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Décisions

CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 19 mars 2025, n° 22/17533

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/17533

19 mars 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 19 MARS 2025

(n° 2025/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17533 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRCB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Avril 2022 - Tribunal judiciaire de MELUN - RG n° 20/01156

APPELANT

Monsieur [M] [I] [X] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 11] (94)

Chez [15], [Adresse 3]

[Localité 10]

représenté par Me Yael WOLMARK, avocat au barreau de PARIS, toque : E1361

INTIMES

Monsieur [O] [I] [X] [E]

né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 14] (94)

[Adresse 18]

[Localité 17] (SUISSE)

et

Madame [C] [I] [X] [E] épouse [V]

née le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 14] (94)

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentés par Me Cécile CHAUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : L0002

ayant pour avocat plaidant Me Martine LOMBARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1166

Monsieur [N] [Z]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 12] (92)

[Adresse 6]

[Localité 13] - ROYAUME-UNI

représenté et plaidant par Me Anne-Frédérique BONTEMPS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0783

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 (ancien) du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand GELOT, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Bertrand GELOT, Conseiller,

Mme Patricia GRASSO, Magistrat honoraire

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présentes lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[L] [T] est décédée le [Date décès 8] 2008 à [Localité 16].

Elle était l'épouse en troisièmes noces de [N] [Z] et laisse à sa succession ses trois enfants, issus d'un précédent mariage :

M. [M] [I] [X] [E] ;

Mme [C] [I] [X] [E] ;

M. [O] [I] [X] [E].

Par acte du 21 janvier 2011, Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] ont assigné M. [M] [I] [X] [E] et M. [N] [Z] en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[L] [T] et du régime matrimonial des époux [Z].

Par jugement du 26 juin 2012, le tribunal de grande instance de Melun a ordonné l'ouverture de ces opérations et commis le président de la Chambre des notaires de Seine-et-Marne pour y procéder. Par procès-verbal du 31 octobre 2016, le notaire désigné a consigné les difficultés entre les parties. Il a été procédé à la radiation de l'affaire dans l'attente de la licitation. Le tribunal a rétabli ce dossier au rôle sous le numéro RG 17/1039.

Par ordonnances du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Melun du 11 décembre 2017, 6 août 2018, 4 février 2019 et 3 février 2020, et par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun du 11 avril 2022, M. [M] [I] [X] [E] a été débouté des cinq incidents de communications de pièces qu'il a successivement soulevés.

Par exploit en date des 11, 12 et 14 mars 2020, M. [M] [I] [X] [E] a fait assigner Mme [C] [I] [X] [E], M. [O] [I] [X] [E] et M. [N] [Z] aux fins, notamment, de voir :

relever qu'il est demandeur au partage au sens de l'article 1359 du code civil ;

déclarer les défendeurs coupables de recel successoral ;

condamner Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] à lui verser respectivement les sommes de 561 047,93 euros et 512 368,54 euros.

Par ordonnance contradictoire du 11 avril 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun a :

rejeté comme étant tardives les conclusions de M. [N] [Z] ;

déclaré irrecevable la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [T] ;

déclaré recevables, pour le surplus, les demandes formées par M. [M] [I] [X], par assignation du 11 mars 2020, enregistrée sous le numéro RG 20/1156;

ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 17/1039, RG 20/1156 et RG 18/1199 ;

dit qu'elles porteront désormais le numéro RG 17/1039 ;

renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du lundi 27 juin 2022 pour les conclusions de M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] et M. [O] [I] [X] ;

réserve les dépens.

Par déclarations d'appel du 12 octobre 2022 à 10 h 26 et 12 h 26, M. [M] [I] [X] [E] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 2 novembre 2022, les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction sous le numéro RG 22/17533 et par avis du même jour, l'affaire a été fixée en circuit court conformément aux dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile.

M. [M] [I] [X] [E] a remis et notifié à M. [N] [Z] ses premières conclusions d'appelant le 2 décembre 2022. Ces conclusions ont été notifiées à Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] le 10 décembre 2022.

Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] ont remis leurs premières conclusions d'intimés le 5 janvier 2023.

M. [N] [Z], résidant au Royaume-Uni, a remis ses premières conclusions d'intimé le 14 mars 2023.

Par ordonnance du 5 juillet 2023, la Présidente de la chambre 1 du Pôle 3 de la cour d'appel de Paris, saisie par M. [M] [I] [X] [E] d'un incident aux fins d'irrecevabilité des conclusions adverses, a :

dit M. [M] [I] [X] [E] irrecevable en son incident ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E], à Mme [C] [I] [X] [E] épouse [V] et à M. [N] [Z] la somme de 4 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E], à Mme [C] [I] [X] [E] épouse [V] et à M. [N] [Z] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] à une amende civile de 7 000 euros ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] aux dépens de l'incident qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code civil pour les avocats qui en ont fait la demande.

Par requête remise le 20 juillet 2023, M. [M] [I] [X] [E] a déféré cette ordonnance devant la Cour.

Par arrêt du 11 juillet 2024, la cour d'appel de Paris, Pôle 3 ' chambre 1 a :

déclaré irrecevable le déféré introduit par M. [M] [I] [X] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 5 juillet 2023 par le président de la chambre 3-1 de la cour d'appel de Paris ;

ordonné le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. [M] [I] [X] [E] au titre de l'incident de procédure ayant donné lieu au prononcé de l'ordonnance déférée et du présent arrêt ;

dit que la décision serait transmise au président du bureau d'aide juridictionnelle et au bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E], Mme [C] [I] [X] [E] épouse [V], et M. [N] [Z] chacun la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [M] [I] [X] [E] aux dépens du déféré.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant remises et notifiées le 24 septembre 2024, M. [M] [I] [X] [E] demande à la Cour de :

déclarer recevable l'appel de M. [M] [I] [X] [E] formé le 12 octobre 2022 contre l'ordonnance du 11 avril 2022 (n°20/01156 du RG du tribunal judiciaire de Melun) ;

rejeter la fin de non-recevoir de l'appel soulevée par M. [O] [I] [X] [E] et Mme [C] [I] [X] [E] ;

déclarer irrecevable la demande de M. [O] [I] [X] [E] et Mme [C] [I] [X] [E] tendant au retrait de l'aide juridictionnelle accordée au concluant

annuler l'ordonnance datée du 11 avril 2022, RG n°20/01156 du tribunal judiciaire, rendue par le juge de la mise en état ;

Subsidiairement, et vu l'effet dévolutif de l'appel,

infirmer l'ordonnance du 11 avril 2022 (RG n°20/01156) en ce qu'elle :

* déclare irrecevable la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [T] ;

* réserve les dépens ;

confirmer l'ordonnance du 11 avril 2022 (RG n°20/01156) pour le surplus de ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

déclarer recevables comme non atteintes par l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 26 juin 2012 (RG n°11/00400) par le tribunal de grande instance de Melun les demandes de M. [M] [I] [X] [E] formulées dans ses conclusions du 31 octobre 2021 dans la procédure enrôlée au mois de mars 2020 sous le n°20/01156 du RG du tribunal judiciaire de Melun et suivant l'assignation délivrée à sa requête par actes d'huissiers de justice en dates du 11 mars 2020 et du 12 mars 2020 ;

condamner in solidum M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] à payer à M. [M] [I] [X] [E] les dépens relatifs à l'incident ayant abouti à l'ordonnance du 11 avril 2022 (RG n°20/01156) ;

condamner M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] à payer 2 000 euros à M. [M] [I] [X] [E] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et pour l'incident dans l'instance RG n°20/01156 du tribunal judiciaire de Melun ayant abouti à l'ordonnance du 11 avril 2022 ;

En tout état de cause,

débouter M. [O] [I] [X] [E], M. [N] [Z] et Mme [C] [I] [X] [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

condamner in solidum M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] à payer à M. [M] [I] [X] [E] les dépens relatifs à l'incident ayant abouti à l'ordonnance du 11 avril 2022 (RG n°20/01156) et relatifs à l'instance d'appel RG n°22/17533 devant la Cour de céans ;

condamner M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E], à payer 2 000 euros à M. [M] [I] [X] [E] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et pour l'incident dans l'instance RG n°20/01156 du tribunal judiciaire de Melun ayant abouti à l'ordonnance du 11 avril 2022 ;

condamner M. [N] [Z], Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E], à payer 3 000 euros à M. [M] [I] [X] [E] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et pour l'instance devant la Cour d'appel de céans.

