CA Montpellier, 4e ch. civ., 20 mars 2025, n° 23/02146
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 20 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/02146 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PZRS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 avril 2023
Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 18/03470
APPELANTE :
Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à Capital Variable
immatriculée au RCS de Perpignan sous le n° 554 200 808, dont le siège est [Adresse 3], et pour elle son représentant légal en exercice y domicilié es qualité
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée sur l'audience par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES :
Madame [N] [P]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Laura MARCHAND substituant Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur [K] [P]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté sur l'audience par Me Laura MARCHAND substituant Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour prévu le 06 mars 2025 puis prorogé au 20 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 15 mars 2010, la SA Banque Populaire du Sud a consenti un prêt professionnel « Credirect-Pro » utilisable par action renouvelable à la SARL Allo Transport Rapide, pour laquelle Monsieur [K] [P] s'est porté caution à hauteur de 26 000€.
Le 15 novembre 2011, la SA Banque Populaire du Sud a consenti à cette même société un prêt professionnel de 40 000 €.
Par actes du 14 novembre 2011, Mme [N] [P] née [Z] et M. [K] [P] se sont portés caution solidaire de la société Allo Transport Rapide à hauteur de la somme de 52 000€ sur une durée de 84 mois.
Le 27 juin 2013, M. [P] s'est porté caution solidaire de ladite société dans la limite de 71 500 € pour une durée de dix ans.
Par jugement du 16 juillet 2014, le tribunal de commerce de Perpignan a placé la société Allo Transport Rapide en liquidation judiciaire et désigné Me [C] en qualité de liquidateur. La SA Banque Populaire du Sud a déclaré sa créance.
Le 1er septembre 2015, Me [C] a émis un certificat d'irrécouvrabilité.
C'est dans ce contexte que, par actes du 18 septembre 2018, la SA Banque populaire du Sud a assigné M. [P] devant le tribunal de commerce de Perpignan et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en leur qualité de caution.
Par jugement du 17 février 2020, le tribunal de commerce de Perpignan s'est dessaisi pour exception de connexité, renvoyant l'affaire au tribunal judiciaire de Perpignan.
C'est ainsi que par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
- Dit n'y avoir lieu à constater que le tribunal n'est saisi d'aucune demande à l'encontre de M. [P],
- Prononcé la nullité des engagements de caution du 14 novembre 2011 de M. et Mme [P] et des 15 mars 2010 et 27 juin 2013 de M. [P] pour violation de l'article L331-1 du code de la consommation sur la mention manuscrite,
- Débouté la Banque populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes,
- Condamné la Banque populaire du Sud à payer aux époux [P] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- Rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
La SA Banque Populaire du Sud a relevé appel de ce jugement le 21 avril 2023.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 16 octobre 2023, la SA Banque Populaire du Sud demande à la cour, sur le fondement des articles 1134, 1147, 1184 anciens, 1905 et suivants, 2288 et suivants du code civil, de :
Réformer et infirmer le jugement du 18 avril 2023 ;
Débouter les époux [P] de l'intégralité de leurs demandes;
Condamner M. [P] à lui payer en vertu de son engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 et dans la limite de 71 500 € :
Solidairement avec Mme [P] en vertu de leurs engagements de caution cumulatifs du 14.11.2011 et dans la limite additionnelle de 52 000 € chacun : 31.339,58 € outre intérêt au taux contractuel de 5,6 % à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06057283 de 40 000 € du 15 novembre 2011,
En vertu de son engagement de caution cumulatif du 15.03.2010 et dans la limite additionnelle de 26 000 €:
6 038,13 € outre intérêt au taux contractuel de 4,36 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06060131 de 7 600 € du 20.02.2012,
3 110 € outre intérêt au taux contractuel de 4,16 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06054066 de 4 500 € du 15.06.2011,
16 091,13 € outre intérêt au taux contractuel de 3,09 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06075541 de 11 830 € du 27.02.2014,
Condamner solidairement les époux [P] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les époux [P], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, modifiant le décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 17 juillet 2023, Mme [N] [P] et M. [K] [P] demandent à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
S'agissant de M. [P] :
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 15 mars 2010 (Credirect Pro)
Débouter la banque de ses demandes comme étant mal fondées ;
Subsidiairement :
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
Débouter la banque au titre de l'indemnité contractuelle ;
En conséquence, ramener la créance de la banque :
Au titre du prêt 06054066 à 1 819,08 € ;
Au titre du prêt 06060131 à 3 621,39 € ;
Au titre du prêt 06075541 à 11 986,06 € ;
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 14 novembre 2011,
A titre principal, déclarer cet engagement disproportionné ;
Débouter, en conséquence, la banque de ses demandes ;
A titre subsidiaire, sur le quantum,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts;
Débouter la banque au titre de l'indemnité contractuelle ;
En conséquence, ramener la créance de la banque à la somme de 15 588,25 €.
