CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 19 mars 2025, n° 23/00088
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRET DU 19 MARS 2025
(n° 2025/ 52 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00088 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3MU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 novembre 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 20/07078
APPELANT
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 1] 1992
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jonathan SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : D488
INTIMÉE
S.A. AVANSSUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 378 393 946
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Lisa HAYERE de l'AARPI ACLH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A845, substituée à l'audience par Me Marion SEVERAC, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame CHANUT
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
**********
EXPOSE DU LITIGE
Le 21 février 2019, M. [T] [D] a souscrit auprès de la SA AVANSSUR, dont le nom commercial est DIRECT ASSURANCE, un contrat d'assurance automobile n°948084515 pour un véhicule Citroën C4 immatriculé
[Immatriculation 5].
Un premier avenant au contrat est intervenu le 19 juillet 2019 aux fins de modifier le véhicule assuré devenant une VOLKSWAGEN GOLF immatriculée [Immatriculation 7].
Par avenant du 30 octobre 2019, M. [T] [D] a de nouveau fait modifier le véhicule, objet du contrat, qui est devenu une BMW série 1 116i Lounge immatriculé [Immatriculation 8].
Le 5 novembre 2019, M. [D] a déclaré à la SA AVANSSUR le vol du véhicule BMW [Immatriculation 8] dans l'enceinte du parking souterrain collectif de son lieu domicile, et a déposé plainte au commissariat [Localité 6].
Par courrier du 23 mars 2018, la SA AVANSSUR a informé M. [D] de l'estimation de la valeur de remplacement du véhicule s'élevant à 15 000 euros.
Le véhicule n'ayant pas été retrouvé dans le délai contractuel de trente jours, ni même ultérieurement, M. [D] a fait part de son acceptation sur l'offre d'indemnisation proposée par son assureur.
Le 6 février 2020, M. [D] a mis en demeure l'assureur de lui verser l'indemnité.
Par courrier du 10 avril 2020, la SA AVANSSUR lui a cependant notifié un refus de garantie considérant que le véhicule assuré ne correspondait pas au véhicule volé.
Le 15 mai 2020, le conseil de M. [D] a adressé à l'assureur une lettre recommandée valant mise en demeure.
C'est dans ce contexte que n'ayant toujours pas été indemnisé des conséquences du sinistre, par acte d'huissier du 20 août 2020, M. [D] a assigné la SA AVANSSUR devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait du vol de son véhicule.
Par jugement du 28 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
- débouté M. [T] [D] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné M. [T] [D] aux dépens ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration électronique du 14 décembre 2022, enregistrée au greffe le 3 janvier 2023, M. [T] [D] a interjeté appel du jugement en ses dispositions lui faisant grief intimant la société AVANSSUR.
Par conclusions récapitulatives d'appelant notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, M. [D] demande à la cour, au visa notamment des articles L.113-5 et 121-1 du code des assurances et articles L. 212-1 et R. 132-2 du code de la consommation, de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel ;
- débouter la société AVANSSUR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté la garantie de la société AVANSSUR au bénéfice de M. [D] ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence et statuant à nouveau,
- condamner la société AVANSSUR à verser à M. [D] les sommes suivantes :
' 14 184 euros, en réparation de son préjudice matériel, après déduction de la franchise contractuelle, ladite somme assortie des intérêts au taux légal, à compter du 20.02 2020, date de la lettre de mise en demeure ;
' 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral ;
' 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions d'intimée n° 2 notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, la SA AVANSSUR demande à la cour, au visa notamment de l'article L. 113-1 du code des assurances et l'article 1353 du code civil, de :
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2022 par la Chambre 6 ' Section 5 du Tribunal judiciaire de BOBIGNY (RG n°20/07078) ;
- juger à ce titre bien fondé le refus de garantie opposé par AVANSSUR à l'encontre de M. [D] en ce que le véhicule BMW SERIE 1 déclaré volé par M. [D] ne correspond pas au véhicule assuré, et qu'en conséquence les conditions de mise en 'uvre de la garantie vol souscrite par M. [D] ne sont pas remplies et la garantie vol n'est aucunement mobilisable ;