Aux termes de leurs conclusions d'intimés remises et notifiées le 15 septembre 2024, Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] demandent à la Cour de :

A titre principal,

rejeter la demande de sursis à statuer ;

dire ni avoir lieu à un quelconque sursis ;

A titre subsidiaire,

déclarer irrecevable l'appel nullité formé par M. [M] [I] [X] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 11 avril 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun ;

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 11 avril 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun ;

Y ajoutant,

ordonner le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. [M] [I] [X] [E] au titre de l'appel nullité ;

condamner M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E] et à Mme [C] [I] [X] [E] épouse [V] une somme de 5 000 euros chacun pour procédure abusive, outre 5 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [M] [I] [X] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Chaumeau, avocat, aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les conclusions d'intimé remises les 4 septembre 2024, 19 septembre 2024 et 14 octobre 2024 par M. [N] [Z] ont été déclarées irrecevables aux termes d'une ordonnance sur incident rendue par le président de la chambre 1 du pôle 3 de la cour d'appel de Paris.

Pour un développement plus ample des moyens des parties au soutien de leurs prétentions que ceux qui seront ci-après exposés, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il sera précisé que la demande de sursis à statuer présentée par M. [M] [I] [X] [E] aux termes de ses conclusions antérieures ne figure plus dans ses dernières conclusions.

La cour étant uniquement saisie par ces dernières conformément à l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'y répondre ni de répondre à la demande principale des intimés de rejeter ladite demande de sursis à statuer et de dire n'y avoir lieu à un quelconque sursis.

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. [M] [I] [X] [E] :

Préalablement aux réponses de la cour aux demandes de l'appelant, Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de M. [M] [I] [X] [E].

Ces derniers estiment qu'il s'agit d'un appel-nullité et que celui-ci n'est recevable qu'en cas d'excès de pouvoir du premier juge. Ils déclarent que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'appelant invoque, non un excès de pouvoir, mais une méconnaissance par le juge de la mise en état de son obligation d'impartialité, des droits de la défense et des exigences du procès équitable en violation de l'article 6 §1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. [M] [I] [X] [E] répond que son appel contre l'ordonnance du 11 avril 2022 ne constitue pas un appel-nullité et est donc recevable. Il souligne le fait que si sa déclaration d'appel tend à l'annulation de l'ordonnance du 11 avril 2022, sans préjudice d'une éventuelle demande subsidiaire qui tendrait alors à la réformation partielle de ladite ordonnance, les termes « excès de pouvoir » ne figurent pas dans sa déclaration d'appel.

Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Cette possibilité prévue par ce texte d'un appel annulation se distingue clairement, selon la doctrine et la jurisprudence, de l'appel-nullité, celui-ci désignant la voie de recours restant exceptionnellement ouverte à l'encontre d'une décision entachée d'un excès de pouvoir lorsque la voie de l'appel est normalement fermée.

Il est de même établi qu'outre les causes formelles de nullité d'un jugement prévues par l'article 458 du code de procédure civile, peuvent être notamment invoquées dans le cadre d'un appel annulation, l'atteinte au principe du contradictoire ou à l'impartialité objective ou subjective du juge.

En l'espèce, l'appelant fonde sa demande principale d'annulation de l'ordonnance entreprise sur la violation alléguée de l'obligation d'impartialité du juge et du droit de chaque partie à un procès équitable prévu par l'article 6 §1er précité.

En outre, l'appel-nullité n'était pas la seule voie de recours puisque l'ordonnance du juge de la mise en état, statuant sur une fin de non-recevoir, pouvait être frappée d'appel ainsi que le prévoit le 2° de l'article 795 du code de procédure civile.

