CA Rennes, 5e ch., 19 mars 2025, n° 22/02407
RENNES
Arrêt
Autre
5ème Chambre
ARRÊT N°-91
N° RG 22/02407 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SVCN
(Réf 1ère instance : 19/06157)
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
DRFIP
RECTORAT DE L'ACADEMIE DE [Localité 7]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Février 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 19 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Pierre HOUNIEU de la SELARL RACINE BORDEAUX, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 4]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Thibaud HUC de la SELARL CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE C.A.D., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
DRFIP DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES PAYS DE LA LOIRE ET DU DÉPARTEMENT LOIRE ATLANTIQUE, administration de l'Etat, service déconcerté de l'Etat à compétence (inter) régionale, SIREN n° 130 012 925, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 3]
[Localité 7]
RECTORAT DE L'ACADEMIE DE [Localité 7], administration de l'Etat, service déconcerté de l'Etat à compétence territoriale, SIREN n° 174 404 301,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude du commissaire de justice, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 2]
[Localité 7]
Le 20 février 2017, [J] [N], élève de 5ème, aurait chuté sur le bras de son professeur, Mme [I] [L], lors d'un exercice de gymnastique, et lui aurait causé une lésion à l'épaule droite.
Le 10 juillet 2019, le rectorat a émis trois titres de perception représentant la créance définitive de l'Etat relative aux frais médicaux et aux traitements et charges patronales de Mme [I] [L] à l'encontre de la société Axa France Iard, assureur responsabilité civile des parents de [J] [N].
La société Axa France Iard a reçu les trois titres le 6 août 2019 et les a contestés par courriers du 12 août 2019 en indiquant que la matérialité des
faits n'était pas définie, que son assuré contestait les faits reprochés et qu'elle
n'avait pas reçu le rapport médical complet du docteur [E] daté du 6 juillet 2018.
Par courrier du 12 septembre 2019, le rectorat de [Localité 7] a adressé à la société Axa France Iard le rapport d'expertise médicale.
Par courrier du 26 septembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a rejeté la réclamation
de la société Axa France Iard et l'a informée que si elle souhaitait toujours
contester les titres émis par le recteur de l'académie de Nantes, il lui appartenait de 'déposer une requête devant le tribunal administratif de Nantes dans les deux mois qui suivent la date de notification de la décision (soit le 12 novembre 2019 au plus tard)'.
Par actes en date du 13 novembre 2019, la société Axa France Iard a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nantes la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de
Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7] aux fins d'annulation des titres de perception émis le 10 juillet 2019 à son encontre.
Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 19/06157.
Par courrier du 14 novembre 2019, la directrice régionale des finances publiques a avisé la société Axa France Iard que l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1965 conférait à l'agent judiciaire de l'Etat un mandat légal de représentation de l'Etat et qu'il convenait en conséquence de l'assigner en ses lieu et place.
Par acte en date du 16 décembre 2019, la société Axa France Iard a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Nantes aux mêmes fins.
Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 20/00021.
Les deux procédures ont été jointes par mention au dossier le 3 mars 2020.
Par jugement en date du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré nulle l'action introduite par la société Axa France Iard à l'encontre de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7],
- mis hors de cause la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et le rectorat de l'académie de [Localité 7],
- déclaré l'action de la société Axa France Iard irrecevable à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat,
- condamné la société Axa France lard à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Axa France Iard aux dépens.
Le 14 avril 2022, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 septembre 2024, elle demande à la cour de :
Sur l'annulation du jugement du 3 mars 2022 :
- constater que le jugement rendu le 3 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nantes, en ce qu'il l'a déclarée forclose et son action irrecevable est entachée d'erreur de droit (sic),
- annuler le jugement rendu le 3 mars 2022 frappé d'appel,
Par l'effet dévolutif de l'appel, sur le bien fondé de ses demandes :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures,
Y faisant droit,
- annuler les titres de perception n°044000 006 053 044 485574 2019 0003832, n°044000 006 053 044 485574 2019 0003833 et n°044000 006 053 044 485574 2019 0003834 émis le 10 juillet 2019 par la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département Loire-Atlantique à son encontre,
En tout état de cause,
- décharger la société Axa France Iard du paiement de :
* 2 056,11 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 485574 2019 0003832
* 19 914,91 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 485571 2019 0003833
* 1 066 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 269710 2019 0003834
- condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BG Associés.