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 27 juin 2013 de 71 500 €.
Déclarer cet engagement disproportionné ;
Débouter, en conséquence, la banque de ses demandes ;
Dans tous les cas, dire et juger que les engagements de cautions ne sont pas cumulatifs.
S'agissant de Mme [P] :
Dire et juger que la Banque Populaire du Sud a fait souscrire à Mme [P] un engagement manifestement disproportionné ;
La débouter, en conséquence, de ses demandes ;
A titre plus subsidiaire,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
Débouter la banque de sa demande d'indemnité contractuelle;
Ramener, en conséquence, la créance de la banque à la somme de 13 582,31 € et dire et juger que cette somme ne produira intérêts qu'au taux légal ;
Condamner la SA Banque populaire du Sud aux dépens et à leur payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 16 décembre 2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que les actes de caution solidaire litigieux étant des 15 mars 2010, 14 novembre 2011 et 27 juin 2013, ils sont soumis aux dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (texte qui a été renuméroté L. 331-1 par cette ordonnance).
Sur la mention manuscrite du contrat de cautionnement
En vertu des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ».
A partir de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ce texte a été repris à l'article L. 331-1 du code de la consommation.
Certe, cette disposition est appliqué rigoureusement par la jurisprudence qui annule par exemple le cautionnement dont le bénéficiaire est désigné par une enseigne (Com., 9 juillet 2019, pourvoi n° 17-22.626).
Toutefois, la Cour de cassation juge suffisante l'identification du débiteur par la seule mention 'de la SARL', sans autre précision, alors que la dénomination sociale du débiteur garanti figure, par ailleurs, dans la même mention (Com., 21 novembre 2018, n° 16-25.128).
En l'espèce, les quatre actes de caution solidaire versés aux débats mentionnent comme suit l'identité du débiteur principal, la SARL 'Allo Transport Rapide' :
Dans l'acte de caution du 15 mars 2010, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de ATR, (...)', sans préciser la forme juridique (SARL) et la dénomination complète de la société ('Allo Transport Rapide') (pièce n° 1) ;
Dans l'acte de caution du 14 novembre 2011, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de la SARL ATR, (...)', sans préciser la dénomination complète de la société (pièce n° 6) ;
Dans l'acte de caution du 27 juin 2013, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de ATR, (...)', sans préciser la forme juridique (SARL) et la dénomination complète de la société (pièce n° 8) ;
Dans l'acte de caution du 14 novembre 2011, Mme [N] [P] indique : "En me portant caution de la SARL A.T.R (...)', sans préciser la dénomination complète de la société (pièce n° 13).
Il convient de souligner que l'examen des engagements de caution montre que les signatures sont dûment apposées après l'intégralité des mentions manuscrites conformément à l'article L.341-2 précité.
Cependant, M. [K] [P] et Mme [N] [P] prétendent que la mention manuscrite serait contraire aux dispositions légales pour ne pas préciser la réelle dénomination sociale du débiteur garanti, à savoir 'Allo Transport Rapide', se contentant de faire état du sigle 'ATR'ou 'SARL ATR', ce qui est selon eux insuffisant et doit être sanctionné par la nullité du cautionnement.
Or, l'objectivité commande de constater que la dénomination sociale de la société en cause est effectivement 'Allo Transport Rapide' dont le sigle est 'ATR'. L'absence de la précision 'SARL' dans les mentions manuscrite de deux des quatre actes est sans incidence sur la régularité de ces actes juridiques. Quant à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2019 relative à 'l'enseigne', elle ne peut être étendue au cas d'espèce où le sigle de la personne morale ('ATR') permet d'identifier sans difficulté le débiteur concerné.