En conséquence, son action s'inscrit dans le cadre d'un appel annulation de l'ordonnance et non dans le cadre d'un appel-nullité.

Sa demande est dès lors recevable. L'irrecevabilité de l'appel soulevée par les intimés sera rejetée.

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 11 avril 2022 :

Il sera rappelé que le juge de la mise en état, saisi d'un incident soulevé par Mme [C] [I] [X] et M. [O] [I] [X], a rejeté les conclusions de M. [N] [Z], a déclaré irrecevable la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [T] au motif que cette ouverture avait été déjà ordonnée aux termes du jugement du 26 juin 2012 mais a déclaré recevables toutes les autres demandes formées par M. [M] [I] [X], a ordonné une jonction des procédures, a renvoyé les parties à l'audience de mise en état et a réservé les dépens.

M. [M] [I] [X] demande l'annulation de cette ordonnance, sur le fondement du droit des justiciables à un procès équitable rendu par un tribunal impartial et dans le respect du contradictoire et de la loyauté des débats. Il considère que le juge de la mise en état n'a pas statué sur les demandes dont il était saisi, que lui-même n'a pas demandé d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession d'[L] [T], mais qu'il a demandé de « dire ouvertes les opérations de comptes liquidation partage de la succession de Mme [L] [T] et de la communauté ayant existé entre celle-ci et [N] [Z], subsidiairement ordonner l'ouverture de ces opérations ».

Il ajoute que l'ordonnance énonce des faits fallacieux ou imaginaires entre les parties en ignorant ses conclusions du 31 octobre 2021 ainsi que les points principaux de ses conclusions d'incident du 2 mars 2022.

Mme [C] [I] [X] et M. [O] [I] [X] demandent uniquement sur ce point, ainsi qu'il a été dit, de déclarer irrecevable l'appel de M. [M] [I] [X] qu'ils ont considéré comme étant un appel-nullité.

Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

S'il est établi que les causes de nullité d'un jugement ne sont pas limitées aux seules exigences de forme prévues par l'article 458 du code précité, il y a lieu de constater qu'en l'espèce l'appelant n'établit pas en quoi le juge de la mise en état aurait refusé de statuer sur les demandes dont il a été saisi, puisqu'il s'est bien prononcé sur la recevabilité de l'ensemble des demandes de M. [M] [I] [X], les jugeant d'ailleurs recevables à l'exception de celle relative à l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession.

Sur l'allégation de ne pas avoir répondu à la demande concernant l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage, il convient de constater que la demande de « dire ouvertes » concernait bien le même objet, à savoir les opérations de comptes liquidation partage, et qu'elle encourait donc la même irrecevabilité dans la mesure où, dès lors que l'ouverture de ces opérations a été ordonnée, il n'y a pas lieu pour une juridiction, ni de « dire ouvertes les opérations » puisque le tribunal, comme le juge de la mise en état, n'est saisi que par les prétentions des parties conformément à l'article 4 du code de procédure civile, ce que ne sont pas des demandes de dire, ni d'ordonner à nouveau lesdites opérations.

En outre, c'est par de justes motifs que le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande d'ordonner l'ouverture desdites opérations, dès lors qu'il en était bien saisi à titre subsidiaire par le dispositif des conclusions du 31 octobre 2021 présentées par M. [M] [I] [X] (pièce 5) et devait y répondre à défaut d'avoir à répondre à la demande de « dire ouvertes les opérations » ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Il en résulte que le juge de la mise en état n'a pas ignoré les conclusions du 31 octobre 2021, et n'a pas non plus ignoré les « conclusions d'incident rectificatives » de M. [M] [I] [X] datées du 2 mars 2022 dont il reprend dans les motifs de l'ordonnance (page 2) les demandes ainsi que les moyens relatifs à l'autorité de la chose jugée et au recel successoral figurant au dispositif et dans la discussion de ces conclusions.

Dès lors, l'appelant n'établit pas que le juge de la mise en état n'aurait pas respecté son obligation d'impartialité.