Par dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2024, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a déclaré nulle l'action introduite par la société Axa France Iard à l'encontre de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie
de [Localité 7],
En conséquence :
- confirmer la mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de Nantes prononcé par le tribunal judiciaire de Nantes dans son jugement du 3 mars 2022,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action introduite par la société Axa France Iard,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à lui payer la somme de
1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
A titre subsidiaire,
- débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat,
A défaut
- débouter la société Axa France Iard de sa demande de condamnation aux dépens liés à la signification de ses écritures à la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et au rectorat,
En tout état de cause :
- condamner la société Axa France Iard à lui verser 1 696 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP BG Associés.
La direction régionale des finances publiques n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à personne habilitée le 9 août 2022.
Le rectorat de l'académie de [Localité 7] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à étude le 9 août 2022.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7]
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite, in limine litis, la mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7] en ce qu'il est seul compétent dans le contentieux d'opposition à exécution puisque les titres de perception ont été émis par un service de l'Etat et qu'ils portent sur une créance de droit privé.
L'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 dispose que toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor public.0
Le jugement a justement considéré que l'agent judiciaire de l'Etat était seul compétent dans ce contentieux d'opposition à exécution de titres de perception émis par un service de l'Etat et portant sur une créance de droit privé pour retenir que ni la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique ni le rectorat de l'académie de [Localité 7] n'avaient la capacité d'agir ou de défendre en justice de sorte que l'action intentée à leur égard était nulle et les a mis hors de cause. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'agir
La société Axa France Iard sollicite l'annulation du jugement entrepris pour erreur de droit.
Elle critique la décision déférée qui a considéré que son action n'était pas recevable car forclose.
Elle soutient qu'il est de jurisprudence constante que l'absence de mention ou la mention erronée des voies et délais de recours empêche celui-ci de courir et cite diverses jurisprudences en ce sens notamment un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 8 mars 2024. Elle argue que la circonstance que des dispositions légales et réglementaires soient de portée générale et d'usage habituel ne permet pas de justifier qu'il soit dérogé à cette constante jurisprudentielle et reproche à l'agent judiciaire de l'Etat de ne pas démontrer en quoi les dispositions de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, instituant à son profit un monopole de représentation de l'Etat devant les juridictions judiciaires, autoriseraient à déroger à la règle jurisprudentielle constante qu'elle cite.
Elle considère, en conséquence, avoir bien agi dans les délais de recours contentieux dans la mesure où aucun délai n'a commencé à courir en raison de l'absence de notification des voies et délais de recours par le seul organe compétent pour y procéder, à savoir le rectorat de [Localité 7] en sa qualité d'ordonnateur, lequel était le seul compétent pour connaître de la contestation sur le bien-fondé de sa créance. Elle précise que la compétence du rectorat n'était d'ailleurs pas contestée par la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique, tout comme le fait que le rectorat n'a jamais apporté de réponse à la réclamation qui lui a été répercuté par les services fiscaux dans le délai de 6 mois mentionné dans le courrier précité.
Elle en déduit qu'en l'absence de réponse de la part du rectorat, qu'il s'agisse d'un accusé de réception de la contestation dans lequel aurait été mentionné les voies et délais de recours applicables ou d'une réponse expresse, aucune voie ni délai de recours ne lui a été notifié de sorte qu'aucun délai de recours ne saurait lui être opposable. Elle ajoute que rien ne justifie qu'elle soit privée de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'elle cite et ce d'autant qu'elle a été confrontée à trois erreurs dans la mention des voies et délais de recours du courrier du 26 septembre 2019.
La société Axa France Iard expose que si la cour retenait que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique était compétente pour notifier les délais et voies de recours, celle-ci ne pourrait que constater qu'elle a agi dans les délais de recours contentieux indiqué. Elle argue que dans son courrier du 21 août 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique indiquait que le rectorat disposait de 6 mois pour lui répondre et qu'à défaut d'une décision formulée dans ce délai, naîtrait une décision implicite de rejet qui pourrait être contestée par la voie contentieuse sous 2 mois, soit jusqu'au 21 avril 2020. Elle indique qu'il n'est pas contesté que l'agent judiciaire de l'Etat ne lui a pas répondu dans les 6 mois de sorte que la délivrance de son assignation à l'agent judiciaire de l'Etat le 16 décembre 2020 est parfaitement régulière. Elle considère que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a commis une erreur dans son courrier du 26 septembre 2019 en indiquant que l'envoi par le rectorat le 12 septembre 2019 de la copie de l'expertise médicale annulait la suspension de la force exécutoire des titres de perception émis au motif que l'envoi d'un bordereau de communication de pièces ne saurait être regardé comme une réponse à une contestation du bien-fondé d'une créance.