Cela est d'autant plus vrai que Mme [N] [P] était associée au sein de cette société et que M. [K] [P] avait pour habitude d'utiliser l'acronyme de sa société comme en atteste la pièce n° 2 (bon d'utilisation Credirect Pro).
Dès lors, le cautionnement n'est pas entaché de nullité de ce chef.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur la disproportion de l'engagement
L'article L 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. ».
En vertu de ce texte, il est de principe que :
Il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve ;
La proportionnalité de l'engagement d'une caution s'apprécie soit au moment de sa conclusion, soit, le cas échéant, lorsque la caution est appelée à exécuter son engagement ;
Lorsque la caution a déclaré à la banque, lors de son engagement, les éléments relatifs à sa situation financière, la banque n'est pas, sauf anomalie apparente, tenue de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements qui lui ont été transmis (Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-11.837).
En l'espèce, la SA Banque Populaire du Sud produit une fiche de renseignement du 29 octobre 2011 signée par M. [K] [P] et Mme [N] [P] née [Z] selon laquelle ils déclaraient des ressources annuelles d'un total de 25 140 euros (12673 euros pour M. [P] et 12 467 euros pour Mme [P]), des charges nulles, un patrimoine immobilier net de 350 000 € (leur résidence principale) ainsi que des parts de SARL évaluées à 90.000 €.
Les engagements de caution souscrits portent sur des sommes de :
52 000 € chacun pour l'acte de cautionnement du 14 novembre 2011 de Mme [N] [P] née [Z] et M.[K] [P] ;
71 500 € pour l'engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 de M. [P] seul.
Il convient donc d'observer que les engagements de caution souscrits n'étaient pas manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine immobilier (350 000 euros) déclarés par M.[K] [P] et Mme [N] [P].
A titre surabondant, Mme [N] [P] née [Z] ne produit pas son avis d'imposition 2012 sur les revenus 2011 qui serait seul à même de démontrer ses revenus au moment de l'acte de cautionnement (et leur éventuelle disproportion manifeste).
Le caractère disproportionné de l'engagement de caution n'étant pas démontré ab initio, il n'y a pas lieu de rechercher si, au moment de sa mobilisation, l'engagement l'est devenu.
Il y a donc lieu de rejeter l'argument de la disproportion. La banque n'a commis aucune faute à l'encontre des époux [P]. Elle peut se prévaloir de ces cautionnements.
I - Sur les demandes formulées contre M. [P]
I.A. Sur l'engagement de caution du 15 mars 2010
Contrairement à ce que soutient M. [P], la circonstance que le numéro de contrat n'ait pas été rempli n'empêche pas de rattacher son engagement de caution du 15 mars 2010 au contrat Crédirect-Pro, utilisable par fractions renouvelables, prévoyant un droit de tirage de 20 000 € avec un premier renouvellement annuel en mars 2011 et une échénace finale en mars 2015.
Au titre de ce contrat Crédirect-Pro, M. [P] a tiré trois bons d'utilisation :
un premier bon, le 17 juin 2011, de 4 500 € (n° 06054066);
un deuxième bon, le 20 février 2012 de 7 600 € (n°06060131) ;
un troisième bon, le 24 février 2014, de 11 830 € (n°06075541).
C'est donc à tort que M. [P] prétend que ces trois bons d'utilisation seraient des contrats de prêts autonomes. Ils sont, en effet, à rattacher au contrat initial Crédirect-Pro et à son article 11 qui prévoit que : « la caution désignée aux conditions particulières se constitue caution solidaire de l'emprunteur jusqu'à complet remboursement à la banque du montant cumulé de toutes les utilisations de Credirect Pro ».
Le moyen soulevé par M. [P] sera écarté.
- sur l'indemnité forfaitaire de 10 %
Par ailleurs, M. [P] conteste les décomptes produits par la banque au titre des trois bons d'utilisation.
Il invoque l'article L.622-13 alinéa 1 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par l'article L.631-14, qui dispose qu'aucune résolution de contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Cette disposition interdit à un établissement bancaire de résilier les contrats en cours de son cocontractant du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective.
