CA Rouen, ch. des etrangers, 19 mars 2025, n° 25/00974
ROUEN
Ordonnance
Autre
N° RG 25/00974 - N° Portalis DBV2-V-B7J-J5FD
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 19 MARS 2025
Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Valérie MONCOMBLE, Greffier ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 06 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [M] [K] né le 07 Janvier 1994 à [Localité 1] ;
Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 13 mars 2025 de placement en rétention administrative de M. [M] [K] ;
Vu la requête de Monsieur [M] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du PREFET DE LA SEINE MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [M] [K] ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 à 12h30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [M] [K] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 17 mars 2025 à 00h00 jusqu'au 11 avril 2025 à 24h00 ;
Vu l'appel interjeté par M. [M] [K], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 17 mars 2025 à 20h52 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],
- à l'intéressé,
- au PREFET DE LA SEINE MARITIME,
- à Me Antoine LABELLE, avocat au barreau de ROUEN, choisi,
- à [U] [G], interprète en arabe
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [M] [K];
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [U] [G] interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du PREFET DE LA SEINE MARITIME et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [M] [K] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2];
Me Antoine LABELLE, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [M] [K] déclare être ressortissant tunisien et vivre en France depuis 2011.
Il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour durant un an le 6 juin 2024. L'interdiction de retour a été prolongée de deux ans le 2 novembre 2024.
Il a été placé en rétention administrative selon arrêté du 13 mars 2025 à l'issue d'une mesure de retenue.
La prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 17 mars 2025 pour une durée de vingt-six jours.
M. [M] [K] a interjeté appel de cette décision.
Au soutien de son appel, il fait valoir :
- l'irrégularité du contrôle d'identité
- l'incompétence de l'auteur de la requête et de l'arrêté de placement en rétention
- l'insuffisance de la motivation de l'arrêté de placement en rétention
- l'absence de nécessité du placement et d'examen sérieux de la possibilité d'une assignation à résidence
- l'erreur manifeste d'appréciation
- la violation de l'article 8 de la CEDH
- l'insuffisance des diligences entreprises par l'administration française
Le préfet de la Seine-Maritime n'a ni comparu ni communiqué ses observations écrites.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par avis écrit du 18 mars 2025, a requis la confirmation de l'ordonnance.
A l'audience, le conseil de M. [M] [K] a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel.
M. [M] [K] a été entendu en ses observations.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [M] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur le contrôle d'identité et le placement en retenue:
L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose en son septième alinéa que :
'Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.'
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de saisine et mise à disposition que M. [M] [K] a fait l'objet d'un contrôle d'identité diligenté le 12 mars 2025 à 16h05 [Adresse 4] à [Localité 3], sur le fondement de réquisitions écrites du procureur de la République de Rouen visant exprèssement la recherche d'auteurs d'infractions en matière de vol le mercredi 12 mars 2025 de 15h à 21h, à l'intérieur d'un périmètre défini et illustré sur un plan dans lequel est située la [Adresse 4].
Le comportement de l'intéressé, comme l'existence de raisons plausibles de penser qu'il a commis une infraction ou se prépare à en commettre une est sans incidence, le contrôle étant fondé sur les réquisitions du procureur de la République.
A l'occasion de ce contrôle, M. [M] [K] a déclaré être de nationalité tunisienne et être dépourvu de tout document officiel permettant d'établir son identité et sa situation de séjour ou de circulation sur le territoire national.
Ces éléments suffisent à fonder son placement en retenue administrative pour vérification de son droit de circulation et de séjour en France.
Dès lors, aucune irrégularité n'apparaît établie et le moyen sera rejeté.
Sur la compétence de l'auteur de la requête et de l'arrêté de placement en rétention.:
En l'espèce, la requête aux fins d'autorisation de la prolongation de la rétention administrative, ainsi que l'arrêté de placement en rétention administrative, sont signés de Mme [I] [S], cheffe du bureau de l'éloignement et qui bénéficie d'une délégation de signature à cette fin. Les recueils d'actes de délégation de signature sont versés au dossier et il est de jurisprudence établie qu'il n'incombe pas au préfet de produire le tableau des permanences de la préfecture, document interne à celle-ci et que le juge judiciaire ne peut s'immiscer dans l'organisation des permanences des services de la préfecture.
Il est également de jurisprudence constante que la seule signature du délégataire suffit pour établir que l'autorité délégante ne pouvait pas signer et que l'absence du préfet, ainsi que de ceux qu'il s'est substitué, dans l'ordre prévu par la délégation est présumée.Si le recueil d'actes portant délégation de signatures joint à la procédure porte mention de deux personnes recevant délégation de signature, l'arrêté comporte un ordre, résultant de ses articles, dont il résulte que délégation est donnée à la seconde en cas d'empêchement de la première. Il n'y a donc pas cumul de délégations.