La société Axa France Iard fait valoir que si la cour retenait que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique était compétente pour notifier les délais et voies de recours, elle ne pourrait qu'annuler le jugement entrepris en considérant que l'appelante n'était pas forclose au regard des trois erreurs suivantes entachant la notification des voies et délais de recours :
- en indiquant à tort la compétence du juge administratif alors que le juge judiciaire est compétent en cas de contestation d'une créance qui trouve son origine dans un rapport de droit privé,
- en mentionnant une date butoir erronée au 12 novembre 2019 alors qu'il s'agissait du 27 novembre 2019 au vu du délai de deux mois prévu par les dispositions du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 à compter du courrier du 26 septembre 2019,
- en ne précisant pas qu'il convenait d'assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le juge judiciaire.
Elle indique que le jugement entrepris a relevé l'existence de ces trois erreurs mais le critique en ce qu'il a considéré, en raison du caractère général et d'application habituelle du texte relatif à la compétence de l'agent judiciaire de l'Etat, que ce défaut d'information n'avait aucune incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours à son encontre.
Enfin, la société Axa France Iard soutient que la transmission de l'information selon laquelle seul l'agent judiciaire de l'Etat était compétent pour connaître de toute contestation contre les titres querellés par courrier du 14 novembre 2019 ne pouvait être considérée comme régularisant le défaut d'information des voies et délais de recours dans l'acte de notification initial.
En réponse, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré la société Axa France Iard irrecevable en son action.
Il rappelle les dispositions de l'article 118 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 qui institue un délai de deux mois pour contester un titre de perception notamment à compter de la date de notification du titre.
Il expose que :
- la société Axa France Iard a contesté les trois titres de perception le 12 août 2019, invoquant comme motif l'absence de réception du rapport complet du docteur [E],
- le rectorat de l'académie de [Localité 7] lui a transmis ledit rapport le 12 septembre 2019, ouvrant à la demanderesse un délai de deux mois pour exercer un recours,
- la société Axa France Iard a assigné la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et le rectorat le 13 novembre en dehors du délai préfix et l'a assigné le 16 décembre 2019 également en dehors du délai préfix.
Il reprend à son compte l'ensemble de la motivation du tribunal qui a considéré que l'erreur sur la date butoir et sur la juridiction compétente n'a pas induit en erreur la société Axa France Iard qui a introduit l'instance devant la juridiction judiciaire compétente avant la date butoir du 27 novembre 2019 et qui a rappelé que les dispositions de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 sur la compétence de l'agent judiciaire de l'Etat était un texte général d'application habituelle en matière d'action contre les administrations publiques devant les tribunaux judiciaires et en a déduit qu'il ne pouvait être reproché à l'administration de ne pas avoir mentionné cette information dans le courrier de rejet du 26 septembre 2019.
Il rappelle à cet égard que les dispositions de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 sont d'ordre public et que la société Axa France Iard ne saurait prétendre les ignorer.
Il ajoute que la jurisprudence produite par l'appelante porte sur des dispositions particulières du code de la sécurité sociale et du code général des collectivités territoriales qui sont sans rapport avec le présent litige s'agissant d'une créance de l'Etat.
Aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes des dispositions de l'article 118 du décret n°21012-1246 du 7 novembre 2012, dans sa version applicable au litige, en cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer.
Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause.
Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. À défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée.
La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.
L'article 119 du même décret indique que le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118.
Les parties s'accordent sur le fait que le débiteur, qui entend contester un titre exécutoire émis par le rectorat, doit saisir le juge judiciaire dans le délai de deux mois prévu par l'article 118 précité.
En l'espèce, par courrier du 12 août 2019, la société Axa France Iard a contesté devant le comptable chargé du recouvrement des trois titres de perception, soit la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique, qui lui avaient été adressés par le rectorat de l'académie de [Localité 7] le 6 août 2019 dans le délai de deux mois.