C'est donc à bon droit que M. [P] reproche à la banque de lui réclamer une indemnité forfaitaire de 10 % à ce titre, alors que la société ATR a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 16 juillet 2014.
- sur la demande de déchéance du droit aux intérêts
L'article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Les établissements de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement [...]
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l'établissement affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
Ce texte ne précisant pas la forme que doit revêtir cette information, celle-ci peut prendre la forme d'une lettre simple (Com. 17 juin 1997, n° 95-14.105, publié).
La banque est seulement tenue de prouver que l'information a été envoyée, non qu'elle a été reçue par la caution (Com. 2 oct. 2002, n° 01-03.921, publié), cette preuve pouvant être faite par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique (Com. 17 oct. 2000, n°97-18746, publié).
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi (Com. 3 oct. 2018, n° 17-19.382 ; Com. 17 avr. 2019, n° 17-31.390).
En l'espèce, la banque se borne à produire des lettres d'information annuelle, sans néanmoins démontrer qu'elles auraient été effectivement envoyées à la caution.
La déchéance du droit de la banque aux intérêts échus est donc encourue.
Il en sera de même pour tous les courriers d'information annuelle produits par la banque dans le présent dossier, tant à l'égard de M. [P] que de Mme [P].
Déchu du droits aux intérêts, le prêteur peut toutefois prétendre aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du débiteur (1re Civ., 26 novembre 2002, pourvoi n°00-17.119, publié).
- I.A.1. Sur le premier bon du 17 juin 2011, de 4 500 € (n°06054066)
Conformément au décompte produit (pièce n° 32), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 2 187,03 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06054066.
- I.A.2. Sur le deuxième bon du 20 février 2012 de 7 600 € (n° 06060131)
Conformément au décompte produit (pièce n° 31), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 4 150,78 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06060131.
- I.A.3. Sur le troisième bon du 24 février 2014 de 11 830 € (n° 06075541)
Conformément au décompte produit (pièce n° 33), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 12 019,39 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n° 06075541.
I.B. Sur l'engagement de caution du 14 novembre 2011
Conformément au décompte produit (pièce n° 34), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06057283.
II. Sur les demandes formulées contre Mme [P]
Comme pour M. [P], la déchéance du droit de la banque aux intérêts échus est encourue pour les mêmes raisons (absence d'information annuelle de la caution).
Conformément au décompte produit (pièce n° 34), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06057283.
Les époux [P] seront solidairement tenus au paiement de cette somme dans les conditions précisées dans le présent dispositif.
Sur les autres demandes
Le droit proportionnel, fixé par l'article A. 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 abrogé par l'article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016) reste à la charge du créancier, sauf lorsque la dette est due par un contrefacteur (article R. 444-55 du même code) ou un professionnel (article R. 631-4 du code de la consommation) sans qu'aucune autre dérogation ne soit prévue, la demande de la SA Banque populaire du sud tendant à ce qu'il soit dérogé aux dispositions régissant les charges de frais de commissaires (ex-huissiers) de justice sera donc rejetée.
Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [K] [P] et Mme [N] [P] supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan du 18 avril 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Juge que les cautionnements ne sont pas entachés de nullité,
Juge que les engagements des cautions n'étaient pas disproportionnés,
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
Condamne M. [K] [P] à payer à la SA Banque populaire du sud la :
en vertu de son engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 et dans la limite de 71 500 € :
Solidairement avec Mme [P] en vertu de leurs engagements de caution cumulatifs du 14 novembre 2011 et dans la limite additionnelle de 52.000 € chacun : 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06057283 de 40 000 € du 15 novembre 2011,
En vertu de son engagement de caution cumulatif du 15 mars 2010 et dans la limite additionnelle de 26.000€ :
4 150,78 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06060131 de 7 600 € du 20 février 2012,
2 187,03 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06054066 de 4 500 € du 15 juin 2011,
12 019,39 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06075541 de 11 830 € du 27.02.2014,
Rejette la demande de la SA Banque populaire du sud relative à l'application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996,
Condamne solidairement M. [K] [P] et Mme [N] [P] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne solidairement M. [K] [P] et Mme [N] [P] à payer à la SA Banque populaire du sud la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 20 MARS 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/02146 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PZRS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 avril 2023
Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 18/03470
APPELANTE :
Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à Capital Variable
immatriculée au RCS de Perpignan sous le n° 554 200 808, dont le siège est [Adresse 3], et pour elle son représentant légal en exercice y domicilié es qualité
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée sur l'audience par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES :
Madame [N] [P]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée sur l'audience par Me Laura MARCHAND substituant Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur [K] [P]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté sur l'audience par Me Laura MARCHAND substituant Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour prévu le 06 mars 2025 puis prorogé au 20 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
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FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 15 mars 2010, la SA Banque Populaire du Sud a consenti un prêt professionnel « Credirect-Pro » utilisable par action renouvelable à la SARL Allo Transport Rapide, pour laquelle Monsieur [K] [P] s'est porté caution à hauteur de 26 000€.