Le moyen sera donc rejeté.
Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative:
L'article L 741-6 du CESEDA exige une décision écrite et motivée. Pour satisfaire à cette exigence, la décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. A ce stade, le contrôle par le juge ne porte pas sur la pertinence de la motivation, mais simplement sur son existence.
Sur l'appréciation des garanties de représentation, le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.
En l'espèce, le préfet a notamment retenu les motifs suivants :
- l'intéressé est démuni de documents d'identité et de voyage
- il a fait l'objet d'une interdiction de retour qui a été prolongée
- il ne rapporte pas la preuve d'une résidence stable et effective, ayant déclaré être dans son audition être sans domicile fixe
- il est célibataire, sans enfants et déclare vivre en concubinage depuis seulement quatre mois.
A la date à laquelle le préfet a statué, il pouvait considérer, notamment au regard de l'insuffisance des garanties de représentation, que le maintien en rétention de l'intéressé se justifiait pour permettre l'éloignement.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur l'examen de la possibilité d'une assignation à résidence:
Aux termes des articles L. 731-1 et L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L. 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Il s'ensuit que le fait de justifier disposer d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale conforme à l'article L. 612-3, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut, au cas d'espèce, légitimement être considérée par l'autorité préfectorale comme néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que [M] [K] a déclaré dans son audition, être célibataire, sans enfants, sans domicile fixe et vivre en concubinage depuis quatre mois. Il ne justifie donc pas de liens étroits et anciens en France, ni d'une résidence stable .
Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur la nécessité du placement en rétention administrative':
L'article L 731-1 du CESEDA dispose que:
'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.'
L'article l 741-1 du même code ajoute que :
'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'
L'article L. 612-3 du même code précise que:
'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, M. [M] [K] s'est maintenu sur le territoire français malgré la mesure d'éloignement et l'interdiction de retour prononcée à son encontre et prolongée. Il ne justifie ni d'une résidence stable, ni de liens étroits et anciens avec des personnes vivant en France.
Le moyen sera, en conséquence, rejeté.
Sur l'erreur manifeste d'appréciation:
L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoit que l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. Il est constant que la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.
En l'espèce, la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [M] [K] et énonce les circonstances qui justifient l'application de ces dispositions.
M. [M] [K] se prévaut de la présence en France d'un cousin, de son frère et de sa situation de concubinage avec une française. Cette situation de concubinage, selon ses propres déclarations, est très récente et a débuté après la prolongation de l'interdiction de retour dont il fait l'objet. En conséquence, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur la violation de l'article 8 de la CEDH et l'atteinte à la vie privée et familiale :
L'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pose le principe selon lequel une personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration, un étranger en situation irrégulière sur le territoire français et qui refuse de partir par ses propres moyens, constitue une ultime procédure pour faire respecter une décision administrative. Une telle mesure, encadrée par la loi et contrôlée par le juge, est limitée dans le temps et strictement proportionnée à l'objectif poursuivi de reconduite à la frontière. Elle n'entre pas en contradiction en ell-même avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
En l'espèce, M. [M] [K] est célibataire et sans enfants. Il soutient vivre en concubinage avec une personne vivant en France depuis quatre mois, le caractère intense de cette relation prévalant sur son caractère récent.
Il y a lieu de souligner néanmoins le caractère récent de cette union, qui aurait débuté le 15 décembre 2024, alors que l'interdiction de retour dont l'intéressé faisait l'objet venait d'être prolongée, la compagne de M. [M] [K] étant présentée comme une amie de la famille de longue date.
En tout état de cause, il doit être rappelé que les visites et appels téléphoniques sont autorisés au centre de rétention et que le lien familial peut ainsi être maintenu.
Le moyen consiste en réalité à critiquer la mesure d'éloignement elle-même, dont le contentieux ne relève pas du juge judiciaire.
Le moyen apparaît sera donc rejeté.
Sur les diligences entreprises par l'administration française et les perspectives d'éloignement :
L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
L'autorité administrative doit justifier les diligences qu'elle a entreprises pour saisir les autorités consulaires compétentes, mais sans avoir à les relancer dès lors qu'elle n'a aucun pouvoir de coercition sur les autorités étrangères. Elle n'a l'obligation d'exercer toutes diligences en vue du départ de l'étranger qu'à compter du placement en rétention et le juge ne saurait lui imposer la réalisation d'actes sans véritable effectivité.
En l'espèce, les autorités tunisiennes ont été saisies dès le placement en rétention de l'intéressé d'une demande d'identification et de laissez-passer. L'administration française a ainsi satisfait à son obligation de diligences.
Rien ne permet de conclure à l'absence de perspectives d'éloignement, étant rappelé qu'il s'agit d'une première demande de prolongation de la rétention.