Par courrier du 21 août 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a accusé réception de la réclamation formulée par la société Axa France Iard le 12 août 2019 concernant les trois titres exécutoires. La direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique indique transmettre la contestation aux services du rectorat pour connaître de la contestation de sorte que l'appelante ne peut soutenir que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a été celle qui a eu à connaître de la contestation des titres exécutoires. Elle rappelle aux termes de ce courrier le délai dont dispose le rectorat pour statuer et les voies et délais de recours conformément à l'alinéa 3 de l'article 118 précité.
Puis par courrier du 26 septembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a informé la société Axa France Iard du rejet de sa réclamation. L'objet du courrier indique 'rejet de votre réclamation et demande de règlement' et vise les trois titres de perception adressés par le rectorat.
Il apparaît à la lecture de ce courrier que par courrier recommandé du 12 septembre 2019, le rectorat de l'académie de [Localité 7] a adressé à la société Axa France Iard la copie de l'expertise médicale et la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique précise que 'cet envoi annule la suspension de la force exécutoire des titres de perception émis à votre encontre'.
Il résulte de cette mention que le rectorat, seul à même de connaître de la contestation d'un titre exécutoire, a entendu rejeter la contestation formulée par l'assureur au sujet des titres exécutoires qu'il a émis au travers de son courrier du 12 septembre 2019.
La direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a, suite à cette décision de rejet implicite du rectorat, informé l'assureur du rejet de sa contestation par ce courrier du 26 septembre 2019 qui constitue la date de notification de la décision prise sur la réclamation de la société Axa France Iard et par voie de conséquence lui a indiqué les voies et délais de recours conformément aux dispositions de l'article 118 et 119 précités.
Toutefois, il est constant que cette information sur les voies et délais de recours comportent deux erreurs en mentionnant le tribunal administratif et un délai de recours au 12 novembre 2019 au lieu du 27 novembre 2019, dans les deux mois de la notification de rejet du 26 septembre 2019. Or les premiers juges ont justement relevé que ces erreurs n'ont pas eu de conséquences puisque la société Axa France Iard a délivré son assignation devant la bonne juridiction, à savoir le tribunal judiciaire et non le tribunal administratif, et à une date antérieure à la date butoir effective du 27 novembre 2019, en l'occurrence le 13 novembre 2019.
S'agissant de la jurisprudence citée par l'appelante, il apparaît que les différentes décisions sont relatives à des créances des collectivités territoriales, et non à des créances de l'Etat et se fondent sur les dispositions des articles L.1617-5 2° du code général des collectivités publiques et l'article R.421-5 du code de justice administrative qui ne sont pas transposables au cas d'espèce qui relève des dispositions précitées des articles 118 et 119 du décret n°2012-1246 qui ne concernent que l'Etat.
En revanche, la société Axa France Iard a assigné la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et le rectorat de l'académie de [Localité 7] alors que les actions portées devant les juridictions judiciaires ne peuvent être portées que contre l'agent judiciaire de l'Etat au visa de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 qui institue à son profit un monopole de représentation de l'Etat devant les juridictions judiciaires.
Par ailleurs, il ne peut être reproché à la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique dans son courrier du 26 septembre 2019 de ne pas préciser qu'il convenait d'assigner l'Agent judiciaire de l'Etat devant le juge judiciaire dans la mesure où l'article 118 précité ne le mentionne pas et qu'il s'agit, au surplus, d'une disposition d'ordre public que l'appelante ne peut ignorer.
De surcroît, par courrier du 14 novembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a informé la société Axa France Iard de la nécessité d'assigner l'agent judiciaire de l'Etat par courrier du 14 novembre 2019, soit avant le délai préfix, qui aurait permis à l'assureur d'introduire son action contre l'agent judiciaire de l'Etat dans le délai butoir.
Or, il apparaît que la société Axa France Iard a délivré son assignation à l'Agent judiciaire de l'Etat le 16 décembre 2019 soit au-delà du délai de deux mois prévu par l'article 118 précité pour contester la décision de rejet de sa contestation.