Le 15 novembre 2011, la SA Banque Populaire du Sud a consenti à cette même société un prêt professionnel de 40 000 €.
Par actes du 14 novembre 2011, Mme [N] [P] née [Z] et M. [K] [P] se sont portés caution solidaire de la société Allo Transport Rapide à hauteur de la somme de 52 000€ sur une durée de 84 mois.
Le 27 juin 2013, M. [P] s'est porté caution solidaire de ladite société dans la limite de 71 500 € pour une durée de dix ans.
Par jugement du 16 juillet 2014, le tribunal de commerce de Perpignan a placé la société Allo Transport Rapide en liquidation judiciaire et désigné Me [C] en qualité de liquidateur. La SA Banque Populaire du Sud a déclaré sa créance.
Le 1er septembre 2015, Me [C] a émis un certificat d'irrécouvrabilité.
C'est dans ce contexte que, par actes du 18 septembre 2018, la SA Banque populaire du Sud a assigné M. [P] devant le tribunal de commerce de Perpignan et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en leur qualité de caution.
Par jugement du 17 février 2020, le tribunal de commerce de Perpignan s'est dessaisi pour exception de connexité, renvoyant l'affaire au tribunal judiciaire de Perpignan.
C'est ainsi que par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
- Dit n'y avoir lieu à constater que le tribunal n'est saisi d'aucune demande à l'encontre de M. [P],
- Prononcé la nullité des engagements de caution du 14 novembre 2011 de M. et Mme [P] et des 15 mars 2010 et 27 juin 2013 de M. [P] pour violation de l'article L331-1 du code de la consommation sur la mention manuscrite,
- Débouté la Banque populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes,
- Condamné la Banque populaire du Sud à payer aux époux [P] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- Rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
La SA Banque Populaire du Sud a relevé appel de ce jugement le 21 avril 2023.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 16 octobre 2023, la SA Banque Populaire du Sud demande à la cour, sur le fondement des articles 1134, 1147, 1184 anciens, 1905 et suivants, 2288 et suivants du code civil, de :
Réformer et infirmer le jugement du 18 avril 2023 ;
Débouter les époux [P] de l'intégralité de leurs demandes;
Condamner M. [P] à lui payer en vertu de son engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 et dans la limite de 71 500 € :
Solidairement avec Mme [P] en vertu de leurs engagements de caution cumulatifs du 14.11.2011 et dans la limite additionnelle de 52 000 € chacun : 31.339,58 € outre intérêt au taux contractuel de 5,6 % à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06057283 de 40 000 € du 15 novembre 2011,
En vertu de son engagement de caution cumulatif du 15.03.2010 et dans la limite additionnelle de 26 000 €:
6 038,13 € outre intérêt au taux contractuel de 4,36 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06060131 de 7 600 € du 20.02.2012,
3 110 € outre intérêt au taux contractuel de 4,16 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06054066 de 4 500 € du 15.06.2011,
16 091,13 € outre intérêt au taux contractuel de 3,09 % à compter du 13.10.2022 au titre du prêt 06075541 de 11 830 € du 27.02.2014,
Condamner solidairement les époux [P] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les époux [P], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, modifiant le décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 17 juillet 2023, Mme [N] [P] et M. [K] [P] demandent à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
S'agissant de M. [P] :
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 15 mars 2010 (Credirect Pro)
Débouter la banque de ses demandes comme étant mal fondées ;
Subsidiairement :
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
Débouter la banque au titre de l'indemnité contractuelle ;
En conséquence, ramener la créance de la banque :
Au titre du prêt 06054066 à 1 819,08 € ;
Au titre du prêt 06060131 à 3 621,39 € ;
Au titre du prêt 06075541 à 11 986,06 € ;
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 14 novembre 2011,
A titre principal, déclarer cet engagement disproportionné ;
Débouter, en conséquence, la banque de ses demandes ;
A titre subsidiaire, sur le quantum,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts;
Débouter la banque au titre de l'indemnité contractuelle ;
En conséquence, ramener la créance de la banque à la somme de 15 588,25 €.
