemo auditur propiam turpitudinem allegans ».
M. [U] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la rupture du contrat aux torts de l'employeur mais demande que la date de la résiliation judiciaire soit fixée au jour de l'arrêt à intervenir, compte tenu de la poursuite de la relation contractuelle postérieurement au jugement. Il se prévaut des manquements de l'employeur consistant en l'absence de paiement des commissions et d'envoi du nouveau tarif millésime 2021.
D'une part, la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie après cette décision.
Dès lors, un salarié qui, comme en l'espèce, a vu son contrat de travail résilié, à sa demande, par la juridiction prud'homale, demeure en droit, lorsque le contrat de travail s'est poursuivi en raison de l'appel formé à l'encontre du jugement, de solliciter à la fois la confirmation de la résiliation judiciaire et la fixation de cette résiliation à la date de l'arrêt de la cour d'appel.
D'autre part, aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, les juges du fond étant tenus d'examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire, et ce quelle que soit leur ancienneté.
En cas de doute sur la réalité des faits allégués, il profite, en principe, à l'employeur.
En l'espèce, M. [U] se prévaut notamment, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, de l'absence de paiement des commissions, qui s'élèvent pour la période allant du 1er semestre 2017 jusqu'au 1er trimestre 2021 à la somme totale de 25 566,54 euros.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, le contrat de travail prévoit à son article 5 qu'en rémunération de ses services, « M. [U] recevra, à titre de salaires, une commission de 6% sur toutes commandes directes ou indirectes provenant de quelque manière que ce soit de son secteur, sans exception ni réserve ».
L'article 6 stipule que « Les commissions seront calculées sur le montant des ordres passés et acceptés par l'EARL (') », tout ordre « non formellement refusé dans un délai de huit jours » étant « réputé accepté » et le règlement des commissions devant être « effectué chaque trimestre sur les factures réglées ».
Le salarié produit, au soutien de ses allégations relatives à l'absence de paiement des commissions du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021, les factures et relevés de commissions afférents aux commandes ainsi qu'un tableau récapitulatif des sommes demandées et les réclamations adressées à l'employeur.
La société ne produit aucun élément de nature à contester le bien-fondé des montants litigieux et ne justifie d'aucun paiement.
Le manquement allégué est ainsi établi, et, compte tenu de sa gravité, justifie à lui seul le prononcé de la résiliation.
Cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard de ces éléments et de la circonstance que l'exécution du contrat de travail a été poursuivie postérieurement au jugement, celui-ci sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation, dont la date sera fixée au jour du présent arrêt.
Sur les demandes financières :
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'employeur :
La société soutient que les demandes du salarié sont irrecevables dès lors qu'il ne justifie pas de sa déclaration de créance dans les délais légaux pour les sommes alléguées dues antérieures au jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 7 février 2020. Elle relève que M. [U] a déclaré sa créance à titre provisionnel pour 1 euro à titre super-privilégié alors qu'il aurait dû attendre l'arrêt de la cour d'appel et le cas échéant, conforter sa déclaration de créance par une déclaration de créance définitive.
Il résulte toutefois de l'article L. 622-24 du code de commerce que les salariés n'ont pas à déclarer au représentant des créanciers les créances résultant d'un contrat de travail.
Par suite, la société ne peut utilement se prévaloir d'une déclaration de créance irrégulière de la part du salarié.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
Il résulte de ce qui précède que les sommes réclamées par le salarié pour la période allant jusqu'à la date du présent arrêt, date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, ont trait à l'exécution du contrat de travail.
Sur les rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 :
Il résulte des développements qui précèdent que la demande formée par le salarié à hauteur de 25 566,54 euros est fondée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette créance, outre la somme, non contestée dans son principe, de 2 556,65 euros au titre des congés payés correspondants.
Sur la demande au titre du rappel de commissions affèrent à la période du deuxième trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022 :
Le salarié sollicite à ce titre la somme de 4 418,96 euros outre 441,89 euros au titre des congés afférents.
Au regard des relevés de commissions et de facturations produits et en l'absence de justification de tout paiement de la part de la société, cette demande est fondée.
Sur les rappels de commissions de retours sur échantillonnage :
Le salarié sollicite l'octroi d'une somme de 3 330 euros correspondant à six mois de la moyenne mensuelle des dernières commissions par lui perçues et se prévaut, pour justifier de cette durée, des usages.
Il soutient qu'il appartient à l'employeur de fournir les justificatifs des ordres ainsi passés et le chiffre d'affaires en résultant aux fins de définir le montant des commissions revenant au VRP et qu'à défaut, son droit s'apprécie de manière forfaitaire.
L'employeur réplique que le salarié ne fournit aucun justificatif au soutien de cette demande.