Les premiers juges en ont justement déduit, sans commettre d'erreur de droit, que la société Axa France Iard était forclose et que son action n'était pas recevable. Le jugement sera confirmé sans qu'il y ait lieu d'examiner les demandes de l'appelante sur la régularité des titres exécutoires émis et sur l'absence de bien-fondé des créances à l'origine des titres de perception.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société Axa France Iard sera condamnée à verser à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 696 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , par défaut et par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société Axa France Iard de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société Axa France Iard à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 696 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa France Iard aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,
ARRÊT N°-91
N° RG 22/02407 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SVCN
(Réf 1ère instance : 19/06157)
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
DRFIP
RECTORAT DE L'ACADEMIE DE [Localité 7]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Février 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 19 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Pierre HOUNIEU de la SELARL RACINE BORDEAUX, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 4]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Thibaud HUC de la SELARL CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE C.A.D., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
DRFIP DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES PAYS DE LA LOIRE ET DU DÉPARTEMENT LOIRE ATLANTIQUE, administration de l'Etat, service déconcerté de l'Etat à compétence (inter) régionale, SIREN n° 130 012 925, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 3]
[Localité 7]
RECTORAT DE L'ACADEMIE DE [Localité 7], administration de l'Etat, service déconcerté de l'Etat à compétence territoriale, SIREN n° 174 404 301,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude du commissaire de justice, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 2]
[Localité 7]
Le 20 février 2017, [J] [N], élève de 5ème, aurait chuté sur le bras de son professeur, Mme [I] [L], lors d'un exercice de gymnastique, et lui aurait causé une lésion à l'épaule droite.
Le 10 juillet 2019, le rectorat a émis trois titres de perception représentant la créance définitive de l'Etat relative aux frais médicaux et aux traitements et charges patronales de Mme [I] [L] à l'encontre de la société Axa France Iard, assureur responsabilité civile des parents de [J] [N].
La société Axa France Iard a reçu les trois titres le 6 août 2019 et les a contestés par courriers du 12 août 2019 en indiquant que la matérialité des
faits n'était pas définie, que son assuré contestait les faits reprochés et qu'elle
n'avait pas reçu le rapport médical complet du docteur [E] daté du 6 juillet 2018.
Par courrier du 12 septembre 2019, le rectorat de [Localité 7] a adressé à la société Axa France Iard le rapport d'expertise médicale.
Par courrier du 26 septembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a rejeté la réclamation
de la société Axa France Iard et l'a informée que si elle souhaitait toujours
contester les titres émis par le recteur de l'académie de Nantes, il lui appartenait de 'déposer une requête devant le tribunal administratif de Nantes dans les deux mois qui suivent la date de notification de la décision (soit le 12 novembre 2019 au plus tard)'.
Par actes en date du 13 novembre 2019, la société Axa France Iard a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nantes la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de
Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7] aux fins d'annulation des titres de perception émis le 10 juillet 2019 à son encontre.
Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 19/06157.
Par courrier du 14 novembre 2019, la directrice régionale des finances publiques a avisé la société Axa France Iard que l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1965 conférait à l'agent judiciaire de l'Etat un mandat légal de représentation de l'Etat et qu'il convenait en conséquence de l'assigner en ses lieu et place.
Par acte en date du 16 décembre 2019, la société Axa France Iard a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Nantes aux mêmes fins.
Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 20/00021.
Les deux procédures ont été jointes par mention au dossier le 3 mars 2020.
Par jugement en date du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré nulle l'action introduite par la société Axa France Iard à l'encontre de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7],
- mis hors de cause la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et le rectorat de l'académie de [Localité 7],
- déclaré l'action de la société Axa France Iard irrecevable à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat,
- condamné la société Axa France lard à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Axa France Iard aux dépens.
Le 14 avril 2022, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 septembre 2024, elle demande à la cour de :
Sur l'annulation du jugement du 3 mars 2022 :
- constater que le jugement rendu le 3 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nantes, en ce qu'il l'a déclarée forclose et son action irrecevable est entachée d'erreur de droit (sic),
- annuler le jugement rendu le 3 mars 2022 frappé d'appel,
Par l'effet dévolutif de l'appel, sur le bien fondé de ses demandes :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures,
Y faisant droit,
- annuler les titres de perception n°044000 006 053 044 485574 2019 0003832, n°044000 006 053 044 485574 2019 0003833 et n°044000 006 053 044 485574 2019 0003834 émis le 10 juillet 2019 par la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département Loire-Atlantique à son encontre,
En tout état de cause,
- décharger la société Axa France Iard du paiement de :
* 2 056,11 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 485574 2019 0003832
* 19 914,91 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 485571 2019 0003833
* 1 066 euros selon le titre contesté n°044000 006 053 044 269710 2019 0003834
- condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BG Associés.