Sur la demande au titre de l'engagement de caution du 27 juin 2013 de 71 500 €.
Déclarer cet engagement disproportionné ;
Débouter, en conséquence, la banque de ses demandes ;
Dans tous les cas, dire et juger que les engagements de cautions ne sont pas cumulatifs.
S'agissant de Mme [P] :
Dire et juger que la Banque Populaire du Sud a fait souscrire à Mme [P] un engagement manifestement disproportionné ;
La débouter, en conséquence, de ses demandes ;
A titre plus subsidiaire,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
Débouter la banque de sa demande d'indemnité contractuelle;
Ramener, en conséquence, la créance de la banque à la somme de 13 582,31 € et dire et juger que cette somme ne produira intérêts qu'au taux légal ;
Condamner la SA Banque populaire du Sud aux dépens et à leur payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 16 décembre 2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que les actes de caution solidaire litigieux étant des 15 mars 2010, 14 novembre 2011 et 27 juin 2013, ils sont soumis aux dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (texte qui a été renuméroté L. 331-1 par cette ordonnance).
Sur la mention manuscrite du contrat de cautionnement
En vertu des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ».
A partir de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ce texte a été repris à l'article L. 331-1 du code de la consommation.
Certe, cette disposition est appliqué rigoureusement par la jurisprudence qui annule par exemple le cautionnement dont le bénéficiaire est désigné par une enseigne (Com., 9 juillet 2019, pourvoi n° 17-22.626).
Toutefois, la Cour de cassation juge suffisante l'identification du débiteur par la seule mention 'de la SARL', sans autre précision, alors que la dénomination sociale du débiteur garanti figure, par ailleurs, dans la même mention (Com., 21 novembre 2018, n° 16-25.128).
En l'espèce, les quatre actes de caution solidaire versés aux débats mentionnent comme suit l'identité du débiteur principal, la SARL 'Allo Transport Rapide' :
Dans l'acte de caution du 15 mars 2010, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de ATR, (...)', sans préciser la forme juridique (SARL) et la dénomination complète de la société ('Allo Transport Rapide') (pièce n° 1) ;
Dans l'acte de caution du 14 novembre 2011, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de la SARL ATR, (...)', sans préciser la dénomination complète de la société (pièce n° 6) ;
Dans l'acte de caution du 27 juin 2013, M. [K] [P] indique : "En me portant caution de ATR, (...)', sans préciser la forme juridique (SARL) et la dénomination complète de la société (pièce n° 8) ;
Dans l'acte de caution du 14 novembre 2011, Mme [N] [P] indique : "En me portant caution de la SARL A.T.R (...)', sans préciser la dénomination complète de la société (pièce n° 13).
Il convient de souligner que l'examen des engagements de caution montre que les signatures sont dûment apposées après l'intégralité des mentions manuscrites conformément à l'article L.341-2 précité.
Cependant, M. [K] [P] et Mme [N] [P] prétendent que la mention manuscrite serait contraire aux dispositions légales pour ne pas préciser la réelle dénomination sociale du débiteur garanti, à savoir 'Allo Transport Rapide', se contentant de faire état du sigle 'ATR'ou 'SARL ATR', ce qui est selon eux insuffisant et doit être sanctionné par la nullité du cautionnement.
Or, l'objectivité commande de constater que la dénomination sociale de la société en cause est effectivement 'Allo Transport Rapide' dont le sigle est 'ATR'. L'absence de la précision 'SARL' dans les mentions manuscrite de deux des quatre actes est sans incidence sur la régularité de ces actes juridiques. Quant à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2019 relative à 'l'enseigne', elle ne peut être étendue au cas d'espèce où le sigle de la personne morale ('ATR') permet d'identifier sans difficulté le débiteur concerné.