Par ailleurs, M. [M] [I] [X] allègue que des « faits fallacieux ou imaginaires », des « faits non justifiés » et « d'autres contestés » auraient été énoncés par le juge de la mise en état. Cependant, il ne les précise pas (page 25 des conclusions) et n'en rapporte donc pas la preuve.

En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande d'annulation de l'ordonnance du 11 avril 2022.

Sur la demande subsidiaire d'infirmation du chef déclarant irrecevable la demande d'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage de la succession d'[L] [T] :

L'appelant demande subsidiairement à la cour d'infirmer le chef de l'ordonnance déclarant irrecevable la demande d'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession d'[L] [T].

Il considère que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas au chef du jugement du 26 juin 2012 ayant ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage, aux motifs que lui-même ne s'est pas opposé à cette ouverture, qu'il n'y avait pas de contestation entre les parties sur ce point et que le tribunal de grande instance n'a donc pas tranché un point litigieux susceptible de lui conférer l'autorité de la chose jugée.

Les intimés ne se prononcent pas sur cette demande.

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Par ailleurs, selon l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

En l'espèce, le juge de la mise en état, au visa des textes susvisés, a parfaitement motivé le fait que l'autorité de la chose jugée s'attache à la disposition du jugement du 16 juin 2012 ordonnant l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession, dès lors qu'il s'agit de la mesure initiale de la procédure de partage judiciaire, lequel constitue bien une décision contentieuse. En outre, il importe peu que M. [Z] ne se soit pas opposé à cette mesure ou que M. [M] [I] [X] y ait acquiescé, ces acceptations n'ayant aucun effet sur le caractère contentieux de la décision.

En conséquence, ce dernier doit être débouté de sa demande d'infirmation et l'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur la demande des intimés de condamnation de M. [M] [I] [X] [E] pour procédure abusive :

Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] demandent à la cour de condamner M. [M] [I] [X] [E] au paiement d'une somme de 5 000 euros à chacun d'eux pour procédure abusive.

Ils motivent leur demande par le fait que ce dernier a déjà été condamné le 29 juin 2011 à leur payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure caractérisée et qu'il avait manifestement engagée et poursuivi une procédure dans l'intention de prolonger le contentieux, que depuis plus de 13 ans, il ne tient aucun compte des décisions rendues, que ses multiples recours dépassent largement le simple droit d'ester en justice, et qu'il commet un abus de procédure en poursuivant, dans un but purement dilatoire, jusqu'en cause d'appel, une décision qui ne lui fait aucunement grief.

M. [M] [I] [X] [E] ne formule aucune réponse à cette demande aux termes de ses conclusions.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

En l'espèce, l'obstination de M. [M] [I] [X] [E] à faire appel d'une décision qui ne lui portait pas grief caractérise suffisamment, au regard de l'article 1240 précité, la faute à l'origine d'un préjudice pour les autres parties que constituent les frais, les démarches et les délais supplémentaires pour le règlement d'une succession ouverte depuis 17 ans.

M. [M] [I] [X] [E] sera en conséquence condamné à payer à Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] la somme de 1 500 euros à chacun d'eux.

Sur la demande des intimés de retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. [M] [I] [X] [E] :

Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] demandent à la cour de prononcer à l'encontre de M. [M] [I] [X] [E] le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application de l'article 50, 4° de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article 65 du décret d'application de ladite loi.

Ils motivent leur demande par le fait que depuis plus de 13 ans, M. [M] [I] [X] ne tient aucun compte des décisions rendues, que ses multiples recours dépassent largement le simple droit d'ester en justice, et qu'il commet un abus de procédure en poursuivant, dans un but purement dilatoire, jusqu'en cause d'appel, une décision qui ne lui fait aucunement grief.

L'appelant demande à la cour de déclarer irrecevable cette demande, sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile, au motif que celle-ci n'était pas présente dans le dispositif des premières conclusions de Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] et que ces derniers n'avaient jamais fait cette demande depuis sa déclaration d'appel initiale.