Par dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2024, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a déclaré nulle l'action introduite par la société Axa France Iard à l'encontre de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie
de [Localité 7],
En conséquence :
- confirmer la mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de Nantes prononcé par le tribunal judiciaire de Nantes dans son jugement du 3 mars 2022,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action introduite par la société Axa France Iard,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à lui payer la somme de
1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
A titre subsidiaire,
- débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat,
A défaut
- débouter la société Axa France Iard de sa demande de condamnation aux dépens liés à la signification de ses écritures à la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique et au rectorat,
En tout état de cause :
- condamner la société Axa France Iard à lui verser 1 696 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP BG Associés.
La direction régionale des finances publiques n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à personne habilitée le 9 août 2022.
Le rectorat de l'académie de [Localité 7] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à étude le 9 août 2022.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7]
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite, in limine litis, la mise hors de cause de la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et du rectorat de l'académie de [Localité 7] en ce qu'il est seul compétent dans le contentieux d'opposition à exécution puisque les titres de perception ont été émis par un service de l'Etat et qu'ils portent sur une créance de droit privé.
L'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 dispose que toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor public.0
Le jugement a justement considéré que l'agent judiciaire de l'Etat était seul compétent dans ce contentieux d'opposition à exécution de titres de perception émis par un service de l'Etat et portant sur une créance de droit privé pour retenir que ni la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique ni le rectorat de l'académie de [Localité 7] n'avaient la capacité d'agir ou de défendre en justice de sorte que l'action intentée à leur égard était nulle et les a mis hors de cause. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'agir
La société Axa France Iard sollicite l'annulation du jugement entrepris pour erreur de droit.
Elle critique la décision déférée qui a considéré que son action n'était pas recevable car forclose.
Elle soutient qu'il est de jurisprudence constante que l'absence de mention ou la mention erronée des voies et délais de recours empêche celui-ci de courir et cite diverses jurisprudences en ce sens notamment un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 8 mars 2024. Elle argue que la circonstance que des dispositions légales et réglementaires soient de portée générale et d'usage habituel ne permet pas de justifier qu'il soit dérogé à cette constante jurisprudentielle et reproche à l'agent judiciaire de l'Etat de ne pas démontrer en quoi les dispositions de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, instituant à son profit un monopole de représentation de l'Etat devant les juridictions judiciaires, autoriseraient à déroger à la règle jurisprudentielle constante qu'elle cite.
Elle considère, en conséquence, avoir bien agi dans les délais de recours contentieux dans la mesure où aucun délai n'a commencé à courir en raison de l'absence de notification des voies et délais de recours par le seul organe compétent pour y procéder, à savoir le rectorat de [Localité 7] en sa qualité d'ordonnateur, lequel était le seul compétent pour connaître de la contestation sur le bien-fondé de sa créance. Elle précise que la compétence du rectorat n'était d'ailleurs pas contestée par la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique, tout comme le fait que le rectorat n'a jamais apporté de réponse à la réclamation qui lui a été répercuté par les services fiscaux dans le délai de 6 mois mentionné dans le courrier précité.
Elle en déduit qu'en l'absence de réponse de la part du rectorat, qu'il s'agisse d'un accusé de réception de la contestation dans lequel aurait été mentionné les voies et délais de recours applicables ou d'une réponse expresse, aucune voie ni délai de recours ne lui a été notifié de sorte qu'aucun délai de recours ne saurait lui être opposable. Elle ajoute que rien ne justifie qu'elle soit privée de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'elle cite et ce d'autant qu'elle a été confrontée à trois erreurs dans la mention des voies et délais de recours du courrier du 26 septembre 2019.
La société Axa France Iard expose que si la cour retenait que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique était compétente pour notifier les délais et voies de recours, celle-ci ne pourrait que constater qu'elle a agi dans les délais de recours contentieux indiqué. Elle argue que dans son courrier du 21 août 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique indiquait que le rectorat disposait de 6 mois pour lui répondre et qu'à défaut d'une décision formulée dans ce délai, naîtrait une décision implicite de rejet qui pourrait être contestée par la voie contentieuse sous 2 mois, soit jusqu'au 21 avril 2020. Elle indique qu'il n'est pas contesté que l'agent judiciaire de l'Etat ne lui a pas répondu dans les 6 mois de sorte que la délivrance de son assignation à l'agent judiciaire de l'Etat le 16 décembre 2020 est parfaitement régulière. Elle considère que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a commis une erreur dans son courrier du 26 septembre 2019 en indiquant que l'envoi par le rectorat le 12 septembre 2019 de la copie de l'expertise médicale annulait la suspension de la force exécutoire des titres de perception émis au motif que l'envoi d'un bordereau de communication de pièces ne saurait être regardé comme une réponse à une contestation du bien-fondé d'une créance.