Cela est d'autant plus vrai que Mme [N] [P] était associée au sein de cette société et que M. [K] [P] avait pour habitude d'utiliser l'acronyme de sa société comme en atteste la pièce n° 2 (bon d'utilisation Credirect Pro).
Dès lors, le cautionnement n'est pas entaché de nullité de ce chef.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur la disproportion de l'engagement
L'article L 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. ».
En vertu de ce texte, il est de principe que :
Il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve ;
La proportionnalité de l'engagement d'une caution s'apprécie soit au moment de sa conclusion, soit, le cas échéant, lorsque la caution est appelée à exécuter son engagement ;
Lorsque la caution a déclaré à la banque, lors de son engagement, les éléments relatifs à sa situation financière, la banque n'est pas, sauf anomalie apparente, tenue de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements qui lui ont été transmis (Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-11.837).
En l'espèce, la SA Banque Populaire du Sud produit une fiche de renseignement du 29 octobre 2011 signée par M. [K] [P] et Mme [N] [P] née [Z] selon laquelle ils déclaraient des ressources annuelles d'un total de 25 140 euros (12673 euros pour M. [P] et 12 467 euros pour Mme [P]), des charges nulles, un patrimoine immobilier net de 350 000 € (leur résidence principale) ainsi que des parts de SARL évaluées à 90.000 €.
Les engagements de caution souscrits portent sur des sommes de :
52 000 € chacun pour l'acte de cautionnement du 14 novembre 2011 de Mme [N] [P] née [Z] et M.[K] [P] ;
71 500 € pour l'engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 de M. [P] seul.
Il convient donc d'observer que les engagements de caution souscrits n'étaient pas manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine immobilier (350 000 euros) déclarés par M.[K] [P] et Mme [N] [P].
A titre surabondant, Mme [N] [P] née [Z] ne produit pas son avis d'imposition 2012 sur les revenus 2011 qui serait seul à même de démontrer ses revenus au moment de l'acte de cautionnement (et leur éventuelle disproportion manifeste).
Le caractère disproportionné de l'engagement de caution n'étant pas démontré ab initio, il n'y a pas lieu de rechercher si, au moment de sa mobilisation, l'engagement l'est devenu.
Il y a donc lieu de rejeter l'argument de la disproportion. La banque n'a commis aucune faute à l'encontre des époux [P]. Elle peut se prévaloir de ces cautionnements.
I - Sur les demandes formulées contre M. [P]
I.A. Sur l'engagement de caution du 15 mars 2010
Contrairement à ce que soutient M. [P], la circonstance que le numéro de contrat n'ait pas été rempli n'empêche pas de rattacher son engagement de caution du 15 mars 2010 au contrat Crédirect-Pro, utilisable par fractions renouvelables, prévoyant un droit de tirage de 20 000 € avec un premier renouvellement annuel en mars 2011 et une échénace finale en mars 2015.
Au titre de ce contrat Crédirect-Pro, M. [P] a tiré trois bons d'utilisation :
un premier bon, le 17 juin 2011, de 4 500 € (n° 06054066);
un deuxième bon, le 20 février 2012 de 7 600 € (n°06060131) ;
un troisième bon, le 24 février 2014, de 11 830 € (n°06075541).
C'est donc à tort que M. [P] prétend que ces trois bons d'utilisation seraient des contrats de prêts autonomes. Ils sont, en effet, à rattacher au contrat initial Crédirect-Pro et à son article 11 qui prévoit que : « la caution désignée aux conditions particulières se constitue caution solidaire de l'emprunteur jusqu'à complet remboursement à la banque du montant cumulé de toutes les utilisations de Credirect Pro ».
Le moyen soulevé par M. [P] sera écarté.
- sur l'indemnité forfaitaire de 10 %
Par ailleurs, M. [P] conteste les décomptes produits par la banque au titre des trois bons d'utilisation.
Il invoque l'article L.622-13 alinéa 1 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par l'article L.631-14, qui dispose qu'aucune résolution de contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Cette disposition interdit à un établissement bancaire de résilier les contrats en cours de son cocontractant du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective.
C'est donc à bon droit que M. [P] reproche à la banque de lui réclamer une indemnité forfaitaire de 10 % à ce titre, alors que la société ATR a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 16 juillet 2014.