***

L'article 50 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 dispose que, sans préjudice des sanctions prévues à l'article 441-7 du code pénal, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat est retiré, en tout ou partie, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants :

(') 4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable.

L'article 65 du décret d'application de cette loi (décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020), précise, lorsque la procédure engagée par le bénéficiaire de l'aide a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable, que le retrait est prononcé par la juridiction saisie qui en avise le bâtonnier et le bureau d'aide juridictionnelle.

Enfin, aux termes de l'article 51 de la même loi, le retrait de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat peut intervenir jusqu'à quatre ans après la fin de l'instance ou de la mesure. Il peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office.

Sur la recevabilité de la demande de retrait de l'aide juridictionnelle :

La demande de retrait de l'aide juridictionnelle ne peut être considérée comme une demande nouvelle à ce titre irrecevable, dès lors que, d'une part, il ne s'agit pas d'une prétention touchant au fond et que, d'autre part, les articles 50 et 51 susvisés permettent en tout état de cause à tout intéressé de la formuler.

Selon ces textes, tout intéressé peut demander à la juridiction le retrait de l'aide juridictionnelle, cette possibilité étant prévue si la procédure est « engagée par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ».

En l'espèce, la procédure d'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état a effectivement été engagée par M. [M] [I] [X] [E].

En conséquence, Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] sont bien recevables à demander le retrait de l'aide juridictionnelle bénéficiant à M. [M] [I] [X] [E].

Sur le bien-fondé de la demande de retrait de l'aide juridictionnelle :

Au regard du 4° de l'article 50 susvisé de la loi du 10 juillet 1991, la procédure engagée par M. [M] [I] [X] n'est pas « manifestement irrecevable » puisque l'appel a ci-dessus été jugé recevable.

Cependant, ce dernier ne justifie la procédure d'appel, hormis les demandes accessoires, que sur la contestation de l'irrecevabilité de ses demandes de dire ouvertes les opérations de comptes liquidation partage ouvertes et d'ordonner l'ouverture desdites opérations. Or cette demande est d'autant moins légitime que, d'une part, elle est inutile puisque l'ouverture desdites opérations a été ordonnée depuis 2012, d'autre part, la même décision du juge de la mise en état, dont M. [M] [I] [X] poursuivait l'annulation dans son ensemble, confirme la recevabilité de toutes ses autres demandes relatives à la succession, enfin, le juge y a réservé les dépens.

En conséquence, la procédure d'appel, quoique recevable, n'en comporte pas moins un caractère à tout le moins abusif. Il y a lieu, en faisant application des textes susvisés, d'ordonner le retrait de l'aide juridictionnelle dont a bénéficié M. [M] [I] [X] [E] au titre du présent appel.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

M. [M] [I] [X] [E], qui échoue en son appel, se voit débouté de sa demande et supportera en conséquence la charge des dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Supportant la charge des dépens d'appel, l'appelant sera débouté de sa demande de condamnation des intimés au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera en revanche condamné à payer à Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] la somme de 2 000 euros chacun sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par décision contradictoire en dernier ressort,

Rejette la demande d'irrecevabilité de l'appel de M. [M] [I] [X] [E] formée par Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] ;

Déboute M. [M] [I] [X] [E] de sa demande d'annulation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun le 11 avril 2022 ;

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun le 11 avril 2022 en ses chefs dévolus à la cour par l'acte d'appel ;

Condamne M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E] et à Mme [C] [I] [X] [E] la somme de 1 500 euros à chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déclare recevable la demande de retrait de l'aide juridictionnelle formée par Mme [C] [I] [X] [E] et M. [O] [I] [X] [E] ;

Ordonne le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. [M] [I] [X] [E] au titre de l'appel ayant donné lieu au prononcé du présent arrêt ;

Dit que la présente décision sera transmise au président du bureau d'aide juridictionnelle et au bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. [M] [I] [X] [E] à payer à M. [O] [I] [X] [E], Mme [C] [I] [X] [E] épouse [V], chacun la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [I] [X] [E] aux dépens du présent appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour Me Chaumeau, avocat, qui en a fait la demande.

Le Greffier, Le Président,

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