La société Axa France Iard fait valoir que si la cour retenait que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique était compétente pour notifier les délais et voies de recours, elle ne pourrait qu'annuler le jugement entrepris en considérant que l'appelante n'était pas forclose au regard des trois erreurs suivantes entachant la notification des voies et délais de recours :
- en indiquant à tort la compétence du juge administratif alors que le juge judiciaire est compétent en cas de contestation d'une créance qui trouve son origine dans un rapport de droit privé,
- en mentionnant une date butoir erronée au 12 novembre 2019 alors qu'il s'agissait du 27 novembre 2019 au vu du délai de deux mois prévu par les dispositions du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 à compter du courrier du 26 septembre 2019,
- en ne précisant pas qu'il convenait d'assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le juge judiciaire.
Elle indique que le jugement entrepris a relevé l'existence de ces trois erreurs mais le critique en ce qu'il a considéré, en raison du caractère général et d'application habituelle du texte relatif à la compétence de l'agent judiciaire de l'Etat, que ce défaut d'information n'avait aucune incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours à son encontre.
Enfin, la société Axa France Iard soutient que la transmission de l'information selon laquelle seul l'agent judiciaire de l'Etat était compétent pour connaître de toute contestation contre les titres querellés par courrier du 14 novembre 2019 ne pouvait être considérée comme régularisant le défaut d'information des voies et délais de recours dans l'acte de notification initial.
En réponse, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré la société Axa France Iard irrecevable en son action.
Il rappelle les dispositions de l'article 118 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 qui institue un délai de deux mois pour contester un titre de perception notamment à compter de la date de notification du titre.
Il expose que :
- la société Axa France Iard a contesté les trois titres de perception le 12 août 2019, invoquant comme motif l'absence de réception du rapport complet du docteur [E],
- le rectorat de l'académie de [Localité 7] lui a transmis ledit rapport le 12 septembre 2019, ouvrant à la demanderesse un délai de deux mois pour exercer un recours,
- la société Axa France Iard a assigné la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et le rectorat le 13 novembre en dehors du délai préfix et l'a assigné le 16 décembre 2019 également en dehors du délai préfix.
Il reprend à son compte l'ensemble de la motivation du tribunal qui a considéré que l'erreur sur la date butoir et sur la juridiction compétente n'a pas induit en erreur la société Axa France Iard qui a introduit l'instance devant la juridiction judiciaire compétente avant la date butoir du 27 novembre 2019 et qui a rappelé que les dispositions de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 sur la compétence de l'agent judiciaire de l'Etat était un texte général d'application habituelle en matière d'action contre les administrations publiques devant les tribunaux judiciaires et en a déduit qu'il ne pouvait être reproché à l'administration de ne pas avoir mentionné cette information dans le courrier de rejet du 26 septembre 2019.
Il rappelle à cet égard que les dispositions de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 sont d'ordre public et que la société Axa France Iard ne saurait prétendre les ignorer.
Il ajoute que la jurisprudence produite par l'appelante porte sur des dispositions particulières du code de la sécurité sociale et du code général des collectivités territoriales qui sont sans rapport avec le présent litige s'agissant d'une créance de l'Etat.
Aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes des dispositions de l'article 118 du décret n°21012-1246 du 7 novembre 2012, dans sa version applicable au litige, en cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer.
Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause.
Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. À défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée.
La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.
L'article 119 du même décret indique que le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118.
Les parties s'accordent sur le fait que le débiteur, qui entend contester un titre exécutoire émis par le rectorat, doit saisir le juge judiciaire dans le délai de deux mois prévu par l'article 118 précité.
En l'espèce, par courrier du 12 août 2019, la société Axa France Iard a contesté devant le comptable chargé du recouvrement des trois titres de perception, soit la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique, qui lui avaient été adressés par le rectorat de l'académie de [Localité 7] le 6 août 2019 dans le délai de deux mois.