- sur la demande de déchéance du droit aux intérêts
L'article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Les établissements de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement [...]
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l'établissement affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
Ce texte ne précisant pas la forme que doit revêtir cette information, celle-ci peut prendre la forme d'une lettre simple (Com. 17 juin 1997, n° 95-14.105, publié).
La banque est seulement tenue de prouver que l'information a été envoyée, non qu'elle a été reçue par la caution (Com. 2 oct. 2002, n° 01-03.921, publié), cette preuve pouvant être faite par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique (Com. 17 oct. 2000, n°97-18746, publié).
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi (Com. 3 oct. 2018, n° 17-19.382 ; Com. 17 avr. 2019, n° 17-31.390).
En l'espèce, la banque se borne à produire des lettres d'information annuelle, sans néanmoins démontrer qu'elles auraient été effectivement envoyées à la caution.
La déchéance du droit de la banque aux intérêts échus est donc encourue.
Il en sera de même pour tous les courriers d'information annuelle produits par la banque dans le présent dossier, tant à l'égard de M. [P] que de Mme [P].
Déchu du droits aux intérêts, le prêteur peut toutefois prétendre aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du débiteur (1re Civ., 26 novembre 2002, pourvoi n°00-17.119, publié).
- I.A.1. Sur le premier bon du 17 juin 2011, de 4 500 € (n°06054066)
Conformément au décompte produit (pièce n° 32), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 2 187,03 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06054066.
- I.A.2. Sur le deuxième bon du 20 février 2012 de 7 600 € (n° 06060131)
Conformément au décompte produit (pièce n° 31), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 4 150,78 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06060131.
- I.A.3. Sur le troisième bon du 24 février 2014 de 11 830 € (n° 06075541)
Conformément au décompte produit (pièce n° 33), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 12 019,39 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n° 06075541.
I.B. Sur l'engagement de caution du 14 novembre 2011
Conformément au décompte produit (pièce n° 34), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06057283.
II. Sur les demandes formulées contre Mme [P]
Comme pour M. [P], la déchéance du droit de la banque aux intérêts échus est encourue pour les mêmes raisons (absence d'information annuelle de la caution).
Conformément au décompte produit (pièce n° 34), il y a lieu de fixer la créance à la somme de 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt n°06057283.
Les époux [P] seront solidairement tenus au paiement de cette somme dans les conditions précisées dans le présent dispositif.
Sur les autres demandes
Le droit proportionnel, fixé par l'article A. 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 abrogé par l'article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016) reste à la charge du créancier, sauf lorsque la dette est due par un contrefacteur (article R. 444-55 du même code) ou un professionnel (article R. 631-4 du code de la consommation) sans qu'aucune autre dérogation ne soit prévue, la demande de la SA Banque populaire du sud tendant à ce qu'il soit dérogé aux dispositions régissant les charges de frais de commissaires (ex-huissiers) de justice sera donc rejetée.
Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [K] [P] et Mme [N] [P] supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan du 18 avril 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Juge que les cautionnements ne sont pas entachés de nullité,
Juge que les engagements des cautions n'étaient pas disproportionnés,
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
Condamne M. [K] [P] à payer à la SA Banque populaire du sud la :
en vertu de son engagement de caution omnibus du 27 juin 2013 et dans la limite de 71 500 € :
Solidairement avec Mme [P] en vertu de leurs engagements de caution cumulatifs du 14 novembre 2011 et dans la limite additionnelle de 52.000 € chacun : 20 176,20 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06057283 de 40 000 € du 15 novembre 2011,
En vertu de son engagement de caution cumulatif du 15 mars 2010 et dans la limite additionnelle de 26.000€ :
4 150,78 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06060131 de 7 600 € du 20 février 2012,
2 187,03 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06054066 de 4 500 € du 15 juin 2011,
12 019,39 euros outre intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2022 au titre du prêt 06075541 de 11 830 € du 27.02.2014,
Rejette la demande de la SA Banque populaire du sud relative à l'application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996,
Condamne solidairement M. [K] [P] et Mme [N] [P] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne solidairement M. [K] [P] et Mme [N] [P] à payer à la SA Banque populaire du sud la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT