CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 mars 2025, n° 23/13211
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Wome Stay (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barutel
Conseillers :
Mme Bohee, Mme Chokron
Avocats :
Me Manier, Me Barissat, Me Ganoote-Mary
FAITS ET PROCÉDURE
Le 16 mai 2022, la société Wome Stay a déposé une demande d'enregistrement n°4869711 de la marque verbale française NABOO.
Le 4 août 2022, la société [I] a formé opposition à l'enregistrement de cette marque sur la base de sa marque verbale française [I] n°4646092 déposée le 9 mai 2020.
Par décision du 29 juin 2023, le directeur général de l'Inpi a reconnu partiellement justifiée l'opposition, et, en conséquence, a partiellement rejeté la demande d'enregistrement de la marque n°4869711 pour les services suivants : « Services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial ; Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau ; Logiciel-service (SaaS), plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail ».
La société Wome Stay a formé un recours contre cette décision le 24 juillet 2023.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 4 novembre 2024, la société Wome Stay demande à la cour de :
annuler la décision de l'INPI du 29 juin 2023 en ce qu'elle a décidé que :
Article 1 : L'opposition est reconnue justifiée, en ce qu'elle porte sur les services suivants : «Services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial ; Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau ; Logiciel-service (SaaS), plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail ».
Article 2 : La demande d'enregistrement est partiellement rejetée, pour les services précités.
Juger que la marque n°4869711 « NABOO » ne constitue pas l'imitation ni la reproduction de la marque antérieure [I] pour les services visés en classes 35 et 42 ;
Juger que la marque n°4869711 « NABOO » devra être enregistrée en classes 35 et 42 pour les services suivants : Classe 35 Services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial ; Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau ; Classe 42 Logiciel-service (SaaS), plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail.
En tout état de cause :
Dire et juger que la société [I] est mal fondée en ses demandes ;
En conséquence, débouter la société [I] de l'intégralité de ses demandes ;
Dire que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe et par lettre recommandée avec accusé de réception au Directeur Général de l'Institut national de la propriété industrielle ;
Condamner la société [I] à verser à la société WOME STAY la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 29 août 2024, la société [I] demande à la cour de :
CONFIRMER la décision du directeur de l'INPI du 29 juin 2023 en ce qu'il a reconnu l'opposition reconnue justifiée, en ce qu'elle porte sur les services suivants : « Services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial ; Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau ; Logiciel-service (SaaS), plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail » ;
CONFIRMER la décision du directeur de l'INPI du 29 juin 2023 en ce qu'il a rejeté partiellement l'enregistrement de la demande d'enregistrement « NABOO » pour les services précités.
CONDAMNER la société WOME STAY à verser à la société [I] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société WOME STAY aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est expressément renvoyé à la décision ainsi qu'aux écritures et observations susvisées.
Sur la comparaison entre les « services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial » de la demande d'enregistrement contestée et les services de « publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; diffusion d'annonces publicitaires » de la marque antérieure
La société Wome Stay prétend que les services de « publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique » sont des services rendus par des agences de publicité se chargeant de la communication au public des entreprises par tous moyens de diffusion et concernant toutes sortes de marchandises ou de services alors que les « services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial» sont des services visant à promouvoir la diffusion spécifique d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail ; que ces services ne sont donc pas rendus par des agences de publicité mais par des opérateurs spécifiques (entreprises spécialisées dans la vente de séjours par le télétravail) pour les entreprises qui souhaitent organiser des séjours de télétravail pour leurs salariés ; que ces services ne présentent donc pas la même nature ni la même destination et ne répondent pas au même besoin pour la clientèle visée ; que les libellés des produits et services doivent être suffisamment précis pour permettre de déterminer la portée de la protection avec clarté et précision ; que les « Services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial » ne sont pas non plus complémentaires aux services de « publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique », dans la mesure où l'un n'est pas indispensable (essentiel) ou important (significatif) pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs ne sont pas amener à penser que la responsabilité de l'offre de ces services incombe à la même entreprise.
La société [I] comme le directeur de l'INPI font valoir que ces services sont similaires.
Sur ce,
Les « services de diffusion d'annonces d'hébergements de séjours de télétravail par l'intermédiaire d'un réseau informatique mondial » de la demande d'enregistrement visent à diffuser et faire la promotion, via notamment un site internet, d'annonces proposant de réserver des hébergements pour des séjours en télétravail, et les services de « publicité en ligne sur un réseau informatique ; diffusion d'annonces publicitaires » sont relatifs à des prestations visant par divers moyens à faire connaître des produits ou des services d'une marque et à inciter le public à les consommer en ligne via un réseau informatique de sorte que les services de la demande d'enregistrement contestée relèvent de la catégorie plus large des services de publicité et d'annonces publicitaires en ligne avec lesquels ils partagent une même finalité et un même canal de diffusion. Le directeur de l'Inpi a donc pertinemment retenu qu'il s'agissait de services similaires.