Par courrier du 21 août 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a accusé réception de la réclamation formulée par la société Axa France Iard le 12 août 2019 concernant les trois titres exécutoires. La direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique indique transmettre la contestation aux services du rectorat pour connaître de la contestation de sorte que l'appelante ne peut soutenir que la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a été celle qui a eu à connaître de la contestation des titres exécutoires. Elle rappelle aux termes de ce courrier le délai dont dispose le rectorat pour statuer et les voies et délais de recours conformément à l'alinéa 3 de l'article 118 précité.
Puis par courrier du 26 septembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a informé la société Axa France Iard du rejet de sa réclamation. L'objet du courrier indique 'rejet de votre réclamation et demande de règlement' et vise les trois titres de perception adressés par le rectorat.
Il apparaît à la lecture de ce courrier que par courrier recommandé du 12 septembre 2019, le rectorat de l'académie de [Localité 7] a adressé à la société Axa France Iard la copie de l'expertise médicale et la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique précise que 'cet envoi annule la suspension de la force exécutoire des titres de perception émis à votre encontre'.
Il résulte de cette mention que le rectorat, seul à même de connaître de la contestation d'un titre exécutoire, a entendu rejeter la contestation formulée par l'assureur au sujet des titres exécutoires qu'il a émis au travers de son courrier du 12 septembre 2019.
La direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a, suite à cette décision de rejet implicite du rectorat, informé l'assureur du rejet de sa contestation par ce courrier du 26 septembre 2019 qui constitue la date de notification de la décision prise sur la réclamation de la société Axa France Iard et par voie de conséquence lui a indiqué les voies et délais de recours conformément aux dispositions de l'article 118 et 119 précités.
Toutefois, il est constant que cette information sur les voies et délais de recours comportent deux erreurs en mentionnant le tribunal administratif et un délai de recours au 12 novembre 2019 au lieu du 27 novembre 2019, dans les deux mois de la notification de rejet du 26 septembre 2019. Or les premiers juges ont justement relevé que ces erreurs n'ont pas eu de conséquences puisque la société Axa France Iard a délivré son assignation devant la bonne juridiction, à savoir le tribunal judiciaire et non le tribunal administratif, et à une date antérieure à la date butoir effective du 27 novembre 2019, en l'occurrence le 13 novembre 2019.
S'agissant de la jurisprudence citée par l'appelante, il apparaît que les différentes décisions sont relatives à des créances des collectivités territoriales, et non à des créances de l'Etat et se fondent sur les dispositions des articles L.1617-5 2° du code général des collectivités publiques et l'article R.421-5 du code de justice administrative qui ne sont pas transposables au cas d'espèce qui relève des dispositions précitées des articles 118 et 119 du décret n°2012-1246 qui ne concernent que l'Etat.
En revanche, la société Axa France Iard a assigné la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique et le rectorat de l'académie de [Localité 7] alors que les actions portées devant les juridictions judiciaires ne peuvent être portées que contre l'agent judiciaire de l'Etat au visa de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 qui institue à son profit un monopole de représentation de l'Etat devant les juridictions judiciaires.
Par ailleurs, il ne peut être reproché à la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique dans son courrier du 26 septembre 2019 de ne pas préciser qu'il convenait d'assigner l'Agent judiciaire de l'Etat devant le juge judiciaire dans la mesure où l'article 118 précité ne le mentionne pas et qu'il s'agit, au surplus, d'une disposition d'ordre public que l'appelante ne peut ignorer.
De surcroît, par courrier du 14 novembre 2019, la direction régionale des finances publiques des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique a informé la société Axa France Iard de la nécessité d'assigner l'agent judiciaire de l'Etat par courrier du 14 novembre 2019, soit avant le délai préfix, qui aurait permis à l'assureur d'introduire son action contre l'agent judiciaire de l'Etat dans le délai butoir.
Or, il apparaît que la société Axa France Iard a délivré son assignation à l'Agent judiciaire de l'Etat le 16 décembre 2019 soit au-delà du délai de deux mois prévu par l'article 118 précité pour contester la décision de rejet de sa contestation.
Les premiers juges en ont justement déduit, sans commettre d'erreur de droit, que la société Axa France Iard était forclose et que son action n'était pas recevable. Le jugement sera confirmé sans qu'il y ait lieu d'examiner les demandes de l'appelante sur la régularité des titres exécutoires émis et sur l'absence de bien-fondé des créances à l'origine des titres de perception.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société Axa France Iard sera condamnée à verser à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 696 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , par défaut et par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société Axa France Iard de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société Axa France Iard à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 696 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa France Iard aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,