- juger en toute hypothèse que la clause d'exclusion prévue à l'article 8 des conditions générales est tout à fait apparente et parfaitement applicable au cas d'espèce ;
- débouter par conséquent M. [D] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre d'AVANSSUR ;
En tout état de cause,
- condamner M. [D] à verser à la compagnie AVANSSUR la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner M. [D] aux entiers dépens d'appel.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée, après report, le 16 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appelant sollicite l'infirmation du jugement, faisant notamment valoir que :
- la garantie vol du contrat d'assurance souscrit est mobilisable dès lors que les conditions sont réunies ; il rapporte la preuve de la réalité du vol ; en effet, il s'agit d'un fait juridique prouvé par le dépôt de plainte et les circonstances de l'espèce qui rendent le vol vraisemblable ;
- en qualité de profane, il a cru de bonne foi acheter le véhicule dans des conditions régulières ; les documents remis lors de la transaction ne lui ont pas permis de détecter une fraude ; l'assureur a eu besoin d'investigations poussées pour se rendre compte que le numéro de série du véhicule litigieux n'est pas le même que celui inscrit sur la carte grise ; il n'est pas possible de lui reprocher une quelconque négligence ; la circonstance que la société PRESTIGE AUTO et M. [W] [K] soient intervenus à la vente est indifférente ; il n'est possible de tirer aucune conséquence du fait que la seconde clef soit illisible ;
- la clause d'exclusion de garantie est nulle en ce qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions des articles L.113-1 et L.112-4 du code des assurances qui imposent qu'elle soit explicite, apparente et limitée ; c'est en outre à l'assureur de démontrer que les circonstances du sinistre correspondent aux prévisions de la clause ; en l'espèce, l'article 8 de la police d'assurance est vague et insuffisamment apparent ; l'appelant ne saurait être considéré comme receleur à défaut d'élément moral ; le numéro de série du véhicule ne constitue ni un élément d'identification du véhicule, au sens des conditions particulières, ni même une condition de la garantie ; l'assureur ne peut valablement soutenir que le véhicule assuré ne correspond pas au véhicule détenu par l'assuré puisqu'il est uniquement fait référence à la plaque d'immatriculation ; la preuve de ce que le véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère serait mise à la charge de l'assuré, alors qu'il appartient à l'assureur d'établir que les conditions de l'exclusion sont remplies ; il s'en évince le caractère abusif de la clause ; sur sa demande indemnitaire, au visa de l'article L.121-1 du code des assurances, le contrat doit recevoir application conformément aux stipulations contractuelles ;
- il a subi un préjudice moral tiré des longues démarches subies pour faire valoir ses droits.
L'intimée sollicite la confirmation du jugement, répliquant notamment que :
- la garantie vol n'est pas mobilisable car ses conditions de mise en oeuvre ne sont pas réunies en ce que l'appelante, à qui incombe la charge de la preuve en vertu de l'article 1353 du code civil, n'établit pas l'existence du sinistre objet du contrat, faute de justifier de ce que le véhicule déclaré volé soit bien celui assuré, hypothèse que démentent en outre les investigations de l'enquêteur mandaté par la compagnie AVANSSUR qui ont conduit à constater une différence de numéro de série entre le véhicule assuré et le véhicule volé ;
- l'acquéreur de la Volkswagen Golf cédée par M. [D] n'est pas le vendeur de la BMW série 1 acquise par ce dernier, permettant de remettre légitimement et sérieusement en question l'existence-même d'un échange de véhicules ;
- l'article 8 du contrat d'assurance prévoit que n'est pas garanti le vol lorsque le véhicule est acquis ou détenu par le souscripteur ou par le propriétaire en infraction à une disposition française ou étrangère pénalement sanctionnée ;
- la clause d'exclusion de garantie répond aux prescriptions légales et jurisprudentielles en matière d'apparence et de clarté ; elle ne met nullement à la charge de l'assuré la preuve d'établir que son véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère pour pouvoir bénéficier de la garantie ; or en l'espèce l'assuré se trouve en position de receleur ; même si l'appelant allègue avoir tout ignoré des manipulations frauduleuses dont le véhicule a fait l'objet, il n'établit pas avoir été victime d'une escroquerie de la part du vendeur et ne justifie aucunement d'une plainte en ce sens ; le numéro d'immatriculation est attribué à un véhicule unique, identifié par son numéro de série unique fourni par le constructeur lors de la mise en circulation.