Aux termes de l'article L. 7313-11du code du travail, quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat
Ces commissions, dues dans tous les cas de rupture du contrat de travail et qui ont le caractère d'un salaire, ont pour objet de rétribuer le travail de prospection accompli par le VRP avant l'expiration de son contrat de travail et dont elles sont la suite directe.
Il résulte de l'article 1315 devenu 1353 du code civil que c'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a effectivement payé au représentant les commissions qu'il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
En l'espèce, dès lors que société se borne à soutenir que le salarié ne justifie pas de la créance invoquée et qu'elle ne conteste pas l'usage allégué, c'est à juste titre que le jugement a reconnu l'existence de cette créance à hauteur de 3 330 euros.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de perte de commissions :
Le salarié sollicite une somme de 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en faisant valoir que depuis le début de l'année 2023, il n'a plus en capacité de prendre des commandes dans la mesure où son employeur s'est refusé à lui adresser le nouveau tarif millésime 2021, nonobstant ses demandes réitérées. Il fait valoir qu'il appartient à l'employeur qui a rendu impossible toute exécution normale du contrat de travail d'assurer sa rémunération, a minima jusqu'au terme de l'année 2024, par l'allocation d'une indemnité compensatrice de commissions calculée en considération de la dernière année de commissions effectivement payée, soit une moyenne de 555 euros par mois au titre de l'année 2016, dernière année au titre de laquelle il a été effectivement rémunéré.
La société réplique que cette demande nouvelle est irrecevable et non justifiée.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En revanche, l'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la demande tendant à l'octroi d'une indemnité compensatrice de la perte de commissions tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre de l'obligation de l'employeur de verser au salarié une rémunération en exécution du contrat de travail. Cette demande est donc recevable.
S'agissant du bien-fondé de la demande, il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des demandes réitérées de M. [U] et de la poursuite du contrat de travail après le jugement de première instance, la société ne lui a pas communiqué les informations lui permettant d'informer les clients afin de réaliser les commandes en attente.
Il s'ensuit que l'intimé est fondé à demander l'octroi d'une somme de 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en réparation du préjudice causé entre le mois de janvier 2023 et le mois de décembre 2024.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat :
Le salarié soutient que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail en s'abstenant de lui verser une rémunération en contrepartie de son travail, ce qui a rendu impossible l'exécution de ses missions.
La société réplique que la poursuite du contrat de travail notamment du fait de la volonté expresse du salarié exclut tout exécution déloyale.
L'AGS fait valoir que le salarié ne démontre pas l'intention déloyale de son employeur, ni aucunement son préjudice.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut.
Au regard des circonstances de l'espèce, l'absence de versement de rémunération à l'intimé caractérise un manquement de l'employeur à l'obligation de loyauté.
Toutefois, dans la mesure où le non-respect de l'obligation de paiement de l'employeur a déjà donné lieu à une indemnisation, et où M. [U] ne justifie d'aucun préjudice distinct, celui-ci ne peut prétendre à l'octroi de dommages et intérêts sur ce fondement.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
Sur la demande au titre de l'indemnité de clientèle :
Le salarié sollicite la confirmation du jugement ayant fixé à 13 320 euros sa créance au titre de l'indemnité de clientèle. Il soutient qu'il a personnellement apporté et développé la clientèle et le chiffre d'affaires de son secteur.
La société soutient que du fait du maintien du contrat de travail, la demande d'indemnité de clientèle est irrecevable et non fondée.
L'AGS fait valoir que le salarié ne démontre pas la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre ou en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
En premier lieu, la circonstance que le contrat de travail a été maintenu postérieurement au jugement rendu par la juridiction prud'homale n'est pas de nature à rendre irrecevable la demande du salarié.
En second lieu, selon l'article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Ces dispositions s'appliquent en cas de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur.
Il en résulte que la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur peut ouvrir droit, pour le VRP, payé en tout ou partie à la commission, à une indemnité de clientèle visant à réparer le préjudice qu'il subit en perdant pour l'avenir le bénéfice de la clientèle qu'il a créée, apportée ou développée.
Il incombe toutefois au salarié qui forme une demande relative à l'indemnité de clientèle de prouver qu'il a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur.
En l'espèce, faute pour M. [U] de rapporter une telle preuve en l'absence de tout élément produit à cet égard, la demande n'est pas fondée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté et fixé à son profit une créance de 13 320 euros.
Sur les sommes afférentes à la rupture du contrat de travail :
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui, comme en l'espèce, dispose d'une ancienneté de 18 années à la date de la rupture, peut prétendre à une indemnité comprise, compte tenu de l'effectif de la société, entre 2,5 et 14,5 mois de salaire brut.
Au regard des éléments du dossiers, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a évalué cette indemnité à hauteur de 5 000 euros.