Sur la comparaison entre les services de « plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail » de la demande d'enregistrement contestée et le service de « logiciel-service (SaaS) » de la marque antérieure
La société Wome Stay fait valoir que la complémentarité des services de « plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail » avec ceux de « Logiciel-service (SaaS) » ne peut être suffisamment concluante pour établir une similitude entre les services ; que ces services ne présentent pas la même nature ni la même destination puisque les activités dont ils relèvent diffèrent et qu'ils ne répondent pas au même besoin pour la clientèle visée ; que ces services ne sont pas rendus par les mêmes personnes (programmateurs et informaticiens vs opérateurs spécifiques spécialisés dans la vente de séjours de télétravail) ; que les termes généraux de « Logiciel-service (SaaS)», ne peuvent être interprétés comme se rapportant à des services de « plateforme informatique en tant que service (SaaS) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail» dès lors que ces caractéristiques n'ont pas été explicitement identifiées ; que les consommateurs ne peuvent être amenés à penser que la responsabilité de l'offre de ces services incombe à la même entreprise.
La société [I] comme le directeur de l'INPI font valoir que ces services sont similaires.
Sur ce,
Un service de « plateforme informatique en tant que service Saas (software as a service) pour la réservation en ligne de séjours de courte durée pour le télétravail » est un service dans lequel un fournisseur tiers met à la disposition de ses clients, sur une plateforme, des logiciels, et ce pour la réservation de séjours de télétravail de courte durée de sorte qu'il s'agit d'un service similaire à un service de « logiciel-service (SaaS) », la prestation de la demande d'enregistrement contestée nécessitant le recours aux « logiciels-service (Saas) » de la marque antérieure, peu important que le service de la demande d'enregistrement ait une destination spécifique, à savoir la réservation de séjours de télétravail de courte durée, cette précision ne le faisant pas échapper à sa nature de plateforme incluant la fourniture de logiciel-service, étant précisé que ce service bien spécifique est libellé de façon suffisamment précise. Le directeur de l'Inpi a donc pertinemment retenu que les services en cause sont similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune.
Sur la comparaison des signes
La société Wome Stay fait valoir que sur le plan visuel les signes se composent d'une seule dénomination et se distinguent nettement du fait des lettres [u] et [oo] dans la seconde syllabe ; que sur le plan phonétique, le public français ne sera pas amené à prononcer le « u » avec le son [ou] de la langue anglaise ; que les marques présentent donc des différences importantes du point de vue de leur prononciation ; qu'au plan conceptuel, si la marque [I] est le fruit d'une invention, la demande d'enregistrement de la marque NABOO fait quant à elle référence à la planète « NABOO », néologisme créé pour les films de la saga « la Guerre des Étoiles » / « Star Wars », dont l'univers de science-fiction est aujourd'hui connu et reconnu dans le monde entier par le grand public ; que les différences conceptuelles entre les signes sont de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques avec la marque Nabu ; que le public pertinent, à savoir le public professionnel normalement informé et raisonnablement attentif fera clairement et immédiatement la distinction entre les marques et ne pensera pas que la marque NABOO appartient à la société [I].
La société [I] soutient en substance qu'il existe un risque de confusion entre les signes [I] et NABBO dans l'esprit du public visé.
Le directeur de l'Inpi fait valoir qu'aucune différence intellectuelle n'est susceptible de supplanter les fortes ressemblances visuelle et phonétique entre les signes en cause ; qu'il existe donc un risque de confusion.
Le signe contesté ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, le risque étant d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.
Visuellement, les deux signes en présence sont chacun constitués d'un terme unique de longueur comparable, et ont en commun les lettres N, A et B, placées dans le même ordre et selon le même rang pour former la même séquence d'attaque « NAB », ce qui leur confère une physionomie visuelle très semblable.
Phonétiquement, les deux signes possèdent un même rythme en deux temps, et partagent une première syllabe identique [na] et une seconde très semblable ([bou]/[bu]), la substitution des lettres « OO » à la voyelle « U » dans le signe contesté n'ayant qu'une incidence mineure sur sa prononciation, ces deux sonorités étant pareillement douces et ouvertes, la différence de prononciation étant minime, et ce d'autant que compte tenu de l'utilisation actuelle de mots d'origine étrangère, le « U » de [I] est susceptible d'être prononcé « OU ». La similitude phonétique entre les signes est donc plutôt forte.
Enfin intellectuellement, les signes en cause n'auront pas de signification immédiate pour le public français visé, la société Wome Stay échouant à démontrer que le consommateur des services en cause, d'attention et de culture moyennes, percevra d'emblée le signe contesté comme une référence à la planète « Naboo » des films de la saga « La Guerre des Etoiles » ou que cette planète est si connue que le public associera son nom à la marque [I].
Il suit des développements qui précèdent, que le directeur de l'Inpi a pertinemment retenu que, compte tenu de l'impression d'ensemble commune produite par les deux signes et de l'identité ou de la similarité des services en cause, il existe un risque de confusion entre les signes pour le consommateur moyen de la catégorie des services visés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui effectuera un rapprochement entre eux, risquant de les confondre ou, à tout le moins, de leur attribuer une même origine commerciale.
Le recours de la société Wome Stay sera en conséquence rejeté.
La procédure de recours contre une décision du directeur général de l'Inpi ne donne pas lieu à condamnation aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement,
Rejette le recours de la société Wome Stay à l'encontre de la décision du 29 juin 2023 du directeur général de l'Inpi,
Condamne la société Wome Stay à payer à la société [I] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et rejette les demandes de la société Wome Stay à ce titre,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.