Le moyen sera donc rejeté.
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [M] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 19 Mars 2025 à 14h30.
LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 19 MARS 2025
Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Valérie MONCOMBLE, Greffier ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 06 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [M] [K] né le 07 Janvier 1994 à [Localité 1] ;
Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 13 mars 2025 de placement en rétention administrative de M. [M] [K] ;
Vu la requête de Monsieur [M] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du PREFET DE LA SEINE MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [M] [K] ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 à 12h30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [M] [K] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 17 mars 2025 à 00h00 jusqu'au 11 avril 2025 à 24h00 ;
Vu l'appel interjeté par M. [M] [K], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 17 mars 2025 à 20h52 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],
- à l'intéressé,
- au PREFET DE LA SEINE MARITIME,
- à Me Antoine LABELLE, avocat au barreau de ROUEN, choisi,
- à [U] [G], interprète en arabe
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [M] [K];
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [U] [G] interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du PREFET DE LA SEINE MARITIME et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [M] [K] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2];
Me Antoine LABELLE, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [M] [K] déclare être ressortissant tunisien et vivre en France depuis 2011.
Il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour durant un an le 6 juin 2024. L'interdiction de retour a été prolongée de deux ans le 2 novembre 2024.
Il a été placé en rétention administrative selon arrêté du 13 mars 2025 à l'issue d'une mesure de retenue.
La prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 17 mars 2025 pour une durée de vingt-six jours.
M. [M] [K] a interjeté appel de cette décision.
Au soutien de son appel, il fait valoir :
- l'irrégularité du contrôle d'identité
- l'incompétence de l'auteur de la requête et de l'arrêté de placement en rétention
- l'insuffisance de la motivation de l'arrêté de placement en rétention
- l'absence de nécessité du placement et d'examen sérieux de la possibilité d'une assignation à résidence
- l'erreur manifeste d'appréciation
- la violation de l'article 8 de la CEDH
- l'insuffisance des diligences entreprises par l'administration française
Le préfet de la Seine-Maritime n'a ni comparu ni communiqué ses observations écrites.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par avis écrit du 18 mars 2025, a requis la confirmation de l'ordonnance.
A l'audience, le conseil de M. [M] [K] a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel.
M. [M] [K] a été entendu en ses observations.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [M] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur le contrôle d'identité et le placement en retenue:
L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose en son septième alinéa que :
'Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.'
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de saisine et mise à disposition que M. [M] [K] a fait l'objet d'un contrôle d'identité diligenté le 12 mars 2025 à 16h05 [Adresse 4] à [Localité 3], sur le fondement de réquisitions écrites du procureur de la République de Rouen visant exprèssement la recherche d'auteurs d'infractions en matière de vol le mercredi 12 mars 2025 de 15h à 21h, à l'intérieur d'un périmètre défini et illustré sur un plan dans lequel est située la [Adresse 4].
Le comportement de l'intéressé, comme l'existence de raisons plausibles de penser qu'il a commis une infraction ou se prépare à en commettre une est sans incidence, le contrôle étant fondé sur les réquisitions du procureur de la République.
A l'occasion de ce contrôle, M. [M] [K] a déclaré être de nationalité tunisienne et être dépourvu de tout document officiel permettant d'établir son identité et sa situation de séjour ou de circulation sur le territoire national.
Ces éléments suffisent à fonder son placement en retenue administrative pour vérification de son droit de circulation et de séjour en France.
Dès lors, aucune irrégularité n'apparaît établie et le moyen sera rejeté.
Sur la compétence de l'auteur de la requête et de l'arrêté de placement en rétention.:
En l'espèce, la requête aux fins d'autorisation de la prolongation de la rétention administrative, ainsi que l'arrêté de placement en rétention administrative, sont signés de Mme [I] [S], cheffe du bureau de l'éloignement et qui bénéficie d'une délégation de signature à cette fin. Les recueils d'actes de délégation de signature sont versés au dossier et il est de jurisprudence établie qu'il n'incombe pas au préfet de produire le tableau des permanences de la préfecture, document interne à celle-ci et que le juge judiciaire ne peut s'immiscer dans l'organisation des permanences des services de la préfecture.
Il est également de jurisprudence constante que la seule signature du délégataire suffit pour établir que l'autorité délégante ne pouvait pas signer et que l'absence du préfet, ainsi que de ceux qu'il s'est substitué, dans l'ordre prévu par la délégation est présumée.Si le recueil d'actes portant délégation de signatures joint à la procédure porte mention de deux personnes recevant délégation de signature, l'arrêté comporte un ordre, résultant de ses articles, dont il résulte que délégation est donnée à la seconde en cas d'empêchement de la première. Il n'y a donc pas cumul de délégations.
Le moyen sera donc rejeté.
Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative:
L'article L 741-6 du CESEDA exige une décision écrite et motivée. Pour satisfaire à cette exigence, la décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. A ce stade, le contrôle par le juge ne porte pas sur la pertinence de la motivation, mais simplement sur son existence.
Sur l'appréciation des garanties de représentation, le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.
En l'espèce, le préfet a notamment retenu les motifs suivants :
- l'intéressé est démuni de documents d'identité et de voyage
- il a fait l'objet d'une interdiction de retour qui a été prolongée
- il ne rapporte pas la preuve d'une résidence stable et effective, ayant déclaré être dans son audition être sans domicile fixe
- il est célibataire, sans enfants et déclare vivre en concubinage depuis seulement quatre mois.
A la date à laquelle le préfet a statué, il pouvait considérer, notamment au regard de l'insuffisance des garanties de représentation, que le maintien en rétention de l'intéressé se justifiait pour permettre l'éloignement.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur l'examen de la possibilité d'une assignation à résidence:
Aux termes des articles L. 731-1 et L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L. 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Il s'ensuit que le fait de justifier disposer d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale conforme à l'article L. 612-3, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut, au cas d'espèce, légitimement être considérée par l'autorité préfectorale comme néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que [M] [K] a déclaré dans son audition, être célibataire, sans enfants, sans domicile fixe et vivre en concubinage depuis quatre mois. Il ne justifie donc pas de liens étroits et anciens en France, ni d'une résidence stable .
Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur la nécessité du placement en rétention administrative':
L'article L 731-1 du CESEDA dispose que:
'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.'
L'article l 741-1 du même code ajoute que :
'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'
L'article L. 612-3 du même code précise que:
'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, M. [M] [K] s'est maintenu sur le territoire français malgré la mesure d'éloignement et l'interdiction de retour prononcée à son encontre et prolongée. Il ne justifie ni d'une résidence stable, ni de liens étroits et anciens avec des personnes vivant en France.
Le moyen sera, en conséquence, rejeté.
Sur l'erreur manifeste d'appréciation:
L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoit que l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. Il est constant que la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.
En l'espèce, la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [M] [K] et énonce les circonstances qui justifient l'application de ces dispositions.
M. [M] [K] se prévaut de la présence en France d'un cousin, de son frère et de sa situation de concubinage avec une française. Cette situation de concubinage, selon ses propres déclarations, est très récente et a débuté après la prolongation de l'interdiction de retour dont il fait l'objet. En conséquence, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur la violation de l'article 8 de la CEDH et l'atteinte à la vie privée et familiale :
L'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pose le principe selon lequel une personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration, un étranger en situation irrégulière sur le territoire français et qui refuse de partir par ses propres moyens, constitue une ultime procédure pour faire respecter une décision administrative. Une telle mesure, encadrée par la loi et contrôlée par le juge, est limitée dans le temps et strictement proportionnée à l'objectif poursuivi de reconduite à la frontière. Elle n'entre pas en contradiction en ell-même avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
En l'espèce, M. [M] [K] est célibataire et sans enfants. Il soutient vivre en concubinage avec une personne vivant en France depuis quatre mois, le caractère intense de cette relation prévalant sur son caractère récent.
Il y a lieu de souligner néanmoins le caractère récent de cette union, qui aurait débuté le 15 décembre 2024, alors que l'interdiction de retour dont l'intéressé faisait l'objet venait d'être prolongée, la compagne de M. [M] [K] étant présentée comme une amie de la famille de longue date.
En tout état de cause, il doit être rappelé que les visites et appels téléphoniques sont autorisés au centre de rétention et que le lien familial peut ainsi être maintenu.
Le moyen consiste en réalité à critiquer la mesure d'éloignement elle-même, dont le contentieux ne relève pas du juge judiciaire.
Le moyen apparaît sera donc rejeté.
Sur les diligences entreprises par l'administration française et les perspectives d'éloignement :
L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
L'autorité administrative doit justifier les diligences qu'elle a entreprises pour saisir les autorités consulaires compétentes, mais sans avoir à les relancer dès lors qu'elle n'a aucun pouvoir de coercition sur les autorités étrangères. Elle n'a l'obligation d'exercer toutes diligences en vue du départ de l'étranger qu'à compter du placement en rétention et le juge ne saurait lui imposer la réalisation d'actes sans véritable effectivité.
En l'espèce, les autorités tunisiennes ont été saisies dès le placement en rétention de l'intéressé d'une demande d'identification et de laissez-passer. L'administration française a ainsi satisfait à son obligation de diligences.
Rien ne permet de conclure à l'absence de perspectives d'éloignement, étant rappelé qu'il s'agit d'une première demande de prolongation de la rétention.
Le moyen sera donc rejeté.
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [M] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 19 Mars 2025 à 14h30.
LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.