Sur l' indemnité compensatrice de préavis :
Il résulte des dispositions de l'article L. 7313-9 qu'au regard de son ancienneté dans l'entreprise, M. [U] est fondé à obtenir la somme exactement retenue par les premiers juges à hauteur de 1 665 euros, équivalente à trois mois de rémunération, outre 166,50 euros au titre des congés payés correspondants.
Sur l'incidence de la procédure collective :
M. [U] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les créances au passif du redressement judiciaire, en dehors de celles relatives aux rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 et aux des congés payés correspondants.
S'agissant, d'une part, des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 7 février 2020, les dispositions de l'article L. 622-7 du code du commerce prévoient que ce jugement emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement.
En application de l'article L. 622-21 du code de commerce les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective.
Il en résulte que les juges du fond doivent se borner à se prononcer sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci.
S'agissant en revanche, d'autre part, des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 7 février 2020, l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
M. [U] est donc fondé, s'agissant de ces créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, à solliciter la condamnation de la société.
Sur la garantie de l'AGS :
L'AGS demande à la Cour de dire les indemnités de rupture non garanties par elle, de dire le jugement opposable dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail, à défaut de fonds disponibles en raison de l'adoption du plan de redressement, dans la limite du plafond 6 applicable toutes créances brutes confondues, et d'exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS.
La société sollicite à titre subsidiaire que soit jugée opposable à l'AGS l'intégralité des demandes qui seraient retenues au bénéfice de M. [U] et demande la condamnation de l'AGS à payer au salarié toutes les sommes qui seraient retenues à son bénéfice.
M. [U] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] la décision à intervenir s'agissant des créances de commissions et de congés payés afférents, dans les limites de sa garantie.
Selon le 1° de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail. Il en résulte que toutes les créances, tant salariales qu'indemnitaires, dès lors qu'elles sont nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, en raison d'une inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail, sont garanties par l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) dans les conditions prévues à l'article L. 3253-6 du code du travail.
Il résulte en revanche de l'article L.3253-8 du code du travail que la garantie de l'AGS ne s'applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l'absence de prononcé d'une liquidation judiciaire.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt est opposable dans les limites légales et réglementaires à l'AGS, laquelle devra sa garantie dans les mêmes limites, à hauteur de 20 535 euros outre 2 053,50 euros au titre des rappels de commissions dus pour la période allant du 1er janvier 2017 au 7 février 2020, date du jugement d'ouverture.
En revanche, la garantie de l'AGS ne s'exerce qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D.3253-1 à D.3253-5 du code du travail, et aucune condamnation directe ne peut intervenir à son encontre.
La demande de la société à cet égard ne peut donc qu'être rejetée.
Sur les autres demandes :
L'employeur devra remettre au salarié les documents conformes au présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par l'intimé.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur l'absence de condamnation de la société aux dépens et aux frais irrépétibles mais confirmé sur le montant accordé au salarié au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société [N]-Pansiot ;
REJETTE les fins de non-recevoir opposées par la société [N]-Pansiot ;
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- fixé la créance de M. [J] [U] au titre des rappels de commissions impayées du 1er semestre 2017 au 1er trimestre 2021 à la somme de 25 566,54 euros outre la somme de 2 556,65 euros au titre des congés payés correspondants ;
- déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE la date de la résiliation judiciaire à la date du présent arrêt ;
REJETTE la demande de M. [J] [U] au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;
REJETTE la demande de M. [J] [U] au titre de l'indemnité de clientèle ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot à payer à M. [J] [U] les sommes de :
- 4 418,96 euros à titre de rappel de commissions concernant la période du deuxième trimestre 2021 au quatrième trimestre 2022, outre la somme de 441,89 euros au titre des congés payés correspondants ;
- 3 330 euros à titre de rappels de commissions de retours sur échantillonnage :
- 13 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de perte de commissions en réparation du préjudice causé entre le mois de janvier 2023 et le mois de décembre 2024 ;
- 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 665 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 166,50 euros au titre des congés payés correspondants ;
ENJOINT à la société [N]-Pansiot de remettre à M. [J] [U] les documents sociaux - solde de tout compte, attestation France travail, certificat de travail - conformes au présent arrêt ;
REJETTE la demande de la société [N]-Pansiot tendant à la condamnation de l'AGS à payer à M. [J] [U] toutes les sommes retenues à son bénéfice ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot à payer à M. [J] [U] les sommes de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et de 2 000 euros sur ce fondement en cause d'appel ;
CONDAMNE la société [N]-Pansiot aux dépens de première instance et d'appel ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA [Localité 8] qui devra sa garantie dans les conditions légales, et à hauteur de la somme de 20 535 euros outre 2 053,50 euros s'agissant des rappels de commissions dus entre le 1er janvier 2017 et le 7 février 2020 ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente de chambre