- cette clause d'exclusion de garantie est bien applicable, d'abord car elle figure dans un encadré, sur un fond coloré, et dans une couleur différente du reste de la police, ce qui répond bien à l'exigence de critères très apparents, ensuite car toute infraction pénale est interdite par le code pénal de sorte que l'absence d'énumération des infractions entraînait l'exclusion ne saurait conférer à cette clause un caractère général ou ambigu ; enfin car ladite clause ne met nullement à la charge de l'assuré la preuve d'établir que son véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère pour pouvoir bénéficier de la garantie et n'est donc pas abusive ;
- en conséquence, AVANSSUR est bien fondée à opposer un refus de garantie à
M. [D].
Sur les conditions de la garantie vol
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.
L'article 1104 de ce même code ajoute que 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi . Cette disposition est d'ordre public'.
Par ailleurs, l'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement qui a produit l'extinction de son obligation.
En matière d'assurance, il appartient à l'assuré, qui sollicite l'application de la garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie et notamment de démontrer qu'il est survenu dans les circonstances de fait conformes aux prévisions du contrat. Il appartient par ailleurs à l'assureur, qui invoque une clause d'exclusion de garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de l'exclusion.
Sur ce,
La police d'assurance n°948084515 souscrite par M. [D] auprès de la compagnie AVANSSUR telle que modifiée par avenant du 30 octobre 2019 porte sur un véhicule dont les caractéristiques suivantes sont stipulées :
Marque et modèle : BMW SERIE 1 II
Appellation : 116l LOUNGE
Immatriculation : [Immatriculation 8]
Date de 1ère mise en circulation : 03/2014
Date d'établissement de la carte grise : 29/10/2019.
La cour constate que M. [D] reprend les mêmes moyens et produit les mêmes pièces que devant le juge de première instance, à l'exception d'un nouveau procès-verbal de plainte pour escroquerie.
Or le tribunal a jugé, par des motifs pertinents que la cour adopte, notamment que
si le vol de la voiture est un fait juridique prouvé par le dépôt de plainte et qu'en conséquence les circonstances de l'espèce peuvent rendre le vol vraisemblable,
en revanche, d'une part il résulte du rapport de l'enquête diligentée par l'assureur que :
- le numéro d'identification du véhiculé assuré sous l'immatriculation [Immatriculation 8] est le WBA1A11050J902317 ;
- le numéro du véhicule effectivement volé à M. [D] est le WB A1R510605C85845 (ainsi qu'a permis de l'établir l'analyse des clefs remises par M. [D]) ;
- le véhicule effectivement acheté par M. [D] et qui lui a été ensuite volé avait été volé en avril 2019 ;
- le véhicule déclaré a été retiré de la circulation suite à un accident ;
- les couleurs ne correspondent pas (BLEU) alors que le fichier des immatriculations indique une couleur 'BLANC' ;
- il se déduit de ces éléments que la carte grise en possession de M. [D] ne correspond pas au véhicule effectivement acheté puis déclaré auprès de la compagnie d'assurance et que dès lors le véhicule assuré n'est pas le véhicule volé.
D'autre part, M. [D] soutient avoir été trompé par son vendeur. Cependant devant les premiers juges, il n'a pas justifié avoir été victime d'une escroquerie, ni même avoir déposé plainte pour ces faits ce que le tribunal a parfaitement relevé et en a déduit que ces constatations suffisaient à exclure que l'assureur doive sa garantie à son assuré sans qu'il soit besoin de discuter la vraisemblance du vol dont l'appelant a été victime, ni l'efficacité des clauses d'exclusion de garantie, ni même les conditions dans lesquelles M. [D] est entré en possession du véhicule litigieux.
En cause d'appel M. [D] produit un nouveau procès-verbal de plainte daté du 9 décembre 2022 pour escroquerie, postérieur à la décision du tribunal et manifestement effectué pour les besoins de la cause et dont les termes ne sont pas de nature à permettre de rechercher les auteurs de cette prétendue escroquerie et de considérer qu'il a effectivement été victime de ladite infraction.
M. [D] sera débouté de toutes ses demandes et le jugement confirmé en ce que la garantie n'est pas due par la société AVANSSUR.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] [D] aux dépens.
En cause d'appel, M. [D] qui succombe sera condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement à la société AVANSSUR d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [D] aux entiers dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [D] à payer à la SA AVANSSUR une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [T] [D] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRET DU 19 MARS 2025
(n° 2025/ 52 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00088 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3MU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 novembre 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 20/07078
APPELANT
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 1] 1992
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jonathan SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : D488
INTIMÉE
S.A. AVANSSUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 378 393 946
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Lisa HAYERE de l'AARPI ACLH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A845, substituée à l'audience par Me Marion SEVERAC, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame CHANUT
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 21 février 2019, M. [T] [D] a souscrit auprès de la SA AVANSSUR, dont le nom commercial est DIRECT ASSURANCE, un contrat d'assurance automobile n°948084515 pour un véhicule Citroën C4 immatriculé
[Immatriculation 5].
Un premier avenant au contrat est intervenu le 19 juillet 2019 aux fins de modifier le véhicule assuré devenant une VOLKSWAGEN GOLF immatriculée [Immatriculation 7].
Par avenant du 30 octobre 2019, M. [T] [D] a de nouveau fait modifier le véhicule, objet du contrat, qui est devenu une BMW série 1 116i Lounge immatriculé [Immatriculation 8].
Le 5 novembre 2019, M. [D] a déclaré à la SA AVANSSUR le vol du véhicule BMW [Immatriculation 8] dans l'enceinte du parking souterrain collectif de son lieu domicile, et a déposé plainte au commissariat [Localité 6].
Par courrier du 23 mars 2018, la SA AVANSSUR a informé M. [D] de l'estimation de la valeur de remplacement du véhicule s'élevant à 15 000 euros.
Le véhicule n'ayant pas été retrouvé dans le délai contractuel de trente jours, ni même ultérieurement, M. [D] a fait part de son acceptation sur l'offre d'indemnisation proposée par son assureur.
Le 6 février 2020, M. [D] a mis en demeure l'assureur de lui verser l'indemnité.
Par courrier du 10 avril 2020, la SA AVANSSUR lui a cependant notifié un refus de garantie considérant que le véhicule assuré ne correspondait pas au véhicule volé.
Le 15 mai 2020, le conseil de M. [D] a adressé à l'assureur une lettre recommandée valant mise en demeure.
C'est dans ce contexte que n'ayant toujours pas été indemnisé des conséquences du sinistre, par acte d'huissier du 20 août 2020, M. [D] a assigné la SA AVANSSUR devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait du vol de son véhicule.
Par jugement du 28 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
- débouté M. [T] [D] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné M. [T] [D] aux dépens ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration électronique du 14 décembre 2022, enregistrée au greffe le 3 janvier 2023, M. [T] [D] a interjeté appel du jugement en ses dispositions lui faisant grief intimant la société AVANSSUR.
Par conclusions récapitulatives d'appelant notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, M. [D] demande à la cour, au visa notamment des articles L.113-5 et 121-1 du code des assurances et articles L. 212-1 et R. 132-2 du code de la consommation, de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel ;
- débouter la société AVANSSUR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté la garantie de la société AVANSSUR au bénéfice de M. [D] ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence et statuant à nouveau,
- condamner la société AVANSSUR à verser à M. [D] les sommes suivantes :
' 14 184 euros, en réparation de son préjudice matériel, après déduction de la franchise contractuelle, ladite somme assortie des intérêts au taux légal, à compter du 20.02 2020, date de la lettre de mise en demeure ;
' 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral ;
' 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions d'intimée n° 2 notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, la SA AVANSSUR demande à la cour, au visa notamment de l'article L. 113-1 du code des assurances et l'article 1353 du code civil, de :
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2022 par la Chambre 6 ' Section 5 du Tribunal judiciaire de BOBIGNY (RG n°20/07078) ;
- juger à ce titre bien fondé le refus de garantie opposé par AVANSSUR à l'encontre de M. [D] en ce que le véhicule BMW SERIE 1 déclaré volé par M. [D] ne correspond pas au véhicule assuré, et qu'en conséquence les conditions de mise en 'uvre de la garantie vol souscrite par M. [D] ne sont pas remplies et la garantie vol n'est aucunement mobilisable ;
- juger en toute hypothèse que la clause d'exclusion prévue à l'article 8 des conditions générales est tout à fait apparente et parfaitement applicable au cas d'espèce ;
- débouter par conséquent M. [D] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre d'AVANSSUR ;
En tout état de cause,
- condamner M. [D] à verser à la compagnie AVANSSUR la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner M. [D] aux entiers dépens d'appel.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée, après report, le 16 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appelant sollicite l'infirmation du jugement, faisant notamment valoir que :
- la garantie vol du contrat d'assurance souscrit est mobilisable dès lors que les conditions sont réunies ; il rapporte la preuve de la réalité du vol ; en effet, il s'agit d'un fait juridique prouvé par le dépôt de plainte et les circonstances de l'espèce qui rendent le vol vraisemblable ;
- en qualité de profane, il a cru de bonne foi acheter le véhicule dans des conditions régulières ; les documents remis lors de la transaction ne lui ont pas permis de détecter une fraude ; l'assureur a eu besoin d'investigations poussées pour se rendre compte que le numéro de série du véhicule litigieux n'est pas le même que celui inscrit sur la carte grise ; il n'est pas possible de lui reprocher une quelconque négligence ; la circonstance que la société PRESTIGE AUTO et M. [W] [K] soient intervenus à la vente est indifférente ; il n'est possible de tirer aucune conséquence du fait que la seconde clef soit illisible ;
- la clause d'exclusion de garantie est nulle en ce qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions des articles L.113-1 et L.112-4 du code des assurances qui imposent qu'elle soit explicite, apparente et limitée ; c'est en outre à l'assureur de démontrer que les circonstances du sinistre correspondent aux prévisions de la clause ; en l'espèce, l'article 8 de la police d'assurance est vague et insuffisamment apparent ; l'appelant ne saurait être considéré comme receleur à défaut d'élément moral ; le numéro de série du véhicule ne constitue ni un élément d'identification du véhicule, au sens des conditions particulières, ni même une condition de la garantie ; l'assureur ne peut valablement soutenir que le véhicule assuré ne correspond pas au véhicule détenu par l'assuré puisqu'il est uniquement fait référence à la plaque d'immatriculation ; la preuve de ce que le véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère serait mise à la charge de l'assuré, alors qu'il appartient à l'assureur d'établir que les conditions de l'exclusion sont remplies ; il s'en évince le caractère abusif de la clause ; sur sa demande indemnitaire, au visa de l'article L.121-1 du code des assurances, le contrat doit recevoir application conformément aux stipulations contractuelles ;
- il a subi un préjudice moral tiré des longues démarches subies pour faire valoir ses droits.
L'intimée sollicite la confirmation du jugement, répliquant notamment que :
- la garantie vol n'est pas mobilisable car ses conditions de mise en oeuvre ne sont pas réunies en ce que l'appelante, à qui incombe la charge de la preuve en vertu de l'article 1353 du code civil, n'établit pas l'existence du sinistre objet du contrat, faute de justifier de ce que le véhicule déclaré volé soit bien celui assuré, hypothèse que démentent en outre les investigations de l'enquêteur mandaté par la compagnie AVANSSUR qui ont conduit à constater une différence de numéro de série entre le véhicule assuré et le véhicule volé ;
- l'acquéreur de la Volkswagen Golf cédée par M. [D] n'est pas le vendeur de la BMW série 1 acquise par ce dernier, permettant de remettre légitimement et sérieusement en question l'existence-même d'un échange de véhicules ;
- l'article 8 du contrat d'assurance prévoit que n'est pas garanti le vol lorsque le véhicule est acquis ou détenu par le souscripteur ou par le propriétaire en infraction à une disposition française ou étrangère pénalement sanctionnée ;
- la clause d'exclusion de garantie répond aux prescriptions légales et jurisprudentielles en matière d'apparence et de clarté ; elle ne met nullement à la charge de l'assuré la preuve d'établir que son véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère pour pouvoir bénéficier de la garantie ; or en l'espèce l'assuré se trouve en position de receleur ; même si l'appelant allègue avoir tout ignoré des manipulations frauduleuses dont le véhicule a fait l'objet, il n'établit pas avoir été victime d'une escroquerie de la part du vendeur et ne justifie aucunement d'une plainte en ce sens ; le numéro d'immatriculation est attribué à un véhicule unique, identifié par son numéro de série unique fourni par le constructeur lors de la mise en circulation.
- cette clause d'exclusion de garantie est bien applicable, d'abord car elle figure dans un encadré, sur un fond coloré, et dans une couleur différente du reste de la police, ce qui répond bien à l'exigence de critères très apparents, ensuite car toute infraction pénale est interdite par le code pénal de sorte que l'absence d'énumération des infractions entraînait l'exclusion ne saurait conférer à cette clause un caractère général ou ambigu ; enfin car ladite clause ne met nullement à la charge de l'assuré la preuve d'établir que son véhicule n'a pas été acquis en infraction à une disposition française ou étrangère pour pouvoir bénéficier de la garantie et n'est donc pas abusive ;
- en conséquence, AVANSSUR est bien fondée à opposer un refus de garantie à
M. [D].
Sur les conditions de la garantie vol
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.
L'article 1104 de ce même code ajoute que 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi . Cette disposition est d'ordre public'.
Par ailleurs, l'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement qui a produit l'extinction de son obligation.
En matière d'assurance, il appartient à l'assuré, qui sollicite l'application de la garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie et notamment de démontrer qu'il est survenu dans les circonstances de fait conformes aux prévisions du contrat. Il appartient par ailleurs à l'assureur, qui invoque une clause d'exclusion de garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de l'exclusion.
Sur ce,
La police d'assurance n°948084515 souscrite par M. [D] auprès de la compagnie AVANSSUR telle que modifiée par avenant du 30 octobre 2019 porte sur un véhicule dont les caractéristiques suivantes sont stipulées :
Marque et modèle : BMW SERIE 1 II
Appellation : 116l LOUNGE
Immatriculation : [Immatriculation 8]
Date de 1ère mise en circulation : 03/2014
Date d'établissement de la carte grise : 29/10/2019.
La cour constate que M. [D] reprend les mêmes moyens et produit les mêmes pièces que devant le juge de première instance, à l'exception d'un nouveau procès-verbal de plainte pour escroquerie.
Or le tribunal a jugé, par des motifs pertinents que la cour adopte, notamment que
si le vol de la voiture est un fait juridique prouvé par le dépôt de plainte et qu'en conséquence les circonstances de l'espèce peuvent rendre le vol vraisemblable,
en revanche, d'une part il résulte du rapport de l'enquête diligentée par l'assureur que :
- le numéro d'identification du véhiculé assuré sous l'immatriculation [Immatriculation 8] est le WBA1A11050J902317 ;
- le numéro du véhicule effectivement volé à M. [D] est le WB A1R510605C85845 (ainsi qu'a permis de l'établir l'analyse des clefs remises par M. [D]) ;
- le véhicule effectivement acheté par M. [D] et qui lui a été ensuite volé avait été volé en avril 2019 ;
- le véhicule déclaré a été retiré de la circulation suite à un accident ;
- les couleurs ne correspondent pas (BLEU) alors que le fichier des immatriculations indique une couleur 'BLANC' ;
- il se déduit de ces éléments que la carte grise en possession de M. [D] ne correspond pas au véhicule effectivement acheté puis déclaré auprès de la compagnie d'assurance et que dès lors le véhicule assuré n'est pas le véhicule volé.
D'autre part, M. [D] soutient avoir été trompé par son vendeur. Cependant devant les premiers juges, il n'a pas justifié avoir été victime d'une escroquerie, ni même avoir déposé plainte pour ces faits ce que le tribunal a parfaitement relevé et en a déduit que ces constatations suffisaient à exclure que l'assureur doive sa garantie à son assuré sans qu'il soit besoin de discuter la vraisemblance du vol dont l'appelant a été victime, ni l'efficacité des clauses d'exclusion de garantie, ni même les conditions dans lesquelles M. [D] est entré en possession du véhicule litigieux.
En cause d'appel M. [D] produit un nouveau procès-verbal de plainte daté du 9 décembre 2022 pour escroquerie, postérieur à la décision du tribunal et manifestement effectué pour les besoins de la cause et dont les termes ne sont pas de nature à permettre de rechercher les auteurs de cette prétendue escroquerie et de considérer qu'il a effectivement été victime de ladite infraction.
M. [D] sera débouté de toutes ses demandes et le jugement confirmé en ce que la garantie n'est pas due par la société AVANSSUR.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] [D] aux dépens.
En cause d'appel, M. [D] qui succombe sera condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement à la société AVANSSUR d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [D] aux entiers dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [D] à payer à la SA AVANSSUR une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [T] [D] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE